4 🐲Tu sombres avec moi
[ARWIN]
— Comment est-ce que tu imaginais le prince charmant, quand tu étais petite ?
— Est-ce que c'est le moment, Arwin ? D'ailleurs, où est mon argent ?
— Ah. Sur la table. Merci pour tes services. Mais... du coup ?
— Le prince charmant ? Pfff. Je n'en sais rien.
— OK. Ton idéal masculin actuel alors.
— C'est toi, bien sûr.
— Oublie que je t'ai payé.
— Ah, d'accord. Eh bien, un homme avec de l'embonpoint et qui tient bien l'alcool. Un travailleur acharné qui m'apporterait assez d'argent pour que je n'aie plus besoin de faire le tapin.
— Au niveau de son attitude ?
— Un type charmant, souriant et déterminé. Gentil et qui ne me bat pas. Qui ne m'énerve pas et ne me prend pas pour une conne.
— Exactement.
— Où veux-tu en venir ?
— Les espérances trop élevées ne conduisent qu'à la déception.
La prostituée haussa les épaules tout en enfilant son manteau et en rangeant sa bourse dans sa poche. Elle se rapprocha d'Arwin encore nu dans le lit qu'ils avaient partagé, avant de l'embrasser sur la joue.
« C'était sympa, mais se faire des câlins et se regarder en train de se toucher, ce n'est pas ma tasse de thé. J'ai compris que tu ne pouvais pas donner plus aux femmes, mais je pense que tu devrais te trouver ta « princesse charmante » qui acceptera toute ton affection, au lieu de dépenser tout ton salaire de Prodige avec mes collègues. »
Arwin l'observa quitter la chambre avant de se laisser retomber dans les draps, sentant le parfum ambré de sa dernière conquête.
Il n'arrivait pas à se satisfaire de la situation.
Du côté, il était tout excité. Ayant appris trois jours plus tôt que sa sœur avait évité un mariage avec son ennemi Emmett, il ne tenait plus en place et suppliait Viktor de l'envoyer sur le champ de bataille.
De l'autre, il était frustré. Le réveil de Cassian était l'événement qu'il avait le plus attendu dans sa vie et cela n'avait été que déception. Ce dernier ne se souvenait pas de lui, de ce qu'il lui avait raconté pendant des années, ni même du moment de sa libération.
En plus de cela, il ne désirait pas l'aider et avait un caractère aussi froid que la glace l'ayant emprisonné.
« Il me voit tel un gamin, pas comme son égal. » grogna-t-il dans son oreiller avant de se lever et de se rhabiller. « Je dois à tout prix le convaincre si je veux vite retrouver mon père... mais comment ? »
Soudain, alors qu'il quittait sa chambre et payait le tavernier, il eut une idée.
« Et si je lui foutais une raclée ? »
« Bouge. »
Il sursauta en entendant la voix de Cassian dans son dos, le fixant d'un air impassible, avant de prendre sa place devant le comptoir.
— Ça fera quinze pièces d'argent.
— Si cher ? répondit le chasseur en dérangeant sa tignasse brune. La paix fait augmenter les prix.
Le Prodige le détailla de la tête au pied et déduit rapidement que « l'homme de glace » venait de satisfaire l'un de ses besoins primaires.
— Je me demande si ça ressemble à une stalagmite.
— C'est à moi que tu parles ?
— Hum...
— Eh ! Arrête de me renifler ! Tous des animaux, je vous jure...
— À en juger ton odeur, c'était plutôt une stalactite.
— Quoi ?
— Je parle de ta queue. Tu n'as pas dû rentabiliser tes quinze pièces d'argent !
Le sourire moqueur d'Arwin fit cligner plusieurs fois des yeux Cassian qui ne sut quoi répliquer.
Il avait passé tellement de temps emprisonné et une année dans le silence avec les religieux qu'il ne savait plus comment répondre dans ce genre de situation.
Alors il fit ce pourquoi il était doué et réputé : il lui répondit d'un visage dénué d'émotions.
— Messire, les interrompit le tavernier, il faudrait me régler maintenant. J'ai des chambres à nettoyer avant ce midi.
— Excusez-moi. Je... Hein ?
— On dirait que quelqu'un a la bourse vide, continua Arwin en se mordant la lèvre.
— Ferme-la.
— Besoin d'être rempli ?
Arwin fit sauter sur sa paume quelques pièces d'argent devant l'air contrarié de Cassian qui priait pour que le rouge de ses joues ne soit pas visible.
— Si vous me laissez dix minutes, intervint le tavernier, je peux vous préparer une chambre toute propre.
— Ne rentrez pas dans son jeu, par pitié...
— Je ne juge pas les pratiques que l'Église qualifie de « déviante », hein ? Moi, tant que vous ne me dégueulassez pas la chambre.. !
— Merci, mais non merci.
