Chapitre 17 - Les larmes du ciel

Souvenir

La pluie tombait à flots cette nuit-là. Ses larmes avaient disparu, s'étaient perdues parmi celles du ciel. Ses cheveux noirs lui tombaient sur le front et gouttaient sur son visage. Ses vêtements lui donnaient froid mais il prit sur lui pour ne rien laisser paraître. Deux autres personnes se tenaient en face de lui. Une femme aux cheveux blancs et un homme imposant aux cheveux aussi noirs que les siens. Tous trois étaient mouillés jusqu'à la moelle et aussi éprouvés les uns que les autres mais aucun ne fléchis un seul instant. Les vêtements tachés de sang de la femme collaient à son corps et l'homme, bien que torse nu, tentait de la réchauffer. Elle paraissait ne pas pouvoir tenir seule sur ses jambes, son visage était presque aussi pâle que ses cheveux et il exprimait une grande fatigue et une douleur toute aussi immense. Le visage de l'homme, quant à lui, ne témoignait que de son épuisement.

La jeune femme se détacha des bras de son amant pour s'avancer vers le garçon en face d'elle et lui remettre quelque chose qu'elle tenait cachée tout contre son ventre jusque-là. Le ballot de tissu s'agita lorsqu'il quitta la chaleur toute relative des bras de sa mère.

Un nourrisson.

En entendant les pleurs de son enfant, la jeune femme senti ses jambes céder sous elle mais heureusement deux bras puissants la rattrapèrent et l'homme derrière elle, le père de l'enfant, la serra contre son torse et murmura des paroles rassurantes à son oreille avant de faire un signe de tête au jeune homme qui lui faisait face.

Ce dernier regarda le bébé et lorsque ses yeux plongèrent dans ceux du nourrisson, l'enfant cessa de pleurer et le jeune homme eut le sentiment que quelque chose en lui venait de changer irrémédiablement. Alors que ces yeux, pour l'un bleu, d'un bleu aussi beau et profond que l'océan, et l'autre de la couleur de l'ambre, le fixaient, alors qu'il s'y perdait corps et âme, il se dit que jamais il ne pourrait oublier tout ce que ce regard lui avait murmuré silencieusement ce soir-là. Aussi bien qu'il ne pourrait l'expliquer avec des mots.

-Issam ?

La jeune femme le sorti de sa transe et il se retourna pour la voir. Derrière elle, le jeune père hocha la tête et Issam vit une lueur qu'il ne reconnut pas dans son regard. C'était comme s'il le comprenait alors que lui-même n'avait aucune idée de ce qu'il venait de se passer.

Le jeune homme hocha la tête à son tour avant de sortir une petite dague de sa botte.

-Ce n'est rien, Amour, chuchota le jeune père à l'oreille de sa bien-aimée quand elle frissonna à la vue du couteau.

Issam tenta doublier les regards sur lui et les souvenirs de sa douleurs encore trop frais dans son esprit et fixa son attention sur lenfant dans ses bras. Il serra la main sur la lame. Le sang perla sur sa paume et se mélangea à la pluie. Il prit ensuite la main du nourrisson et, de la pointe de sa dague, fit poindre une gouttelette de sang au bout de l'index du bébé.

-Chut, ça va. Ce n'est rien, murmura le jeune homme comme l'enfant se remettait à pleurer.

Il prit ensuite sa main dans la sienne et leurs sangs se mélangèrent. Issam se concentra sur le contact de sa peau avec celle du nouveau-né, sur la chaleur émanant de son petit corps, les battements de son coeur. Il tissa un fil de son esprit à celui du petit être qui reposait dans ses bras. Quand il senti s'allumer dans sa tête une petite lueur, quand il senti un sentiment de peur et d'incompréhension qui ne lui était pas propre, il sut qu'il avait réussi. La première chose qu'il ressenti ensuite fut la culpabilité. Il avait l'impression de trahir quelqu'un de cher à son coeur. Et puis un sentiment de plénitude et de bien être l'emplit tout entier. Son calme finit par gagner l'enfant nouvellement né qui vint se lover plus encore contre le torse du jeune homme avant de s'endormir, son minuscule poing taché de sang. Son sang à lui.

Issam finit par relever la tête et il réalisa alors que l'averse s'était transformée en légère bruine.

-Issam...

Il tourna la tête vers la jeune mère. Elle paraissait sur le point de s'effondrer. Elle ouvrit la bouche pour parler mais aucun son n'en sorti et elle fondit en larmes.

-C'est pour son bien, Amour, murmura l'homme à ses côtés en la pressant contre son torse puissant. Chut... Elle nous reviendra, je t'en fais la promesse, Liana. Chut, Amour, soit forte.

Il fit tout pour contenir son émotion, malgré cela sa voix trembla lorsqu'il prononça les derniers mots.

Au bout de quelques minutes, la femme se retourna pour faire face à Issam et releva le menton avant de dire d'une voix faible mais qui prouvait sa force.

