Chapitre 14 : Ariella
Samedi 17 juin 2023
-Pourquoi entrons-nous dans la chambre de Manao et Iago sans leur demander l'autorisation ? je chuchote à l'intention d'Azur qui fouille dans l'un des trois placards présents dans la pièce.
-Arrête de poser des questions inutiles, me rabroue-t-il. Ah, voilà !
Il se retourne, fier de lui, une tenue dans les mains. Je mets un certains temps avant de reconnaitre le costume de Wonder Woman.
-Azur, c'est du vol ! je m'écris.
-Oxane ne s'en apercevra même pas ! Et crois-moi, elle en à plein d'autres en réserve !
Il se décale, me laissant ainsi analyser le contenu de l'armoire. Une multitude de costumes en tout genre sont cintrés les uns contre les autres. Aucun ne se ressemble, il y en a de toutes les couleurs et de toutes les catégories : métiers, animaux, halloween, sexy, traditionnel...
-Bon sang, cette fille me terrorise un peu plus chaque jour, je m'exclame.
-Ben tu vois, approuve Azur. Aller, tu peux bien te permettre d'emprunter ce costume ! Elle ne t'en voudras pas, c'est sûr.
-Ce n'est peut-être pas ma taille, je couine pour essayer de me défendre.
-Vas l'essayer alors, réplique mon "meilleur ami". La salle de bain est libre.
Je grommelle, grogne, l'insulte, mais rien n'efface le sourire sadique qui s'est installé sur le visage d'Azur. Il tient vraiment à ce que je mette ce costume, ce con ! Je rentre alors dans la salle de bain, à contre-coeur, et me change en vitesse. Je ressors, peu convaincue malgré que ce soit parfaitement ma taille. Le costume ressemble en tout point à l'original, même s'il est fait de tissu au lieu de fer, ou je ne sais quelle matière métallique. Azur me détaille de la tête aux pieds, et je me dandine d'un pieds à l'autre, mal à l'aise.
-C'est serré, je grimace, en tirant sur mon corsait.
-Arrête de gigoter, m'interrompe Azur en fouillant à nouveau dans l'armoire. Tiens.
Il me tend un tissu long et rouge, et en comprenant ce que c'est, je secoue la tête.
-Non, je refuse de porter une cape ! je proteste.
-Tu ne peux pas t'empêcher de chipoter, c'est pas possible, soupire le garçon aux mèches roses en levant les yeux au ciel.
-Wonder Woman ne porte même pas de cape !
-Et alors ? Je te pari 10 euros qu'Oxane va venir déguisée en Catwoman bleue.
-Mais Catwoman n'est pas bleue !
-Tu as l'esprit trop étriqué princesse. Fais-toi plaisir un peu, et arrête de suivre les règles.
-Ce costume ne me fais pas plaisir, je bougonne.
-Alors fais-moi plaisir.
Je lui jette un regard noir, mais devant son air implorant, ne peux m'empêcher de céder. Mon camarde exécute une danse de la joie, sous mon regard amusé.
-Bon, je dois aller me préparer moi aussi, déclare-t-il. J'ai envoyé un message à Louie, elle t'attend dans les escaliers.
Il sourit tout en me poussant vers la sortie. J'accroche ma cape dans mon dos, et constate qu'elle me descend jusqu'aux mollets. Je m'apprête à me retourner pour encore me plaindre, mais me rend compte qu'Azur est déjà reparti. Je soupire, résignée, et me dirige vers les escaliers.
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-Tu es magnifique !
Je souris face à la remarque enthousiaste de ma colocataire et m'empresse de dire :
-C'est Azur qui m'a forcée !
-Et il a bien fait ! Ce costume te va comme un gang !
-Merci, mais toi, tu ne te déguises pas ?
Louie est vêtue d'un tee-shirt à bretelles rose clair et d'une longue jupe bleue. Ses cheveux blancs sont noués en une longue tresse qui lui tombe dans le dos.
-J'ai rien trouvé. Et j'ai pas la tête à ça. Au pire je sortirai une excuse à Oxane pour qu'elle me fiche la paix.
- Voilà ce que j'aurais dû faire ! je m'écris.
-C'est ta première soirée ici, et si tu n'étais pas venue déguisée Oxane t'aurais tué !
-Elle en est capable ?
-Oh que oui !
Je remarque que Louie est stressée. Elle n'arrête pas d'être en mouvement, et même si je ne la côtoie que depuis quelques jours, j'ai remarqué qu'elle bouge dans tous les sens quand elle stresse. Croyez-moi, elle m'a fait plusieurs fois le coup.
