Chapitre 9 : Azur
Mardi 3 juin 2025
-Passe-moi le ketchup.
-Le mot magique ?
Louie me fusille du regard mais je ne cède pas.
-Abracadabra, répond-t-elle avec un grand sourire.
-Très drôle.
Je lui passe le pot de sauce. A côté de moi, Côme reste silencieux et étudie la carte des desserts. En face de lui, Ariella fini son plat de pâtes bolognaises en jetant de furtifs coup d'oeil à Louie, quand ce n'est pas l'inverse. Trop mignon.
-Bon, quelqu'un va-t-il se décider à parler ? je demande. Parce que ça fait 45 minutes qu'on est là, et vous n'avez rien dit. Vous avez tant que ça la gueule de bois ?
Je pense qu'il va falloir que je m'habitue à me faire fusiller du regard. Surtout par trois personnes en même temps.
-Dis quelque chose toi, me provoque Louie.
-T'as fait visiter le troisième étage à Ariella ? demande soudain Côme.
Une paille fuse dans l'air, et Côme l'esquive au dernier moment.
-Ferme-là, grommelle Louie.
-Tu es bien grognon aujourd'hui, je remarque. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Elle ne répond pas, et jette une nouvelle fois un regard vers Ariella. Je comprends immédiatement. Elle me prend peut-être pour un idiot mais je lis en elle comme dans un livre ouvert.
-Bon, vous avez l'air hyper causant, je vais me chercher un mojito, dis-je en me levant.
-Il te donnera rien ! me lance Louie au loin.
Elle n'a pas tord, mais c'est une excuse pour m'extirper de ce silence pesant. Et comme je m'y attendais, le serveur refuse, prétextant que je ne suis pas majeur. Je repars, bredouille, mais en arrivant à ma table, remarque qu'il y a une personne en plus. Même de dos, je reconnais les cheveux teins en blond de Mia. Elle discute avec Ariella et ignore Côme et Louie, qui l'observent en silence. J'arrive par derrière et pose ma main sur son épaule. Mia sursaute, se retourne, et son regard surpris se change en un regard dur.
-Azur. Je ne pensais pas te voir là. Je voulais rencontrer la nouvelle arrivante de votre orphelinat.
-Comme si t'en avais quelque chose à foutre... marmonne Louie dans sa barbe, mais assez fort pour que tous puissent l'entendre.
-Oh la reine des neiges, je t'ai pas parlé, réplique sur un ton ciglant Mia.
-Qu'est-ce que tu veux ? je demande pour apaiser les choses.
-Juste voir Ariella. Et lui souhaiter bonne chance pour tenir plus d'une semaine parmi vous. Enfin bref, a plus.
Et elle s'en va, faisant fouetter l'air de ses cheveux en se retournant.
-Elle a été soft aujourd'hui, remarque Côme. C'est bien une première.
-Je peux pas me la voir, s'énerve Louie alors que je me rassoie. C'est une vraie tête à claques.
Nous éclatons de rire, même Ariella, qui n'a pas semblée convaincue par Mia. C'est alors que je le vois. Je m'arrête de rire, mon coeur se serrant dans ma poitrine. Il est tellement beau dans ses habits de travail qu'il a acheté au relais du coin. Sa veste et son pantalon noir font ressortir ses cheveux argentés. Il a entrouvert sa chemise blanche, laissant entrevoir le haut de son corps musclé. Il s'avance, l'air concentré, comme s'il cherchait quelqu'un. C'est alors que je la vois. Une magnifique jeune femme au cheveux châtains et aux immenses yeux verts. Elle a quelques kilos de plus que "la moyenne" mais son visage parfait, resplendissant de bonheur et de joie de vivre peut forcer n'importe qui à l'adorer.
Je blêmis, et c'est seulement alors que mes compagnons remarquent mon changement d'aptitude. Ils se retournent alors qu'Oden repère à son tour la jeune femme qui lui fait signe de loin. Il se précipite vers elle, la prend par la taille et l'embrasse à pleine bouche. Mon coeur rate plusieurs battements.
