6🔥Le serviteur du chaos
[TALYA]
« Talya, tu te souviens de Fara ? C'est ta nourrice et elle va s'assurer que tu ne manques de rien. N'est-ce pas Fara ? »
L'elfe corrompue Faraeline, exécutrice de Vyrr et chargée de la surveillance d'Aetalya, regardait l'enfant, les cheveux roux partant dans tous les sens, avec un sourire crispé.
Si la fidèle du nécromancien n'avait pas pu oublier ses origines, sa fonction et tout ce que le Héros, Roi de Greenland, désirait effacer, elle avait reçu un maléfice bien terrible.
Un sortilège dont était friand Tyris Myumurin, le haut elfe dont la fourberie était égale à celle de son cousin, et dont la nature obligeait Faraeline à accepter la comédie qu'on lui faisait jouer.
« Tu es la personne la plus apte à t'occuper d'elle et tu l'élèveras selon nos directives afin qu'elle devienne une bonne princesse. Tu devras toujours aller dans notre sens et si tu es infidèle ou que tu tentes de lui révéler la vérité... tu sais ce qui t'attend. Est-ce bien clair ? » lui avait dit le Héros en l'emmenant jusqu'à la chambre de Talya.
Elle rageait d'être prisonnière de ce sortilège pour un temps indéterminé et d'avoir, en plus, à ingurgiter chaque mois une potion basique de Tyris pour changer la couleur de sa peau noire à un teint de porcelaine rappelant les elfes sages et érudits de son ancienne cité, avant la corruption.
Ses longs cheveux attachés en tresse dans son dos, elle portait et porterait chaque jour dans le château une robe en tissus verte aux motifs d'amaryllis, symbole de la famille royale du pays, et de simples chaussures plates.
Elle qui à Stormaelyan n'était vêtue que des tenues pratiques pour le combat et pour servir son Seigneur, elle se sentait impuissante sans une arme à sa ceinture.
Mais elle n'avait pas le choix et devait supporter cette situation, jusqu'à ce que, comme elle espère... Talya devienne incontrôlable.
Car contenir la vraie nature d'un dragon par l'oubli était, pour elle, d'une naïveté digne d'un Héros ne sachant distinguer les nuances de couleur dans sa perception trop sombre du « mal ».
— Pourquoi n'est-elle pas coiffée ?
— Les domestiques s'occupant d'elle ont du mal avec certaines de ses réactions. N'est-ce pas ma chérie ?
Faraeline dû mordiller l'intérieur de sa joue pour se retenir d'attaquer le Héros en l'entendant jouer le rôle d'un père aimant...
Alors que le vrai père de Talya avait disparu de ce monde.
— Je vous laisse faire. Elle ne parle pas beaucoup et-
— Je sais.
Sans attendre plus longtemps, l'elfe s'assit en tailleur devant la petite fille préférant regarder par la fenêtre de sa chambre, ses doigts jouant avec une de ses mèches rousses.
« Vous devriez nous laisser. » déclara Faraeline au Héros qui hésita un instant, par manque de confiance, avant de finalement céder par ses responsabilités l'appelant ailleurs.
Enfin seules, l'elfe se rapprocha de la petite fille et l'observa : cette dernière semblait pensive, perdue mais surtout totalement détachée de l'attention que l'on voulait lui donner avec moult jouets et jolies robes.
Faraeline connaissait son caractère et contrairement à son frère Arwin qui était bavard et très curieux, elle savait que l'observation était son point fort.
D'après Vyrr, elle avait hérité du silence de son père et du sens de déduction de sa mère. Elle avait elle aussi de la curiosité et de la fascination, mais avec un caractère plus introverti et des émotions qu'elle gardait pour elle.
« Sauf avec vous, mon Seigneur... » pensa Fara en se rappelant de l'attachement de l'enfant pour le nécromancien.
« Talya ? Tu viens t'assoir près de moi ? Je vais te coiffer. »
Malgré la douce voix qu'elle avait utilisée, l'enfant ne bougea pas d'un pouce. Comme hypnotisé par les jeunes feuilles des chênes devant sa fenêtre, balayés par le vent printanier.
« Talya. »
Cette fois-ci, l'autorité de Fara s'était tout de suite fait sentir par la petite qui sursauta et vint s'assoir en tailleur dos à elle, pour qu'elle coiffe ses cheveux.
