22🐲Les suicidaires de Givreciel
[ARWIN]
Arwin tapait sa tête contre le mur de sa « chambre » semblable à une cellule immaculée. Les bras attachés dans le dos par de solides chaines magiques, il se fichait du sang coulant le long de sa tempe à force de se faire mal.
Il voulait à tout prix quitter cette prison que les elfes autour de lui appelaient « salle d'examen ».
Il ne savait pas depuis combien de temps il était enfermé, mais son réveil avait été particulièrement désagréable.
Attaché fermement et examiné par une ribambelle d'érudits, sa peau avait été ouverte en deux pour dévoiler son cœur emprisonné d'okril.
— C'est fascinant ! Son sang de dragon reconstitue sa peau et chaque organe blessé, tout en s'entourant de fil d'okril. Comme s'il se créait une carapace à chaque coup. Est-ce qu'il a conscience que cela va le tuer ?
— L'okril est incontrôlable. Elle a sa propre « volonté », car c'est un minerai divin. Par contre, le chaos dans son sang...
— Ils se battent. Si l'on retire l'un, l'autre prend le dessus. C'est bien triste.
— Pourquoi cela ?
— Parce que dans tous les cas, cet homme est condamné à la mort.
Arwin avait alors déchiré ses liens et écarté violemment tous ceux autour de lui pour fuir. Mais il avait été tant blessé par son père il y a de cela des jours, qu'il ne tenait plus sur ses jambes et s'étala au sol.
Lorsque quelques jours plus tard, il avait tenté de parler à sa sœur en laissant le chaos envahir son cœur, les elfes le surveillant l'en empêchèrent en le faisant sentir de force une odeur l'endormant.
Quand il ne dormait pas, Arwin posait mille et une questions n'obtenant jamais de réponse.
Tout ce qu'il avait pu apprendre, c'était que les gens le gardant enfermé « ne lui voulaient aucun mal ».
Après qu'on lui ait pris encore et encore du sang en grande quantité, il découvrit que ces elfes tentaient de trouver un moyen de repousser le chaos sous terre qui avait déjà contaminé une grande partie des alentours de leur capitale.
— Nous sommes persuadés que l'okril en vous pourrait être la clé. Que nous pourrions trouver un moyen de l'utiliser pour créer un bouclier souterrain et protéger notre civilisation.
— Vous êtes tous des cons ! s'était exclamé Arwin en se débattant. Le chaos vient du sol, mais il est présent partout. Dans tous les cœurs. Même si vous réussissiez à faire flotter votre cité dans les airs, ce serait déjà trop tard. Une étincelle suffit à créer un incendie incontrôlable et à tout détruire !
— Nous ne deviendrons pas comme l'ancienne capitale. Pureland était l'endroit sur cette terre le plus avancé scientifiquement et techniquement, mais le chaos a corrompu sa culture et c'est à cause de leurs dérives que l'Ancien Dieu est sorti du sommeil pour tous les tuer !
— L'Ancien Dieu ?
— Nyosang, le mage millénaire. Le plus puissant des êtres encore existants sur cette terre ! Personne ne pourra nous en débarrasser, alors nous trouverons un moyen de conserver notre pureté à tout prix.
À tout prix.
Arwin se disait un peu plus que son oncle Vyrr avait eu raison sur toute la ligne.
Que les idiots ne voyaient que le bien et le mal sans nuance. Que le monde ne pouvait avoir des nuances de gris et qu'il fallait à tout prix détruire le chaos.
Mais sans chaos, il n'aurait jamais existé.
— La lumière sans ténèbres ne peut vivre.
— Il n'y a que les idiots qui n'arrivent pas à imaginer plus qui pensent ainsi.
— Soit. Alors vu que je suis un idiot, vous pourriez peut-être me relâcher, non ? J'ai un truc particulièrement « idiot » à faire, et en urgence.
— C'est-à-dire ?
— Me battre contre un demi-dieu qui accessoirement se révèle être mon père aveuglé par la rage et certainement contrôle par ce fameux Nyosang.
— Cet homme est fou.
Le sourire narquois d'Arwin suffit à ce qu'ils l'endorment à nouveau. Désormais et sans comprendre pourquoi, il se sentait bien plus vivant en frappant son front contre le mur tâché de rouge qu'en parlant à ces elfes à l'opposé de ceux qu'ils avaient rencontrés dans sa vie.
— J'aurais voulu enlacer Cassian une dernière fois avant que tout ne parte en couilles, murmura-t-il.
