18🔥Chaleurs du printemps

[TALYA]


« L'enquête sur l'incident à North GL après le passage du groupe des Vekhat vient d'être close. Il a été confirmé que non seulement la terre avait été corrompue, mais également le lac et tous les souterrains de la ville. Le seigneur en charge de ce territoire a pu récolter des témoignages de l'époque :

« Les étrangers sont venus sur nos terres régler nos problèmes, mais ils ont attiré le malheur sur nous en réveillant les morts et en brûlant notre taverne. »

Nous avons bien la confirmation qu'il s'agit d'une réaction chaotique provenant des profondeurs de la ville, et non d'une attaque du nécromancien Vyrr. Nous n'avons pas pu récolter d'échantillons car à chaque fois que notre équipe descendait vers la source du mal, ils semblaient devenir fous de rage et entendre des « voix » dans leurs têtes.

Devons-nous pousser nos recherches aux alentours ou prévenir les autres seigneurs de Greenland ? Un fait similaire a d'ailleurs été rapporté il y a un an au sud du pays. »

Le Héros fixait la montagne de page rapportant les faits inquiétants liés à de la nécromancie et se multipliant dans son pays.

Lui qui pensait que Vyrr semait ses graines pour déstabiliser son pouvoir, il avait la malheureuse preuve, après quatre années d'enquête, qu'il n'en était pas la directe cause.

Mais alors qu'il devait rester concentrer, le Roi n'avait de cesse de se remémorer les mots du survivant fou arrivé il y a quelques années lors de l'accouchement de sa femme.

« Le serviteur du chaos. Le nécromancien. Celui qui entend les voix des profondeurs. Qui agit sous les ordres du monstre vivant dans les entrailles d'Heranyon » avait déclaré l'homme qui, quelques jours après cette rencontre, était mort d'ivresse dans une étroite ruelle de la capitale.

— Les voix des profondeurs. Le monstre vivant dans les entrailles...

— Qu'y a-t-il ? demanda Asakura assise à ses côtés. Penses-tu que le nécromancien en est bien à l'origine ? Ou est-ce une création indésirable comme avec son Mange-Tout ?

— Il y a un lien, mais... C'est plus complexe. Et si quelque chose vivait réellement dans les profondeurs du pays ? L'église de la Lumière affirme que le chaos provient du monde des ténèbres, mais d'autres religions ne sont pas d'accord.

— À Okuni, nous pensons que le chaos provient des démons. Ils possèdent les âmes les plus fragiles et s'en servent pour accomplir de viles actions.

— Mais j'ai également appris qu'à Givreciel, les croyances étaient bien plus anciennes que toutes celles de notre continent. Ils sont persuadés de l'existence d'Anciens Dieux ayant créé le monde et que la source du chaos provenait d'une créature bannit au centre de notre terre.

Le Héros, la main dans les cheveux et en intense réflexion, fit soudain un geste pour exclure tous ces serviteurs, en remerciant au passage avec une large bourse d'or l'homme en charge de l'enquête sur ces étranges événements.

Ne restait que lui et sa camarade Asakura, attendant dans un silence gênant, qu'il poursuive ses réflexions.

— Il y a une rumeur chez les elfes, commença-t-il, sur la famille Rhapsody.

— La famille royale de Rhapsodia ?

— Exactement. Il est dit qu'il y a quelques années, en quête de ressource magique, ils auraient creusé dans les entrailles de leur royaume, mais que, quelque temps plus tard, leur activité se serait interrompue. De nombreux membres tombèrent malades et la branche familiale en charge de les soigner était les Loraelyan.

— Les empoisonneurs. La famille du nécromancien. Ils n'avaient pas beaucoup de puissance dans les décisions politiques à l'époque, d'après certains dires, mais c'était d'excellents apothicaires qui, au fil des complots, se sont spécialisé dans « l'assassinat ». Et ce n'est que quelques semaines plus tard que l'ancien haut-elfe Vyrr Loraelyan fit exploser le palais royal de Rhapsodia avant de disparaitre dans la brume et de revenir des années plus tard avec l'apparence qu'on lui connait.

— Où voulez-vous en venir ?

— Et si quelque chose provenant de la terre avait pris possession de lui ? Si le chaos, libéré des profondeurs, avait la possibilité de souiller des êtres aussi purs que les elfes en manipulant leurs esprits ?

— Nous serions tous condamnés, mais cela n'est jamais arrivé. Il n'y a qu'un seul nécromancien, et mise à part les faits étranges dans la région, aucune apparition chaotique n'a été signalée.

Le Héros poussa un soupir de fatigue avant de se lever de son siège et de faire les cent pas. Asakura fut surprise de le voir si sérieux et autant préoccupé, cela n'étant pas arrivé depuis la Grande Guerre.

