24- "Stop"


                              ~ Position inconnue, Usa, 5 Novembre 1972 ~ 

     J'ignore ce dont parle Emma, il ne se passe rien en ce moment même. Puis ma tête se met à me lancer d'un coup. La douleur est insupportable, comme si quelqu'un était entrain de me déchirer le crâne en deux. De plus je sens mon esprit sombrer de plus en plus dans le noir jusqu'à ce que je ne distingue plus rien de ce qui m'entoure.

    Mon mal de crâne disparaît aussi vite qu'il était apparu. J'ouvre de nouveau les yeux et me rends compte que je suis seule. J'ignore où se trouve Emma mais en regardant autour de moi pour la chercher je me rends compte que je ne suis plus au même endroit qu'il y a quelques minutes. Autour de moi ce ne sont plus les parois irrégulières de la grotte que j'aperçois mais des murs blancs et parfaitement lisses. J'ignore totalement où je suis et comment j'y suis arrivée. Je décide de me mettre à explorer cet endroit pour comprendre ce qui s'est passé. J'arrive dans une pièce assez grande mais complètement vide. Il n'y a même pas de meubles, seulement des murs. Je pense que je suis dans une maison étant donné l'agencement des pièces, mais celles-ci sont toutes vides. Je vagabonde dans cette maison lorsqu'un mur attire mon attention. Contrairement aux autres il n'est pas entièrement blanc. Non, dessus il y a des traces de crayons qui se sont vraisemblablement effacées avec le temps. Ce mur...je m'en souviens très bien. C'est moi qui ai fais ces traces de crayons. Lorsque j'étais enfant j'adorais dessiner, seulement je n'attendais jamais d'avoir des crayons et des feuilles pour m'exercer. J'avais pris la mauvaise habitude de dessiner partout et sur tout, à tel point qu'un jour où je regardais maman faire la cuisine, je me suis mise à dessiner sur le mur. Maman ne l'a pas remarquée tout de suite ce qui m'a permis de finir mon dessin. Lorsqu'elle s'en est rendu compte elle a d'abord été surprise, puis elle s'est mise à rire à cause de ma bêtise. Mes parents n'ont même jamais voulu effacer mon dessin. Ce dessin sur le mur, c'est le mien, ce qui voudrait dire que je suis dans ma maison. Seulement c'est impossible puisque ma maison a été détruite, je suis moi-même retournée sur les décombres de celle-ci.

"- Tu as raison, c'est bel et bien ta maison, seulement c'est celle qui se trouve dans ton esprit et pas celle dans laquelle tu as vécu ton enfance. Tu es dans ton propre esprit Lucy, me dit une voix qui vient de derrière moi."

    Je me retourne et vois Emma. Mais à peine l'eus-je aperçue qu'elle s'en va ce qui a pour conséquence que je la perdes de vue. Je me lance donc à sa suite mais lorsque j'arrive dans le couloir qu'elle a empruntée je n'aperçois personne. Je m'avance dans la même direction qu'elle et regarde à l'intérieur de la première pièce que je rencontre. Celle-ci est vide. D'un coup j'entends un grand bruit, une sorte de "splash" qui a l'air de venir d'une pièce qui se trouve un peu plus loin. Il s'agit peut-être d'Emma. Je pose la main sur la poignée de la porte fermée de la pièce en question et tourne celle-ci. Lorsque j'entre je pense encore qu'il s'agit d'une pièce vide, seulement j'aperçois quelque chose dans un coin. Il fait trop sombre pour que je puisse distinguer de quoi il s'agit alors je décide d'appuyer sur l'interrupteur pour mieux y voir. Je cherche à tâtons pendant quelques instants mais trouve vite ce que je veux. Au début la lumière qui m'éclaire est tellement forte qu'elle m'empêche de distinguer quoi que ce soit, puis mes yeux s'accommodent à celle-ci. Puis je les vois. Il y a dans le coin de la pièce deux corps étendus par terre. Je m'approche doucement de ceux-ci en espérant qu'ils sont juste inconscients. Je m'aperçois que ce sont  un homme et une femme qui sont étendus là par terre. Leurs vêtements...ils me rappellent quelque chose. C'est lorsque je vois leur visage que je comprends. Je me mets à crier de toutes mes forces tandis que mes larmes se mettent à couler le long de mon visage. Mes parents. Ce sont mes parents qui sont étendus là par terre. Ils sont morts j'en suis sûre, ils l'étaient déjà la dernière fois que je les ai vu. Je baisse la tête et me prends celle-ci entre mes mains, et me mets à reculer vers la sortie de cette pièce. Je ne peux pas rester là. Les voir comme ça...J'ai l'impression d'être retournée le jour de l'accident de voiture. Le jour où j'ai compris ce qu'est la mort, et surtout où j'ai compris son caractère immuable.