Soudain, la porte de sa chambre s'ouvrit violemment sur l'un des elfes toujours présents pour lui prendre du sang. Ce dernier était en sueur et fixait Arwin d'un air inquiet avant de l'attraper par le bras pour l'entrainer hors de la salle.
— Enfin libre ! s'exclama Arwin tout sourire alors que le sang coulait toujours de son front. Vous allez me promener ? Est-ce que je dois porter un collier ?
Son humour ne fit que stresser un peu plus celui le trainant de couloir en couloir, lorsqu'Arwin perçut un peu plus loin dans le bâtiment, des bruits de destruction.
— Vous êtes en train de faire des travaux ? Attention, les nains m'ont appris qu'il ne fallait surtout pas casser les murs porteurs et-
— Tais-toi ! Bon sang, pourquoi est-ce moi qui dois te faire sortir d'ici ?!
— Y'a urgence ? Parce que j'ai envie de pisser. Se retenir, ce n'est pas bon pour la vessie et se faire dessus, pour l'estime de soi.
— Tu ne comprends pas ce qui est en train de se passer, hein ?! La cité est en train de se faire attaquer !
— Par des créatures chaotiques ? Je peux aider, alors ! Je suis l'expert p-
— Aucun rapport ! Ce sont des criquets !
— Des... criquets ? C'est tout ?
L'elfe regarda Arwin avec surprise et mépris, comme s'il était trop bête pour comprendre l'ampleur de la menace.
— Ce sont des espèces attirées par une forte concentration de magie et dévorant nos bâtiments. D'habitude, elles vivent dans les marais à des kilomètres de la cité et n'ont aucune chance d'arriver en si grand nombre...
— Alors quoi ? Elles avaient très faim ?
— La seule façon d'en réunir autant serait d'utiliser des gemmes d'appât pour les guider ici, mais c'est impossible.
— Pourquoi ?
— Parce que personne n'aurait une telle idée et l'intelligence de l'exécuter ! Peut-être un stratège d'une autre nation pour nous attaquer, et encore ! Il faut avoir connaissance de tant de paramètres et les moyens d'exécuter un plan pareil.
Soudain, Arwin se mit à rire si doucement qu'il provoqua un mouvement de recul chez l'elfe.
— Ce serait un bon moyen de provoquer la panique partout en ville. De perturber tout votre système de défense et d'entrer sans se faire remarquer pour... je ne sais pas... se servir de cette diversion pour vous voler quelque chose ?
— Qui serait assez fou pour utiliser pareil moyen pour un vol ?!
— Oh, pas besoin d'être fou. Seulement buté par la seule obsession de récupérer sa « proie ».
À ces mots et en entendant des cris de panique, son sourire s'étira avant qu'il ne fonce sur l'elfe et le compresse contre le mur avec son épaule.
Son seul regard firent frissonner son ennemi et céder de peur s'il ne le libérait pas ses poignets de ses chaines magiques.
Enfin seul après la fuite de l'érudit craignant bien trop pour sa vie que sa carrière, Arwin traversât les couloirs immaculés en courant, à la recherche d'une sortie, lorsqu'il entendit son prénom.
Le hurlement provenant d'une unique fenêtre, il courut jusqu'à elle pour découvrir pour la première fois, la cité de PureHill depuis les hauteurs de la tour l'ayant gardé pendant des jours.
La vue était à couper le souffle tant les elfes avaient su fusionner leur architecte épurée avec la nature environnante. Tout autour de la cité, un immense mur végétal surplombé d'élégantes tours de cristal avec en leur sommet des noyaux d'énergie magique capable de créer des boucliers en cas de guerre pour protéger la ville.
Tous les bâtiments elfiques en murs de pierre grise et toits en bois sculpté étaient entourés de végétation dense, mais parfaitement symétrique. Les jardins flirtaient avec d'immenses bâtiments de recherche qui était en train d'être grignotés par des masses sombres.
Les criquets.
« ARWIN ! »
Il sursauta et son cœur manqua un battement lorsque dans le brouhaha de toute la cité à ses pieds, il vit celui qu'il avait toujours espéré.
« Cassian ! En haut ! »
Le chasseur s'arrêta de courir et leva la tête pour croiser son regard lorsque, par impatience, Arwin sauta par la fenêtre.
Ses ailes se déployèrent pour ralentir sa chute alors qu'il tendait les bras vers son ami, jusqu'à ce qu'elles se rétractent, fasse paniquer Cassian qui leva à toute vitesse les bras pour le rattraper.
Arwin arriva contre lui et le fit tomber au sol, avant de partir en fou rire.