Sa gêne ne pouvant plus être cachée, Cassian saisit les pièces d'Arwin et frappa le comptoir avec avant d'attraper son manteau et de quitter d'un pas vif la taverne.
Mais il avait beau marcher presque au pas de course, son nouvel indésirable lui collait aux bottes.
— Eh, calme-toi ! s'exclama Arwin en posant une main sur l'épaule du chasseur qu'il rejeta immédiatement.
— Lâche-moi.
— Je n'ai pas voulu te mettre mal à l'aise. Quoique... c'était drôle !
— Très drôle.
— Eh, regarde-moi.
Arwin le dépassa et se planta face à lui, en plein milieu de la rue alors que les vendeurs du marché criaient en concert pour interpeller les habitants autour d'eux.
Cassian poussa un long soupir avant de se plonger dans le regard turquoise du Prodige qu'il avait du mal à supporter.
Outre le fait qu'Arwin avait une personnalité qu'il ne savait pas encore appréhender, c'était surtout d'apprendre que ce dernier avait passé sa jeunesse à lui parler lorsqu'il était prisonnier qui le gênait. Surtout qu'il ne se souvient pas de ce qu'il avait pu lui dire.
Qu'un enfant se prenne d'affection pour une statue de glace rajoutait à l'étrangeté de la personnalité du jeune homme.
— Tu veux qu'on aille boire un verre quelque part ? proposa Arwin. Pour discuter. Ou pas. Juste pour te changer les idées. Ça se voit que tout ça... te perturbe.
— Je ne suis pas pert- AH !
Cassian perdit un instant son sang-froid, la main ayant dégainé à moitié son épée alors qu'un gobelin venait de lui tapoter la jambe.
« Vous z'êtes sur l'chemin ! » s'exclama-t-il avant de faire signe à l'orc derrière lui tirant un charriot rempli de caisse provenant du port.
Le cœur battant à cent à l'heure, le chasseur avait eu son premier contact avec un monstre.
Il n'était arrivé que depuis trois jours à la capitale et même son unique sortie à la taverne l'avait empêché de rencontrer des « naufragés ».
Il les observa passer devant eux, jusqu'à ce qu'il prenne enfin conscience de tout le brouhaha du matin, du monde présent et surtout d'autres créatures étrangères tenant des étals.
C'est lorsqu'il croisa le regard d'un reptilien emmitouflé dans une écharpe et vendant de la viande séchée à un enfant n'ayant pas une once de peur face à lui, qu'il paniqua.
Sa respiration s'accéléra dangereusement et, alors qu'il allait perdre pied, Arwin agrippa son poignet et le tira dans une petite ruelle à l'écart de l'agitation.
« Respire. Tout va bien et tu es en sécurité. » lui murmura Arwin.
Le chasseur sentit son souffle se stabiliser peu à peu et prit non seulement conscience de son état psychologique, séquelle de son long emprisonnement, mais également de la présence rassurante de son interlocuteur.
Il l'avait jugé comme un homme-enfant agaçant, aux désirs surréalistes et à l'impertinence signée Vyrr Rhapsody... Mais il était peut-être plus complexe.
— Je n'ai... bredouilla-t-il la main cachant ses yeux, je n'ai jamais été confronté à des créatures comme cela de toute ma vie...
— Ne t'inquiète pas, ça peut être détourant au début, mais on s'habitue vite. Tu sais, malgré leur apparence, je pense que ce sont les humains qui sont les plus effrayants.
— Ça, je peux y croire.
— Et on les appelle des « naufragés », ici. Partout ailleurs, on te parlera de monstre. Je trouve ça dégradant, surtout quand on sait ce qu'ils sont à l'origine... Passons. Tentez par un verre ?
Cassian hésita un instant avant de se souvenir qu'il n'était même pas l'heure du déjeuner. Il avait envie de décompresser et de se changer les idées, mais ce n'était pas la solution.
Il devait retrouver la nature qu'il aimait tant.
— J'ai besoin de me défouler, mais au calme.
— Ça me va, je voulais justement te proposer quelque chose.
— Ne reparle pas de me remplir.
— Ahah, non ! Pervers ! Je désirais savoir si tu étais toujours contre la chasse au dragon ? Pour m'aider ?
— Toujours, oui.
— OK, et si je te bats en duel ?
— Tu es enfin drôle.
— Crois-moi, les gens ne rigolent pas quand ils me font face. Alors ? Est-ce que tu me laisses le temps d'un combat pour te donner tous mes arguments et te convaincre ?
— Pourquoi pas, répondit-il après un long silence. Mais pas ici. Je ne veux pas risquer de blesser quelqu'un.
— Je connais un endroit parfait, hors de la ville. Là où j'ai passé presque toute ma vie à m'entrainer. On peut se retrouver cet après-midi, si tu es d'accord. Je dois régler quelques affaires ennuyeuses au château.