-Qu'est-ce qui ne va pas ? je lui demande d'une voix calme en posant ma main sur son épaule.
Son regard se pose quelques secondes sur ma main et je remarque qu'elle rougit, mais se déconcentre rapidement et déclare :
-Je suis inquiète pour toi, Ariel. C'est ta première fête ici et... Crois-moi, les fêtes à l'orphelinat aux coeurs enflammés ne ressemblent à aucune autre. Il arrive toujours quelque chose, un drame surgit de nul part, et même avant ça, c'est compliqué. On s'y fait, et je ne dis pas qu'on ne s'amuse pas, au contraire, mais cet amusement peut être dangereux.
-Ne t'en fais pas Louie, je lui réponds en lâchant son épaule et en prenant sa main, je ferais attention, promis. Mais il faut que je m'intègre. Je vais vivre ici, parmi vous, et il faut bien que je connaisse un peu les... Orphelins pour rentrer dans les cases. Je n'ai pas envie d'être une paria.
Je n'ai pas osé dire "les AUTRES orphelins", car j'ai encore du mal à m'englober parmi eux. Pas parce que je ne me sens pas chez moi, ou qu'ils m'ont mal accueillie, au contraire, mais parce que ce serait accepter le décès de mes parents, et ça je n'en suis pas encore capable.
-Je comprends... soupire Louie. Seulement... Fais attention à toi, ok ?
Je hoche la tête, d'un air concentré pour la rassurer, et je vois ses traits s'adouissir. Pourtant, son stress ne diminue pas, et je remarque qu'elle joue avec la couture de son tee-shirt.
-Il y a autre chose qui t'inquiète ? je demande.
Ses yeux se dirigent vers nos mains entrelacés et je la vois hésiter.
-Je... Non ça va, merci.
Elle dégage sa main de la mienne et croise les bars, tout en évitant soigneusement de me regarder.
-Azur ne devrait pas tarder à arriver.
Je hoche la tête, silencieuse et consciente de la gêne occasionnée par cette discussion.
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-Prête pour la meilleure soirée de ta vie ?
Azur passe un bras autour de mes épaules, me gratifiant de son plus beau sourire. Il est déguisé en spider man, et je dois dire que ça lui va plutôt bien.
-On va dire que oui, je réplique en esquissant un sourire qui se veut enthousiaste.
Azur nous tire alors jusqu'au troisième étage, où nous nous dirigeons vers le couloir de droite. Je lance un regard à la dérobée en direction de Louie, mais elle reste focalisée sur ses pieds, frottant son poignet pour limiter son stress. J'ai soudain envie de la prendre dans mes bras pour la rassurer, mais refoule ce sentiment étranger et continue de marcher, accrochée à Azur. Nous passons devant plusieurs portes, mais ne nous arrêtons que devant le dernière au fond du couloir. Azur toque six fois, attend quelques secondes, puis retoque trois fois. La porte s'ouvre sans un seul grincement, ce qui me rend perplexe en voyant l'état dans lequel elle est, et Oxane en sort. Elle porte le costume de Catwoman, à la seule différence que celui-ci est bleu.
-Tu me dois 10 euros, souffle Azur à mon oreille.
Je lève les yeux au ciel alors qu'Oxane prend Louie dans ses bras.
-Vous êtes venus ! Ariella, tu ne le regretteras pas !
Elle serre ensuite Azur, puis moi.
-Louie, ça fait un an que tu n'es pas venue ! C'est Azur qui t'a convaincue ? l'interroge Oxane.
J'observe d'un air interrogateur Louie, mais elle continue de fuir mon regard.
-J'avais envie de venir, c'est tout, répond-t-elle d'un air presque sûre d'elle.
-Cool. Par contre, viens déguisée la prochaine fois, réplique Oxane en la dévisageant.
-Je suis déguisée ! s'insurge Louie. Je suis un super-héros sous couverture !
-C'est ça ouais... Joli costume Ariella. J'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part.
Elle me jette un sourire malicieux, et je ne peux empêcher mes joues de rougir malgré le regard perplexe que Louie me lance.
Oxane se déroba sur le côté, révélant un escalier qui descendait. Azur passe en premier, me faisant un clin d'œil au passage, suivi de Louie. Oxane me fixe toujours de ses yeux bleus-gris. Son regard veut tout dire : "demande moi la prochaine fois". Je savais bien que je n'aurais pas dû écouter Azur. Je m'empresse de rattraper ma colocataire et lui agrippe le bras.
-Aïe, gémit-elle avant que je lui fasse signe de baisser la voix.
-Tu ne m'avais pas dit que ça faisait 1 an que tu n'étais pas revenue ! je chuchote.
