22🔥Une personne merveilleuse
[ARWIN]
« Ça commence à m'exaspérer. »
Alerya, son violon sur ses jambes et de nouvelles cordes dans les mains, poussa un petit grognement alors que son père, l'exécuteur Nelian, terminait de vérifier le carnet de comptes de son maitre le nécromancien.
Ce dernier leva la tête et suivit le regard de sa fille en voyant une très familière prostituée débarquer sur la place de la ville souterraine des elfes corrompus.
Depuis des semaines, ses visites étaient de plus en plus fréquentes et personne dans les entrailles de la montagne d'Onhild n'était dupe sur la raison de sa présence : elle venait pour Arwin.
— Exprime-toi clairement, demanda Nelian en observant la femme en contrebas se diriger vers la maison du jeune homme.
— Personne ne veut en parler et ça m'énerve ! On a tous compris que Katerina avait attrapé la malédiction du dragon en couchant avec Arwin mais personne ne fait rien ! Elle vient le voir presque tous les jours et, comme dans sa tête il n'est encore qu'un adolescent, il accepte tout ce qu'elle lui demande !
— Arwin s'est toujours senti très seul.
— Ce n'est pas une raison p-
— Est-ce que tu es jalouse ? Tu as toujours éprouvé une certaine affection pour cet enfant-dragon.
— Il est comme un petit frère pour moi. Ou un cousin. Bref ! Même si je reconnais qu'il est devenu très séduisant en grandissant, ce n'est pas une raison pour aller réclamer son corps tous les jours !
— En as-tu parlé à Arwin ? Ou à Katerina ?
— Sous malédiction, Kat ne parle que d'Arwin. Enfin, du désir de le voir et de... passons. Quant à Arwin, Vyrr m'a déconseillé de lui parler.
— Tiens donc. Pourquoi cela ?
— Il estime les avoir suffisamment prévenus sur les dangers d'une relation charnelle et qu'Arwin devrait estimer tout seul quand cela devrait s'arrêter.
— Si notre Seigneur l'a dit, alors c'est qu'il a raison. Maintenant, ne fais plus l'enfant et va lui dire au revoir. Tu pars pour une longue mission.
Alerya leva les yeux au ciel avant de déposer son violon et de descendre les marches en pierre menant à la grande place éclairée par des cristaux multicolores.
Suite aux révélations de sa mission précédente sur les origines du monde mais également aux suspicions de Vyrr, ce dernier venait de lui donner l'ordre de partir en expédition dans les terres maudites de NightHallow.
Le pays abandonné et mystérieux qui rendaient fous ou malades ceux l'ayant exploré. Le nécromancien était persuadé qu'une grande force chaotique y était présente et qu'une elfe déjà corrompue comme Alerya pourrait en revenir saine et sauve avec les renseignements tant recherchés.
Avec peut-être en retour, un moyen d'utiliser le chaos pour ramener la vie en Yara.
Mais Alerya trouvait que le moment était extrêmement mal choisi. Vyrr était en déplacement sur l'autre continent, Drunog ne parlait plus au jeune homme et Katerina devenait folle.
L'elfe était la seule encore lucide et assez proche de lui pour le surveiller.
« Ah, salut. »
Toutes les deux face à la porte de la demeure du nécromancien et du jeune homme, Katerina et Alerya se dévisageaient pendant d'interminables secondes, avant d'enfin s'adresser la parole pour la première fois depuis des semaines :
— Tu voulais quoi à Arwin ? aboya presque Katerina.
— Voyons, Kat, tu es ensorcelée au point de penser qu'il t'appartient ? Et si un jour, il allait tenter de nouvelles expériences ?
— Que veux-tu dire ?
— Tu vois très bien. Je me suis toujours dit qu'un garçon comme lui était plus sensible à la personnalité qu'au sexe de l'autre.
— Arwin est à moi et je le veux. À moi !
— La malédiction te rend si primaire... Ça me désole. Je pensais que nous étions amies mais tu as osé me menacer avec ton arc quand j'étais en train de m'entrainer avec lui. Est-ce que tu as totalement perdu la raison ?