Peigne en main à démêler de gros nœuds, l'enfant ne semblait pourtant pas sensible à la douleur des mouvements de sa nouvelle nourrice.
— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé pour que tes beaux cheveux bl-... roux, soient si emmêlés ?
— La nuit. Dehors.
— Tu es sortie hors de ta chambre quand il faisait nuit ? Quand ?
— 'Sais plus.
— Pourquoi est-ce que tu es sortie ? Tu as tout ce qu'il te faut ici, non ?
— Non.
Elle savait que pour avoir des réponses, il fallait poser les bonnes questions à Talya et surtout, l'intéresser.
— Tu veux sortir dehors ?
— Oui.
— Mais ton... père, il m'a dit que tu n'avais pas le droit. Parce que tu étais sortie pendant la nuit. Qu'est-ce que tu as fait, cette nuit-là ?
— J'ai senti une odeur. Je me suis baladé. Et...
— Et ? Tu as fait quelque chose ? Tu as vu quelqu'un ?
— Oui.
— Qui ? Tu pourrais me le décrire ?
La petite fronça les sourcils et fit la grimace avant de chercher autour d'elle et de finalement désigner du doigt un livre d'illustration trainant sous son oreiller.
Faraeline l'attrapa et le lui donna avant de terminer sa coiffure. Une couette simple mais efficace.
Talya se mit à faire défiler les pages jusqu'à s'arrêter sur l'une d'elles et agiter ses jambes d'excitation.
« La jolie princesse et le dragon blanc » lut à voix haute l'elfe lorsque Talya continua à faire défiler les pages pour s'arrêter sur l'illustration de fin et tapoter du doigt le dessin de la princesse.
— Tu as vu une princesse ? Mais c'est toi la princesse.
— De longs cheveux comme la princesse !
Fara haussa les épaules et caressa ceux de l'enfant jusqu'à ce que cette dernière ne fixe à nouveau la fenêtre.
« Je veux sortir. »
L'elfe poussa un soupir triste, déçu de ne pas pouvoir lui accorder ce qu'elle désirait, lorsqu'elle se souvint des paroles de Vyrr :
« Même enfermée dans une tour, elle peut voyager. »
— Talya ? Est-ce que tu sais lire ?
— Lire ? Je crois.
— Tu voudrais que je t'apprenne ? En lisant, tu pourrais être dehors tout en restant à l'intérieur de ta chambre.
— C'est vrai ?
— Tu voyageras avec ton imagination. Quand tu ne sauras pas à quoi ressemble un arbre, une plante... je te le dessinerais. Quand j'étais plus jeune, j'étais chargée d'illustrer les ouvrages de magie pour enfant et je m'en sortais plutôt bien.
— Du dessin !
— Oui, c'est ça. On lira pleins de belles histoires ensemble, ça te plairait ? Et après, quand tu sauras bien lire, je demanderais au Roi si on pourra sortir un peu dehors.
— D'accord.
Un léger sourire et des yeux pétillants d'excitation suffisaient à faire comprendre à Faraeline qu'elle avait conquis la petite fille.
Elle se souvenait qu'elle et Arwin adoraient écouter les histoires de Vyrr et qu'il lui avait même appris à lire, alors qu'elle semblait avoir plus d'appétit pour le savoir que son frère.
Son Seigneur avait placé tellement d'espoir dans ses facultés d'apprentissage qu'il lui enseignait même des bases de magie rudimentaire.
En se rappelant de tout cela et en devinant comment serait traité l'enfant dans ce château, elle jugea comme essentielle toute connaissance pouvant lui servir dans sa vie de princesse de Greenland...
Mais également pour « l'après ».
🔥🔥🔥
« Nous avons eu connaissance de plusieurs pillages ainsi que de création de villages de migrants, de marchés noirs itinérants... Toujours des monstres. Encore. Ils pullulent sur le continent depuis la Grande Guerre. »
Le Roi de Greenland fixait avec attention la carte du monde devant lui alors que les plus grands dirigeants du continent Est s'étaient réunis à sa table.
Débattant pendant des jours pour trouver des solutions économiques, militaires et sociales pouvant aider la reconstruction d'après-guerre mais surtout, participer à la hausse de leurs profits personnels.
Si avant, les nains se plaignaient des elfes, maintenant ils se plaignaient des gobelins. Les meilleurs artisans se battaient contre les compétences surprenantes de ces monstres auxquels ils n'associaient que la fourberie et l'arnaque.