-Oui bah, désolée d'omettre quelques détails, siffle Louie.
Je la lâche, surprise par tant de férocité. Elle le remarque et s'excuse immédiatement :
-Désolée, c'est juste que... Rien, laisse tomber.
Elle se détourne et continue de marcher, la tête basse, refusant de se retourner malgré mes appels. Je les suis donc, aussi silencieuse. La descente est longue, et si mes calculs sont bons, nous avons redescendu les 3 étages et nous nous dirigeons sous terre. Une musique parvient à mes oreilles, et je reconnais Crazy in love de Beyoncé. L'air ambiant se réchauffe, et nous arrivons, enfin, à la fête. Une trentaine d'adolescents se trémoussent et boivent dans des verres en plastique ce que je suppose être de l'alcool. La musique est forte, sans l'être trop, si bien qu'on n'est pas obligé de crier pour se faire entendre. Tous sont déguisés comme Oxane là demandé. Je vois passé plusieurs superman, un hulk, des black Panthère, Harley Queen, Black Window... C'est une avalanche de couleur pour mes pauvres yeux.
-Amusez-vous bien les filles, dit Azur, le regard fixé sur quelqu'un en particulier.
Je suis son regard et remarque Oden qui danse avec sa petite-amie. Louie lève les yeux au ciel et me tire vers le buffet ou tout un tas de tapas et de chips en tout genre sont étalés.
-Où trouvez-vous autant de nourriture ? je demande alors que la chanson se termine pour laisser doja cat prendre le relais.
-Oxane travaille au supermarché. Elle peut récupérer les invendus ou je sais plus trop quoi, répond Louie en haussant les épaules et en se servant un bonne part de chips.
Elle n'a pas l'air de bonne humeur, je sens que la soirée va être longue si je reste avec elle. Elle observe chacun des adolescents comme si elle cherchait quelqu'un.
-Bon, je vais danser, je déclare en m'éloignant sans attendre sa réponse.
Alors que je me fais engloutir par la foule enivrante, un détail que j'avais déjà remarqué dès mon arrivée me frappe une nouvelle fois. Une grande partie des jeunes présents ont des couleurs de cheveux assez.... Exotique. Je vois au loin un garçon aux cheveux verts et rouge danse avec une fille aux cheveux noirs et blancs, mais aussi une autre fille au long cheveux noirs avec des mèches bleus et encore d'autres ont des couleurs plus exotiques les uns que les autres. Je me demande pourquoi l'espace de quelques secondes quand je vois Côme me faire signe au loin. Je me dirige vers lui, un grand sourire aux lèvres. Il se tient en compagnie d'un aquaman et d'un autre spider man. Mon ami est lui déguisé en Batman. Il a l'air un peu idiot dans ce costume trop grand pour lui, mais je n'en dis rien.
-Ariella ! Tu t'amuses ? s'enquit-il.
-Je viens d'arriver, mais l'ambiance est agréable.
Je ne mens pas, c'est une fête, c'est amusant et joyeux. Mais cette fête à quelque chose en plus. Les adolescents ici, dégagent comme l'impression de se libérer et d'être eux-mêmes.
-Je suis Julien, se présente soudain aquaman. Et voici Paul.
J'ouvre la bouche pour répondre, mais quelqu'un me tire en arrière et je suis noyée entre les corps des fêtards dans un cri de surprise. Je me retourne, et me retrouve nez à nez avec Azur.
-N'adresse pas la parole à Julien et Paul. Tout ce qu'ils veulent, c'est te vendre de la Coke.
J'ouvre de grands yeux choquée.
-En plus, elle n'est même pas de bonne qualité, bougonne Azur.
Je l'observe, interloquée et choquée à la fois. La musique change une nouvelle fois, et une musique plus calme commence. Azur me lance alors un sourire charmeur tout en me tendant la main.
-Ariella Partenvaska, m'accorderiez-vous cette danse ?
Une seconde seulement s'écoule avant que je ne me rende compte qu'il a prononcé mon nom. Mon sourire s'efface, le monde semble s'arrêter de tourner autour de moi, et mon coeur s'accélère brusquement.
-Comment connais-tu mon nom ? je réussis à dire après avoir retrouvé l'usage de ma bouche.
-Je vais prendre ça pour un oui, déclare Azur en m'attrapant par la taille.
Je le laisse faire, trop perturbée par sa déclaration. Il sait que mon nom est Partenvaska, il sait forcément qui je suis.
-Tu sais princesse, même si les téléphones sont interdits ici, on arrive tous à trouver des stratagèmes pour en utiliser ailleurs que dans l'enceinte de l'orphelinat. Je ne suis pas né de la dernière pluie, je sais utiliser Google, susurre Azur à mon oreille.
