13. Le côté obscur
" Des plus profond désir, naissent souvent les haines les plus mortelles." Socrate
Quand nous arrivons près du camp, j'ai l'impression d'être Jeanne d'Arc. J'entends mon prénom résonné dans l'habitacle de la voiture.
-Tu as entendu ? je demande à Nithaël concentré sur la route.
- De ?
- Quelqu'un qui prononce mon prénom...
- Non.
Je redeviens folle ? Surtout que j'ai cru reconnaître la voix de Sergey.
Qu'est-ce qu'il se passe ? Ça commence sincèrement à m'angoisser de plus en plus.
La voiture est à peine arrêtée que je saute dehors et je cours en direction de notre chalet.
En me retournant, je croise le regard triste de Nithaël. Ça me fend le cœur, j'ai envie de revenir sur mes pas et le rassurer mais j'ai le pressentiment que quelque chose ne va pas ici et surtout que Sergey ne va pas bien du tout...
La porte s'ouvre à la dérobée et j'atterris dans la pièce qui semble dévastée, comme si une tornade avait ravagé l'intérieur du chalet.
Du regard, je cherche le moindre signe de vie quand un mouvement sur ma gauche attire mon œil. Quelque chose bouge dehors.
Rapidement je sors dans le jardin. Le froid hivernal me saisit et mon regarde tombe sur lui.
Le sol est recouvert de centaine de feuilles mortes, dans un sublime camaïeu automnal.
Sergey est torse nu, assis par terre sur le sol froid de ce début de décembre. Je m'apprête à me précipiter vers lui quand je remarque Alena.
Elle est assise avec affront sur une chaise, une clope à la bouche et me regarde en souriant.
Je n'arrive pas à distinguer si je suis dans une colère folle ou si je suis morte de peur pour Sergey qui ne semble pas si conscient que ça.
- Tu n'as pas mis beaucoup de temps, constate à haute voix la blonde.
- Qu'as-tu fait ?
- Moi ?! Haha, je n'ai rien fait, dit-elle avec son accent russe qui m'énerve encore plus.
- Qu'est-il arrivé à Sergey ?
- Oh lui ? lâche telle en jetant un regard plein de dégoût à mon ami, il fait dodo.
- Tu es folle, j'en étais sur.
- NON ! elle hurle en faisant un geste de la main.
Soudain, je bascule en arrière et je me retrouve la terre la première sur un tas de feuille.
En me relevant, je ne comprends pas encore ce qu'il se passe ici. Je l'entends marmonner quelque chose dans une langue que je ne connais pas, du russe probablement.
- Qu'as-tu fait Alena ? je lui demande en me rapprochant une nouvelle fois.
- C'est à cause de toi tout ça !
- Heu, si tu veux bien être plus précise, je ne vois pas clairement ce que je viens faire dans ton délire...
- Depuis que tu es là, il n'y en a que pour toi ! « Aëlys, oh quelle fille talentueuse ! » « Je pars, je dois former Aëlys », « AELYS » ! « AELYS » ! J'en ai plus que marre d'avoir ton prénom sans cesse dans mes oreilles ! Merde !
Elle se relève en me regardant de haut en bas. Ses cheveux sont tout en désordre et elle a l'air d'une vraie folle accoutrée de cette façon. Je n'ai jamais réellement fait attention à elle, elle est devenu invisible à mes yeux depuis qu'elle s'était mis avec Sergey.
- Ça ne tourne pas rond chez toi, et Sergey pourquoi il est inconscient Alena ?
- Tu te demandes vraiment pourquoi ? Tu es encore plus naïve que je le pensais... et toutes ces personnes misent leur avenir sur toi ? Aranel a bien raison !
- T....
Aranel ? Que vient faire cet enfoiré dans notre discussion ?
Mon cerveau tente d'assembler les différents éléments que je possède et de trouver une raison à ce bordel. Mais en vain, il doit me manquer des pièces du puzzle...
- Pourquoi tu parles de lui ?
- Tu es idiote ! Tout se joue devant tes yeux mais tu es tellement concentré sur ton nombril que tu ne vois rien.
- Et bien, si tu es si fière de m'apprendre des choses, raconte moi.
- Ça serait tellement simple...
- Dis-moi maintenant ce que tu as fait à Sergey et pourquoi tu parles d'Aranel ! je lui ordonne en haussant le ton.
