8. Hymne à la vie
« La lumière aura beau foncer le plus vite possible, elle verra toujours que les ténèbres sont arrivées les premières. » – Terry Pratchett
https://youtu.be/Q4oInT79CUk
Le lendemain, je me réveille un peu assommée, l'esprit flou après cette discussion avec Sergey.
Ces expériences me pompent toute mon énergie, aussi bien qu'après je dors de longues heures durant.
En visualisant de nouveau notre discussion mentalement, je souris au souvenir de ce baiser que je lui ai volé. Aucune raison à ce geste, j'en avais juste besoin.
Je me lève de mon lit pour affronter cette journée qui sera plus difficile que la veille.
Aujourd'hui a lieu l'enterrement de Nithaël...
Mon cœur est tout comprimé à l'idée de le voir dans sa boite en bois et surtout d'affronter le visage de ses proches.
Alors que je déjeune tranquillement seule sur la table de mon père, ce dernier arrive.
Il dépose affectueusement un baiser sur le haut de ma tête avant de s'asseoir à mes côtés.
Mon père s'assure que tout va bien, puis nous discutons de ma mère. Ce sujet revient régulièrement entre nous, peut-être est-ce dû au fait que c'est la seule chose que nous avons en commun.
J'avale lentement mes aliments, je n'ai pas beaucoup d'appétit. Le stress de ce que je vais devoir affronter me tord l'estomac.
- Tu vas bien Aëlys ?, demande mon père remarquant que je suis dans mes pensées.
- Oui... C'est juste que l'enterrement de Nithaël a lieu ce matin.
- Oh, c'est vrai, j'avais oublié... Veux-tu que j'annule mes rendez-vous pour être avec toi ?
- Non, ne te fais pas de bile ça va aller. Rána sera probablement avec moi, je lui réponds.
- Tout à fait, il t'aidera à y assister.
Nous continuons notre petit-déjeuner et régulièrement des personnes viennent nous saluer à notre table. Alors que Cylian arrive avec son père, je me lève de mon siège et pars prendre l'air, histoire de me détendre. J'ai deux heures à tuées avant la cérémonie.
Pendant que je passe près d'eux, Cylian m'interroge du regard à mon brusque départ. Je détourne alors rapidement les yeux et continue mon chemin.
J'inspire à pleins poumons l'air extérieur.
Le vent comme souvent me salue délicatement avec une légère brise fraîche.
Je le remercie mentalement avant de commencer ma ballade.
Je suis alors un chemin tracé entre les hautes herbes et peu de temps après je pénètre sous les branches des arbres.
Le temps s'est nettement rafraîchi et je resserre mon manteau en pénétrant dans la forêt.
L'air y est plus humide et je ressens encore plus le froid qui s'infiltre sous mes vêtements.
Quand je prête l'oreille, je m'aperçois que les oiseaux chantonnent en chœur. J'aime avoir la sensation que la vie m'entoure et c'est le cas dans cette forêt.
Je marche sans vraiment regarder où je vais, ni l'heure qu'il est.
Au bout d'un moment, j'arrive à une clairière. Les arbres forment une ronde d'ombre autour de ce puits de lumière. L'herbe sur laquelle je marche me semble épaisse et moelleuse. Il ne ferait pas aussi froid j'aurais probablement enlevé mes chaussures.
Aujourd'hui, je me contente de m'agenouiller et de tâter l'herbe si verte avec mes mains.
Je suis surprise que ma main s'y enfonce comme dans un oreiller.
Le bruit d'une branche qui casse me fait relever la tête, et devant moi se tient droit un majestueux daim.
La bête me regarde, ne semble pas avoir peur. Elle renifle l'air dans ma direction puis quand elle estime que je ne représente pas un danger pour elle, l'animal mange l'herbe à ses pieds.