— Tu es vraiment un casse-couille ! Tu ne pouvais pas prendre les escaliers ?
— 'Pas ma faute, j'ai cru que tu me rattraperais comme une princesse !
— Hein ?
— C'est bien toi mon prince charmant, non ? Tu es venu me libérer ? Ce truc avec les criquets, il n'y a que le meilleur chasseur du monde qui pourrait en avoir l'idée et la concrétiser si vite. J'ai tort ?
Cassian resta silencieux pour plusieurs raisons.
La première, était parce qu'Arwin avait raison : c'était lui qui avait échafaudé ce plan tordu pour le retrouver. Sa boussole morale s'était éteinte le temps de retrouver le jeune homme et il se fichait des répercussions, tant qu'il l'avait retrouvé.
La deuxième, parce qu'il était gêné.
La troisième était encore inexplicable pour lui et résultait de l'étreinte qu'ils partageaient, de la deuxième raison et d'autres facteurs qu'il aurait voulu ignorer.
Cette troisième raison qui le faisait rougir et prier pour qu'Arwin ne remarque rien.
— Relève-toi, dit-il soudain. Vite, tu m'étouffes.
— Oh ça va ! J'ai dû perdre trois kilos de gras et de muscle en étant enfermé ici ! Et puis tu m'as manqué et-...
Soudain, Arwin fronça les sourcils avant de laisser s'échapper un petit rire et de dire sur le ton de la plaisanterie :
— C'est ta dague que je sens contre ma cuisse ou tu es heureux de me retrouver ?
Mais alors qu'il s'attendait à ce que Cassian l'envoie se faire voir, comme à son habitude, ce dernier resta silencieux et détourna le regard. Les joues rougies.
Et Arwin perdu son sourire.
— Tu me fais marcher ? Parce qu'on sait tous les deux qu'en bas, chez toi, c'est l'impuiss-
— Tu me gonfles ! s'exclama Cassian en le repoussant de toutes ses forces pour se dégager. Tiens, j'ai récupéré tes affaires. Habille-toi et on se casse avant de se faire arrêter.
— OK, mais on doit vraiment reparler de ce qu'il vient de se passer, hein ?
— On doit surtout parler de notre stratégie pour attraper ton père sans le tuer. Il va bien falloir que je mérite mon titre de chasseur de dragon.
« LE VOILÀ ! L'intrus ! »
Les deux hommes se redressèrent et coururent à travers les rues pavées, esquivant les habitants en panique et les amas de criquets grignotant les murs de la tour où Arwin avait été retenu.
Cassian ayant prévu plusieurs itinéraires de fuite attrapa le poignet de son camarade pour se faufiler à travers les ruelles couvertes de murs de feuillages denses.
Il jeta après leur passage des pièges fumigènes et, au bout de cinq minutes, ils furent enfin débarrassés de leurs poursuivants.
Arrivé au pied de la muraille couverte de lierre, le chasseur fit très attention à ne pas être repéré avant de soulever un épais rideau de verdure camouflant l'entrée d'un égout.
— Les elfes ne pensent jamais à protéger leurs souterrains.
— C'est ce que tonton m'a appris et heureusement, parce que je ne pense pas avoir la force de briser leur barrière magique, ni leur mur.
Prêts à quitter la cité elfique qu'ils avaient visitée en courant et dans la panique, les deux amis longèrent les murs des égouts, le nez bouché. Jusqu'à ce qu'ils arrivent une quinzaine de minutes plus tard dans un tunnel où l'air n'était plus nauséabond.
Cassian en profita alors pour lui raconter ses péripéties, sa rencontre avec Alerya dont l'évocation provoqua une joie et un soulagement immense chez Arwin, ainsi que les découvertes faites avec son sang par les érudits.
— Alors tu es immunisé contre le mal de NightHallow ? Y a pas à dire, Cassian Nyrh, tu es spécial !
— Dis le demi-dragon chaotique.
— Je crois que je ne te remercierais jamais assez d'avoir sauvé mon amie... Et même tous ces gens. Tu es profondément b-
— Je n'ai pas eu le choix, l'interrompit-il pour ne pas qu'il se fasse d'idée. On a pris mon sang pour en faire un remède, mais je n'ai pas eu à donner mon avis sur la question. Certes, j'ai sauvé une vie et d'autres à l'avenir... mais je ne pouvais pas en donner plus. Je me sentais... Je ne sais pas. Je ne suis pas fait pour être un « héros » que l'on acclame. Tout ce que je voulais, c'était...