-Oh, Azur, souffle Louie.
-C'est bon, ça va, dis-je précipitamment.
Pourtant, il m'est impossible de décoller mon regard des deux tourtereaux qui ne se sont toujours pas décollés. Côme pose sa main sur mon épaule, avec un air compatissant. J'en air marre. Marre qu'ils aient pitié de moi, marre que mon coeur ait choisi Oden, le cousin de Côme. J'en ai marre d'être amoureux d'un mec hétéro qui ne connait même pas mon prénom.
Je me lève, un peu trop brusquement, et renverse mon verre de coca sur Ariella. La pauvre, elle n'a rien demandé, elle est totalement dépassée par la situation, et ne semble même pas comprendre ce qu'il se passe. Elle lâche un petit cri quand le liquide rentre en contact avec ses vêtements. Attiré par le bruit, plusieurs clients se retournent, dont Oden, à mon plus grand malheur. Il m'observe, l'espace d'une seconde, puis remarque la présence de son cousin et lui fait signe de la main. Côme lui rend son salut, avec hésitation, et c'est alors que la pire chose qui puisse arriver se produit. Oden se dirige vers nous, sa copine tenant sa main.
-Salut, dit-il. Côme, Louie... La nouvelle.
Ariella est bien trop préoccupée par le coca sur elle que par Oden. Je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur son sort que le garçon se tourne vers moi.
-Et... Désolé, j'oublie à chaque fois comment tu t'appelles.
Est-ce que ça fait mal ? Oui, très. J'ai envie de vomir, et mon teint livide doit en dire beaucoup sur mon état mentale. Je prends alors la seule décision qui me vient à l'esprit. J'attrape fermement le poignet d'Ariella qui se laisse faire, sans comprendre, et bouscule Oden en direction des toilettes. Je ne me retourne pas une seule seconde avant d'être arrivé dans les toilettes handicapés. Je verrouille la porte derrière moi, et c'est là seulement que je lâche Ariella.
-Tu peux m'expliquer ce qu'il t'a prit ? se plaint elle.
-Désolée, j'ai paniqué, je m'excuse.
Je me retourne face à elle. Du coca dégouline le long de ses vêtements. Je retire le tee-shirt que j'avais pris la peine de mettre sous les reproches de Louie, et le tends à Ariella. Elle le prend avec brusquerie, se tourne pour être dos à moi, et se change. J'en profite pour déverrouiller la porte et passer la tête par l'entrebâillement de la porte. Oden et sa nouvelle petite amie sont toujours avec mes amis. Je referme la porte.
-C'est trop grand.
Quand mon regard se tourne à nouveau vers elle, je vois Ariella vêtue de mon tee-shirt qui lui arrive presque aux genoux.
-Tu peux enlever ton pantalon, ça te fais une robe.
Elle me jette un regard noir.
-T'es fou ! Jamais de la vie !
Je lève les yeux au ciel.
-Bon viens je te ramène.
-Est-ce que je te sers d'excuse pour éviter quelqu'un ? demande-t-elle, méfiante.
Pourquoi faut-il qu'elle soit intelligente ?
-Si je t'explique en chemin, tu acceptes ?
Elle me dévisage longuement puis répond :
-D'accord, de toute façon il faut que je rentre me changer.
Je lui tends la main, un grand sourire aux lèvres. Ce n'est qu'une façade. Au fond de moi, quelque chose s'est fissuré, je le sens.
Ariella attrape ma main, et nous sortons des toilettes. Je n'adresse aucun regard à notre table, par peur d'être déçu, et sors sans l'once d'une hésitation. Ariella me tient toujours la main. Direction l'orphelinat.
