48🐲Tue-moi



Ce monde ne veut pas que l'on soit ensemble.

Personne ne l'accepterait parce que nous n'aurions jamais dû avoir cette relation.

Je n'aurais jamais dû t'aimer.

J'aurais dû te haïr, comme c'était prévu.

Te tuer, aveuglée par la haine, aurait été plus simple.

Désormais...

Je suis coincée.



Talya tourna la tête vers son frère qui tendait sa main vers elle, lui réclamant son aide pour avancer ensemble vers le cœur du Chaos...

Mais elle avait changé d'avis.

— Tu vas m'en vouloir... murmura-t-elle, un sourire teinté de mélancolie aux lèvres alors que des larmes de sang coulant encore sur ses joues.

— Tal ! Si c'est trop pour toi, on le fera ensemble ! Tu n'es pas seule, je serai toujours là, à tes côtés ! Je...

— Je n'ai plus envie, coupa Talya d'un ton amer. J'ai été privée de tant, toute ma vie. Et maintenant, alors que je tiens enfin ce que j'ai toujours désiré, je devrais l'abandonner ? Sacrifier notre bonheur pour un monde qui nous a toujours mal traité ? Je refuse.

Arwin se trouva soudain sans voix, la gorge nouée par l'émotion, tandis qu'il regardait sa sœur se faire lentement engloutir par les mains ensanglantées qui émergeaient du sol.

Elle n'était qu'à deux pas du cœur palpitant d'où émanait une présence squelettique, la chair en décomposition suintante de ses os, une abomination qu'il reconnut comme étant Vyrr, transformé par les forces chaotiques.

Tue-moi.

Cette supplication, Arwin l'entendait aussi, vibrante de douleur et de désespoir.

Lui aussi, il se sentait terriblement soumis par leur funeste destin à devoir tuer celui qui l'avait élevé. Celui qui l'avait rassuré, lui avait donné de la confiance, de la sagesse et qui lui avait permis de devenir un homme de valeur.

Devant l'impossibilité de lever la main sur Vyrr, Arwin se sentait déchiré. Pourtant, il croyait en leur force commune, en leur capacité à surmonter tous les obstacles, ensemble.

— Désolée, Arwin... souffla Talya. Mais ce monde ne mérite pas ma clémence.

Et je n'ai jamais été une héroïne.

Aetalya leva les yeux vers Vyrr, ou ce qu'il en restait, et au lieu de détruire le Chaos de ses flammes... elle l'embrassa.

Elle pressa délicatement ses lèvres contre le squelette déformé et corrompu devant elle et à cet instant, Noaryen ne fut plus un ennemi à combattre, mais un allié sombre avec lequel fusionner.

— TALYA ! s'écria Arwin, la voix remplie de désespoir ne parvenant pas à ébranler la résolution de sa sœur.

Le corps de Talya fut enveloppé dans une aura ténébreuse et ses yeux s'illuminèrent d'un rouge ardent comme celui du nécromancien auparavant.

Sous le regard horrifié d'Arwin, ses ailes noires déformées et aussi sombres que la nuit, s'étendaient avec majesté. Ses cheveux, autrefois d'un blond éclatant, s'assombrirent jusqu'à devenir d'un noir de jais, tombant en cascades tumultueuses autour de son visage métamorphosé, encadrant ses nouveaux traits démoniaques.

Talya se tourna vers lui, ses yeux rouge luisant sondant les profondeurs de son âme. Une expression indéchiffrable jouait sur ses lèvres, un mélange de triomphe et de mélancolie pour le chemin qu'elle avait choisi.

— Je suis devenue ce que le monde craignait, articula-t-elle d'une voix qui n'était plus la sienne.

Arwin, bien qu'anéanti par le choix de sa sœur, ne pouvait détacher son regard de cette incarnation de puissance qui se tenait devant lui.

— Je ne peux accepter cela, Talya... Je ne peux te suivre dans cette voie, dit-il, la voix brisée par l'émotion.

Mais avant qu'il ne puisse continuer, un grondement sourd ébranla les fondations de l'église, comme si la structure elle-même réagissait à la métamorphose de Talya. Des fissures se propagèrent sur les murs, et du plafond, des gouttes d'une substance visqueuse et sombre commencèrent à tomber.

Alors qu'Arwin restait figé, tiraillé entre son amour pour sa sœur et sa loyauté envers les idéaux qu'ils avaient partagés, Talya s'approcha du cœur palpitant.

