Des opportunités, il en existe des quantités. Des choix, pas forcément évidents, une possibilité à laquelle on n'avait pas pensé. Parfois, les opportunités ne nous apparaissent pas comme telles. Parfois, on croit en voir là où il n'y en a pas. Peut-être que je suis de ces personnes là, peut-être que je suis prêt à prendre trop de risques. Mais pour l'instant, je suis piégé, je ne sais pas quoi faire.

Je sais où elle habite.

Je l'ai raccompagnée hier soir. Quand je pense que c'est Josh lui-même qui l'a invitée au café. Ca ne peut pas être une simple coïncidence de l'avoir vue deux fois en une seule journée. J'ai pu lui parler. Je veux la revoir, la connaître.

Je veux l'embrasser, poser mes lèvres sur les siennes.

Je ne peux pas être amoureux d'elle, je sais à peine qui elle est. Et pourtant, je crois que je l'aime déjà. Sa voix légère, ses cheveux trempés transformés en cascade couleur miel, le résidu de chocolat chaud laissé au dessus de sa lèvre supérieure, son regard orageux rempli d'incertitude. J'ignore tout d'elle, mais j'ai déjà capté le plus important. Elle est une étoile, venue briller de son éclatante lumière dans mon ciel noir empli de monotonie. Mon étoile. Une constellation plus précieuse qu'aucune ne l'a jamais été. Mais voilà déjà que je m'avance trop sans même m'être posé la plus importante des questions. Pourrait-elle accepter et me rendre ce que je suis prêt à lui donner ?

Et puis il y a cette aura de mystère qui lui colle à la peau. Je ne peux pas me résoudre à l'appeler Anaïs. La façon même dont elle a prononcé ce nom m'a tout de suite fait réaliser que quelque chose n'allait pas. J'ai été le seul à déceler les mensonges qui ont suivi. Anaïs n'est qu'une façade, j'en suis persuadé. Je veux découvrir ce qui se cache en dessous à tout prix.

Une personne frappant à la porte de ma chambre m'interrompt dans ma réflexion.

-Je suis occupé.

Hannah entre, même si je ne lui en ai pas donné la permission. Elle est d'un pénible. Autant elle est beaucoup plus sympathique que dans mon souvenir, autant elle me prend toujours pour un gamin.

-Ce n'est pas ce que j'appelle être occupé, déclare-t-elle.

Je suis confortablement installé dans mon canapé, les jambes en tailleur. En apparence je ne fais rien du tout, mais Hannah ne me connait pas. Elle ne peut pas savoir que derrière mon air calme, mes pensées sont tumultueuses. Malgré tout, je n'en dis rien, je ne ressens pas le besoin de me justifier.

-Qu'est-ce que tu veux Hannah ? dis-je, un brin agacé.

-Si je te réponds rien, tu me crois ?

-Bien que non.

-Dommage. Eh bien, je tente de m'acclimater parmi les singes, en reproduisant leur mode de vie.

-Ah, ah, ah. C'est très drôle et très fin. Est-ce que tu es au courant que si ma mère est ta tante, logiquement toi aussi tu es un singe.

-Qu'est-ce qu'on a à foutre de la logique !

-Dis voir, ton français est presque parfait Hannah.

-Ecole européenne, cours intensifs et meilleur ami français, voilà la recette. Mais plus sérieusement, c'est ta mère qui m'envoie, la mienne est sur le point de partir.

Si Liz a passé la nuit chez nous, elle repart aujourd'hui pour son boulot. C'est comme ça tous les ans. Il ne restera bientôt plus d'autres traces de ma tante dans la maison que celles du reste de sauce à la menthe qui n'a pas été versé sur le poulet de la veille.

-Alors, elle va te manquer ta petite maman ? dis-je pour taquiner Hannah.

-Tu parles, bonjour la liberté ! Surtout qu'à vingt ans je pourrais vivre seule. Mais comme ma fac n'est pas loin, ma mère a refusé que je loue un studio, elle dit que c'est inutile. J'aurais pu partir en vacances avec des potes, mais non, impossible, maman poule toujours au poste !

-Elle rit, d'un rire léger. Ca lui prend souvent, elle rit de tout et de rien. J'adore ça. Mes malgré le grand sourire de ma cousine, je vois derrière des blessures qui n'ont pas fini d'être pansées, trahies pas son visage osseux ou par ses jambes encore fines, bien trop fines.

-Plus sérieusement, je m'ennuie. Du coup, je suis venue voir mon petit cousin adoré pour qu'il me trouve quelque chose à faire !

-Hé, je ne suis pas petit ! je réplique avant de me rendre compte que j'ai vraiment l'air d'un gamin en disant ça. Pourquoi est-ce que tu ne demandes pas à Josh ?

- Pourquoi je ne te demanderais pas à toi ?

Je n'avais vraiment pas envie d'être dérangé, et voilà que j'ai Hannah sur le dos. Je soupire un coup avant de la questionner :

-Tu veux jouer ?

-Jouer ? Mais à quoi ? s'étonne-t-elle.

J'indique ma commode où repose une télévision.

-A un jeu vidéo, bien entendu.

Elle fait la moue, peu convaincue. Aurais-je trouvé le moyen de me débarrasser d'elle ?

