Chapitre 12 - Culpabilité
Issam
Je me retins de justesse de claquer la porte. Inutile de l'effrayer encore plus. À peine avais-je franchi le seuil de l'infirmerie que je retirai mon haut, le roulai en boule et le lançai par terre. Quelques pas plus loin je fléchis les genoux et m'élançai. Je me fichais pas bien mal de ce qu'on pourrait dire, j'avais besoin d'évacuer et ici la seule chose que je pouvais faire sans rien casser c'était voler. Je survolais le village et les arbres alentours jusqu'à trouver ce que je cherchais. Lorsque je vis une percée dans le feuillage dense des arbres je ralenti et fini par me poser habilement sur la branche large d'un géant vert. Celui-là même sur lequel je me tenais sept semaines plus tôt. Avant que... que cette bête n'attaque Ennora. Avant que tout ne parte en vrille.
J'avais l'impression que c'était il y a une éternité. Et pourtant je me souvenais de chacun des pas quelle avait fait dans cette clairière. J'ai eu sept semaines pour me les repasser en boucle. 'Jai cru la perdre plus d'une fois, je n'ai pratiquement pas dormi et je m'en suis voulu, tellement voulu. Je m'en voudrai toute ma vie. À chaque fois que je verrai cette cicatrice je repenserai à combien j'ai merdé. Je devais la protéger et tout ce que j'ai réussi à faire a été de foiré coup sur coup. Elle n'aurait jamais dû Rentrer à cet endroit. Elle aurait dû arriver directement près de son arbre. Et j'aurais été là pour elle, je n'aurais pas mis des jours pour la retrouver, on n'aurait pas croisé le chemin de cette chose et...
Je poussai un profond soupir et passai une main dans mes cheveux. Il ne servait à rien de ressasser le passé. Je devrais plutôt être avec Ennora, la réconforter, la rassurer. Au lieu de quoi j'étais là, les bras ballants, parce que ma petite soeur m'avait congédié. Et là encore c'était parce que j'avais merdé.
Quand Ennora c'était réveillée, il y a trois jours, en pleurant, j'avais cru défaillir de soulagement. Et puis elle s'était mise à convulser et une fois encore j'ai senti mon coeur s'arrêter et j'ai failli assommer Izzy quand elle m'a empêché de la voir. J'ai dormi devant la porte et je n'en suis pas parti jusqu'à ce qu'elle se réveille. Et quand enfin j'ai pu lui parler, j'ai tenté de garder mon calme mais j'étais à nouveau face à cette cicatrice qu'elle garderait toute sa vie à cause de moi, j'ai pensé à ce qu'elle ressentirait et j'ai eu envie de me jeter du haut d'un arbre.
Je baissai les yeux sur les racines de celui sur lequel je me tenais, deux cents mètres plus bas. De toute façon je me relèverais. Et puis elle aura besoin de moi.
Je poussais un nouveau soupir et sautai de mon perchoir pour atterrir souplement sur mes pieds. Ma jambe droite, celle que j'avais cassée, grinça un peu mais je ne fis pas cas de la douleur qui se propagea dans ma cuisse. Je me mis à marcher à travers l'herbe haute de la clairière. Je pouvais presque la voir danser autour de moi. Sentir qu'elle était paisible. Je donnerais tout pour sentir ça plutôt que le sentiment de désespoir qui venait de s'ajouter au mien. J'eus une furieuse envie de la serrer dans mes bras à l'en étouffer, de sécher ses larmes qui me brûlaient le coeur comme autant d'acide.
Mais je ne pouvais pas. Parce qu'Elizabeth m'avait clairement fait comprendre que j'étais de trop, que j'étais un boulet dont Ennora n'avait pas besoin. Comme si je ne le savais pas déjà.
Je passai encore une fois la main dans mes cheveux et me dit qu'un vrai bain ne me ferait pas de mal. Rien ne pourrait m'en faire plus que ce sentiment d'impuissance et de culpabilité de toute façon. Je levai la tête vers le ciel, hésitait un instant et fini par me décider à marcher. Je savais exactement où aller et comment y aller malgré toutes ces années que j'avais passées loin d'ici. Je fis néanmoins un détour. Et par détour j'entends que je mis deux heures de plus à y arriver. Pendant tout le trajet je me concentrai sur la douleur qui montait dans mes jambes, surtout dans la droite. Sur la tension dans mes muscles. J'aurais voulu pouvoir cacher les maux de mon coeur, de mon âme par ceux de mon corps. Mais aucune blessure physique ne pourrait être plus forte que ce qu'Ennora ressentait. Que ce sentiment de détresse que je ressentais à travers le Lien. J'avais envie de frapper dans quelque chose. J'avais surtout envie de me frapper en fait.
Mais bientôt l'air autour de moi se réchauffa et le gargouillis de l'eau se fit entendre, me sortant de mes pensées moroses. Je m'approchai de la source chaude et m'arrêtai quelques instants pour regarder ce paysage qui m'avait tant manqué.
La plus grande bassine, peu profonde, devait faire cinq mètres de diamètre. Elle était entourée de quatre autres bassines d'environ un mètre de largeur chacune. Celles qui se trouvaient le plus proche de la montagne étaient les plus chaudes et de grande bulles bouillonnaient à leur surface. J'en choisis une et serpentais entre les autres sources pour l'atteindre. Je retirai le reste de mes vêtements et me plongeai jusqu'à la taille dans l'eau brûlante. La douleur ne m'aida pas à oublier ma culpabilité ou à étouffer les sentiments d'Ennora qui hurlaient dans un coin de ma tête. Alors je fis ce que je m'étais interdit de faire jusqu'à maintenant. Je n'en pouvais plus de ce sentiment qui rongeait mon âme et je savais qu'Elle était avec ma soeur au village, parfaitement en sécurité, du moins tentai-je de m'en persuader. Alors je fermai les yeux, poussai un profond soupir et après avoir demandé mentalement pardon à Ennora, j'éteignis mes sentiments. Tout ce qui me reliait à Elle par la même occasion. Je fis taire le Lien, et plongeai dans l'eau bouillante.
-§-
Salut tout le monde,
Voilà le p'tit indice de ! ;)
Alors, que pensez vous de cette histoire de Lien ?
Et les révélations sur Issam ?
Des hypothèses pour la suite ?
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