Avec un cri qui était à la fois un adieu et une déclaration d'amour, Talya plongea ses mains dans la matière qui enveloppait Vyrr. Sa peau frémit au contact de la corruption, mais elle ne faiblit pas.

Poussée par sa nouvelle force intérieure, elle arracha l'elfe du corps grotesque de Noaryen. Le squelette, une fois libéré, semblait émettre une faible lueur comme elle lui avait rendu une partie de son essence perdue.

Elle le serra contre elle, une étreinte désespérée et pleine d'espoir. Puis, sans un regard en arrière, Talya fit un pas vers le cœur du chaos, prête à fusionner avec Noaryen.

Je ne me soumets pas à toi, Noaryen.

Tu m'assimiles, mais je dominerais ton chaos de l'intérieur.

L'instant où Talya tenant Vyrr dans ses bras, entra dans le cœur, confirma la fin de tout.

La fusion libéra une énergie inimaginable, un maelström de pouvoir qui fit trembler les fondations de l'église. Les murs se fissurèrent davantage, les pierres commencèrent à tomber, et la structure entière semblait pleurer sous la pression d'une force nouvelle et terrifiante.

La créature nourrit de cette nouvelle âme se mit à grandir de plus en plus, gagnant des ailes immenses et un souffle ardent alors qu'elle scrutait l'horizon avec une intensité brûlante.

Sous elle, le siège de l'Église de la Lumière s'effondra dans un fracas assourdissant, les pierres millénaires cédant sous le poids d'une présence que le monde n'était pas prêt à accueillir. Ce qui avait été un lieu de culte et de lumière n'était plus qu'un amas de décombres.

Dans ce chaos, Arwin se trouvait pris au piège, sans possibilité de fuir l'effondrement. La douleur de son corps écrasé sous les gravats n'était rien comparée à celle de son cœur, déchiré par ce spectacle destructeur. À côté de lui, l'Épée de Lumière gisait brisée, son éclat perdu dans l'obscurité grandissante.

Les larmes coulaient sur ses joues, non pas à cause de ses blessures, mais face à l'anéantissement de son monde.

Les flammes de Noaryen déchiraient le ciel, annonçant le début d'une nouvelle ère de ténèbres. Une pluie fine de cendres recouvrait le paysage, transformant le champ de bataille en un désert de désolation.

Les pensées d'Arwin se tournèrent vers Cassian, son amour laissé derrière.

Il pensa à ses parents, retrouvés si récemment, et à sa sœur, sa flamme jumelle, désormais perdue dans l'abysse qu'elle avait choisi d'embrasser.

« Aetalya, tu avais tes raisons... », songea-t-il avec amertume, « Mais à quel prix ? Vyrr n'aurait jamais voulu cela. Ni pour toi, ni pour nous. »

Sa conscience vacillait, le monde autour de lui se brouillant alors qu'il luttait pour rester éveillé.

Finalement, l'obscurité l'emporta, engloutissant ses pensées et ses douleurs.

Le temps passa, indéterminé, jusqu'à ce qu'Arwin reprenne conscience, seul au milieu des ruines de ce qui avait été leur dernier espoir.

Levant les yeux vers le ciel désormais obscurci, il se demanda si le combat avait eu un sens.

Alors qu'Arwin, épuisé et meurtri, tentait de se redresser parmi les décombres de ce qui avait été l'Église de la Lumière, son regard fut attiré par un éclat sous un amas de pierres brisées.

Avec un effort considérable, il dégagea les gravats pour découvrir un fragment de l'Épée de Lumière. Le morceau de lame, bien que brisé, émettait encore une faible lueur.

— Tu es bien vivant.

La voix grave d'Arley brisa le silence oppressant. Arwin leva les yeux pour voir son père se tenir devant lui, une silhouette imposante et rassurante dans le paysage de désolation.

— Que s'est-il passé... ? murmura-t-il, sa voix brisée par l'épuisement.

— Un Deux Ex Machina.

— Quoi ?

— C'est comme ça que ta mère l'a appelé. Mais pour les paladins, c'était un miracle. Alors que le souffle destructeur de Noaryen incendiait les cieux, des nuages épais se sont écartés pour révéler une lumière aveuglante. Un bras colossal, armé d'une épée semblable à celle de Lumière, est apparu et a tenté de fendre le Chaos.

