5🐲Sornis et Sorys

[TALYA]


« Nous allons devoir passer la frontière... mais nous emprunterons la route des marais. Les nouvelles vont vite et au vu du nombre d'oiseaux messagers dans le ciel ces derniers jours, le continent entier a eu vent de ton mariage sanglant. »

La seule réponse qu'obtenu Vyrr fut le grognement de famine provenant du ventre de sa captive. Talya ne se justifia pas, fatiguée de n'avoir mangé que du pain aux herbes depuis leur départ de Greenland.

Le simple fait d'imaginer une belle pièce de viande rôtie devant elle, lui fit saliver d'envie et renouveler l'appelle à l'aide de son corps.

— Je suis certain que tu pourrais me bouffer, commenta Vyrr en la dévisageant.

— Peut-être bien. J'ai lu que la chair humaine avait le goût de poulet. Je me demande quelle saveur ont les elfes ?

— De plante et de terre.

— Tu affirmes cela comme si tu en avais la preuve. Enfin, ça ne m'étonnerait pas que le nécromancien soit un cannibale.

— Simple déduction. La grande majorité des elfes sont végétariens.

— Mais pas toi ?

— J'aime le sang.

La jeune femme roula des yeux avant de se concentrer sur la carte dans ses mains alors qu'ils marchaient depuis le lever du soleil en direction de la frontière.

La route qu'ils empruntaient était peu fréquentée, uniquement par des marchands faisant le trajet de ville en ville. Quelques chariots dont certains délabrés et des cavaliers hâtifs de rejoindre la capitale après l'appel à la guerre de leur souverain... Ne se doutant pas un instant d'avoir croisé le chemin de l'ennemi numéro un.

Cet ennemi qui grommelait de ne pas pouvoir utiliser de monture alors que quelques heures plus tôt, il affirmait que le voyage à pied était le moyen le plus sûr pour ne pas se faire remarquer.

Les arbres autour d'eux étaient couverts d'un voile blanc persistant alors que la fin de l'hiver s'annonçait plus tôt qu'à l'accoutumée.

Talya était heureuse d'être libérée de sa prison et prenait plaisir à observer les forêts, prairies et champs vallonnés s'étendant à perte de vue qui offraient une vue panoramique époustouflante.

Elle dut reconnaitre que la beauté de Greenland allait lui manquer.

Bien que la neige recouvrait encore les plaines, ils avançaient avec aisance sur le chemin rocailleux et pouvaient même profiter du chant des oiseaux et du soleil brillant doucement à travers les nuages gris.

L'unique tâche à ce tableau, pour elle, était la présence du nécromancien.

« Si seulement Sinath était à sa place... » songea-t-elle avant de bifurquer sur un sentier de terre les dirigeants dans la forêt.

Au bout de la route se trouvait, comme l'avait annoncé Vyrr, le début d'un marais donnant une transition soudaine au paysage enchanteur. Les arbres se raréfiaient, laissant place à des plantes aquatiques et des roseaux pouvant cacher n'importe quelle menace.

Elle sentit que la zone comportait un potentiel danger et cela se confirma lorsqu'ils arrivèrent devant un ponton où plusieurs chaloupiers attendaient dans leurs bateaux... avec une myriade de panneaux en bois signalant la prudence.

— Est-ce le seul chemin ? demanda-t-elle en inspectant d'un regard les environs. Je n'aime pas ça...

— Aurais-tu peur, ma chère ? C'est certain que cela doit t'exiger beaucoup d'effort de sortir de ton petit confort de princesse.

— Pardon ?

— Les plats tout chaud servit à la table du roi et une armée de domestique pour te torcher le cul, ça doit manquer à Talya Green.

Cette dernière fronça les sourcils à la provocation avant de s'engager d'un pas décidé sur le ponton en déclarant :

« Talya Green n'existe plus. »

Quelques minutes plus tard, leur traversée était réglée. Aucun chaloupier ne désirait naviguer sur les eaux glaciales du marais, mais quelques pièces d'or avait détruit toute hésitation chez l'un d'eux.