La blonde se plie de rire devant mes yeux ébahis. On me prend tellement au sérieux ici...
Je ne serai pas dans une telle situation je pense que je rirais aussi, au vu du ridicule de la situation.
Je la laisse se marrer quelques instants, ce qui me fait gagner du temps pour essayer de me rappeler des cours de Valentin sur le contrôle mental. J'ai dû mal car je ne suis pas à l'aise avec ce genre d'aptitude et surement parce que je commence à ressentir le froid me glacer le corps.
J'inspire et j'expire calmement, un puissant apaisement s'empare de moi. Il faut que je croie en moi !
En rouvrant les paupières, je fixe mon regard dans celui d'Alena qui se calme instantanément.
Ses yeux sans vie ne regardent que moi alors que mentalement je suis donne des ordres, comme celui de tout me dire. Je lui suggère de tout me raconter, d'oublier qui je suis et que je suis là.
Quand j'ai la sensation que mon crane va exploser, je relâche le regard de la russe et m'appuie contre le banc récupérer mon souffle et ma tête.
- J'ai tellement souhaité que Sergey m'aime moi, qu'il fasse attention à moi... Mais c'est peine perdue, il n'y a que toi ! elle lâche de but en blanc.
Je suis perturbée par ses révélations mais je préfère garder que mon apparence solide et autoritaire tandis que mon cœur s'effrite lentement.
- Ma mission était de vous surveiller uniquement, quand Nithaël a été attaqué ce n'est pas lui qui était la cible mais Sergey. Mais qu'est-ce qu'il fallait que je fasse ? Que je laisse Aranel décidait de qui je devais tomber amoureuse ? Je ne crois pas... alors je lui ai donné Nithaël. C'était plus simple, il est moins puissant. C'est un faible, lâche t'elle avec un rire fou.
Elle se relève et se met à genoux devant Sergey. Je ne sais plus si je suis en colère contre elle ou si j'ai tout bêtement pitié d'elle... D'une voix que je ne lui connaissais pas, elle dit :
- On aurait été heureux si tu voyais plus loin que cette rouquine. Tout est entièrement sa faute...
Bon ce cinéma assez duré, j'en ai ma claque que tout soit de ma faute.
Je la relève brusquement, étonné par ma force. Il faut croire que mes entraînements commencent à porter ses fruits.
- Maintenant dis-moi pourquoi tu parles d'Aranel !
- Ah ton autre amour ? elle déclare alors que je m'étouffe face à l'absurdité qu'elle vient de dire.
- Si tu veux oui... tu es avec lui ?
- Plus ou moins.
- Arrête de tourner autour du pot !
J'ai à peine fini ma phrase que je comprends que j'ai eu faux sur toute la ligne.
Je pensais que les sorciers du camp étaient de mèche avec Aranel, un elfe noir mais j'étais loin du compte.
Alors qu'Alena parcoure le chemin jusqu'à la voiture pour attraper Nithaël et le ramener avec nous en à peine une minute, je compris qu'elle n'était pas complice mais qu'elle était comme lui.
J'avais envie de m'effondrer face à cette révélation.
Nithaël atterris non loin de Sergey qui était toujours inconscient. Il jette des regards inquiets autour de lui, il ne réalise pas dans quelle merde nous étions encore.
Je m'en veux encore qu'il soit mêlé à tout ça... et je crains qu'Alena passe ses nerfs sur lui.
- Ne lui touche pas un seul cheveu ! je la menace le visage rouge de colère.
- Tu te prends pour qui pour me parler de cette façon ?
- Je me prend pour rien de plus que ce que je suis, pourquoi vis-tu dans ce camp ?
- Tu poses tellement de questions demi...
- Aëlys je m'appelle.
Nous nous tournons autour comme dans une arène, chacune à quelques centimètres l'une de l'autre. Je ne vois qu'elle, son aura maléfique et ses pensées. J'ai failli exprimer fort ma joie lorsque je réussi à percer les murs de son esprit. Elle est faible.
Elle ne pourra rien faire que je ne sache d'avance.
Je suis surprise de distinguer la véracité de ses sentiments envers Sergey et sa terrible haine contre moi, qui lui noircit son cœur chaque jour un peu plus.
- Je sais comment tu t'appelles !
- Réponds à ma question, qu'est-ce que vient foutre Aranel dans cette histoire ?
- Tu n'as pas remarqué ? Ton amie Blair, qui n'est pas si bien cachée il faut le dire, ne te l'a pas dit ?