Les yeux grands ouverts, je l'observe sous toutes ses coutures. Son pelage tire sur un magnifique brun tirant sur le roux tacheté et duveteux, ses bois se dressent haut.
Il est magnifique et semble paisible.
Je m'approche à pas de loup vers lui en m'arrêtant lorsqu'il relève la tête pour me surveiller.
Je me trouve à quelques centimètres de lui quand il tourne brusquement sa tête en l'air et la tourne à l'affût. Ses narines remuent rapidement et je remarque que ses muscles sont contractés.
Je tends moi aussi l'oreille et je détecte une respiration. Aussi immobile que l'animal, je guette le moindre changement.
Soudain, d'autre bruit se font entendre. J'essaie de les identifier, mais je prends peur à cause de l'animal qui s'enfuit en bondissant d'un coup.
C'est un mauvais signe...
J'identifie une corde qui se tend et je me mets à plat ventre.
Une flèche en bois me rate de peu...
Ce n'est pas possible !!
La respiration saccadée, je tente de reprendre mes esprits et de trouver un moyen de ne pas me faire transpercer. Le bois derrière moi est bien trop loin pour que je tente de m'enfuir.
Je remarque un rocher sur ma droite, mais malheureusement, je ne sais pas d'où vient la menace.
Ma super-ouïe activée, je décèle les pas de mon agresseur, il est devant moi.
Sans réfléchir, je me lance à toute vitesse derrière le rocher et me mets à genou.
Il n'y a pas eu de nouveaux bruits. Soit la personne essayait de chasser l'animal où j'étais visée mais ça ne peut pas être une coïncidence.
Les pas de mon agresseur se rapprochent et sont différents, il y a dû sortir de la forêt. Les bruits sont atténués par l'épaisse couche d'herbe, je sais donc que la menace est proche...
Prise d'une folie, je lève la tête en direction des bruits en espérant y voir quelque chose qui m'aidera.
À peine, ma tête a-t-elle dépassé de la roche que la pointe d'une est déviée par la pierre me loupant de peu.
Un cri s'échappe de ma bouche et je jure contre ma stupidité de m'être fait repérer.
Qui est cette personne qui me prend pour sa proie à chasser ?
- Qui êtes-vous ?, je demande en criant.
Comme simple réponse, la personne presse sa main sur la détente et une nouvelle flèche érafle le rocher qui me protège.
Merde.
Il faut que je sorte de cette impasse...
Vite vite, une solution. Alors que mes méninges s'activent à une vitesse folle, mon cœur s'emballe également et mes veines pulsent sous la peur.
Quand je me prépare à canaliser le vent, une pluie de projectiles me tétanise de peur. Mais qui veut ma mort ?! Je me concentre sur le vent et mes émotions guident l'élément.
D'un coup, j'entends la puissance du vent augmenter et je choisis ce moment pour me lever.
Je fais face à un homme de grande taille et de forte corpulence. Ce dernier ressemble énormément à l'homme rencontré au bar où était retenu Nithaël. Il a la tête penchée sur son arc qu'il maintient fortement sous le jeu du vent.
L'homme remarque ma présence et me fixe un premier temps surpris. Avant qu'il n'ait pu reprendre son arme en main, je plonge dans l'état de méditation pour utiliser l'esprit.
C'est la première fois que j'y parviens sans une longue préparation ou l'aide de quelqu'un.
Une couleur pourpre inonde mes paupières fermées et mon esprit semble s'ouvrir un peu plus.
En rouvrant les yeux, je vois l'homme mettre ses mains autour de son cou.
Une rage soudaine m'envahit. J'avance vers lui, le regard fixé sur sa gorge. Ses yeux sont effrayés quand je ne suis plus qu'à quelques centimètres de lui.
L'homme tente de parler, mais ne parviens qu'à lâcher des syllabes sans sens.
Mon cerveau pulse au rythme de la haine que je ressens à ce moment.