— Une apparition d'Heralgar ! s'étonna Arwin. J'ai lu dans un livre que c'était possible lors de situation désespérée que l'Ancien Dieu ne se présente pour aider les croyants de la Lumière ! Alerya m'avait également raconté que pendant son voyage, face à un Mange-Tout, c'est cette apparition qui a tué cette créature considérée comme increvable. Alors il a détruit Noaryen ?!

— Non, le bras a été submergé par des formes terrifiantes avant d'être... dévoré par Noaryen lui-même.

Un silence pesant tomba entre eux, seulement interrompu par les cris lointains de désespoir.

— Viens, nous ne pouvons rester ici, insista Arley, tendant la main à son fils.

Avec l'aide d'Arley, Arwin se releva laborieusement, chaque mouvement un supplice. Ensemble, ils entreprirent la traversée des ruines vers un lieu sûr, Arley racontant comment lui et Yara avaient trouvé refuge dans une grotte secrète, un abri pour ceux qui avaient échappé à l'apocalypse.

Le voyage vers la grotte fut éprouvant pour Arwin, chaque pas un rappel de la tragédie qui s'était déroulée. Le soutien de son père n'était pas suffisant pour raviver sa détermination.

Arrivé à la grotte, l'accueil fut teinté d'une chaleur mélancolique. Yara, les yeux emplis de larmes, se jeta dans les bras d'Arwin, partageant un moment de réconfort mutuel au milieu du désespoir.

— Tu as perdu un bras... remarqua doucement Arwin, la voix étranglée par l'émotion.

— J'ai perdu un bras, mais nous avons failli te perdre, toi. Cela n'a aucune importance en comparaison.

— Où est Cassian ?

Ses parents restèrent silencieux.

C'est dans ce moment suspendu qu'Alerya, portant les stigmates des récentes batailles, s'approcha de lui, la lame de la Valkyrie Impure à la main, maculée d'un sang qui n'était pas le sien.

— Cassian... Il s'est confronté à Noaryen pour te protéger, pour nous protéger tous, commença-t-elle d'une voix éraillée par la peine. Il a réussi à l'atteindre, à blesser la créature là où personne d'autre ne le pouvait...

— Un vrai guerrier, murmura Arley.

— Mais...

Ses mots semblaient suspendus dans l'air, lourds de non-dits et de douleur. Arwin, le regard fixé sur la lame tachée, sentit un frisson d'horreur le parcourir.

— Il a été dévoré, acheva Alerya, les yeux emplis de larmes. Cassian a donné sa vie pour que l'on puisse tous se sauver sain et sauf jusqu'ici.

L'annonce frappa Arwin comme un coup de tonnerre, brisant les derniers remparts de sa retenue. Une douleur aiguë, mêlée à une rage impuissante, s'empara de lui.

Cassian, son phare dans l'obscurité, son ancre dans la tempête, avait été emporté par les abysses du chaos.

Sans un mot, Arwin se tourna vers l'entrée de la grotte, son regard embrasé par une colère ardente. Son cœur, autrefois rempli d'amour et d'espoir, ne battait plus désormais qu'au rythme de la vengeance. Chaque fibre de son être criait de douleur.

Avec un dernier regard vers ses parents et Alerya, il s'élança hors de la grotte. Sous le ciel assombri par la destruction, il invoqua la force latente en lui, celle-là même qui l'avait lié à Talya, à Cassian, à tout ce qu'il avait aimé et perdu.

Il se transforma entièrement en dragon.

Arwin s'envola avec rage, traversant le ciel ravagé vers le cœur du chaos, vers Noaryen. La masse tentaculaire et pulsante de corruption se dressait devant lui, telle une montagne vivante d'horreur.

Arrivé au sommet, Arwin fut confronté à une scène qui transcenda sa rage en une profonde désolation. Là, au cœur du chaos incarné, il découvrit ce qu'il restait de Talya.

Elle était méconnaissable, enveloppée dans les ténèbres et ses yeux d'un rouge infernal fixant le vide tout en serrant dans ses bras le corps de Vyrr. Le nécromancien était enchaîné à Noaryen par des lianes de chair et de sang, comme une marionnette brisée.

Ils étaient devenus une partie intégrante de l'horreur qu'ils auraient dû combattre.

— Tu me juges ? demanda-t-elle sans lever la tête vers son frère. J'ai retrouvé celui que j'aime. Il n'est plus seul.