-J'aurais pensé plutôt aller dehors, c'était plutôt sympa hier soir. Mais c'est bon, on peut jouer.

-Tu connais quoi ?

J'adore les jeux de stratégie guerrière depuis des années, quitte à passer des journées enfermé dans ma chambre au grand regret de ma mère qui considère que ce sont des « destructeurs de cerveau ». Mes favoris sont ceux qui ont en plus un rapport avec la mythologie. Mais évidemment Hannah est loin d'avoir les mêmes goûts.

-Mario Kart ?

-On en a la bonne console et le jeu dans le salon, mais si tu veux, je peux les ramener ici, dis-je.

Me voici devenu esclave de ma cousine. Mes parents ne pourront pas dire que je ne mets pas de bonne volonté.

Serait-ce le retour de Dobby l'elfe de maison ?

Quelques minutes plus tard, je suis occupé à brancher la machine après avoir parcouru la maison accompagné de Hannah me suivant comme un petit chien. C'est le moment que choisis Josh pour entrer, tel une mouche attirée par le miel. Il faut que je me calme sur les comparaisons animales.

-A quoi vous allez jouer ? demande Josh, visiblement très intéressé.

Hannah lui répond et il demande à jouer avec nous, étant donné qu'il y a assez de manettes pour trois. Je souffle une ultime fois en songeant qu'elle avait autant aller voir mon frère tout de suite si elle s'ennuyait. Nous commençons enfin à jouer, tous les trois assis par terre.

-Mais qui est-ce qui a choisi les pseudos des Mii ? s'écrie Hannah ? (Les Mii sont les avatars des consoles Wii)

-A ton avis... commence Josh moqueur. Andrew et son délire, je n'ai jamais rien compris.

Une fois, lorsque j'avais treize ans, j'avais changé tous les noms des avatars, remplaçants les prénoms des membres de la famille et des amis par ceux de dieux, héros et monstres grecs. Je ne sais pas vraiment ce qui m'avait pris, mais ça avait plutôt amusé mes parents qui avaient interdit à Josh de les changer, qui trouvait que Python allait très mal à son copain Pierre. Je n'ai jamais aimé Pierre. C'est pourquoi nos Mii s'appellent Poséidon, Arès et Perséphone. Mon frère peut bien en rire, lui-même n'a aucune véritable passion.

Une fois les courses commencées, Josh et moi nous disputons la première place tout en discutant pendant que Hannah est occupée à râler que nous la déconcentrons. Lorsque qu'elle finit par prendre du poil de la bête que son niveau se rapproche du notre, son bavardage devient incessant, une vraie pipelette :

-Au fait, tu comptes revoir Anaïs ?

-Anaïs ? je balbutie.

-Tu sais blonde, jolie, trempée jusqu'aux os, ne me dis pas que tu l'as déjà oubliée ? Hier soir tu n'avais yeux que pour elle ! s'exclame Josh.

-Eh mais c'est n'importe quoi !

-On n'est pas aveugle, tu sais Drew... murmure Hannah.

-Ne m'appelle pas comme ça ! je m'écrie en colère. Vous ne savez pas de quoi vous parlez.

-Enfin, je t'en prie, si je n'avais pas vue qu'elle te plaisait autant, tu crois que je me serais arrêté à lui proposer de prendre un café ? dit Josh.

L'idée qu'elle ait pu l'attirer me rend fou et me met dans une rage noire. Il n'a pas le droit. Pas le droit de sous-entendre que s'il ne l'a pas vraiment draguée c'était par générosité. Mes muscles se contractent alors que je réprime mon envie de crier, de frapper. Quels que soient les sentiments que j'éprouve, ils sont mon jardin secret, connus de moi seul. Si Hannah et Josh ont pu me lire aussi facilement, est-ce le cas de tout le monde ? Je me calme, je n'ai pas à faire subir des accès de colère trop violent qui n'ont même pas vraiment lieu d'être.

-Est-ce que c'est si visible que ça ?

Ils acquiescent en silence. Je ne peux plus qu'espérer qu'elle ne se soit rendu compte de rien. Ce serait bien trop honteux.

-Tu admets donc qu'elle te plaît ! dit Josh.

-Tu n'as pas en avoir honte, ajoute Hannah avant que j'ai pu avoir le temps de répliquer quoi que ce soit.

-Je l'avais déjà vu hier matin sur la promenade, j'avoue finalement.

-Je veux les détails croustillants ! s'exclame ma cousine.

-Je crois que c'est pour le moment pour dire que je suis actuellement sur Léane Bévoix... dit très rapidement Josh.

Je tousse et manque de m'étouffer. Sur l'écran, la voiture de mon personnage vole dans le décor.

-Comment ça ? je m'écrie.

NDA: Salut! Ce chapitre est prêt depuis des lustres, je m'excuse de ne pas l'avoir posté plus tôt. Dites moi si vous avez aimé ce chapitre, et sinon laissez vos critiques :)

J'espère que vous avez tous passé une bonne rentrée et que tout a bien pour vous. Personnellement j'en suis contente, mais étant donné la surcharge de travail, je ne peux pas beaucoup écrire, j'ai déjà du mal à lire un livre hors week-end. Mais je peux déjà vous dire que je n'abandonnerai pas cette histoire de sitôt!