Stabiliser le continent et contenir les monstres s'établissant de plus en plus sur leurs terres était une tâche sans fin, mais que le Roi de Greenland arrivait, avec son statut, à l'accomplir depuis des années.

Mais l'ombre du nécromancien planait toujours et, même si ce dernier n'avait pas été aperçu depuis des années à l'Est, le Héros engageait de nombreuses troupes à chaque fait impliquant le chaos et la mort.

Elle savait qu'afin qu'il puisse avoir l'esprit tranquille, tout comme les autres dirigeants, il fallait que la tête de Vyrr soit plantée sur un pique.

— As-tu pu mener l'enquête que je t'ai demandée ?

— Sinath n'a eu aucun contact avec Vyrr. Nous avons des témoins qui affirment que lorsqu'il part se retirer faire ses recherches à Elmetya, il ne sort pas de la cité.

Tant qu'il vivait, le Roi se méfiait de toutes les personnes compétentes proches de sa famille... Et proche de Talya.

— Son dernier contact avec lui remonte à quand ?

— Juste après la guerre. Sinath a volontairement menti à la Reine à ce sujet, mais des marchands ont confirmé avoir échangé avec lui sur la route menant à Stormaelyan lorsque Vyrr était au pouvoir. Il a été interrogé à ce sujet et semble s'énerver à chaque fois que l'on évoque le nécromancien.

— Je veux prendre toutes les précautions à ce sujet. Cet elfe est bien trop intelligent et doué pour accepter de s'occuper de Talya, même avec son salaire. Peut-être est-il au courant de la vérité ?

— J'ai également interrogé Tyris Myumurin. Il semblait très étonné que je lui parle de Sinath, il a même dit qu'il le croyait mort. Puis lorsque je lui ai dit qu'il travaillait pour la couronne et comme professeur de Talya...

— Eh bien ?

— Il est parti en fou rire. Pendant deux bonnes minutes. C'était long, vraiment.

— S'est-il expliqué ?

— Je l'ai même noté.

Asakura se mit à fouiller dans sa sacoche pendant quelques secondes avant d'en sortir un petit bout de parchemin arraché à la va-vite et de lire les mots de Tyris :

« Ils étaient presque comme des frères jusqu'au jour où, il y a une centaine d'années, Sinath a trahi Vyrr en volant ses travaux de recherche. Il l'a humilié devant toute notre communauté en mettant en lumière les faiblesses de ses études, son manque d'argument et de réelle intelligence.

C'était jubilatoire de voir qu'un de mes aînés, né pourtant au même moment que Vyrr, se permet de ne pas le respecter alors que les Loraelyan était plus puissant à l'époque.

À partir de ce moment-là, Vyrr a laissé de côté les politesses et tout ce qui caractérisait la pureté de notre race. Il est devenu mauvais, vicieux, amer et, je dois avouer que sans ce changement de comportement, je n'aurais pas pu m'inspirer de lui et être ce que je suis.

La dégradation de leur relation a brisé l'image parfaite que les gens avaient des haut-elfes. »

— C'était ces mots.

— Alors Sinath serait de notre côté. Cela est rassurant.

— Mais Myumurin a également conclu en rigolant de nouveau avant de chuchoter « Pour quelle raison Vyrr laisserait-il Sinath en vie après tant d'année de rancunes ? »

— Etrange, en effet. Peut-être que Sinath possède un moyen de pression sur-

Soudain, le Héros compris l'évidence.

« Talya est ce moyen de pression. Il a dû faire savoir à Vyrr qu'il l'éduquait et ce dernier, possessif envers la fille de Yara qu'il ne voit que comme une arme, ne doit pas directement nous attaquer à cause de cela. Il doit penser qu'en négociant avec Sinath, il pourrait la récupérer, en échange d'une non-agression. »

Pour le Roi de Greenland, délaissant par manque de temps l'enfant qu'il avait recueilli, Talya devenait la clé pour protéger son royaume du nécromancien. Une clé dont il ne pouvait se séparer ni céder pour un mariage politique à un autre pays.

Et Sinath devrait agir en conséquence pour ne pas faire basculer Talya de l'autre côté.



🔥🔥🔥



« Dans un an, vous devrez faire votre entrée dans la société. C'est un moment qui vous a été retardé par Sa Majesté alors que vos frères et sœurs participent déjà à de nombreux événements mondains pour se créer des relations.

C'est important d'y être présent pour sociabiliser, établir des alliances, renforcer votre pouvoir politique et, dans le cas des femmes, trouver un parti intéressant et puissant.