Les deux voyageurs naviguèrent sur les eaux lugubres dont émergeaient les arbres tordus et déformés les entourant.

Le chaloupier manœuvrait avec précaution sa barque à travers les étendues opaques et les morceaux de glaces pour éviter la vase et les obstacles cachés dans les profondeurs.

Le brouillard latent ainsi que les sons mystiques d'animaux inconnus et les craquements des branches auraient pu angoisser Talya si le regard insistant de Vyrr sur elle ne la mettait pas mal à l'aise.

— Quoi ? dit-elle enfin après plus d'une trentaine de minutes. Ai-je quelque chose sur le visage ?

— Je me demande quand tu vas tenter de me tuer pour te venger.

— Euh... laissa s'échapper le chaloupier incertain.

— Ça ne saurait tarder. Dans ce cas-là, l'attente est une bonne torture, car ma dague pourrait sortir de n'importe où, n'importe quand.

— Même si ma mort entrainerait la tienne ? Une vengeance vaut plus que ta propre vie ?

— Ma vie est le souci. J'aurais pu la sacrifier pour... peu importe.

— Pour Sinath ? répondit Vyrr ne trahissait pas sa contrariété. Ce traitre ne le mérite pas. Oublie-le.

— On n'oublie pas son premier amour. Mais ça, ce n'est pas quelque chose que vous pouvez savoir.

Le silence pesant s'installant entre eux répondit à sa place.

Si Talya avait parfois l'impression d'être bien trop blessante avec son geôlier, sa rancœur revenait vite au galop et lui retirait tout sentiment de culpabilité.

Jusqu'à ce qu'il avoue, quelques minutes plus tard, un détail qui piqua sa curiosité :

— C'est gonflé de me dire cela alors que j'ai appris ce qu'était « l'amour » à ton père.

— ...Vous avez aimé mon p-

— Non, idiote. Comme les... « gens de son espèce », il était hermétique à bien des sentiments humains. Malgré cela, il a commencé à en ressentir et c'est moi qui lui ai fait prendre conscience de son attachement pour ta mère. Quel bras cassé, n'empêche...

— Comment était-il ?

— Un débile. Comme toi. Non, bien pire. Et pourtant, vous devriez être des modèles de sagesse !

— Je vais te la faire bouffer ma sagesse, sale elfe corrompu.

Subitement, Vyrr prit une expression agacée avant de sortir sa dague de sa ceinture et de la lancer dans la gorge de leur chaloupier.

Ce dernier n'arriva pas à pousser un cri tant le coup avait été direct et brutal et, lorsqu'il retira maladroitement la dague tombant dans la barque, il partit à la renverse pour servir de repas aux créatures du marais.

— Pourquoi as-tu fait ça ?! s'exclama Talya en regardant le corps sombrer. C'était notre conducteur !

— Peut-être que je n'aurais pas eu à le tuer si une cruche n'avait pas dévoilé mon identité devant lui ! « Un sale elfe corrompu », tu en connais des milliers se baladant à Greenland et désirant passer la frontière clandestinement ? Il nous aurait dénoncés dès notre arrivée.

— Ce n'était pas une raison ! Tu aurais pu attendre qu'on ait fini notre trajet !

— Pour un mort, j'ai le sang chaud. Il faudra t'y faire.

Talya ne cacha pas sa colère, mais dû se contenter de se rassoir et croiser les bras sur sa poitrine en fixant ses pieds.

Sa réaction rappela à Vyrr les crises de colère d'Arwin et il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

— Tal.

— Ne m'appelle pas comme cela.

— Il faut bien que l'on se trouve des surnoms ou des diminutifs, sinon une gaffe pareille pourra se reproduire. « Tal », c'est court et pratique. Ou préfères-tu « ma cruche » ?

— « Raclure de caniveau », ce sera le tien.

— Tu as raison, « Tal » c'est encore trop évident. Qu'est-ce que tu aimes, dans la vie ?

— Tuer les gens qui m'ont fait souffrir émotionnellement.

— On va laisser ce sujet de côté pour l'instant.

Talya arqua un sourcil d'un air blasé, lorsque son corps entier se contracta.