— Va-t-en. Je dois le voir. Le sentir.
— Katerina, réveille-toi ! Tu n-
Soudain, les deux femmes sursautèrent en entendant la porte s'ouvrir et claquer contre le mur. Arwin, habillé d'un pantalon en tissus et d'une chemise blanche en velours ouverte sur son torse musclé, les observa toutes les deux d'un air neutre, presque absent, avant de dire d'une voix grave :
— Attends-moi à l'intérieur.
— Arwin, commença Alerya en regardant Katerina commencer à se déshabiller et entrer dans la demeure, tu lui donnes des ordres maintenant ?!
— J'ai mué.
— Quoi ? Tu parles de ta voix ?
— Oui, mais surtout de mes écailles. Regarde.
— Je ne savais pas que tu pouvais les faire apparaitre à ta guise...
— C'est récent. Depuis que Katerina a... hum. J'ai l'impression d'avoir grandi. D'avoir changé.
— Oui tu as changé, mais pas en bien ! Pourquoi est-ce que tu continues de faire ça avec elle ?! Tu sais que ce n'est pas bon pour les humains lambdas, d'être si proche d'un dragon ! Je comprends que tu ressentes une grande solitude mais je suis là, moi.
— Tu pars ce soir. Je le sais. Vyrr me l'a dit. Tu n'es pas là. Plus personne n'est là pour moi...
— Arwin, tu-
— Mais ce n'est pas grave parce que les absences de Vyrr m'ont appris quelque chose : même s'il est loin de moi, il m'aime. Il pense à moi et ne m'oublie pas.
— Tu te sers d'elle pour combler un vide. Tu t'es toujours senti seul depuis que tu as été séparé de ta sœur. Il faut que tu arrêtes.
— Ne t'inquiète pas, Katerina m'a également appris quelque chose depuis des semaines passées tout le temps avec moi.
— À part des trucs sexuels, qu'est-ce qu'elle aurait pu t'apprendre ?
— Que la solitude peut avoir du bon, surtout lorsque l'on veut régler ses problèmes.
Soudain, Arwin baissa la tête pour embrasser la joue d'Alerya, rougissant à ce contact avant d'être surprise par l'air confiant que le jeune homme avait.
Il avait tant changé en si peu de temps, depuis la disparition d'Alcine, qu'elle avait de plus en plus de mal à reconnaitre l'enfant qui réclamait sa musique.
« Fais bon voyage, Alerya. »
Ne lui laissant pas le temps de répondre, Arwin se retourna et s'engouffra dans la maison avant de fermer la porte. Laissant l'elfe corrompu dubitative sur son état mais étrangement confiante sur les intentions cachées du jeune homme.
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« Encore ! Arwin ! J'en veux encore ! »
Ses draps ainsi que toute la pièce sentaient leur transpiration tant il faisait chaud à cause de son corps ardent. Le jeune homme poussa un long soupir en entendant son amante maudite le réclamer pour la quatrième fois de la soirée.
Cette relation charnelle qu'il avait acceptée en toute innocence était allée trop loin depuis bien longtemps et le désespérait.
Arwin s'était même surpris à supplier le nécromancien de libérer Katerina de la malédiction, comme il savait que cela avait été possible entre sa mère et son père...
Mais la réponse de Vyrr ne fut pas celle attendue :
« Elle l'a voulu. Elle connaissait les risques et c'était sa responsabilité en tant qu'ainée. Mais tu as aussi ta part, là-dedans.
Le sortilège qu'avait utilisé Leone pour ta mère n'est pas réalisable de mon côté car, pour fonctionner, il faudrait que je sois à la fois de la même race que Katerina mais également du même sexe. C'est très complexe et même si j'essayais sans ses conditions, elle pourrait en mourir.