— Vous êtes tous les deux éteints. Regarde-toi. Regarde-le... Il n'est que l'ombre de lui-même. Est-ce préférable à la mort ?

— Au moins, je suis avec lui.

— Et tu m'as pris celui que j'aimais. Pourquoi es-tu allé si loin ?

— Parce que je n'avais pas la force de vivre sans lui. Traite-moi de faible et moque-toi de mon amour dévorant... mais c'est Vyrr qui a apporté la liberté dans ma vie. L'amour. Je ne pouvais pas l'abandonner.

— Regrettes-tu ?

Talya caressa la chevelure du nécromancien ayant un sursaut alors qu'il tentait de tirer sur les chaines de sang.

— Pas un seul instant.

La lame brisée de l'Épée de Lumière en main, il fit face à sa sœur. Dans ses yeux, il cherchait encore un signe de la Talya qu'il avait connue, un espoir qu'un reste de son âme puisse être sauvé.

Serrant la poignée de son épée, il canalisa sa douleur en force brute. Il s'élança alors vers Talya et Vyrr, la lame prête à frapper, déterminé à mettre un terme à la tragédie qui s'était emparée de leurs vies.

— Je t'aime, ma flamme jumelle.



Tue-moi.

Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. Tue-moi. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI. TUE-MOI !


— Je ne peux pas.



Soudain, Arwin cligna des yeux et fut frappé d'une profonde douleur à la tête... Lorsqu'il se rendit compte qu'il n'avait pas bougé de la tour de l'Église de la Lumière.

Il était toujours à quelques mètres de l'organe pulsant au centre de la pièce alors que sa sœur, prise de la même sensation, tomba à genoux et se tourna vers lui, les larmes aux yeux.

Le poids oppressant de l'illusion s'évanouissait lentement, laissant place à une réalité tout aussi sombre, mais palpable.

— C'était... une illusion ? balbutia Talya, ses yeux cherchant confirmation dans le regard d'Arwin. Ou est-ce que ça s'est réellement passé ?

Arwin regarda l'Épée de Lumière, intacte, avant de brûler les liens sanglants le retenant pour courir jusqu'à sa sœur et l'étreindre avec force.

— Tu es bien réelle... répondit Arwin, sa voix tremblante d'émotion. Tu as vu ce que...

— J'ai tout vu, dit-elle en réprimant un hoquet. J'ai vu à travers tes yeux et les miens... Mon Dieu, Arwin... Qu'est-ce que j'ai fait...

— Tu ne l'as pas encore fait. Peut-être que...

— Peut-être qu'Onhild a décidé de nous montrer « l'autre choix » possible... parce que j'hésitais. J'y pense depuis longtemps, Arwin, et elle m'a déjà testé pour ça. Elle a besoin de s'assurer que je tuerais Vyrr pour empêcher Noaryen de mettre fin à ce monde.

— Cruelle Déesse...

L'atmosphère autour d'eux était chargée de tension mais malgré la terreur et la douleur infligées par l'illusion, ils se tenaient là, ensemble, invaincus.

— Nous ne pouvons pas laisser cela nous briser, reprit Arwin, retrouvant peu à peu sa détermination. Ce n'était pas réel, nous pouvons affronter ce qui nous attend.

— Et si ça le devenait ?

Ils se retournèrent ensemble vers l'énorme organe qui pulsait toujours, Vyrr étant toujours enfermée dans la chair et le sang de ce cœur chaotique.

— Ça ne le deviendra que si l'on refuse d'agir et qu'on laisse le chaos nous envahir. On doit le faire pour Vyrr, pour tous ceux qu'on aime. Nous avons une chance de mettre fin à cela, Tal.

— Tu parles comme un héros.

— Parce que ça pète la classe. Alors ? Ensemble ?

Talya détourna le regard et son frère sentit qu'elle prenait pleinement conscience de ce qu'ils avaient vécu dans leur illusion, et qu'elle venait de trouver comment ne pas sombrer.

— Ensemble.

Main dans la main, ils avancèrent vers l'organe central, brûlant de leurs flammes chaotiques chaque tentative de les retenir.

TUE-MOI.

Devant eux, le corps de Vyrr se recomposait lentement, une fusion macabre de chair et d'os, où chaque fragment semblait animé d'une volonté désespérée de retrouver son état d'origine.

TUE-MOI.