Les poils de ses bras se hérissaient et, alors qu'elle s'apprêtait à signaler un danger imminent, il vint trop vite à eux.

Les mouvements suspects de l'eau autour de leur barque furent entravés par des reptiliens surgissant des profondeurs et couverts de vase.

La peau verte écailleuse, les griffes et crocs acérés, ces derniers ne prévoyaient même pas d'attaquer les deux voyageurs tant leurs apparences suffisaient habituellement à effrayer leurs cibles.

Mais si Talya était prête à se battre, quitte à tomber à l'eau, l'attitude de Vyrr l'en empêcha immédiatement.

Il leva les mains en l'air et déclara « Nous sommes à votre merci ».

« Est-ce dont cela, la puissance du nécromancien terrifiant le monde entier ? Un mélange de lassitude et de lâcheté ? » pensa-t-elle alors que leur barque était poussée en avant par les reptiliens derrière eux, jusqu'à un bateau beaucoup plus grand ayant la capacité d'accueillir un équipage d'une dizaine de personnes.

Amené à bord, le bruit des reptiliens hurlant de victoire était assourdissant et Talya sentit que Vyrr se retenait d'user de sa magie pour les réduire au silence.

Lorsque le chef, vêtu comme un pirate ne se place devant eux et rit aux éclats :

— La prise d'aujourd'hui est intéressante ! Une humaine et un elfe, tous les deux d'une belle fraicheur ! On va bien manger ce soir !

— Les reptiliens mangent de la chair humaine ? chuchota-t-elle à Vyrr.

— Non, c'est pour le « spectacle ». Il veut surement dire qu'il va tenter de nous vendre à un esclavagiste.

— Silence ! Ça marmonne et blablabla ! Videz vos bourses !

Chef, intervint l'un des subalternes en langue reptilienne, la femme avait ça à la taille. C'est une belle épée.

Huh ? Si c'est une guerrière, il vaudrait mieux s'en débarrasser. On fera du bénéfice sur la vente de l'elfe.

Ça m'étonnerait, il ne vaut rien.

Tout l'équipage s'étonna d'entendre leur nouvelle prisonnière comprendre, mais surtout parler sans accent leur langue maternelle. Très peu d'humains l'avaient appris, essentiellement des marchands, mais tous ne s'exprimaient pas aussi bien et en respectant les bonnes intonations de voix.

Le chef aux écailles d'un bleu couleur saphir se pencha vers Talya et plissa les paupières avant de lui souffler son haleine fétide au visage.

— Comment tu t'appelles, humaine ?

— Elle s'appelle Aetalya.

La jeune femme fit un regard assassin à Vyrr qui lui avait pourtant suggéré moins de quelques minutes plus tôt, de trouver un surnom.

Mais étrangement, la réaction de leurs ennemis ne fut pas celle attendue.

Les subalternes chuchotèrent entre eux jusqu'à ce que le chef ne mette un genou à terre et sa main sur sa poitrine avant de déclarer d'une voix tremblante :

« Par le chaos, nous avons attaqué un dragon. »

Surprise de sa déduction, elle cligna plusieurs fois des paupières face au petit groupe lui témoignant un respect incompréhensible, avant qu'elle ne croise le regard confiant de Vyrr.

« Manipulateur à quel point, cet elfe ? » pensa-t-elle.

— Comment savez-vous ? demanda-t-elle au chef.

— Votre maitrise parfaite du reptilien ne peut signifier que deux choses : soit vous avez été élevé parmi notre race, soit cette langue vous est acquise naturellement. Si vous ne l'avez jamais apprise, c'est que vous êtes un dragon. Ou du moins, un enfant de dragon... Et votre prénom vient de nous le confirmer.

— Vous savez qui je suis ?

— Non, mais le « Ae » de « Aetalya » en est la preuve. C'est la racine du prénom de l'un des dieux de la guerre, Aegis le preneur de vie.