Je veux qu'il meure ! Je veux qu'il paye pour tous les gens de son espèce qui s'amusent à tuer les gens comme moi.
Un délicieux goût de vengeance s'infiltre en moi et j'ordonne à mon esprit de resserrer son empreinte sur son cou qui commence à devenir violacé.
Les yeux de l'homme me regardent avec stupeur alors qu'ils semblent vouloir s'éjecter de leurs orbites. Je ne ressens aucun sentiment en dehors de la colère.
-AËLYS, crie quelqu'un derrière moi.
Cet appel me déstabilise un peu, mais je reprends le dessus et regarde l'homme agonisé de nouveau.
Je suis tellement concentré que je ne remarque pas qu'une personne me tire violemment vers le bas.
Le bas ?
Brusquement, c'est comme si je récupérais mon corps et mes esprits de nouveau et je m'effondre au sol.
Mes yeux clignent plusieurs fois et je me trouve allongée sur le dos, sur l'épaisse couche d'herbe.
Les regards effrayés de Rána et de Cylian me font face. Que vient-il de se passer ?
Je me remets sur mes jambes rapidement et remarque le corps de mon assaillant.
Un hoquet m'échappe quand je comprends ce que j'ai fait...
Est-ce que je viens de tuer un homme ?
Les larmes me montent aux yeux et une boule m'empêche d'articuler le moindre mot.
Les deux hommes se regardent, lancent un léger coup d'œil à l'homme à terre. Tandis que Rána se rapproche de moi, Cylian se dirige vers l'inconnu qui gît au sol.
- Calmes-toi Aëlys, arrête de trembler s'il te plaît.
Je l'écoute et m'aperçois finalement que j'ai du mal à tenir debout tellement je tremble.
Que se passe-t-il ? C'est comme si je venais d'oublier ces minutes de mon esprit.
- Respire s'il te plaît, me dis calmement Rána en plaçant ses mains sur mes bras.
Son contact est chaud, comme s'il transférait son énergie en moi. Petit à petit, les tremblements s'arrêtent et la boule qui m'empêche de parler disparaît.
- J'ai... Je l'ai tué ? , je demande choquée.
Cylian qui s'était accroupi près de l'inconnu, lui touche le cou puis nous regarde en grimaçant.
Un vent de panique me saisit, je l'ai tuée !! J'ai tué un être vivant ?!
Je me précipite vers lui, mais les bras de Rána me retiennent.
Je lui donne de nombreux coups en me débattant, mais sa poigne est forte et il me parvient à me maintenir contre lui. Cylian se relève et se rapproche de nous.
J'essaie de le sonder, mais je fais face à un mur de plombs. Il ne parait pas choqué, ni dégoûté de ma personne.
- Lâche-moi, j'ordonne à Rána.
Ce dernier ne semble pas vouloir me libérer alors je puise dans mes dernières forces.
Il se retire d'un coup sec comme électrisé par mon contact.
Satisfaite, je lui souris pendant qu'il se frotte les mains.
- Merci !, je lui dis en me nettoyant. Je suis calmée.
- Que c'est-il passé ici ?, me demande Cylian.
- Je... Il est mort n'est-ce pas ?
- Oui. Mais ce n'est pas important, lâche t'il.
- Pourquoi ?
- C'est, enfin, c'était un elfe noir, me réponds Cylian.
Libre de mes mouvements, je décide d'aller vérifier par moi-même.
L'homme à la carrure spectaculaire est désormais immobile dos au sol. Il a le teint grisâtre reconnaissable des elfes noirs et dispose de deux cornes au sommet de sa tête...
Son cou porte les stigmates d'un étranglement. Comment est-ce que j'ai réussi à faire cela sans le toucher ?
- Comment est ce possible ?, je demande.
- Alors là, ne me demande pas, je n'en sais pas plus que toi, réponds Cylian qui est maintenant derrière moi.
Rána reste lui, étrangement silencieux... On dirait qu'il réfléchit à une éventualité.