Cassian acquiesça, l'adrénaline montant en lui à l'idée d'un affrontement. Il se sentait un peu rouillé, mais se confronter au Prodige du pays lui permettrait de se remettre en jambe.
Quant à Arwin, il ne pouvait cacher son excitation et aurait tué pour que son oncle puisse assister à ce combat.
🔥
Au loin, un homme reconnaissable à ses cheveux noirs, uniquement vêtu d'un pantalon, s'échauffait au bord d'un lac gelé. Des arbres majestueux encadraient l'ensemble du paysage, créant une atmosphère mystique.
Torse nu malgré la fraicheur de l'hiver, Arwin exposait sans pudeur sa musculature aux paysannes venues l'admirer. Des gouttelettes de sueur perlaient sur son front alors qu'il poursuivait son entrainement à l'aide de sa lance, effectuant des mouvements rapides et précis.
Son regard était intense, focalisé sur ses actions, et démontrant une agilité et fluidité témoignant d'une routine de combat assidue.
Cassian était pourtant arrivé à l'heure du rendez-vous... Mais il avait l'impression d'être en retard.
En plus des admiratrices, c'est quelques serviteurs du palais, deux trois nobles, un petit groupe de reptilien et enfin Viktor dans sa forme de loup, qui attendaient à l'écart du Prodige.
« Ah ! Cassian ! » s'exclama Arwin lorsque son adversaire arriva devant lui.
Le chasseur eut un instant d'hésitation en observant ses pupilles d'un bleu profond qui pourtant, était turquoise le matin même.
« Ça me rappelle quelque chose... » pensa-t-il avant de le détailler de la tête au pied et de froncer les sourcils.
— Tu as le feu au cul ? Pourquoi es-tu torse nu ? Les températures sont négatives.
— Oh, j'ai toujours très chaud. Encore plus pendant mon échauffement. Et puis ça plait aux demoiselles ! Belle journée, les filles !
Arwin agita sa main en direction des paysannes manquant de défaillir et l'acclamant. Si Cassian prit cet acte comme de la vantardise, le Prodige était simplement content de leur faire plaisir et, naïvement, se disait que plus il attirait leurs regards, plus il serait apprécié.
— Assez joué. Où allons-nous nous battre ?
— Là-bas.
— Pardon ? Sur le lac gelé ?
— Le premier qui tombe à la flotte perd.
— ...Très bien, j'accepte le défi. Si je gagne, tu me laisses vivre en paix et tu ne viens plus jamais me déranger.
— Et si JE gagne, tu sais ce qu'il t'attend. Une nouvelle aventure avec un camarade de route exceptionnel !
— Tu peux toujours rêver.
— Je ferais tout pour que tu sois avec moi.
Cassian cligna plusieurs fois des yeux avant qu'Arwin ne sourit à pleine dent et s'écarte pour mieux aller informer les spectateurs du début du combat.
Il se demanda s'il avait sous-estimé les compétences du Prodige avant même que le combat ne commence, mais il regagna sa confiance en se souvenant de son année de remise en forme intensive.
Peut-être qu'il était connu comme « le chasseur de dragon » de la complainte de Givreciel, mais tous ignoraient qu'il avait battu son père Laurenz Nyrh, chef de la garde du soleil de Leonidia, alors qu'il était à peine majeur.
Il retira son manteau et le posa à côté de Viktor. Ce dernier resta silencieux jusqu'à murmurer « Tu vas comprendre pourquoi je l'ai choisi ».
Tenant avec fermeté son épée, Cassian avança lentement sur le lac gelé. La glace soutenait son poids, mais il sentait qu'elle pourrait aisément craquer sous la pression.
Arwin le rejoignit, le visage déterminé, jusqu'à ce qu'ils se mettent en position à quelques mètres l'un de l'autre... et commencent à croiser le fer.
Le Prodige avait renoncé à sa lance pour une épée aussi simple que celle du chasseur afin de ne pas déséquilibrer le combat et, lorsqu'ils firent voler des éclats de glace autour d'eux, il ne put s'empêcher de cacher son excitation.
— Aie aie aie... murmura l'un des reptiliens, Majesté, ça recommence.
— Quoi donc ? demanda Viktor ne sentant que les vibrations du sol lui permettant de « voir » la scène.
— Arwin est en train de baver ! Il est trop heureux, le con !
— On ne peut pas le changer... Mais ça a des chances de déstabiliser Cassian.
— Pensez-vous qu'il va gagner ?
— Oh, mais je connais déjà le vainqueur, et vous aussi.
Leurs mouvements étaient rapides et précis, chacun cherchant à prendre l'avantage sur l'autre. Arwin semblait à l'aise sur la glace, comme s'il s'était toujours battu dans ces conditions.
