Chapitre 13 : La malade (imaginaire)
- MARTIN -
J'attendais avec impatience à l'hôpital, au dernier étage de l'orphelinat. Une conversation avec ma mère avait suffit pour que je les fasse changer de décision : Mahaut allait revenir. Seul cela comptait.
Catherine Luvois, l'infirmière en chef, me laissa aller voir Mahaut. Elle se trouvait dans une petite pièce blanche du sol au plafond, en passant par les meubles.
La nuque reliée à un Contrôleur, le bras à un tuyau, elle était immobile.
- Mahaut, tu vas bien ?
Elle semblait me regarder sans me voir, comme si elle voyait à travers un fantôme.
- Tu dois te remettre, d'accord ? Tu vas sortir de là, je te le promets. Oublie tout ça et tout ira bien de nouveau. Je t'aime, Mahaut.
J'essuyais la larme qui perlait à mes yeux et caressait la joue de la jeune femme. Ses cheveux roux éparpillés sur l'oreiller ressemblaient à une auréole autour de sa tête.
- Tu ne t'en souviendras probablement pas, mais je voulais te l'avouer, au moins une fois.
Catherine rentra dans la pièce, en me chassant prestement.
- Alors, ma grande, s'exclama-t-elle, il est l'heure de prendre ton médicament !
J'observais la scène familière sans ressentir d'émotion particulière. Ou peut-être ressentai-je de la joie, comme Mahaut allait revenir.
Catherine força la barrière de sa bouche pour lui faire avaler plusieurs cachets à la belle couleur vert canard. Puis elle murmura à son oreille quelques paroles rassurantes, dont je parvins à capter quelques bribes.
Je m'éclipsais discrètement. Tout allait bien se passer. Même lorsque je vis Marlyne se faire enfermer de force dans une seconde chambre, je me rassurais. Peu importe qui était blessé, peu importe les sacrifices qu'il faudrait faire. Tant que ce n'était pas Mahaut, cela m'allait.
- JOY-
Après avoir vu Marlyne se faire emmener et Baptiste tomber à genoux, je me précipitai vers lui.
Les enfants n'avaient pas ratés une miette de ma réaction, Sara et Samantha me rattrapant avant même que j'atteigne le jeune homme.
- Je peux faire quelque chose ? demanda Sara.
Elle paniqua envoyant le fier Baptiste, toujours si sûr de lui, à présent échouer sur le sol. Comme si le ciel venait de s'écrouler sur ses épaules, que sa raison de vivre venait de disparaître.
- Est-ce vous pouvez vous gérer seuls ? demandais-je aux deux jeunes filles. Si tu pouvais toi ou un des grands, chercher Raphaëlle, je...
- Joy. Ne t'inquiète pas, murmura Sam. Je ramènerais Raphaëlle en moins de cinq minutes. Je suis rapide.
- Et je surveillerais les sales mômes en attendant, conclut Sara. Ne t'inquiète pas, va. À part Jean-Lou, nous sommes tous assez grands pour se tenir un peu sans toi.
- Merci. Vraiment, merci !
Je me précipitai aux côtés de Baptiste, qui leva son visage ravagé par les larmes vers le mien. Je ne lui avais jamais parlé et je ne savais pas comment débuter cette conversation.
- J'ai tout vu, fis-je avec hésitation. Que se passe-t-il ?
- Ces connards disent que Marlyne a choppé le même virus... c'est complètement con, ils auraient jamais pu le savoir comme ça et elle allait très bien avant qu'ils ne l'emmène !
Il fixait toujours la porte où elle avait disparue. Je voyais qu'il envisageait sérieusement de rendre visite à l'infirmerie au plus tôt.
- Je suis trop con, jura-t-il, tout ça c'est ma faute. Je suis sûre qu'elle s'est juste fait choper à fumer de la beuh... j'espère qu'il ne lui arrivera rien.
- Tu sais quoi ? Martin m'a dit que Mahaut allait sortir de l'infirmerie aujourd'hui... ça se trouve ce n'est qu'une erreur ? En attendant, reste tranquille et ne te fait pas remarquer, je pars au la pêche aux infos.
Baptiste se leva, prêt à me suivre, mais je l'en empêchais.
- Je veux y aller discrètement, soulignai-je, pas avec un gars de presque deux mètres de haut qui nous fera repérer en deux-deux.
Baptiste soupira et me fit promettre de lui parler de ce que j'apprendrai. Évidemment que je le ferai, je n'étais pas si cruelle.
Je jettais un coup d'oeil aux enfants dans le parc. Sam traînait Raphaëlle par la manche. Les renforts étant arrivés, je n'avais aucune raison de ne pas partir dans l'immédiat. Ainsi, je courus jusqu'aux escaliers et je ne ralentis qu'en arrivant au dernier étage, complètement essoufflée.
Cachée dans la cage d'escaliers, je tendis l'oreille derrière la porte, quand la voix de Martin se fit entendre.
‐ Catherine, merci de m'avoir fait confiance.
- Je le fais pour égard à la directrice. Mais je te préviens, si je tombe encore sur cette fille ici, je ne pourrais plus rien pour la couvrir. Je te conseille de faire ton boulot et de mieux la surveiller.
- Cela ne se reproduira plus.
Il y eu un blanc où je tentais de coller davantage mon oreille à la porte.
- Qu'allez-vous faire de Marlyne ? demanda-t-il, une sorte d'hésitation dans la voix.