- Papa ? Tu sais pourquoi ?
- La prophétie..., lance Rána à voix basse.
- De quoi la prophétie ?, je demande.
- Rien, tu dois rentrer la cérémonie va bientôt avoir lieu.
- J'exige des explications ! Je n'ai pas enlevé la vie d'un homme même s'il était elfe noir pour rien !
Rána ne m'écoute pas comme d'habitude et me tourne le dos pour partir.
Je cours et le pousse, ce qui n'a aucune incidence.
Il s'arrête et me tue du regard :
- Ne me cherche pas Aëlys.
- Pourquoi ça ? Pourquoi personne ne veut rien me dire ?!
- Il y a des choses qui te dépassent.
- Ah bon même quand je suis la principale concernée ? Tu me dois des explications, MAINTENANT !
Ma voix porte plus fort et je regrette aussitôt mes mots quand les épaules de Rána se soulèvent rapidement. Il s'avance plus près de moi et me tient par les épaules.
- Je ne te dois rien Aëlys, tu es rien ! Tu es juste une humaine un peu chanceuse dont la mère a fait des galipettes avec le roi de Faérie ! Alors redescend sur Terre, tu n'es pas apte à me donner un quelconque ordre ! Mais pour qui te prend-tu, merde !! Donc maintenant, tu vas bouger ton derrière jusqu'à la salle où tu vas assister aux funérailles de ton ami qui est mort à ta place !
Le mot est dit et mes réflexes sont bons.
Ma main vient claquer la joue de Rána.
Mes larmes me montent aux yeux et avant que je ne fasse quelque chose que je regretterais plus, je me mets à courir vers la tour.
De quel droit ose-t-il dire que c'est de ma faute si Nithaël est mort ?
La culpabilité que j'avais réussi à dépasser, reprend les rênes de mon chagrin.
Dans ma course folle, je trébuche, je me prends des branches dans le visage, mais rien n'arrête mon élan. Dans mon esprit, se mélange le décès de ma mère, de Nithaël et de cet homme que je viens de tuer. Comment ma vie a t'elle put être autant métamorphosée ?
Lorsque je m'arrête, je suis arrivée dans ma chambre. Il me reste un peu de temps avant la cérémonie et j'ai besoin d'une douche pour faire partir cette douleur, cette saleté que je ressens sur moi.
Sous l'eau chaude, je ne peux empêcher mes larmes de perler le long de mon visage.
Tout se mélange, et je perds pied avec la réalité. Tout un tas de sentiment m'attaque.
Soudain, je ne tiens plus sur mes jambes. Je glisse le long de la paroi en verre de la cabine jusqu'à m'asseoir comme une merde par terre.
L'eau est devenue froide quand j'entends qu'on frappe à ma porte.
C'est difficile de me relever, j'ai l'impression de ne plus avoir de force.
Enroulée dans une serviette, j'ouvre et c'est un Cylian tout gêné qui me fait face.
- Oh, je te dérange désolé.
- Non c'est bon, je lui réponds.
- Il faudrait que tu t'habilles pour rejoindre mon père.
- Qu'il aille au diable ton père !, je lâche précipitamment.
- Aëlys, je sais que ses mots ont dépassé ses pensées...
- Ne lui cherche pas d'excuse.
-S'il te plaît, vient. Je serais là...
Il me regarde et pour la première fois, je perçois ses émotions.
Il est sincère.
Je lui fais signe de m'attendre et part enfiler cette robe noire.
Même si techniquement, je n'assiste pas à la cérémonie, je n'ai pas de tenue plus adaptées.
Je rejoins aussitôt Cylian qui m'attend sagement sur le seuil de la porte.
Avec un sourire désolé, il me tend son bras comme le faisait son père.
Puis Cylian me guide dans le dédale des différents couloirs que nous empruntons.