Cassian, lui, devait gérer à la fois le Prodige et la glace craquant sous ses pieds à chaque parade. Mais il continuait de se battre avec détermination et commença enfin à apprécier ce combat...
Lorsqu'Arwin esquiva une attaque et riposta immédiatement, le poussant presque à l'eau.
Les spectateurs les regardaient avec engouement, hurlant le prénom d'Arwin.
L'affrontement se poursuivit quelques minutes de plus jusqu'à ce que Cassian réussisse, grâce à son expérience et ses techniques, à désarmer le Prodige qui se retrouva à genoux sur la glace.
La lame pointée vers la poitrine de son ennemi au souffle court, il hésita un instant à briser la glace et le faire couler dans l'eau gelée, lorsqu'il croisa son regard et vit un sourire amusé sur son visage.
« Si je sombre, tu viens avec moi ? » dit-il avant de frapper avec force la glace entre eux.
Cassian eut beau s'écarter du point d'impact, il se rendit soudain compte que toutes les précédentes attaques de son adversaire avaient pour but de fragiliser sa surface de déplacement afin qu'il soit piégé au bon moment.
« Alors ce sera une égalit- »
Le chasseur perdit la fin de sa phrase en voyant son adversaire... ne plus toucher la glace.
De grandes ailes noires déployées dans son dos, Arwin s'éleva dans les airs en lui faisant un clin d'œil au moment où Cassian tomba enfin à l'eau.
Il ne put s'empêcher de rester ébahi devant cette vision incroyable et en oublia même sa défaite.
Personne ne lui avait dit, et il n'en avait aucun souvenir, mais Arwin Rowley était un homme-dragon et la chasse pour retrouver celui qu'il appelait son père prenait tout son sens.
Cassian ne l'avait pas cru, ou du moins, pensait-il que ce fameux « Arley » n'était qu'un mentor pour lui... Mais un père ? Une créature divine ?
Arwin plana au-dessus du lac, les yeux brillants d'une lueur sauvage tout en fixant son adversaire de haut et en appréciait les exclamations de son public.
« Qu'il est malin, le bougre. » murmura Cassian avant de rejoindre la rive à la nage.
Le corps tremblant de froid, c'est lorsqu'Arwin atterrit devant lui et lui souffla son air chaud à la figure qu'il reconnut sa défaite.
— Dans d'autres conditions, j'aurais pu gagner.
— Celles où tu aurais mis ta vie en jeu ?
— Viktor m'en aurait voulu de tuer son Prodige.
— Ah oui, c'est vrai, « le tueur de dieux ».
Cassian grimaça en entendant ce surnom, mais esquissa malgré tout un sourire alors que la chaleur dégagée par Arwin était si intense qu'il était en train de sécher partiellement ses habits trempés.
— Tu es un sacré phénomène. Un demi-dieu, vraiment ?
— Pas vraiment. Plutôt un dragon chaotique.
— Je n'ai aucune idée de la différence.
— Ça m'arrange. Ça t'évitera de me juger. Alors ?
— Alors habille-toi. Tu provoques des syncopes.
Il ne put s'empêcher de répondre à son sourire malicieux et, lorsqu'il tourna la tête pour regarder dans la direction de Viktor, ce dernier vint les rejoindre pour finir de le convaincre :
— Sa façon de bouger ne t'a pas rappelé quelqu'un ?
— Qui donc ?
— Arwin, l'interpella Viktor, ne lui as-tu pas révélé le nom de famille maternel de ta mère ? C'est tout de même un ancien clan important de Givreciel qui te remémorera de bons souvenirs.
— Ah non ! Bien sûr ! Je suis un descendant du clan des Rose.
— Cristal, tilta immédiatement Cassian. C'était...
— Ma grand-mère. Viktor m'a raconté que vous vous étiez connu et qu'elle t'avait même embrassé !
— Le monde entier a embrassé Cassian Nyrh !
Ce dernier leva les yeux au ciel à la remarque de son ami avant de pousser un soupir résigné face à ce dernier argument plus que convaincant.
Il ne pouvait pas refuser une demande d'un descendant de Cristal, même s'il savait déjà que l'aventure serait plus complexe que ce qu'on essayait de lui vendre.
« C'est d'accord, Arwin. On va partir à la chasse au dragon pour retrouver ton père. »
Ce duo s'annonce MEMORABLE 😆! Est-ce que vous avez aimé leurs échanges ?
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la crise d'angoisse de Cassian et du soutien d'Arwin ? Des blagues de ce dernier ?
De leur combat et de la victoire d'Arwin ? Vos théories sur la suite ? Hâte du voyage avec ces deux hommes un peu fêlés ? 😆
J'espère que la suite vous plaira tout autant ! N'hésitez pas à me donner vos retours en commentaire/DM et avec vos votes ! On se retrouve bientôt pour le prochain chapitre ! 🥰
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