Alors permettez-moi de vous dire, ma petite princesse, que vous allez devoir redoubler d'efforts pour ne plus marcher sur les pieds de cette pauvre Myrte lorsque vous dansez ! »

Réquisitionnée entre deux entrainements, la jeune elfe noir d'Okuni avait accepté contre quelques pièces d'or d'aider la princesse Talya à s'entrainer à danser.

Dès lors qu'elle aurait quinze ans, la jeune fille serait présentée officiellement à la noblesse et au reste du monde par ordre de la Reine. Elle devait resplendir comme un joyau caché pendant des années et faire taire toutes les rumeurs à son sujet sur son attitude bestiale.

— Fara, reprenons. Et plus en rythme cette fois.

— Très bien messire.

La tutrice, s'étant entrainée à jouer de la flute rien que pour les leçons de Talya, repris son souffle et répéta la même mélodie en boucle alors que la princesse grognait de plus belle.

Portant une robe bien trop serrée mettant son physique en valeur, mais pas de façon confortable, elle marcha de nouveau sur le pied de Myrte la fusillant du regard.

— Concentrez-vous, camarade !

— J'essaye ! Je ne fais que cela !

— La danse, c'est comme le combat. Ce sont des chorégraphies. Souvenez-vous de nos entrainements.

Dans le jardin autrefois abandonné, devenu acceptable avec l'entretien quotidien de la princesse, la scène était presque comique, mais énervante pour Sinath observant le manque de résultat à chaque séance.

Le Roi, après lui avoir exposé ses intentions de garder Talya « dans le droit chemin de la noblesse greenlandaise » lui avait ordonné de ne plus pousser la princesse à la pratique des armes comme il l'avait constaté lors du duel d'archer avec son fils.

Lui et la Reine voulaient faire de leur indésirable fille, une vraie demoiselle faisait honneur à leur famille et détruisant définitivement tout ce qui la rattachait à sa véritable nature de bête.

Une nature que ces derniers avaient dû avouer à Sinath afin qu'il ait toutes les cartes en main au cas où Vyrr ne se décide d'agir au sujet de Talya.

L'elfe était resté impassible et avait déclaré faire « le nécessaire » selon ses intérêts.

« On arrête pour aujourd'hui, cela ne mène à rien. »

La déception était bien perceptible chez le professeur, même quelques heures après alors qu'il savourait un verre d'hydromel dans une des tavernes du centre-ville pendant que Talya, caché sous une capuche, ne touchait pas à sa boisson fruitée.

Son désir de découvrir le monde hors du palais avait eu raison de Sinath et, depuis quelques années déjà, il acceptait de lui faire franchir le portail les faisant sortir discrètement du château.

C'est comme cela qu'il lui avait fait découvrir la ville entière, de ces rues marchandes aux allées sombres, des commerces à la mode aux petits charlatans.

Mais ce soir, il n'avait pas envie de lui apprendre une leçon et se contentait de boire dans un silence perturbant la jeune fille.

— Sinath, je-

— Chut.

— Je fais des efforts, je vous jure. Je n'ai pas le sens du rythme.

— Bien sûr que si. Vous faites un blocage sur la danse parce que vous appréhendez votre entrée dans le monde.

— Vous dites cela, mais je ne vous ai jamais vu danser.

— J'ai des années d'événements mondains derrière moi.

— Ce ne sont que des mots. Peut-être que vous êtes comme moi et que vous n'y arrivez pas !

D'un simple air de défi, cela contraria l'elfe terminant d'une traite son verre d'hydromel. Il essuya négligemment sa bouche avant de pointer du doigt son élève sans rien dire... Jusqu'à tirer sa couette rousse et lui faire une grimace.

« On va voir qui s'en sort le mieux ! »

Soudain, Sinath se dirigea avec nonchalance vers le trio de musicien au centre de la taverne et n'hésita pas à sortir plusieurs pièces d'or de sa bourse. Il ne fallut attendre que quelques secondes avant qu'ils ne jouent un air populaire entrainant les plus ivres à la danse.

— Ce n'est pas une valse ! s'exclama Talya à son professeur. C'est de la triche !

— Ça vous apprendra à vous détendre et suivre le rythme ! Allez, venez !

Sa main tendue vers la jeune fille, cette dernière n'eut pas le choix de l'accepter et de se laisser porter vers la piste.

La musique était bien plus rapide que celle jouée par Fara pendant ses entrainements et plus joyeuse que celles des soirées de la noblesse. Les roturiers dansaient tous ensembles, hommes et femmes sans distinctions de race alors que l'alcool coulait à flots et que Sinath faisait tournoyer son élève au milieu de la piste.

Talya ne pouvait s'empêcher de rire en l'observant et en constatant que même s'il faisait le fier, il ne semblait pas avoir plus de rythme qu'elle.