    Je continue à reculer pas après pas et me retrouve de nouveau dans le couloir. Mes battements de cœur s'accélèrent de plus en plus. Je recule tellement que je me cogne contre le mur. Je baisse mes mains et relève ma tête en évitant à tout prix de regarder l'intérieur de la pièce dans laquelle je me trouvais il y a quelques secondes. Mais le couloir n'est plus le même. Les murs et le sol sont recouverts de quelque chose. Quelque chose de rouge, du sang. En voyant cela je me mets à courir pour enfin quitter cet endroit. Je suis complètement désorientée, je devrai déjà être sortie et pourtant les pièces et les couloirs se succèdent sans fin. Je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle et essayer de me repérer. Maintenant sur les murs ce ne sont plus des traces de sang que je distingue mais des inscriptions faites en sang. Les mots "mort", "souffrance", "destruction", "douleur", "solitude", "haine", "monstre", "détresse", "humanité" se succèdent sur ces murs et tournent en boucle dans ma tête. Je n'en peux plus j'ai l'impression que ma tête va exploser que mon cœur va sortir de ma poitrine.

    Je recommence encore une fois à courir mais sans trouver la sortie. J'entre dans une pièce dans laquelle il n'y a ni sang, ni cadavres, mais simplement quelques dessins sur les murs. Cette pièce, c'est ma chambre. Une fois à l'intérieur je referme violemment la porte et garde mes paumes appuyées sur celle-ci pendant quelques secondes durant lesquelles je reprends mon souffle. Mes larmes se remettent à couler tandis que je titube vers l'un des coins de la pièce. Je pose mon dos contre le mur et me laisse glisser le long de celui-ci pour finir recroquevillée sur moi-même complètement terrifiée. Des voix commencent à se faire entendre depuis le couloir. Au début elles se mélangent toutes puis je commence à les distinguer les unes des autres.

"Pourquoi tu ne nous as pas sauvé nous aussi ? me demande la voix de ma mère.

Je croyais que tu devais me protéger ! me cria la voix tremblante de mon petit frère.

Elle vous manipule, comme tous les mutants !! s'exclame Jack.

Tu n'es pas la bienvenue ici, s'insurge Emma.

Ta disparition a dû soulager tous ceux pour qui tu étais une charge ! Ah s'ils avaient su en plus quel monstre tu étais, dit en riant la voix de l'un des laborantins.

C'est toi qui aurais dû mourir par nous, me dit mon père.

- STOOOOOOP !! m'écriai-je n'en pouvant plus des choses que me disent ces voix."

    Je pleure de plus en plus fort n'arrivant pas à m'arrêter. J'entends quelqu'un souffler. Mais contrairement aux voix qui semblent lointaines, la personne qui vient de souffler semble être dans la même pièce que moi. Je relève lentement ma tête pour m'en assurer.

"- Tu es tellement pathétique, me dit Emma d'un air blasé."

    Je suis complètement figée. Ce qu'elle me dit ne m'atteint même pas. Non, c'est ce qui se trouve derrière Emma qui m'effraye. Derrière elle je vois des cadavres amoncelés les uns sur les autres. Il y en a tellement...des dizaines au moins.

"- Qu'est-ce...qu'est-ce que c'est ? lui demandai-je d'une voix tremblante en levant le bras droit pour pointer du doigt les cadavres qui se trouvent derrière Emma.

- Ça ? dit-elle en se retournant, ce sont toutes les personnes qui sont mortes alors que tu étais dans les parages. Tu en as tellement tué que tu ne les reconnais plus ? Regarde bien, il y a tes parents, ton frère aussi, toutes les personnes du complexe, Tom, et même Jack, finit Emma avec un grand sourire. Tu ne vois donc pas l'évidence ? Partout où tu passes les morts s'accumulent. Après tout ça n'est pas pour rien si dans ce laboratoire ils t'avaient surnommé "Rokh" comme l'oiseau mythique du même nom, qui est le funeste présage d'une mort imminente surgissant comme la foudre. "

    Je porte mon regard sur ces cadavres et les fixe un par un. Elle a raison, ce sont tous des personnes que j'ai connues. L'un des visages attire plus que les autres mon regard. C'est le mien, j'ai les yeux ouverts et mes propres yeux me fixent. Je me mets à frissonner, comment est-ce que je peux me voir moi-même ? Puis en tournant la tête je m'aperçois qu'il y a d'autres corps qui sont les miens. Ces corps, je crois qu'il s'agit de tous ceux que j'ai eus au cours de ma vie...

"- Je suis désolée, dis-je faiblement.

- Tes excuses ne les ramèneront pas à la vie, s'exclame Emma toujours en souriant. Cet endroit c'est la représentation de ton esprit, c'est ce qu'il y a d'encré au plus profond de toi. Il n'y a que la mort qui t'habite. C'est pourquoi tu t'effondreras bientôt.

- C'est faux ! C'est toi qui crée cette illusion dans mon esprit, sors de ma tête ! m'exclamai-je.

- Non. C'est l'accumulation de ce que tu as vécu qui a créé ça. Regarde toi, me dit-elle en me montrant un miroir qui se trouve sur sa droite."

    Je tourne la tête vers celui-ci et y vois un reflet. Mais le reflet que me renvois le miroir n'est pas le mien, c'est celui de l'enfant que j'étais à huit ans.

"- Je ne comprends pas, dis-je en tournant la tête vers Emma.

- On dirait vraiment que tu ne m'écoutes pas, me répondit-elle en soufflant, je te l'ai déjà dis, tu es toujours une enfant dans ton esprit, tu es restée bloquée au moment où tu as découvert tes pouvoirs."

    J'allais répondre lorsque tout ce qui se trouve autour de moi se met peu à peu à disparaître. Après quelques secondes je me retrouve seule dans le noir, puis je disparais moi aussi.

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