- Je voulais vraiment m'excuser pour ses mots. Ne pense pas cela de toi, car c'est uniquement des mots de colère.
- hm...
- Je te demande de me faire confiance, je comprends que ça te fasse mal. Mais tu n'es pas seule Aëlys.
À la suite de ces mots, nous pénétrons dans une salle sombre et je parviens à sentir la présence de Rána dans l'obscurité.
- Viens là, me dit-il sèchement.
Cylian saisit ma main et m'accompagne près de son père.
Je suis rassurée d'avoir un réel contact avec la réalité, car le reste de la journée risque d'être difficile.
Je reconnais l'odeur de l'encens qui est en train de brûler et j'entends les mots que récite Rána.
Je suis à peine assise quand je sens le brouillard envahir mes pensées.
Cylian d'une forte pression me fait signifier qu'il ne me quittera pas.
C'est rassuré que je me prépare à affronter cette cérémonie.
-----------------
Il fait à peine jour quand Sergey ouvre la porte d'entrée. Il a besoin d'une cigarette.
Sergey a mal dormi, il tourne et retourne sa rencontre avec Alys, mais surtout, c'est cet enterrement qui le travaille.
Quelle réaction va avoir la famille de Nithaël ? Sa grand-mère qui veillait sur lui depuis la mort précoce de sa mère peu avant sa naissance, doit être morte de chagrin.
Il espère que personne ne fera l'amalgame de faire endosser cette mort tragique à Aëlys...
Deux petites heures plus tard, Sergey se met derrière le volant pour conduire Valentin et Calypso à la cérémonie. Il ne leur a pas encore dit pour son rêve d'Aëlys.
Ils ont d'autre chat à fouetter aujourd'hui...
Quand la voiture pénètre dans le petit cimetière de la ville, il est impressionné du nombre de voitures présentes. Tous les trois descendent de voiture, dans leurs vêtements noirs de cérémonie.
Alors qu'ils avancent vers la foule , Sergey sent les regards lourds d'accusations sur son dos. Il faut qu'il parvienne à garder son calme, pour Nithaël.
Adamson les rejoints à la hâte :
- Merci d'être là aussi tôt. Il va falloir faire profil bas, l'ambiance est très électrique.
- Ok, réponds Sergey.
Le petit groupe s'avance et se met derrière la foule, histoire de ne pas se faire remarquer.
La cérémonie commence dans quelques instants alors Sergey en profite pour observer les gens qui sont présents. Il y a beaucoup de personnes de la communauté, tous les anciens sont là. Sa famille est au premier rang, regroupé entre eux, les amis sont un peu tous éparpillés et des personnes qui lui sont totalement inconnues sont présentes également.
Sergey porte son regard un peu plus vers le petit-bois derrière et la vois, Aëlys.
Il cligne des yeux à de nombreuses reprises croyant à un mirage, mais elle reste là debout à le regarder. Que se passe-t-il ? Le russe rêve-t-il ?
Non tout lui parait réel. En observant un peu attentivement la rousse, il remarque qu'elle parait aussi étonnée que lui...
Soudainement, il reconnaît la petite douleur habituelle qui se manifeste quand une personne tente de rentrer dans ses pensées. D'un geste, il retire son collier protecteur sous le regard interrogateur d'Adamson.
« Serge, tu me vois ? Tu m'entends ? »
L'émotion le saisit, il arrive à entendre Aëlys. Il acquiesce d'un léger geste de la tête.
« Tu penses que d'autre me voit ? » , elle demande.
- Dis Valentin, est-ce que tu vois quelque chose là-bas ?, interroge Sergey en pointant Aëlys du doigt.
- Où ça ?
- Juste là, précise-t-il en plaçant la tête de Valentin dans le bon angle.
- A part des arbres ? Je vois rien pourquoi ?
- J'ai cru voir un animal, j'ai dû rêver... Désolé.