-Issam, prends soins de ma fille. Protège mon enfant à n'importe quel prix. Je t'en conjure, aime-la comme j'aurais du pouvoir le faire, autant qu'elle le mérite. Donne-lui tout ce dont elle aura besoin.

Sa voix se brisa sur un sanglot déchirant mais elle poursuivi.

- S'il-te-plait, je peux la tenir ? Une dernière fois...

Elle paraissait sur le point de se briser elle aussi, mais elle resta le dos droit et la tête haute alors qu'Issam déposait délicatement le bébé dans ses bras. Ceux-ci donnaient l'impression d'avoir été fait pour la petite fille et cette dernière poussa un soupir d'aise lorsqu'elle fut dans les bras de sa mère.

« Issam. »

La voix du jeune père résonna dans la tête du garçon.

« Cumha ? » Répondit-il par la pensée lui aussi.

« Merci. Je sais à quel point ce doit être dur pour toi. De tout quitter, mais surtout après...»

Il n'avait pas besoin d'en dire plus ; la douleur raisonnait encore dans la poitrine du jeune ange.

Tous deux hochèrent la tête et Cumha rejoignit sa fille pour lui faire ses adieux.

Issam décida de leur laisser un peu d'intimité et parti chercher les affaires qu'il avait préparées à la hâte et mis à l'abri de la pluie dans une cavité rocheuse.

Liana, quant à elle retenait ses larmes alors qu'elle murmurait à l'oreille de sa fille.

-Je ne supporte pas l'idée qu'on t'enlève à moi si vite. Mais je te promets que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu me reviennes, mon ange. Issam prendra soin de toi, j'en suis certaine.

Et puis tandis qu'une larme roulait sur sa joue elle chuchota « Malec » avant de déposer un baiser sur le front du bébé endormi.

-Malec ? Releva Cumha, l'ombre d'un sourire dansant sur les lèvres. « Ange » C'est beau.

-Ennora Malec De Silva.

-Ennora Malec De Silva, répéta-t-il doucement avant de déposer un baiser sur le front de sa fille puis dembrasser la tempe de Liana.

Ils passèrent plusieurs minutes ainsi, Liana dans les bras de l'homme qúelle aimait à regarder son enfant dormir dans ses propres bras, comme elle aurait voulu pouvoir le faire toute sa vie, Cumha serrant dans ses bras les deux femmes de la sienne. Mais la pluie qui se remit à tomber violemment les ramena à la réalité.

À contrecoeur la jeune femme déposa à nouveau son bébé dans les bras de celui qui allait veiller sur elle dorénavant.

-Elle s'appelle Ennora, dit Cumha comme Issam se détournait pour prendre la route, l'enfant dans les bras.

Se retournant, le jeune homme répéta ;

-Ennora.

Liana, la gorge nouée ne put qu'hocher la tête avant qu'Issam ne parte sans se retourner.

Il fixa son attention sur Ennora et tenta du mieux qu'il put de la protéger des trombes d'eau que le ciel déversait sur eux. Les cieux pleuraient eux aussi. Ils pleuraient la douleur d'une femme qui venait de perdre son enfant alors âgé d'à peine quelques heures.

Dès que sa fille disparu de son champ de vision, Liana s'écroula, laissant libre court à ses larmes. Cumha s'agenouilla dans la terre mouillée et serra son amante dans ses bras, ses propres larmes se perdant dans celles du ciel. Il lui était difficile de perdre sa fille, bien sûr, mais il avait vu le regard du jeune homme. Issam prendrait soin d'elle, il en était certain. Non, le pire pour lui était de voir la douleur de sa bien-aimée sans pouvoir rien faire pour alléger sa peine. Liana était éprouvée par l'accouchement et la tête lui tournait à cause du sang qu'elle avait perdu. Sa fatigue était immense mais sa peine l'était plus encore. Elle avait le sentiment d'avoir échoué. D'avoir abandonné sa fille. La jeune femme était consciente qu'elle n'avait d'autre choix pour la protéger, mais la séparation n'en était pas moins difficile. Les bras de Cumha seuls l'empêchaient de tomber. Elle se serra plus encore contre son torse nu. Elle se fichait d'être mouillée jusqu'aux os, elle se fichait d'être assise par terre dans l'herbe mouillée. Peut-être ne le réalisait-elle-même pas. Pendant plusieurs heures ils restèrent ainsi, Cumha berçait la jeune femme, lui murmurant des paroles apaisantes et lui caressant les cheveux, jusqu'à bien après qu'elle se soit endormie.

Issam, lui, continuait d'avancer vers un monde lointain, Ennora endormie dans ses bras, tourné vers un futur incertain avec comme seule certitude, qu'il la protégerait au prix de sa vie s'il le fallait. Que cette fois il ne laisserait rien ni personne lui faire du mal.

-§-

Je sais, je sais, j'ai du retard. Beaucoup de retard. Mais pour ma défense, ce chapitre est assez long et surtout j'y ai mis tout mon coeur (piètre défense je sais, je ne compte pas devenir avocate dieux soit loué).

J'attends vraiment avec impatience vos réactions pour ce chapitre alors laissez un petit commentaire... ^^

Bisous.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top