« Vyrr Rhapsody est si malin qu'il en est terriblement dangereux. C'est pour cela qu'il s'est rendu face à nos agresseurs. Il savait que mon prénom suffirait à nous délivrer et... nous garantir un nouveau moyen de transport à travers le marais. »

Talya se tourna vers Vyrr qui ne pouvait se retenir de sourire malicieusement. Elle lui fit un doigt d'honneur qu'il lui rendit, avant de confirmer d'un hochement de tête son lien de parenté avec Aegis.

— Si vous êtes lié à Aegis, poursuivit l'un des subalternes, alors vous devez être la descendante d'Arwin Prideblaze !

— ...En effet.

— Si j'avais su que je rencontrerais une personnalité si importante dans ma vie ! Seigneur ! Apportez-moi du parchemin ! Je veux sa signature !

— Moi aussi ! Moi aussi !

Il ne suffit que de quelques minutes pour qu'une file ne se forme et que la jeune femme ne se mette à écrire des petits mots de remerciement à la plume à même le sol pour l'équipage entier.

Vyrr resta à l'écart, observant la scène avec amusement avant que son regard ne devienne plus dur en croisant le regard toujours hostile de Talya.

Même s'ils arrivaient à tenir une conversation sans qu'elle ne l'attrape par le col, il sentait qu'elle le haïssait profondément. C'était ce qu'il avait souhaité, qu'elle le déteste et ne se doute pas un instant qu'il était le Sinath qu'elle avait aimé.

Mais après l'avoir entendu sangloter la mort de ce dernier, la nuit précédente et celle encore avant, le poids dans sa poitrine était lourd.

Il se disait de plus en plus qu'il serait prêt à tuer tout un village, ne serait que pour être le destinataire d'un sourire sincère chez elle.

« Quelle chance ils ont, ces reptiliens. » murmura-t-il en faisant le constat de la bonne humeur que la jeune femme avait avec eux.

« Si c'est un enfant de dragon, vous êtes qui, vous ? » vint soudain lui demander le chef de l'équipage. « On est d'accord pour vous transporter par-delà la frontière, mais il va falloir jouer la carte de la vérité avec nous. »

La façon dont Vyrr fixa le reptilien fit déglutir ce dernier et regretter de s'être éloigné du groupe. Il glissa sa main sur le pommeau de son sabre, prêt à réagir à n'importe quelle attaque, lorsque l'elfe détacha ses longs cheveux blancs pour se les recoiffer.

— Je suis un simple apothicaire. Rien de plus. Appelez-moi-

— Sornis, déclara le reptilien en accentuant le premier S. C'est cela ? C'est ce que nous a dit Aetalya. Je suis surpris, car ce mot existe dans notre langue également.

— ...Vraiment ? Et que veut-il dire ?

— « Messager de la mort ». C'est le terme que l'on utilise généralement pour désigner les corbeaux.

— Qu'est-ce que je la déteste, cette femme...



🔥



La nuit s'était installée depuis des heures sur le bateau avançant lentement dans les marais. Si tout autour d'eux dégageait une aura inquiétante, les lucioles et les effluves d'alcool rendant l'atmosphère plus chaleureuse.

L'équipage reptilien avait passé la soirée à manger et boire pour honorer la présence d'une demi-dragon près d'eux. Talya avait succombé à l'appel de la viande et, même après que le capitaine lui ait révélé qu'elle mangeait de la queue de reptilien grillé, elle continua à manger.

Assise sur le pont et les pieds se balançant dans le vide, son regard alternait entre son verre de bière et la pénombre vers laquelle ils naviguaient.

La nuit de cette fin d'hiver était glaciale, mais plus les jours passaient et plus elle s'en accoutumait. Sa nature de dragon prenait de plus en plus de place en elle et elle ne ressentait presque plus la fraicheur de la nuit.

Les reptiliens ivre mort et endormis à même le sol un peu plus loin, elle se mit à repenser à la malice du nécromancien.

Vyrr semblait toujours avoir plusieurs coups d'avance et, lorsque la situation lui filait entre les doigts, c'est parce qu'il la lui volait.

À chaque pensée la ramenant à Sinath, comme cette soirée alcoolisée, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de la haine et du dégoût pour l'elfe corrompu...

Mais elle s'étonna également de ses sentiments.