Si tu veux vraiment la sauver, tu vas devoir apprendre de cette erreur et en payer le prix. Il faut que tu sois prêt à faire des sacrifices pour avoir ce que tu désires. »
— Katerina, commença-t-il, aujourd'hui, j'ai croisé un garçon à Brise-Lac. Il trainait derrière lui des morceaux de bois qu'il avait coupé avec sa hachette accrochée à sa ceinture. Ça, et un cadavre de lapin. J'ai proposé de l'aider et il a accepté.
— Arwin, j'en veux encore...
— Il m'a dit qu'il vivait seul. Son père est un pirate des eaux glaciales qu'il n'a vu que deux fois dans sa vie et sa mère est morte dans un accident.
— Arwin...
— Et puis je lui ai dit qu'il était courageux pour son âge... jusqu'à ce qu'il me dise qu'il avait 16 ans. Comme moi. Il était si... petit. Si fragile. Je voyais dans ses yeux le poids des années de souffrance, de solitude et d'expérience mais également... de l'insouciance.
— Je m'en fiche Ar-
— Quand on est arrivé devant chez lui, il m'a remercié en souriant. Je trouvais ça étrange qu'il ne me repousse pas alors je lui ai demandé s'il savait qui j'étais... Tu sais ce qu'il m'a dit ?
— J'ai envie de t-
— Il m'a dit qu'il s'en fichait et que pour l'avoir aidé sans rien attendre en retour, j'étais déjà une personne merveilleuse à ses yeux.
Faisant taire une nouvelle fois son amante en posant son doigt sur sa bouche, Arwin saisit de sa main libre un verre d'eau pour le boire cul sec... puis embrasser Katerina jusqu'à en perdre le souffle.
Soudain, Katerina sentit quelque chose glisser dans sa gorge ainsi qu'une irrépressible envie de dormir. Plus forte encore que sa passion maudite pour le jeune homme.
Ce dernier recouvrit le corps de son amante d'un drap, lui caressant le visage avant de lui embrasser la joue alors que ses yeux semblaient vides.
« Il m'a trouvé merveilleux alors que je fais du mal à tous ceux qui s'approchent de moi. Alcine, Drunog, toi... Qui sait quand ce sera au tour d'Alerya, de Viktor ou encore de Vyrr ? Je pourrais même faire du mal à Cassian alors qu'il est emprisonné dans la glace ! » murmura-t-il en laissant s'échapper une larme avant de renifler et de se rhabiller.
Ses affaires déjà prêtes dans un sac en bandoulière, Arwin posa une lettre sur sa table de chevet, avec le nom de Katerina écrit à l'encre dans un coin.
Il regarda une dernière fois celle qui lui avait appris à se battre comme un mercenaire et à manipuler par son charme, avant de passer la porte de la maison.
S'engouffrant dans les tunnels de moins en moins éclairés et fréquentés, Arwin arriva enfin hors de la montagne, face à un chemin d'escalade inutilisé depuis des années. Il commença son ascension dans la pénombre, sûr de lui, pour atteindre en deux heures à peine le sommet de la montagne d'Onhild.
Un sommet plat avec de la neige s'étendant à perte de vue, désertique et n'inspirant que de la quiétude.
Et lorsqu'Arwin se retourna pour admirer la vue depuis le plus au sommet aux alentours, il put apprécier la chaleur du soleil se levant à l'Est du pays de l'hiver éternel.
« Tu pars sans me prévenir ? »
Le jeune homme sursauta en entendant la voix de son oncle apparaissant encapuchonné à ses côtés. Le cœur battant à cent à l'heure, il déglutit et reprit confiance en lui pour déclarer :
— J'ai décidé de prendre ma vie en main. De trouver ma voie et ce que je devais accomplir. J'ai fait trop de mal aux gens qui m'aimaient... Et je ne mérite pas leur amour. J'ai besoin de comprendre pourquoi je suis comme ça.
— Et ?
— Et apprendre à vivre avec mon sentiment de solitude perpétuel. Parce que même si un jour Aetalya revient vers moi, nous ne pourrons pas avoir une vie fusionnelle. Nous sommes liés mais indépendants.
— Tu pars alors que tu viens d'être nommé Prodige ?