Cassian laissa les mots s'évanouir dans la pénombre alors qu'Arwin se retenait de l'encourager à poursuivre.
Mais quand il le vit fouiller dans sa sacoche, il sut que le sujet était clos.
— Tiens, dit-il en lui tendant des papiers.
— Pratique de me donner ça dans le noir. Même si l'on est nyctalope, je suis à deux doigts de te traiter de salo-
— Ce sont les analyses qu'ils ont faites sur toi. Je suis arrivé hier soir pour parfaire mon plan et j'ai pu fureter et entendre certaines choses. Puis, lors de la panique, j'en ai profité pour récupérer tes affaires, mais également ces trucs.
— Du charabia elfique. Génial.
— Ça parle de la communication entre l'okril et le chaos dans ton corps. Oui, je sais lire l'elfique.
— Et oui, tu es encore plus spécial !
Arwin ne vit pas le roulement des yeux de son camarade, mais il l'imagina à la perfection.
— J'avais raison. Si le chaos prend le dessus, lorsque tu tentes de communiquer avec ta sœur, l'okril réplique et te fait souffrir. Ils se défendent l'un contre l'autre.
— Qu'est-ce que je vais faire alors ? La mort viendra pour moi très bientôt, je le sens.
— On doit trouver un moyen de te débarrasser de l'okrilienne. J'ai lu rapidement ces trucs et je pense avoir des idées, mais pour ça, il faudrait voir avec Vyrr. C'est lui le spécialiste. Et on a besoin de ton père.
— Je ne me fais pas trop d'espoir... mais pourquoi pas ? Et pour mon chaos ? Il fait partie de moi, de mon sang. Je suis né comme ça et même si c'est stupide, je ne veux pas changer et devenir une version plus « lumineuse » de moi-même.
— Je sais. Ce n'est pas toi. Les gens t'aiment comme tu es, Arwin. Ça me ferait chier que tu changes pour plaire à la morale.
Une nouvelle fois, Arwin remercia la pénombre et la concentration de Cassian sur leur chemin menant enfin à de la lumière.
Le tunnel de pierre dont la sortie était cachée par des buissons, les fit arriver dans une forêt d'érables scintillant sous les derniers rayons de soleil avant le crépuscule.
Le chasseur désigna deux chevaux les attendant patiemment, dont l'un d'eux était chargé comme une mule.
— J'ai réfléchi aux moyens de chasser un dragon. Au final, ce n'est qu'une grosse wyverne, avec plus de pattes, crachant du feu et bien plus dangereuse.
— Ça fait très peu de différences, répondit-il d'un ton sarcastique. On l'aura à coup sûr !
— Tuer ton père serait plus simple. Le capturer est complexe. J'y pense depuis le jour où tu m'en as fait la demande... mais après mon passage à PureHill, je pense que l'on a une chance. Ils sont plus avancés technologiquement que n'importe quel peuple de ce continent. Peut-être même plus que les nains d'Ironfrost ayant créé les appâts et les armes anti-dragons.
— Alors c'est décidé ? On retourne au casse-pipe pour se faire laminer le cul par mon paternel et un Ancien Dieu ?
Cassian frotta les cheveux d'Arwin avant de lui taper l'épaule du poing et de déclarer d'un sourire fier :
— « Les suicidaires de Givreciel » va officiellement devenir le nom de notre duo.
C'est dans la maladie que j'ai écrit ce chapitre (fièvre et frisson à cause d'un coup de froid 🤒), donc pardonnez-moi s'il y a plus de fautes que d'habitude 🙏 Je rappelle aussi que parfois, il se peut qu'il n'y ai pas de chapitre parce que je n'ai pas eu le temps d'écrire, et j'en suis désolée😕. Dans tous les cas, ça sort chaque samedi et si vous avez un doute, n'hésitez pas à venir me demander sur mes réseaux ! Vous ne me dérangez pas et ça me fait plaisir de recevoir vos mp d'impatience 🥰
Qu'avez-vous pensé de l'état d'Arwin et de ce que les elfes lui ont fait ? Leurs raisons ?
Du sauvetage de Cassian bien réfléchi et qui montre qu'il est bien le fils d'un ancien général de guerre ? De leurs retrouvailles... tendues ? 😜
Et enfin de leur détermination à réussir à attraper Arley, même si c'est de la folie ?
J'espère que la suite vous plaira ! On se retrouve bientôt pour le prochain chapitre ! N'hésitez pas à soutenir cette histoire en votant/commentant/la partageant à vos proches🥰
🔥🔥🔥
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top