Mais il ne s'arrêtait pas de gesticuler pour autant et, vivant un rare moment d'amusement, la princesse suivit ses pas et se laissa prendre par l'animation de toute la taverne.

Tapant du pied avec des paysans, faisant le bras dessus bras dessous avec des nains totalement ivres et se faisant guider à chaque nouvelle danse par Sinath, la soirée passa en un éclair pour la jeune fille appréciant ses premières gouttes de houblons et de miel.

Plus ivre de la joie autour d'elle que de l'alcool, elle ne put s'empêcher de danser à la sortie de la taverne, tapant sur les pavés et éclairée par la seule lumière de la pleine lune.

L'effet était grisant et elle n'avait qu'une hâte : revivre un pareil moment avec lui.

Son professeur et son plus proche ami.

— Descendez de ce rebord, princesse. Dans votre état d'ivresse, c'est dangereux.

— Je ne suis point ivre ! Je suis juste... Heureuse !

— Et moi, je suis très loin d'être totalement sobre donc descendez avant qu'il ne vous arrive quelque chose et que je ne sois pas en mesure de vous aider.

— Alors dites-le. Dites que vous n'êtes pas si bon danseur que cela.

— Vous avez bien appris ce soir... Et je ne suis pas si exceptionnel sur des musiques populaires. Attendez de me voir dans une salle de bal.

— Vraiment ? Est-ce qu'à ce moment-là vous me ferez danser ? Et-

Subitement, le pied de la jeune fille glissa du rebord et alors qu'elle manquait de tomber dans le vide, Sinath s'empressa de l'attraper d'un bras par la taille et de la faire descendre.

La maintenant serrée contre son torse, ses effluves se mêlant à l'odeur de sueur et d'alcool de la soirée furent soudainement attirantes pour la princesse à la respiration coupée par la chute.

« Ne me fais plus de pareille frayeur. »

L'entendre la tutoyer, mais surtout, utiliser une voix douce si près d'elle alors qu'ils partageaient le même souffle tant ils étaient proches, fit rougir la jeune fille jusqu'aux oreilles.

Les mèches brunes de Sinath tombaient sur son corps et chatouillaient ses épaules dénudées par l'agitation de la soirée, rendant l'instant encore plus troublant pour elle qui ne voyait pas les couleurs... sauf sur lui.

Mais alors qu'elle pensait que son professeur la libérerait de son étreinte et plaisanterait sur la situation, il n'en fit rien.

Il la regarda longuement jusqu'à ce qu'il plisse les paupières et ne fixe ses lèvres avant de murmurer :

— J'espère que vous saurez être prudente et ne pas le céder au premier idiot venu.

— De quoi parlez-vous ?

— De votre premier baiser.

— P-pardon ?

— Faites attention, ma princesse, car les adolescents sont déjà en chaleur. Et votre jeune âge n'est pas un obstacle pour les vieux pervers de la noblesse.

Talya ouvrit grand les yeux, attendant un mot supplémentaire expliquant son attitude, lorsque Sinath la libéra de ses bras et lui fit signe de se hâter en silence jusqu'au portail pour retourner au château.

Elle ne s'était jamais sentie aussi déstabilisée et, en quelques minutes, son professeur qu'elle admirait pour ses compétences et son intelligence, révélait un potentiel faisant s'accélérer les battements de son cœur sans qu'elle n'en comprenne la raison.

Et lorsqu'elle pensa « Est-ce que mon âge serait un obstacle pour vous ? » en l'observant marcher devant elle, Talya dû se mordiller la lèvre pour réprimer cette pensée inconsciente s'étant manifestée en elle.

Sinath était son professeur, son « partenaire de solitude » et rien de plus. Quant à elle...

Elle mit cette nouvelle envie de se retrouver contre son torse sur le compte des chaleurs du printemps.

D'intenses chaleurs qui, espérait-elle, seraient vite oubliées.



On en apprend un peu plus sur Sinath, sur les sentiments naissants de Talya mais également sur le chaos qui continue de progresser dans les entrailles de la terre... Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

De ce que l'on apprend de la relation entre Sinath et Vyrr ? Des paroles de Tyris à ce sujet et de ce qu'ils pourraient se passer entre les deux elfes ? De la décision du Roi de mettre Sinath dans la confidence de la réelle nature de Talya ? 🤔

Du développement de la relation élève-professeur/ami entre Sinath et Talya ? La jeune fille est en train de craquer pour son prof, est-ce une bonne chose ? 🤭

J'espère en tout cas que ce chapitre vous a plu et n'hésitez pas à me le faire savoir en cliquant sur la petite étoile ou en me laissant un commentaire ! On se retrouve la semaine prochaine pour la suite🥰!

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