Chapitre 1 : Ariella
Lundi 2 juin 2025
-Oui, je suis bien arrivée. C'est la trentième fois que je te le dis. Allez, bisous, j'arrive bientôt.
Je raccroche et serrant les dents pour ne pas m'énerver plus. Anne peut se montrer très insistante quand elle s'y met.
Je tire ma valise derrière moi, produisant un bruit infernal avec les roues de celle-ci. Les quelques personnes autour se tournent vers moi pour me jeter un regard noir. Je fais bonne figure et leur fais un sourire d'excuse, pas sincère pour un sou. L'allée pavée mène jusqu'à l'arrêt de bus. Je suis cette direction car écoute les indications envoyées par Anne. Mon uniforme et trop petit, je suis mal à l'aise. Ma jupe est censée m'arriver aux genoux mais ne me couvre que le haut des cuisses. Mon tee-shirt et mon pull sont trop serrés, écrasant ma poitrine. Seulement les chaussures noires sont à la bonne taille.
Je m'assied seule sur le banc, en attendant mon bus. Je prends mon téléphone et patiente sur Instagram. Puis mon moyen de transport arrive et je range mon portable avec un air résigné. Je monte à bord du bus totalement vide. Le chauffeur ne m'adresse même pas un regard et je vais m'installer tout au fond. Je sors mes écouteurs sans fils, les branchent en bluetooth à mon téléphone et lance ma playlist de musique. Je n'écoute que du rock, et cela me convient parfaitement.
Durant le trajet, j'essaye de me vider l'esprit mais c'est impossible. Les ténèbres m'ont englouties et il est impossible d'en échapper. Détail sûrement insignifiant : ces ténèbres ne sont pas noires comme à l'accoutumée, mais rouge, telle les flammes d'un brasier ardent. J'entends les cris de mes parents, et surtout, le mien.
Je ferme les yeux sentant mes larmes à deux doigts de se déverser le long de mes joues. Respire Ariella, respire.
Je me concentre à nouveau sur la musique. We will rock you se termine, laissant place à Enter Sandman de Metallica. Je me penche et appuie mon front contre la fenêtre, voyant les rues grouillantes de gens défiler devant moi. Bientôt, les maisons laissent place aux champs, et les champs à la plage. Une barrière indiquant propriété privée arrête le chauffeur de bus juste devant le sable scintillant. Je range alors mes écouteurs et descends du bus avec un geste de la tête au conducteur, qu'il ne me rend toujours pas. Je passe sous la barrière, ma valise à la main et marche dans une direction tout a fait inconnue. Le sable me rentre dans les chaussures, c'est très désagréable. Au loin, le soleil de midi m'éblouit et m'empêche d'admirer la mer. Je marche alors vers le seul élément étrange du décors. Une grande maison bleue à une centaine de mètres de là. Plus je me rapproche, plus je reconnais Anne, la meilleure amie de ma mère, sur le pas de l'entrée. Elle me fait de grands signes de mains et sourit de toutes ses dents. J'arrive bientôt à sa hauteur, avec moins d'enthousiasme qu'elle. Elle ne semble pourtant pas s'en apercevoir.
-Ariella ! Comme je suis contente de te voir.
Suis-je obligée de dire que c'est réciproque ? Si je suis là, devant cet orphelinat, c'est que mes parents sont morts, alors non, je ne suis pas contente de la voir.
-Salut Anne, je réponds de ma voix la plus plate possible.
Elle me prend par le bras et me tire vers la porte d'entrée sans même me demander mon accord. Je lance un dernier regard vers la plage derrière moi avant de me laisser emporter.
-Tu vas voir Ariella, l'orphelinat des coeurs enflammés et le meilleur orphelinat que l'ont puisse trouver sur Terre !
Ah oui ? Comment se fait-il qu'il n'y ai qu'une trentaine de pensionnaires alors ? je manque de lui rétorquer. Mais je me retiens. Je ne veux pas prendre le risque de blesser Anne, pas prendre le risque qu'elle se vexe et me tourne le dos. Elle est la seule personne à m'avoir aidé jusqu'ici et j'ai affreusement besoin d'elle.
Ma guide ouvre la porte avec brusquerie et celle-ci vient cogner contre le mur de pierre. J'écarquille les yeux en découvrant le hall d'entrée. Il est grand, très grand même, et semble tout droit sorti d'un décor de la renaissance. Des lustres sont pendus au plafond et éclairent la pièce, en plus de la lumière du soleil filtrée par les rideaux violets déposés sur les vitraux colorés de la salle. Le carrelage blanc et impeccable, tout comme les dorures aux murs, dépourvues de poussière. Une grande porte en bois est en face de nous et est la seule issue de ce hall (en plus de celle que nous avons empruntée).
-C'est beau pas vrai ? fait remarquer Anne en suivant mon regard ébahi.
Je hoche imperceptiblement la tête alors que ma guide me tire à nouveau vers la porte en face de nous.
-Je vais te montrer ton dortoir. Ta colocataire t'expliquera tout ce que tu as à savoir pour survivre ici.
Pour survivre ? Carrément ?
Le couloir derrière la porte en bois était très simple. Je suis un peu déçue après le hall grandiose qui l'a précédé. Je marche aux côtés d'Anne, traînant ma valise derrière moi. Le couloir est très long et nous sommes coupées dans notre marche par la sonnerie stridente d'un téléphone. Ma guide fouille dans ses poches et en sors son portable. Elle me fait un signe d'excuse et s'éloigne un peu pour répondre à son appel. Comme si 5 mètres de distance allaient m'empêcher d'entendre sa conversation.
-Tu as pris sa température ? ... Comment ça il a 42 de fièvre ? ... Mais qu'est-ce que tu lui as donné a manger ? ... Bon emmène le chez la vétérinaire, je te rejoins sur place.
Anne raccroche et me rejoins. Je n'ai pas besoin d'attendre qu'elle ouvre la bouche pour deviner ce qu'elle va me dire.
-Mon chien est malade, il faut que j'y aille. Tu n'auras aucun mal à trouver les dortoirs, c'est au deuxième étage. Ça va aller ?
Je me retiens de lui faire remarquer que je suis vexée d'être moins importante à ses yeux que son chien, et hoche simplement la tête.
-Parfait. A bientôt alors.
Elle part en courant, et sort, après un dernier signe de la main, me laissant seule au milieu d'un orphelinat qui m'est totalement inconnu.
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