Chapitre 12 : Margot
Samedi 7 juin 2025
Je suis suivie. J'en suis sûre. Mon coeur s'accélère un peu plus à chacun de mes pas, des gouttes de sueur perlent sur mon front et j'ai du mal à respirer. Je fais une crise de panique. Il faut que je m'arrête, que je respire. Mais mes jambes refusent de m'obéir. Je jette des coups d'oeil frénétiques derrière moi et j'ai l'impression que la silhouette de mon pisteur se rapproche. Une capuche est rabattue sur sa tête. Ses mains sont dans ses poches et son pull vert est tellement ample qu'il m'est impossible d'identifier si c'est un homme ou une femme. Il est tôt, très tôt même. A peine 2h du matin. Je n'aurai pas dû écouter les instructions d'un inconnu. J'aurais dû rester à l'orphelinat, avec ma soeur Lisa. Je tourne une nouvelle fois, et mon souffle se coupe l'espace de plusieurs secondes quand je réalise que c'est un cul de sac. Des larmes commencent à couler le long de mes joues. Est-ce que je vais mourir ?
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Jeudi 5 juin 2025
Côme a beaucoup insisté pour que je n'aille pas seule en ville. J'ai réussi à le convaincre que je ferais attention, mais il n'avait pas l'air serein. Étant une lève tôt, je me suis assise au bord de la fontaine de la ville dès 5h du matin. Mon service à la poste ne commence qu'à 7h, j'ai un peu de temps devant moi. Je sors un papier et un crayon, c'est tout ce que j'ai pu m'acheter, et commence à dessiner. Seulement, ni le clapotis de l'eau, ni le lever de soleil ne m'inspirent, et ma feuille reste définitivement vierge. Je soupire et range mes affaires avec résignation. Tu ne sers donc à rien ? Tu ne sais donc rien faire ? Tu te lamentes sur ton sort qui n'est que mérité.
-Stop ! je crie.
Les quelques villageois présents sur la place s'arrêtent pour m'observer, mais je ne leur prête pas attention et me roule en boule. Ma tête est enfouie entre mes genoux et mes cheveux roux tombent en cascade dans mon dos. Mon souffle se fait saccadé. J'entends les cris de mes parents, de ma soeur. Je la revois, à l'hôpital, mes parents, se transformant en cendres dans les flammes. J'ai l'impression que ma poitrine est comprimée, que mes poumons vont exploser, et je sens ma tête devenir lourde.
-Eh, ça va ?
Je relève difficilement la tête, tremblante. Des larmes coulent le long de mes joues, je vois flou, et ne distingue que difficilement les silhouettes face à moi.
-T'as besoin de quelque chose ?
Oui, qu'on m'écrase le crâne contre le sol pour qu'il arrête de me torturer.
-Non... je réponds, la gorge sèche.
-T'as pas l'air bien. Tiens, prends ça.
Je vois l'une des silhouettes me tendre quelque chose. Je n'hésite même pas, l'attrape et l'avale. Le monde tourbillonne l'espace de quelques secondes autour de moi. Je m'appuie contre la fontaine pour ne pas tomber à l'eau et cligne plusieurs fois des yeux, malgré mes cils humides. Même si j'ai l'impression d'être secouée, ma vision devient bien plus net et je peux enfin observer les deux personnes face à moi. L'une d'elle est une jeune femme d'environ vingt ans aux cheveux châtains bouclés, aux yeux noisettes et avec une peau mâte. Elle a tout un tas de petits bijoux en or et porte une tenue dont je n'arrive pas à déterminer l'origine. L'autre personne est un homme plus âgé au long cheveux blonds et aux yeux noirs. Il a un piercing au nez et une cigarette à la bouche.
-Qui êtes-vous ? je parviens à murmurer.
-Les seules personnes qui peuvent t'aider à mon avis, réplique la femme en m'attrapant par le bras et en me relevant. Par contre tu viens de gober ce qu'on t'a donné, et t'as pas l'air bien.
-Elle l'était pas déjà avant, fait remarquer son camarade.
-Qu'est-ce que vous m'avez donné ?
-Oh, pas grand chose. J'espère que ce n'est pas la première fois que tu prends de la drogue.
-Quoi ? Vous m'avez drogué ? Oh, écoutez, je m'en fiche. J'ai l'impression que ça va mieux. Je ne sais même plus pourquoi j'étais dans cette état.
J'éclate de rire, sans comprendre ce qui est drôle. Mes émotions sont chamboulées, j'ai l'impression d'être ailleurs et là en même temps. Les deux autres se jettent un regard en coin et la femme prend la parole.