« Personne ne te voit, mais c'est dingue que tu sois là ! »
« Je sais ! C'est le même procédé qu'hier quand je suis venu te parler »
« Penses-tu pouvoir venir jusqu'ici ? »
« Je vais essayer »
La jeune femme sort de l'ombre prodiguée par les arbres et prudemment fait quelques pas.
Elle regarde dans tous les sens, mais personne ne semble remarquer sa présence.
C'est donc un peu plus rapidement qu'elle avance vers Sergey.
Une chance qu'il soit au dernier rang, sinon ça aurait été difficile. Aëlys se dit qu'il est probable que certaines personnes ressentent son énergie.
Quand elle se place derrière Sergey, ce dernier se retourne.
« Retourne-toi, les gens vont te penser dingue à regarder à l'opposé de l'enterrement »
« Oui, je suis bête, viens devant moi alors »
Aëlys s'exécute et ils se font face. D'extérieur, on dirait uniquement que Sergey regarde un point fixe en bas, préférant éviter les regards des gens.
« C'est difficile » il lui avoue
« De ? »
« De ne pas te toucher... »
« Même dans de telles circonstances, tu ne sais pas te tenir ? » , Elle lui demande plus sous le ton de la plaisanterie.
Sergey la regarde amoureusement, ses mains lui brûlent ne pouvoir toucher la peau douce de sa rouquine, mais il est rassuré de sa présence.
Quand résonne le grésillement du micro, Aëlys se tourne puis s'appuie sur le torse de Sergey.
Il sourit discrètement quand son parfum vient titiller ses narines. Puis lorsque la personne en charge de la présentation de l'enterrement les remercie, il attrape la main d'Aëlys.
«Je suis là »
« Je sais » Lui dit-elle alors que la cérémonie commence.
Une personne s'avance vers un pupitre et tout le monde s'assied.
Il y a une dalle en pierre teintée de bleu comme si cette dernière était incrustée de saphir.
L'homme débute en présentant Nithaël, la gorge des jeunes se resserre. Alors qu'il évoque certains passages de la vie du défunt Aëlys se rend malheureusement compte qu'elle ne le connaissait pas si bien...
Au bout de quelques minutes, il laisse la place à une femme qui se tient droite et le regard au loin. D'un coup, un chant similaire à une complainte s'échappe de sa bouche. Comme un chant venu des cieux. L'assistance retient son souffle, subjugué par la triste mélodie, les poils se dressent sur l'avant-bras de tous. Il ne faudrait pas avoir de cœur pour ne pas être touché.
Après quelque parole, tous se retournent vers la grande allée. Sous le chant de la jeune femme, un cortège s'avance. Quatre garçons avancent lentement portant un cercueil fait de verre bleuté.
Aëlys comprend alors la signification de ce bleu à profusion... L'élément de l'eau.
La procession continue sa lente avancée jusqu'à la stèle de pierre. Là, ils déposent délicatement le cercueil et rejoignent leurs places respectives. C'est à ce moment, que la chanson se termine sur une note aiguë.
« C'est la Grande prêtresse » explique Sergey
« C'est la personne en charge des funérailles ? »
« Pas que... Elle effectue aussi les unions, l'accueil d'un enfant dans la communauté »
La femme trace autour de la tombe un cercle en parlant fortement :
- À l'est, j'accueille l'Air, et demande que nos souvenirs de Nithaël subsistent et ne s'altèrent pas dans le temps. Au sud, j'accueille le Feu, et demande de nous faire nous souvenir de Nithaël tel qu'il était dans la vie, et nous laisser garder ce souvenir dans nos cœur. À l'ouest, j'accueille l'Eau l'élément d'héritage de Nithaël, et demande de nous laisser à jamais l'amour que Nithaël a apporté dans nos vies. Au Nord, j'accueille la Terre, et demande que la présence de Nithaël soit honorée dans la mort comme elle l'a été dans la vie, conclut-elle en fermant le cercle.