- Elle sera interrogée. Comme elle ne sait sûrement rien, on devra effacer sa mémoire. Sauf que cette pauvre fille est complètement camée, je ne sais même pas si le processus pourra donner quelque chose.
- Fais de ton mieux, fit Martin.
Une nouvelle pause s'insinua, où j'étais sur le quivive. Jusqu'au moment où la porte des escaliers s'ouvrit, me percutant au passage.
C'était Martin.
- Qu'est-ce que tu fiches ici ?
- C'est évident. Voir Mahaut, fis-je d'un ton faussement désinvolte, l'air de ne rien avoir entendu. Puisque tu m'as dit qu'elle pouvait sortir.
Martin me regarda avec un regard froid, celui qu'il arborait toujours quand Mahaut n'était pas dans les parages.
- Elle revient ce soir, peut-être demain matin. Ils doivent vérifier qu'elle va vraiment bien.
- Bien sûr... je vais partir, alors.
- Joy.
- Quoi ?
- Mahaut ne doit plus faire les mêmes conneries. Je suis sûr que tu le comprends. C'est pourquoi je ne dirai pas que tu étais là. En échange, garde-la en sécurité.
Je souriai. La garder en sécurité ? Quelle blague ! Comme si c'était ce qu'il voulait. Je l'ignorais superbement et redescendis les escaliers en vitesse. À peine étais-je arrivée en bas qu'une nouvelle annonce retentit dans les hauts-parleurs :
«Marlyne Mary a été touchée du même virus que votre camarade. Nous vous prions désormais de rester éloignés de l'infirmerie. Vous devrez passer par mon bureau pour toutes demandes de soin. Merci de votre compréhension, votre directrice.»
Comment pouvais-je l'annoncer à Baptiste ? Devais-je lui mentir ou lui apprendre la vérité ?
Je me décidais rapidement. Je devais mentir, je n'avais pas le choix. Mahaut me croyait parce que nous nous faisions confiance. Les autres ne croiraient jamais sans preuve, de toute évidence. Moi-même je ne comprenais encore rien, alors comment pouvais-je réussir à le faire comprendre aux autres ?
Baptiste m'intercepta dans le hall, me harcelant de questions.
- Comment peut-elle être malade ? Je croyais que ce n'était qu'une fausse alerte !
- Je n'en sais rien, lui mentis-je.
Il continua de rugir, en faisant des aller-retour dans le couloir. Maugrénant sur mes réponses alambiquées et sur mon impuissance devant à la situation, il vint se pencher face à moi pour approchant son visage du mien.
Avec désespoir, il accrocha douloureusement mes épaules. Je pouvais sentir dans ses mains comme des serres à quel point sa détresse le consumait.
- Je ne sais pas quoi faire, m'avoua-t-il. Si elle avait des problèmes par ma faute...
- Ils vont tout faire pour la soigner, lui promis-je à demi-mot. Marlyne finira par revenir.
Son regard se baissa, attristé. Il desserra sa poigne, me soulageant instantanément les épaules, crispées par ce contact prolongé. La colère étant passée, le geant voyait à présent la tristesse l'envahir. Je vis poindre dans ses yeux un voile de chagrin, embués par le liquide lacrymal qu'il se refusait encore à laisser librement couler.
- Je pensais que tu étais juste une fille bizarre, renifla-t-il. Mais tu es pleine de sollicitude, aussi. Je te remercie, pour m'avoir supporté. J'ai besoin... de m'isoler un peu.
Il s'éloigna alors, et je sentis mon sourire rassurant quitter mon visage. Je n'avais jamais cru être douée pour les mensonges. Pourtant j'en avais servis à la pelle. Épuisée par le poids des remords, je partis directement dans ma chambre. Raphaëlle se débrouillerait avec les enfants, pour une fois. Dans le pire des cas, je faisais confiance aux jeunes pour s'occuper les uns des autres. Ils formaient un véritable groupe uni et j'étais certaine qu'ils sauraient que j'avais besoin de solitude jusque ce soir.
Je plongeai droit sur mon lit. Comment une journée pouvait-elle fatiguer autant ? Le coeur crispé, figé et perdu, je tentais de m'endormir. Je ne voulais pas manger, ni voir personne.
Comme à mon habitude, j'enlaçais mon oreiller. Étrangement, je sentis quelque chose de froid sous mes doigts. Je me glissais sous la couverture pour découvrir ce qu'il en était. Un fin rai de lumière venait éclairer mon antre.
Je vis deux objets. Un papier, plié en deux. Une fiole en verre, celle-là même que nous utilisions en cours de chimie, contenait un amas de couleur sable. Une sorte de cachet difforme.
J'observais la note :
Se souvenir ? J'avisai la fiole. Je relisai le mot avec circonspection. Se souvenir de quoi ? Je ne le savais pas mais une fois était sûre : quoi que soit cette gélule, ma vie ne pouvait empirer. Dans le pire des cas, je perdrais de nouveau le souvenir de mes cauchemars. J'oublierai un instant mes problèmes.
Je n'avais rien à perdre. Mahaut n'était pas là. Quand elle reviendrait, Martin pourrait veiller sur elle. Quoi qu'il puisse m'arriver... je l'aurai grandement mérité.
J'ouvris le tube à essai et le porta à ma bouche. J'eus l'impression d'avoir avalé une boulette de sable compacte. Son gout âcre se répandit dans ma bouche tandis que sa texture devenait poudreuse. Je ravalais mon dégoût et le fis descendre dans ma gorge.
Et mon calvaire démarra.
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