Quant aux elfes, ils devaient contrôler à la fois leurs terres mais également les pertes de grandes sources de savoir ainsi que la honte d'avoir une partie de leur race corrompue et soumise au chaos.
— Qu'en est-il de la tentative de refermer le portail du monde des ténèbres ? Ils viennent bien de là-bas, non ? Est-ce que quelqu'un a pensé à le traverser.
— La zone est hostile, répondit le Héros en pointant la carte. Les Terres Désolées sont en cours de dé-corruption depuis la fin de la guerre. Impossible d'y accéder sans risquer sa peau. Mais vous auriez dû le savoir puisque nous avions fait un appel à l'aide financière de la part de tous les pays de l'Est.
— Nous... ne sommes pas concernés par ce problème. Nous avons soutenu les armées de moult façons et-
— Et blablabla ! s'exclama un nain. C'est sûr que Stolheim ne se sentait clairement pas concerné par les monstres ! Il faut que le problème soit à moins d'une centaine de kilomètres de leurs frontières pour qu'ils agissent !
— Eh ! Vous pouvez parler, vous ! Nous sommes pays voisins mais vous n'avez pas daigné nous aider lorsque Givreciel est entrée en guerre contre nous !
— Vous l'aviez mérité. Qui est assez stupide pour provoquer un dragon ?
— Moi, intervint le Héros en le fusillant du regard. Est-ce qu'affronter un dragon fait de moi quelqu'un de stupide ?
Tout le monde resta silencieux alors que le nain se recroquevilla sur lui-même tout en évitant le regard du Héros.
Il était fatigué de toute cette politique et ces conflits entre pays. Tout ce qu'il désirait, c'était la paix et se débarrasser de tous ces monstres et ce chaos présent sur le continent.
— Pas de nouvelle de l'Ouest ?
— Le Roi de Leonidia a nié avoir volontairement invoqué son Léviathan lors de la guerre pour couper son continent des conflits. Cela, ainsi que le fait qu'il ait eu des liens avec le nécromancien, qu'il ait empêcher la migration des peuples vers ses terres et surtout autorisés celle des monstres au sud-ouest.
— Il a choisi le camp des perdants.
— Pas vraiment... Son pays s'est bien enrichi pendant la guerre. Givreciel également.
— Laissons de côté l'Ouest pour l'instant alors. Nous avons beaucoup plus imp-
Le Héros s'interrompit en entendant toquer à la porte de la salle lorsqu'un homme à l'allure vagabonde et à la peau recouverte de plaies et de boutons entra sans y être invité.
Le spectacle de son apparence accompagné par une odeur putride répugna l'ensemble des leaders présents jusqu'à ce qu'en levant son épée vers sa gorge, le Roi n'interrompt la marche de l'inconnu.
— Es-tu un cadeau empoisonné du nécromancien ? Et comment as-tu pu arriver jusqu'ici ?
— Monseigneur... dit-il d'une voix enrouée. J'étais au service de feu le Roi Régis et je reviens d'une mission d'exploration de cinq longues années... Laissez-moi faire mon rapport et je m'en irais.
Le Héros observa ceux présents puis plissa les yeux en regardant l'inconnu avant de l'entrainer jusqu'à la sortie de la salle, s'excusant auprès des autres par avance pour l'attente.
Seul avec le vagabond, sa main caressant le pommeau de son épée, il poussa un soupir et lui demanda de faire son rapport d'exploration.
— Le Roi Régis a financé une expédition, quelque peu avant la guerre, jusqu'à la pointe sud du continent de l'Ouest. Nous sommes partis à une dizaine et je suis le seul à revenir en vie du pays des morts.
— Le pays des morts ?
— L'enfer. La désolation. Je parle d'un endroit où la terre et l'air sont toxiques et où le moindre insecte peut vous tuer. Nous nous sommes rendus à NightHallow.
— La terre sinistre des légendes ? Comme quoi c'était un ancien pays florissant et très en avance technologiquement, du fait de l'alliance des nains, elfes et humains, mais qui a sombré dans la décadence ?
— Avec en son centre, une ville du même nom qui aurait été maudite par un ancien dieu.
— Pourquoi le Roi Régis vous aurait envoyé là-bas ? Y a-t-il des trésors ? Une source capable de nous aider à battre les monstres ?
— Rien de tout cela, votre Majesté... C'est bien pire. Cet endroit corrompt le monde.
— Pardon ?