Sans hésiter, Arwin avança, l'Épée de Lumière à la main, son regard fixé sur le cœur pulsant qui avait contenu Vyrr.

— C'est notre seule chance, dit-il, sa voix teintée d'une détermination mêlée de douleur.

TUE-MOI.

Et, d'un geste presque tendre, il planta l'épée dans le cœur.

Soudain, toute la salle se mit à réagir à l'attaque. Des lames et des membres difformes se formèrent pour venir les attaquer, l'air devenant encore plus étouffant, lorsque Talya cracha son feu chaotique pour consumer entièrement la prison de chair et de sang.

— Tal ! lança Arwin, sa lutte pour maintenir l'épée enfoncée dans le cœur devenant de plus en plus difficile. Je n'y arriverais pas seul !

Sans hésiter, la jeune femme vint aider son frère à pousser la lame baignée d'une lumière presque divine qui transperça le cœur de Noaryen, libérant une onde de choc d'énergie pure qui balaya la salle entière.

Mais Noaryen vivait en Vyrr, son réceptacle, et seule sa mort pouvait tout arrêter.

La créature immense dépassant de la tour commença à se réduire en pluie de sang noir, progressivement, jusqu'à ce qu'elle ait une taille humaine et qu'il ne reste que Vyrr, envahi par le chaos.

— Arwin, recule. Laisse-moi faire. C'est à moi d'en finir.

Le jeune homme lâcha la poignée de l'Épée de Lumière qui commença à brûler les paumes de sa sœur. Pourtant, elle ne flancha pas.

Les yeux de Vyrr s'entrouvrirent, fixant Talya avec une lucidité éphémère qui fendit l'âme de la jeune femme.

— Tu vois, tu en étais capable...

La voix de Vyrr, bien qu'affaiblie, était empreinte d'un amour inébranlable.

Talya, les larmes brouillant sa vue mais ne détournant pas le regard, pressa l'épée plus profondément dans le cœur du nécromancien.

— Nous n'aurions jamais eu de chance dans ce monde.

— Et pourtant, ça ne m'a pas empêché de tomber amoureux de toi.

— Je t'aime, de tout mon cœur. Dans ce monde... et dans l'autre.

Soudain, un triste sourire se dessina sur le visage de Talya avant qu'elle ne se tourne et expulse un souffle de flammes derrière elle. La pièce fut bientôt embrasée par un mur ardent, une barrière entre elle, Arwin, et le destin qu'elle choisissait.

— Tal ! s'écria son frère paniqué. Qu'est-ce que tu fais ?!

— Pars, avant que tout ne s'écroule.

— Je ne peux pas te laisser ! Tu vas-

Talya retira l'Épée de Lumière du corps de Vyrr avant de la jeter dans les flammes, l'arme les traversant pour finir au pied d'Arwin, totalement déboussolé.

— J'ai adoré être ta sœur... et je suis fière de toi, mon héros.

— Aetalya ! Vyrr ! Je... ! Vous ne pouvez pas... !

Les mots se perdirent dans sa gorge alors qu'il hoquetait de chagrin, les larmes coulant à flots, lorsqu'il se rendit compte qu'il allait finir écrasé par la tour s'écroulant petit à petit sur eux.

— Je vous aime ! s'écria-t-il. Je vous aimerais toujours !

Mais ses mots se perdirent dans le fracas de la destruction, le séparant d'eux définitivement.

Talya, les mains tremblantes, mais résolues, maintenait son étreinte autour de Vyrr, qui répondait avec une douceur inattendue dans ces circonstances tragiques.

Lorsqu'il effleura ses lèvres pour essuyer une larme, le geste était empreint d'une tendresse bouleversante, un calme au cœur de la tempête.

— Je ne veux pas que tu partes avec moi, souffla Vyrr.

— Je ne veux pas te laisser seul. Plus jamais.

— Et ton avenir ? Tous tes rêves et tout ce que tu as accompli ?

— Mon avenir a toujours été avec toi.

— Ta liberté ?

Il cherchait à lui donner une échappatoire, une chance de choisir une vie au-delà de ce sacrifice ultime. Mais Talya était résolue.

— Je suis déjà libre de mes choix et j'ai décidé de rester avec toi. Jusqu'à la fin. Parce qu'un monde sans toi...

— Ça me tuerait.