-Bon, nous on veut pas d'ennuis, tu peux éviter de raconter à tout le monde qu'on t'a fourni ?
-Mais oui, mais oui. Et merci d'ailleurs.
-Vu l'état dans lequel elle est, elle risque de cafter en quelques secondes, dit l'homme en laissant échapper une volute de fumée de sa bouche.
-Bon, viens, on t'emmène pour décuver.
Elle commence à me tirer par le bras mais je me dégage d'un geste brusque.
-Non, il faut que j'aille travailler ! Tout ira bien !
-Je suis pas très convaincu, fait remarquer le blond.
-Oh, la ferme Corentin ! Bon écoute, me dit la femme, on va te laisser partir. Mais t'as avalé notre truc sans demander les accords. Faut que tu nous payes.
-Que je vous paye ? je panique. J'ai pas d'argent sur moi.
Elle se rapproche de moi, son sourire disparu.
-On peut te laisser deux jours, mais samedi, apporte nous 50 balles. C'est le prix à payer. C'est de la qualité que tu viens d'avaler à effets rapides, mais une très petite quantité.
Elle me donne une tape amicale à l'épaule et je n'ai pas la force de sursauter.
-A samedi.
Elle se détourne et s'éloigne sans un regard en arrière. Le dénommé Corentin s'approche d'un pas royal. Il retire sa cigarette de sa bouche et rejette la fumée sur mon visage. Je toussote alors qu'il murmure.
-A samedi.
Il se retourne à son tour, et pareil à la femme, s'éloigne sans un regarde en arrière.
50 euros. Ce n'est pas une somme faramineuse, mais je n'ai rien. Je n'ai pas encore eu ma paye, et mon cerveau et à moitié défoncé. Je m'assoie sur le rebord de la fontaine, ferme les yeux, et ce n'est que quand je me réveille à moitié dans l'eau que je prends la décision de rentrer à l'orphelinat.
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Samedi 7 juin 2025
Je me retourne alors que mon suiveur tourne dans l'impasse à son tour. Mon sang se glace alors qu'il retire sa capuche. Des boucles châtains se dégagent alors, et la femme de jeudi me sourit.
-Je fais tant peur que ça ?
Mes mains tremblent et je décide de les cacher dans mon dos.
-Qu'est-ce que tu vas me faire ? Me tuer ?
Elle éclate d'un rire sonore et grave qui résonne tout autour de nous.
-Tu as une estime des dileurs très étonnantes. On vend de la drogue, on est pas des serial killers ! Je t'ai observé ces deux derniers jours...
-Observer les gens sont des occupations de tueurs, je lui fais remarquer malgré ma gorge sèche.
-Pas faux, dit-elle en haussant les épaules. Tu es à l'orphelinat aux coeurs enflammés, pas vrai ?
Je reste muette face à cette question qui ressemble plus à une affirmation.
-Ecoute, dit-elle en s'avançant alors que je recule. Je sais que tu n'as pas beaucoup d'argent. Alors que je propose autre chose.
-Je suis obligée d'accepter, je suppose.
-C'est toi qui vois, sauf si tu veux avoir une dette envers nous. Crois moi, tu ne préfèrerais pas.
Je ravale difficilement ma salive tout en reprenant calmement ma respiration.
-Quelle est ta proposition ?
-Viens travailler avec nous.
J'écarquille les yeux.
-Quoi ?
-Oh, arrête. Je t'ai observer, Margot. Tu es une fille qui semble fragile, traumatisée, tiraillée par des souvenirs.
Comment sait-elle tout ça ? Ma panique refait soudain surface et ma respiration se fait saccadée.
-Arrête !
-Mais pourtant tu es forte, même si tu ne le montre pas. Auprès de ta soeur, tu fais comme si de rien n'était.
-Et alors ! Tout ça ne te regarde pas ! je crie presque.
Elle pose un doigt sur ma bouche.
-Chut ! Tu sais que tu dois venir. Ta vie n'est que tristesse et dépression. Avec nous tu auras de l'adrénaline, du risque, de l'action. Tout ce qu'il te faut pour avancer.
Je m'apprête à chasser sa main mais quelque chose m'en empêche. Et si elle avait raison ? Et si c'était ça, mon salut pour échapper à ces pensées sombre ?
-Qu'est-ce que tu as à y perdre, Margot ? murmure la femme.
Rien. Absolument rien. J'ai déjà tout perdu.
-Quel est ton nom ? je lui demande.
Un sourire se forme au coin de sa bouche.
-Je m'appelle Claire.
-Alors j'accepte ton offre, Claire.
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