Une personne à sa gauche souffle dans une corne émettant un bruit sourd et profond puis quand la note se tarit, il déclare :
- La corne a sonné pour Nithaël, ainsi soit-il.
La prêtresse continue alors d'une voix assurée en se déplaçant sur chaque point cardinaux :
- En ce jour, Nithaël n'est pas avec nous et nous en sommes attristés. Aujourd'hui, je ne vais pas vous dire d'essayer de ne pas ressentir cette tristesse, car son voyage a été court. Trop court. N'ayez pas de pensée de colère, ni de vengeance s'il vous plaît. Nous sommes réunis pour lui dire un dernier au revoir et de lui indiquer le chemin.
Aëlys à ses paroles enlève toutes les pensées négatives qu'elle refoule en elle, il faut qu'elle le fasse pour Nithaël.
- J'en appelle à l'amour et la bienveillance des gardiens des éléments. Que l'Air transporte en douceur ton esprit vers de nouveaux horizons. Que le Feu libère ton âme et te protège des mauvais esprits. Que l'Eau te débarrasse de la peine et du chagrin. Et que la Terre te soulage de la douleur et de la souffrance.
L'oratrice a terminé son tour et se met face au cercueil de Nithaël
- Puisses-tu reposer dans les bras de la Grande Déesse qui te mènera à la source de tout. Que la roue tourne et te conduise au point de renaissance.
C'est alors que s'avance la grand-mère de Nithaël, les yeux rougis d'avoir trop pleuré puis elle déclare d'une voix brisée :
- Soit libre, soit fort, soit fier de ce que tu as été et de ce que tu as accompli. Sache que tu nous manqueras et que personne ne pourra te remplacer. N'oublie pas que nous t'aimons.
La vieille dame finit son discours en regardant droit dans les yeux Sergey. Sa mâchoire se resserre laissant paraître sa douleur et sa colère.
La Grande Prêtresse s'avance et poursuit :
- Nous te souhaitons tout l'amour et la félicité dont nous sommes capables. Nous ne t'oublierons jamais Nithaël. Ne nous oublie pas. Chaque fois que nous serons réunis ici ou ailleurs, tu seras toujours le bienvenu. Ainsi soit-il.
Chaque personne présente ferme les yeux et brandit alors son Athamé vers le cercle pendant une minute avant de baisser le bras.
Aëlys a le corps entier rempli le frisson, elle n'avait jamais assisté à des funérailles comme celle-là. Aussi respectueuse, dans l'amour et l'unité. En se tournant vers Sergey, elle remarque que ce dernier pleure également et serre dans son autre main son Athamé.
Un souffle balaie l'assemblé comme un baiser puis Aëlys constate que la grand-mère de Nithaël la regarde intensément. Est-ce qu'elle la voit ou sent-elle sa présence ? D'un coup, la femme détourne le regard et c'est le corps tout replié sur lui-même qu'elle part devant la tombe.
La majorité des personnes présentes commencent à s'en aller et c'est ce moment que choisir Sergey pour partir.
« Retrouve-moi au niveau de la maisonnette du cimetière »
-------------
Bonsoir !
Deux chapitres en une semaine et bien on se refuse rien ^^
Je vous fait plaisir j'espère :)
J'ai longtemps redouté ce moment où j'allais enterrer un de mes personnages...
Très dur à écrire et j'espère que ça va vous plaire.
En tout cas je suis heureuse c'est bientôt Noël !!
Avez vous une envie particulière pour ce jour (concernant mon histoire )
Allez dites moi tout, vous avez demandé quoi à ce gentil barbu ? (le père noël ^^)
J'essaierais de publier dimanche mais je ne vous promets pas car ce week-end c'est la visite des marchés de noël de Paris ♥
Je vous fait de tendre bisous et bonnes vacances à ceux et celles qui y seront demain :D
Lot's of love & magiic
♥
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top