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Alors que la plage est en vue, le temps commence à se gâter, et des nuages viennent cacher le soleil. Une légère bruine s'élève, et je commence légèrement à avoir froid, moi qui suis torse nu. À côté de moi, Ariella marche en silence, grelottante, et avance à petits pas. De minuscules gouttes se sont accrochées à ses cheveux blonds, les rendant brillants. Elle est plutôt belle, même si elle est aussi fine qu'une brindille.
-Qui était-ce ? demande-t-elle soudainement.
-Qui ? je répond d'un ton faux.
-Tu sais très bien de qui je parle.
Je soupire et passe une main dans mes cheveux humides.
-C'est Oden, le cousin de Côme.
-Pourquoi as-tu réagis comme ça alors ?
J'ai envie de le dire, il faut que ça sorte. Que je le dise ouvertement. Pourtant, ma bouche refuse de s'ouvrir.
-Azur ?
-Parce que je suis amoureux de lui, qu'il ne le sait pas, qu'il est hétéro, que c'est le cousin de mon meilleur ami, et qu'il ne connait même pas mon nom. Est-ce que ça te convient comme explication ?
Je ricane nerveusement. Ça y est c'est dit. J'ai vidé mon sac. Et bon sang, ça ne m'a pas tant fait de bien que ça. Moi qui pensais me débarrasser d'un poids.
Ariella reste silencieuse.
-Je ne suis là que depuis 2 jours. Je ne suis pas sûre d'être la mieux placée pour dire ça mais... Es-tu allé lui parler ?
Je m'arrête net.
-Aller lui parler ? Pour lui dire quoi ?
Je la vois se rembrunir.
-Je ne sais pas.
Elle est gênée, et je m'en veux immédiatement de lui avoir répondu comme ça.
-Désolé.
-Ce n'est rien, s'empresse-t-elle de répondre.
-Tu es vraiment spéciale comme fille, je ne peux m'empêcher de dire.
Elle relève son regard vers moi, surprise.
-Comment ça ?
-Tu es as la fois tellement facile à cerner et mystérieuse. Que me cache tu, Ariella ?
Elle soupire et triture mon tee-shirt pour se distraire.
-Ne va pas chercher trop profond, ou tu risques de te noyer.
-Je sais nager, et je prends le risque de boire la tasse.
Nous nous regardons longtemps, silencieux.
-Embrasse-moi et imagine que je suis Oden, dit-elle soudain.
Je fronce les sourcils.
-Quoi ?
-C'est ce que m'avait dit mon petit-ami. Imagine que tu embrasses celui ou celle que tu aimerais embrasser. Tu vas ressentir quelque chose. Ce sentiment, suis-le, et peut-être qu'il te guidera jusqu'à cette personne.
-Si tu voulais tant que je t'embrasse, fallait le dire autrement.
Elle me donne un coup à l'épaule, énervée.
-Arrête de plaisanter. Qu'est-ce sur tu as à y perdre ?
Rien, elle a raison.
-Tu marques un point princesse.
Je m'approche un petit peu. Elle ne bouge pas d'un poil. Je me baisse car je suis bien plus grand qu'elle est dépose un léger baiser sur ses lèvres. Dans mon esprit se dessine le visage d'Oden. Ses cheveux argentés, ses yeux bleus aciers, sa grande taille et ses abdos dessinés sous son tee-shirt. Rien qu'en pensant à lui, je ressens des chatouillements dans le ventre. Je me recule et le mirage disparaît. C'est alors seulement que je me souviens que ce n'est pas Oden face à moi, mais bien Ariella.
-Alors ? demande-t-elle d'une petite voix.
-Qu'est-ce que tu as ressenti toi, quand tu l'as fait ? je demande.
-Rien. J'ai compris que je n'aimais pas vraiment cette personne. Et puis je suis tombée amoureuse de mon actuel petit copain.
-Si c'est que tu espérais, non, je ne sortirai pas avec toi.
Elle lève une nouvelle fois les yeux au ciel puis repose sa question :
-Alors ?
-Alors je suis bien plus amoureux de lui que je ne le pensais.
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