La mort de Faraeline il y a des années l'avait profondément marqué... Alors pourquoi celle de Sinath n'avait-elle pas le même effet sur elle ? Certes, elle ne retenait pas ses larmes lorsque la nuit venait, mais sa tristesse n'était pas aussi immense.

Talya se mit à douter de ce qu'elle ressentait, mais également du fait qu'elle puisse avoir des émotions.

« Peut-être ai-je perdu ma sensibilité ? » se demanda-t-elle sérieusement lorsqu'elle sentit l'odeur caractéristique de la mort se rapprocher d'elle.

Pas une odeur provoquant des nausées, mais plus subtil entre le cuir, le brûlé et... quelque chose d'indescriptible.

— Sorys.

— À tes souhaits.

— C'est le faux nom que je t'ai trouvé. Même racine que celui que tu m'as imposé, « Sor ». Toi qui as la langue reptilienne dans le sang, tu connais sa signification ?

— Honnêtement, je n'en sais rien. Je comprends et je peux répondre à cette langue, mais ça me vient comme ça. Sans réfléchir. Comme respirer. Qu'est-ce que cela veut dire ?

— « Serpent ailé ».

— J'aurais préféré « lézard ailé », mais ça me va.

— Sornis et Sorys. C'est dur à dire et ça fait prénom de couple. Détestable...

— À gerber.

Un nouveau silence s'installa entre eux, mais pour la première fois, peut-être grâce à l'alcool, il était agréable.

Talya leva la tête vers le nécromancien passant délicatement ses doigts dans ses cheveux pour remettre une mèche rebelle de derrière son oreille, lorsque ses iris rouges s'éclaircirent subitement.

— Quoi ?

— Rien... Tu viens de me rappeler un fantôme du passé.

— Une femme ?

Vyrr hocha doucement la tête avant de se reconcentrer sur les mouvements de l'eau devant eux provoqués par la lente avancée du bateau.

Dans un désir d'en apprendre plus et d'essayer de casser ses préjugés sur lui, elle mit de nouveau sur la table un sujet qu'ils avaient à peine abordé :

— Certains livres et rumeurs disent que tu étais amoureux de la Grande Invocatrice. Est-ce que cela est vrai ?

— J'étais plutôt son jouet. Autant pour la guerre que le sexe. Leone était... Nous n'aurions jamais pu finir notre vie ensemble.

— Pourquoi cela ?

— Elle était amoureuse d'un autre. Du roi de Greenland. De son premier amour et celui pour qui elle a déclaré cette guerre. Comment rivaliser avec une telle passion ? Je n'étais qu'un grain de sable. Un corbeau bon à ramasser les miettes.

— Ça ne répond pas à ma question. Étais-tu amoureux ?

— Comment le pourrais-je ? Tu as toi-même dit que je n'avais pas de cœur.

Ses mots provoquèrent une douleur inexpliquée en elle. Talya s'en voulut de la dureté de ses paroles et, malgré les arguments qu'elle se trouvait pour justifier son comportement envers cet assassin...

La simple expression meurtrie du nécromancien lui provoqua un soupir désolé.

— Je pense que tu as raison, poursuivit-il, il ne peut rien avoir de bon en moi.

— Vyrr, je-

— Mais ça m'est égal. Je dirais même que j'aime cela. Plus la noirceur sera présente à la place de mon cœur, plus j'aurais de force pour terrasser tous mes ennemis. Sans pitié et sans larmes.

Elle l'observa terminer cul sec son verre et, sans qu'elle ne puisse l'expliquer, sa main attrapa son poignet pour le retenir de s'enfuir.

Le contact entre leur peau lui picota les doigts et lui provoqua un sentiment étrange de bien-être, lorsqu'elle déglutit et eut un frisson désagréable en voyant sa peau reprendre sa couleur grise corrompue.

Sa concoction ne faisait plus effet et venait de rappeler à la jeune femme qu'elle ne devait pas oublier qui il était. Ce qu'il avait fait et le sang qu'il faisait couler avec le sourire.