Son souffle contre ma joue me fait frissonner. Je n'ai jamais eu d'amis comme lui. Ceux que je croyais être des proches m'ont laissé tomber après la mort de mes parents. Malgré ses taquineries, Azur me donne l'impression d'être présent pour moi. Il a quelque chose de rassurant. Ce n'est peut-être qu'une illusion, mais je m'en fiche. J'ai envie de me confier à lui, de lui faire confiance.
-Alors je suppose que tu sais que ma mère est une héritière royale et mon père un chef d'entreprise ?
Il avance son visage vers le mien mais je ne me recule pas, plongeant même mon regard dans le sien.
-Tu croyais vraiment que je t'appelais princesse par pur hasard, fille de PDG ? sourit-il malicieusement.
-Je m'étais posé des questions quant à ta santé mentale, en effet. Mais... Ça ne te gêne pas de savoir que....
-Que tu es riche ? m'interroge Azur. Non, bien sûr que non. Ariella, ce n'est pas ton argent qui définit qui tu es. Je ne suis pas le seul à être au courant, crois-moi, et tout le monde s'en fiche. La devise de cet orphelinat est d'oublier le passé pour avancer. Tout ça n'a aucune importance.
Je souris, tout en décidant de passer mes bras autour de son cou et de suivre ses pas de danse.
-Comment fais-tu donc pour passer d'une plaisanterie à un discours sérieux ? Tu m'épates !
-Je suis quelqu'un plein de surprises.
Il devient soudain plus triste tout en ajoutant :
-Mais fais attention avec Louie.
-Pourquoi ? je m'enquis
-Elle a un passif avec les riches assez.... Disons qu'elle les déteste. Elle a pleins de préjugés à leur égard.
-Pourquoi ça ? je m'inquiète.
-Ses parents sont morts dans une fusillade dans un restaurent. Ils n'étaient pas visés, bien sûr, mais une dispute entre bourges a éclaté et elle s'est retrouvée orpheline.
-Oh...
Je ne peux m'empêcher d'être triste pour elle, même si elle était tellement jeune qu'elle ne doit pas s'en souvenir. Seulement, j'ai aussi peur qu'elle me déteste, rien que pour ma fortune.
-Je devrais lui dire, tu crois ? j'interroge Azur en appuyant ma tête sur son épaule.
-Je ne sais pas, c'est à toi de voir. Je ne peux pas choisir à ta place, mais en tant que bon meilleur ami, je ne peux que te conseiller d'essayer d'aborder le sujet.
-Tu ferais un bon meilleur ami, alors, souris-je.
Il me rend son sourire, un éclatant et charmeur comme il en a le secret. Nous continuons de danser, et je dois dire que cette fête est plutôt agréable. Pour le moment, pas de drogue ou de problèmes en vue... Au moment où je formule cette pensée, je sens Azur se crisper contre moi. Je relève la tête, surprise, mais son regard est concentré sur autre chose dans mon dos. Je me retourne et vois Oden, discutant avec le garçon aux cheveux verts, bleus, jaune et rouge coiffés en épis avec qui il surfait plus tôt dans la soirée. Azur ne le quitte pas des yeux, mais le cousin de Côme (j'ai appris leur lien de parenté récemment) ne semble même pas s'en apercevoir.
-Vas lui parler, je glisse à Azur.
Il détache enfin ses yeux bleus de son crush pour se concentrer sur moi.
-Il ne retient même pas mon nom.
-Et tu ne t'ai jamais demandé pourquoi ?
Le jeune homme me dévisage perplexe, et je me retiens de lui donner une tape à la tête. Il peut se montrer un excellent conseillé, mais bon sang, il aurait bien besoin de quelques conseils lui aussi !
-Tu ne lui parles pratiquement jamais, tu te contentes de l'observer de loin. Si tu discutes avec lui, il aura l'occasion de savoir comment tu t'appelles !
-Mais... proteste Azur.
-Chut ! je le coupe en posant mon index sur ses lèvres pour l'empêcher de continuer de parler. Arrête de te défendre. Essaye au moins.
Il soupire, lève les yeux au ciel, semble peser le pour et le contre, et lâche :
-Bon d'accord !
Je lève les bras en l'air, triomphante.
-Allez, vas-y. Je vais essayer de trouver Louie.
Il semble stressé et réajuste ses cheveux, même si je ne vois aucune différence, et s'avance, lentement en bousculant plusieurs adolescents au passage, pour rejoindre Oden. Voilà une chose de faite. Maintenant Louie. J'espère qu'elle n'est pas partie trop loin.
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