— Viktor comprendra, j'en suis certain.
— Très bien.
— Tu m'en veux ? De partir sans rien te dire ?
— Je ne suis techniquement pas près de toi, tu le sais. J'utilise une projection de ma conscience grâce à un objet magique.
— La bague que tu m'as offerte, c'est cela ? C'est la tienne.
— Elle est à toi depuis tes quinze ans. C'est notre lien. Si un jour tu es en grand danger ou dans le brouillard, je serais près de toi pour t'aider.
— Notre lien, c'est notre quotidien. C'est toi qui me préparais à manger, qui me lisais une histoire, qui me forçait à me laver... Tu m'as élevé, Vyrr, et je ne te remercierais jamais assez pour cela.
— Parce que tu es une arme, pour moi.
— Arrête... Ça ne marche plus sur moi, ce côté « je me sers de toi sans rien éprouver ».
— C'est vrai, mais je n'ai fait que mon devoir. Pour tes parents.
Arwin détourna le regard, observant l'infini immaculé derrière lui, avant de tirer sur la corde de son sac et de s'étirer les jambes.
— Merci pour tout, mon oncle. Je ne sais pas quand je reviendrais donc... prenez soin de vous. D'eux. Et d'Aetalya.
— Je ferais tout ce que je peux. Sais-tu au moins ce que tu cherches, là-bas ? Personne n'ayant parcouru ces plaines n'est jamais revenu. Si tu atteins le bout du monde, que penses-tu trouver ?
— Plus de sérénité, moins de culpabilité. Peut-être comprendre pourquoi je suis à la fois composé de chaos et d'okril me rongeant le cœur ? Devenir... « une personne merveilleuse ».
— Tu es déjà l'une des plus belles merveilles du monde, Arwin Rowley.
Le jeune homme retint une larme avant faire un signe de la main à la projection à ses côtés... mais elle avait déjà disparue.
Il se demanda même s'il ne l'avait pas imaginé.
« On va voir ce qu'il y a au bout du monde. »
Prenant une grande inspiration, Arwin se mit à courir à toute vitesse avec son sac sur le dos. Le vent glacial balayant ses cheveux et griffant sa peau, il se sentait enfin libéré d'un énorme poids.
Et alors que Katerina se réveillait seule, n'ayant plus aucun souvenir du garçon qu'elle avait connu mis à part une lettre lui étant adressé, le jeune homme-dragon déployait ses ailes pour mieux voler en solitaire vers l'aventure.
« Chère Katerina,
Merci pour tout.
Pour ton rire, ta folie, ton amour pour le feu, tes compétences, ta confiance, ton côté débridé, ton instinct presque maternel.
Merci, et désolé.
Désolé de t'avoir fait souffrir.
J'espère que dans ta nouvelle vie, sans souvenir de moi, tu connaitras le bonheur.
Et qu'un jour, peut-être, je retrouverais une place dans ton cœur en tant qu'ami.
Tu as été ma première surprise, premier défi, premier baiser, premier coup de cœur et premier grand regret.
Affectueusement,
A.R.P »
Arwin est vraiment trop bon pour ce monde (et pour moi) 😭 Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
De sa discussion avec Alerya et de l'impact de la malédiction sur Kat ?
Souvenez-vous, Yara avait eu le même comportement avait que Leone ne s'occupe de sa malédiction. C'est assez dur pour un dragon de penser que l'on peut littéralement rendre fou quelqu'un qui nous plait. Arwin (mais aussi Talya qui n'en sais encore rien) va devoir réfléchir à ses relations futures avec cette expérience 😰
De son départ et de ses aurevoirs avec Vyrr ? Que va trouver Arwin pendant son voyage ? Arrivera-t-il au bout du monde ? EST-CE QU'IL VA PROUVER QUE LA TERRE EST PLATE ?😆
J'espère en tout cas que ce chapitre vous a plu. N'hésitez pas à me le faire savoir en cliquant sur la petite étoile ou en me laissant un commentaire ! 🥰
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