Alors que les murs de la tour de l'Église s'effondraient autour d'eux, Talya et Vyrr échangèrent un dernier baiser, un adieu et une promesse tout à la fois.

C'était un baiser d'amour, profond et intense qui changea même leur essence.

Les cheveux de Talya, auparavant d'un blond lumineux, s'assombrirent jusqu'à devenir noirs comme la nuit la plus profonde, absorbant en eux le chaos qui avait tourmenté Vyrr.

Comme si elle prenait sur elle la tempête qui l'avait ravagé, le libérant de son fardeau juste avant la fin.

En réponse, la peau corrompue de Vyrr retrouva la pâleur lumineuse et caractéristique des hauts-elfes.

Comme s'il retrouvait une dernière fois celui qu'il était avant d'accueillir le chaos en lui.

Lorsqu'ils se séparèrent, leurs yeux se rencontrèrent une dernière fois, et en un regard, tout fut dit. Aucun mot ne pouvait exprimer la profondeur de ce qu'ils ressentaient.

À cet instant, rien ne pouvait plus troubler leur amour, sauf la mort elle-même.

À l'extérieur de la tour, loin de l'intimité tragique de ce dernier adieu, un silence oppressant régnait sur le champ de bataille. Les combattants des deux côtés observèrent, abasourdis, l'effondrement de l'Église de la Lumière.

Dans cet instant, la disparition soudaine de toutes traces de corruption marqua un tournant : les soldats nécromantiques et les créatures d'horreur qui avaient déferlé sur le monde commencèrent à se dissoudre en poussière, comme effacés par une main invisible.

Le ciel, auparavant obscurci par des nuages sombres et menaçants, s'éclaircit soudainement, laissant filtrer les premiers rayons du soleil.

Tout était fini.

Le Chaos avait été vaincu. Pas entièrement, car le monde ne pouvait pas être que lumineux, mais suffisamment pour que tous puissent vivre et espérer un avenir plus radieux que ces dernières années.

Au pied de ce qui fut jadis la majestueuse tour de l'Église, Arwin, perdu et dévasté, contemplait les ruines encore fumantes.

Parvenu à échapper à l'effondrement, l'Épée de Lumière fermement serrée dans ses mains, il avait déployé ses ailes dans un ultime effort pour s'éloigner du désastre, atterrissant à la base de ce qui restait du sanctuaire.

Cassian, Arley et Yara se précipitèrent vers lui, leurs questions pressantes se heurtant au mur du silence qui enveloppait Arwin.

Le chasseur lui prit la main avec douceur, murmurant son prénom d'une voix étranglée par l'émotion...

Jusqu'à ce qu'Arwin s'effondre, les genoux cédant sous le poids de son chagrin.

Arley, le visage creusé par les épreuves de la guerre et la douleur incommensurable de la perte de sa fille, posa une main réconfortante sur l'épaule d'Arwin. À ses côtés, Yara l'enlaça, partageant son chagrin tout en essayant de tisser autour de lui un fragile cocon de réconfort.

Il avait perdu Vyrr, celui qui l'avait élevé. Qui l'avait protégé et qui avait pu lui donner suffisamment d'affection pour qu'il ne cède pas au chaos. Qu'il n'abandonne pas et qu'il ne craque pas face à la solitude.

Et personne d'encore vivant, excepté Arwin, n'avait véritablement connu Talya. Personne d'autre n'avait partagé ses rêves et ses peines, personne d'autre n'avait ressenti cette connexion unique, cette union parfaite des âmes. Talya était sa flamme jumelle, l'unique, l'irremplaçable moitié de son être.

Le soleil, perçant enfin les nuages pour inonder le paysage d'une lumière apaisante, semblait vouloir adoucir la douleur des cœurs brisés.

Mais pour Arwin, cette clarté n'était qu'une ironie cruelle, incapable de réchauffer l'abîme de froidure dans lequel son cœur s'était abîmé.

Le jeune homme, secoué de sanglots, murmura entre deux hoquets :

— Je n'arrive plus à la sentir... Sa voix, sa présence, tout s'est éteint... Aetalya...

Dans cet instant suspendu, ils partagèrent tous le deuil en faisant face à l'aube d'un nouveau monde en liesse et libéré du chaos.

Un monde battit sur de douloureux souvenirs.

Un monde né d'un amour profond et d'un sacrifice.

Un monde sans Talya et Vyrr.



! EPILOGUE DISPONIBLE !

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