— Des choses vivent sous la terre, se développent et traversent les océans jusqu'à nous. Le chaos se réveille et va bientôt tous nous ronger. Je suis certain que ce n'est qu'une question de petites années.
— Quelle fonction aviez-vous pour être dans cette expédition ?
— J'étais chercheur humain à Elmetya. J'ai étudié l'histoire de ce monde et tout ce qui pouvait être lié au chaos et... Je le sens.
Le Héros arqua un sourcil et observa en silence l'homme totalement perturbé, le regard perdu, alors qu'il semblait se murmurer des paroles incompréhensibles sur ses amis morts sur « la terre maudite ».
Les légendes autour du pays et de la cité de NightHallow n'étaient que des fabulations pour les peuples du continent Est. Autant que les créatures magiques, les monstres et les dragons jusqu'à ce qu'ils soient mis en évidence par la guerre.
Mais si le roi de l'une des plus puissantes nations avait financé une expédition jusqu'à l'autre bout du monde, c'est qu'il devait avoir de bonnes raisons.
— Si tous tes compagnons sont morts, comment as-tu pu survivre ?
— Je... j'avais peur. Je ne suis pas rentré dans la ville... Seigneur... Je vous en prie... Vous devez brûler ce mal qui va consumer notre monde ! Sans cela, il n'y aurait plus de lumière et ne restera que le serviteur du chaos pour asservir nos âmes.
— Le serviteur du chaos ?
— Le nécromancien. Celui qui entend les voix des profondeurs. Qui agit sous les ordres du monstre vivant dans les entrailles d'Heranyon.
— Je...
« VOTRE MAJESTÉ ! LA REINE ! Elle est en train d'accoucher ! » s'écria un soldat accompagné d'une domestique jusqu'à lui.
Le Héros, totalement sonné par la nouvelle, prit un instant pour se rendre compte de la situation et reprendre ses esprits.
— Excusez-moi auprès de nos invités. Je dois aller soutenir ma femme.
— Très bien, mon Roi.
— Seigneur ! s'exclama le vagabond en le suivant. Il y a plus important qu'une nouvelle vie ! Les mauvaises énergies sont déjà entre ces murs et si nous ne faisons rien maintenant, nous en souffrirons tellement que tous ces sacrifices n'auront servi à rien !
— La naissance de ma progéniture est bien plus importante que tes folies.
— Je vous en conjure ! Écoutez-moi et agissez ! Envoyez une sainte armée là-bas !
L'homme s'accrochait à la jambe du Héros, glissant à même le sol alors que tous les domestiques autour d'eux les regardaient, jusqu'à ce que le souverain ne le chasse du pied avec énervement et ignore les derniers avertissements insignifiants, comparé à la naissance de son troisième enfant.
Se rendant compte bien trop tard qu'il aurait dû écouter cet homme qui succomba à une étrange maladie quelques heures plus tard dans une ruelle sombre de la capitale.
Qu'il aurait dû le prendre au sérieux et agir alors que déjà, les racines du mal s'étendaient dans tout le continent.
Le chaos se répand petit à petit... 😈 Qu'avez-vous pensé de ces deux chapitres ?
D'Arwin survivant miraculeusement à la mort ? Souvenez-vous d'Arley s'étant pris une épée dans le coeur... ben là, son fils va plus loin 😆 Que pensez-vous de Drunog et Alcine ? De leurs avis différents sur Arwin et enfin de ce qu'à vu Drunog chez le petit ?
Du côté de Talya, Faraeline est bien décidé à bien l'éduquer comme Vyrr l'aurait souhaité et à lui donner un peu plus d'amour que les autres 🥰 Que pensez-vous du comportement de Talya ?
Et enfin, des avertissements du vagabond au roi sur le chaos qui se répand ? Pour comprendre un peu mieux le mythe autour de "NightHallow", vous pouvez aller lire "Pure land" dans Histoire du monde d'Heranyon. Info à rappeler également : dans La complainte de Givreciel, il est explicitement dit que la mère de Cassian faisait partie d'une expédition jusqu'à NightHallow, qu'elle est revenu malade et en est morte (et que Cassian a également été touché mais a survécu en quarantaine). Je glisse des petites graines par-ci par-là 🤭
J'espère que ces deux chapitres vous ont plu et si c'est le cas, n'hésitez pas à me le faire savoir en cliquant sur la petite étoile ou en me laissant un commentaire ! 😊 On se retrouve la semaine prochaine pour la suite !
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