« Mon apparence te dégoûte, n'est-ce pas ? Je ne suis pas aussi plaisant à regarder que Sinath... » murmura-t-il avant de rejeter l'emprise de Talya sur son poignet et de partir à l'arrière du bateau.

Dans sa solitude, elle comprit enfin ce qu'avait essayé de lui expliquer Nelian : Vyrr Rhapsody était un être complexe. Manipulateur dont il ne fallait pas croire toutes les paroles, le peu qu'il laissait entrevoir de ses souffrances avait l'étrange pouvoir de le rendre attachant.

Malgré toutes les horreurs qu'il commettait, elle sentit que le nécromancien choisissait avec attention quelle « bonne » facette de sa personnalité offrir à ceux qu'il voulait rallier à sa cause.

Elle finit par s'endormir, absorbée par ses réflexions, pour se réveiller le lendemain matin par les reptiliens souhaitant lui apprendre à naviguer et apprécier la quiétude des marais.

Moins d'une journée plus tard, le bateau arriva enfin à destination, à l'entrée d'une des nombreuses forêts bordant Elmetya et Greenland.

— Aetalya et Sornis, nous vous souhaitons une bonne continuation ! C'était intéressant d'avoir votre compagnie !

— Vous promettez de ne plus faire dans la traite d'être vivant, hein ?

— Je n'ai qu'une parole. Par contre, je vais persévérer à dépouiller des voyageurs s'aventurant trop profondément dans les marais. C'est notre plaisir à nous.

— J'ai bien vu, répondit Vyrr en constatant qu'il lui manquait une dizaine de pièces d'or dans sa bourse.

— Faites attention, poursuivit Talya, parce que la guerre vient d'être déclarée et les gens ne vont pas se gêner pour tenter d'exterminer votre espèce.

— On n'a pas à s'en faire, tant qu'une descendante du dieu de la guerre existe ! Tu n'auras qu'à t'envoler et tous les carboniser jusqu'au dernier !

Le sourire crispé de Talya ne fut perçu que par Vyrr qui, quelques minutes après le départ du bateau, lui demanda quel était le problème.

Elle poussa un long soupire avant d'étirer ses bras et d'avouer au nécromancien :

— Je ne suis pas certaine de réussir à prendre la forme d'un dragon.

— Qu'est-ce qui te fait dire cela ? Tu as généré de magnifiques flammes destructrices en quittant Greenland.

— C'était grâce à ma rage. Ma colère et... tout ce chaos en moi. Mais j'y ai repensé et j'ai tenté de nouveau, et... Tout ce que j'arrive à produire, ce sont des flammèches. Et je ne suis pas comme mon frère, car j'ai beau me concentrer, des ailes ne sortent pas de mon dos.

— Penses-tu ne pas être prête pour être un dragon ?

— J'ai besoin d'en savoir plus sur ma nature, comment l'apprivoiser sans partir en vrille... Pour être enfin utile.

— Une arme parfaitement polyvalente.

La remarque de Vyrr lui fit oublier toutes ses bonnes réflexions sur lui de la veille et, alors qu'ils s'engouffraient dans la forêt, elle prit une décision : elle devait tenter de le blesser physiquement pour savoir si l'histoire de malédiction et de châtiment partagé était réelle.

Si elle devait le tuer, ce serait maintenant. Sa vengeance ne pouvait attendre, car plus elle passait du temps avec lui, plus elle se sentait manipulée et perdre sa résistance.

Talya savait qu'à un moment donné, elle n'aurait pas la force de se débarrasser de lui parce qu'elle se serait trop attachée à sa détestable personne.



Le duo "je t'aime/je te déteste" avance dans leur voyage en direction de la première broche ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Des piques qu'ils s'envoient ? Des sentiments de Vyrr se forçant à être mauvais et de Talya regrettant parfois ses paroles ?

De leur rencontre avec les pirates du marais ? Des intentions de Talya de blesser Vyrr avant de trop s'attacher à "la mauvaise personne" ?

J'espère que la suite vous plaira ! N'hésitez pas à me donner vos retours en commentaire/DM et avec vos votes ! On se retrouve bientôt pour le prochain chapitre ! 🥰

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