Le Tortillard du blizzard
Un roulement continu sous le plancher faisait tanguer le wagon, ballottant avec douceur ses passagers. Le ronronnement de la machine, mêlé au chant du vent, ajoutait à l'atmosphère douillette qui régnait dans l'habitacle. Une vieille femme passa, poussant un chariot croulant sous les sucreries. Quelques petites mains gourmandes tendirent des billets à son passage.
Confinée entre la vitre glacée de la fenêtre et une valise de cuir imposante, Laïka se dandina sur son siège pour se faire une place. Le tarif d'une place dans la troisième classe de ce wagon hors d'âge était aussi peu élevé que son confort. Mais l'adolescente ne s'en plaignait pas: elle avait le luxe d'être seule durant toute la durée du trajet.
Elle jeta un œil dehors. Le paysage était impressionnant: le tortillard progressait en équilibre sur une étroite ligne de chemin de fer perdue dans une vallée encaissée. L'air, chargé de flocons, étouffait toute lumière.
Laïka fut prise de frissons lorsqu'ils longèrent un massif forestier. Il était composé de sapins qui se tordaient jusqu'au ciel en noirs troncs squelettiques. Ces géants des montagnes semblaient se pencher sur leurs routes pour les arrêter. Il y avait quelque chose de vivant dans cette forêt.
La jeune fille passa sa main sur la fenêtre. Un frisson rampa le long de ses doigts, s'enroulant autour d'elle. Ce n'était pas le froid. Un mauvais pressentiment s'insinua en elle.
Nous sommes bientôt arrivés au village, songea-t-elle en jetant un coup d'oeil nerveux à sa montre, et mon malaise ne cesse de grandir. Quelle idée de m'embarquer dans une histoire pareille...
Un bourdonnement sourd, à la limite de l'audible, saturait l'air tout autour d'elle. Ce n'était même pas l'ouïe que Laïka sollicitait, mais son toucher. Elle semblait néanmoins être la seule à le ressentir. Les passagers, des locaux revenant de la ville ou des touristes, vaquaient à leur occupation.
Elle secoua la tête, avant de reporter son attention sur le paysage pour se forcer à se calmer. En vain. Son cœur ne cessait de battre la chamade.
Je dois me faire des idées. Putain, ce que j'ai mal au ventre! ... Tiens, ce n'est pas un village que je vois là-bas? Pourtant il y a de ces blizzard! Comment j'arrive à le voir?
Une brusque embardée l'empêcha de réfléchir plus au problème. Son nez fit une douloureuse rencontre avec le dossier en face d'elle. Laïka s'agrippa à son siège, tentant de refluer la panique qui montait en elle.Un crissement insupportable leur indiqua que le tortillard freinait brutalement.
Qu'est-ce qu'il se passe?!
Plusieurs personnes se mirent à crier, et des valises quittèrent leur emplacement.
Un museau discret surgit de la poche de la veste de Laïka. Cette dernière entendit, malgré le vacarme, une petite voix dans sa tête:
Les valises se font la malle, haha.
Hilarant, vraiment. Barkhane tu es mignon mais si tu pouvais rester caché ça m'éviterait des ennuis! Les esprits ne sont pas censé exister, je te rappelle.
Un grognement, et la créature disparut.
Curieusement, Laïka redevint plus calme. C'était dans ces moments d'adrénaline qu'elle savait le mieux se contrôler. Le train était presque à l'arrêt, à présent. Ce qui n'empêchait pas certains passagers de continuer à crier, essentiellement des enfants.
" Gardez votre calme, s'exclama alors un contrôleur qui passait dans les allées, et restez assis! Nous avons été prévenus qu'un tronc barrait le passage, voilà pourquoi le train s'est arrêté. Il ne faudra qu'une heure pour dégager le chemin de fer, n'ayez crainte. Nous nous excusons pour l'attente occasionnée. "
Des protestations se firent entendre, et l'homme se dirigea vers le wagon suivant. Laïka se leva pour s'étirer. De nouveau, un murmure souffla au creux de son oreille:
Une heure pour virer un tronc de la voie, marmonna la créature, ça me paraît rapide... Vu la taille des arbres, on en a pour un bout de temps, surtout qu'il n'y a pas de tracteurs ou de trucs dans le genre. J'espère qu'ils nous donneront quelque chose à manger pour ce soir.
" J'espère, lui répondit Laïka en chuchotant, j'espère... "
Alors qu'elle s'apprêtait à s'asseoir, un hurlement lui vrilla les oreilles. Un vent glacial rugit dans l'habitacle. L'adolescente, protégeant son visage d'une main, vit qu'une porte du train était ouverte. Sur son seuil, le corps sans vie du contrôleur.
La panique revint au sein des passagers.
Quelque chose était monté dans le wagon. Une pression indescriptible envahit l'habitacle. Laïka suffoquait littéralement.
La chose qui contrôlait la forêt était revenue. Mais cette fois-ci, elle n'était plus dehors.
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"Blizzard dans les montagnes" - Julia Wimmerlin
Après quelques jours de retard de publication, voilà un extrait d'une histoire que je suis en train d'écrire. Est-ce que cela vous plaît? :)
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