- De ?
- Aranel est mon frère.
- Tu ne lui ressemble pas..., je balance avant de regretter mes mots.
Comme Blair l'avait fait il y a quelques temps, Alena change d'apparence d'un clignement de paupière. N'ayant jamais vu Aranel, je ne saurai dire s'ils se ressemblent bien. En tout cas j'ai la réponse à mon interrogation, Alena est une putain d'elfe noir. Ils sont partout !
Alena est beaucoup moins jolie que sous sa forme humaine. Les elfes, qu'importe leur classe ou race sont connus pour être magnifique mais ce que je vois n'est pas joli, ou alors nous avons une vision différente de la beauté.
Alena est grande, plus de deux mètres ce qui est impressionnant... Sur son front, elle porte deux cornes de chaque côté, de longues cornes noires qui mesurent presque 30 centimètres. Ces excroissances osseuses la défigurent et lui font perdre toute la beauté possible.
Sa peau est différente de celle de Blair elle est grise et brille sinistrement, ce qui lui donne un teint blafard, malade. Ses cheveux sont noirs et blancs, je ne sais pas si c'est naturel mais c'est étrange.
Son regard est sordide, deux iris orange me fixent d'une lueur maléfique.
Autour d'elle son aura est noir teinté de violet, ça ne présage rien de bon.
J'imagine alors très bien la laideur que pourrait avoir son frère. Je frissonne et détourne mon attention de ses yeux. Nous nous sommes restées figé pendant qu'elle se métamorphosait.
Rapidement, je recule effrayé par ce que je vois dans ses yeux et ce que je perçois dans ses pensées.
Elle s'apprête à me sauter à la gorge, comme au ralenti je la vois cracher au sol, prendre appuie sur son pied droit et venir droit sur moi. Mes yeux se ferment par réflexe et je me prépare à recevoir le coup qui m'est destiné mais rien ne se passe.
J'ose ouvrir mes paupières et Alena a disparu de devant moi.
Un hurlement sinistre et strident résonne, et des dizaines d'oiseaux s'envolent de la cime des arbres.
Mon cœur loupe un battement, qui a poussé ce cri ? Alena ?
Je regarde autour de moi, les deux gars sont toujours là. Nithaël profite de ce calme pour me rejoindre. Nous restons dans l'attente de quelque chose, sans savoir de quoi précisément.
Plus aucun bruit ne se fait entendre pendant de longues minutes qui me paraissent une éternité.
D'un coup, un bruissement de feuille morte indique un mouvement devant nous.
Sous tension, nous attendons d'avoir un visuel.
Blair apparaît comme par magie, devant nous.
Ses vêtements sont tachés de sang et de poussière. Son visage est fermé et elle semble tellement enragée. Ses yeux ont une teinte différente, tirant sur le violet.
Mais lorsque je mets mon bras sur le sien, elle redevient elle-même, mon amie.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé, je le demande doucement pas certaine de vouloir la réponse.
- Putain d'elfe noir, elle répond en me faisant un clin d'œil.
- Tu vas bien ? Tu es blessé ? je la questionne en l'observant sous toutes les coutures.
- Oui oui, Aëlys, stop. Je vais bien.
- D'où vient ce sa...
Ma phrase s'arrête quand je comprends par moi-même d'où provient ce sang.
Blair a tué l'une des siens pour moi ?
Je sais à quel point cet acte est impardonnable dans leurs races... surtout que c'était la sœur d'Aranel...
- Elle ne vous embêtera plus, je crois.
- Tu... l'as tué ? demande Nithaël blême.
- Ouais, allez rentrons, le russe il commence à devenir bleu.
- O... ok, répond Nithaël encore secoué par tout ça.
Après avoir déposé Sergey bien au chaud sous une dizaine de couvertures en laine sur le canapé, Nithaël se glisse sous la douche. Ça ne doit pas être facile pour lui d'affronter tout ça... J'en reviens toujours à la même conclusion, il n'aurait pas dû être ici avec nous. Ce n'est pas son monde, ni son combat.
Sa présence me rassure énormément, et j'en ai besoin mais pas comme je le souhaiterais.
Le principal pour moi est qu'il s'éloigne d'ici, qu'il vive sa vie tranquillement et paisiblement en Ecosse avec sa famille.
Je suis en pleine réflexion quand Blair pose une tasse de thé devant moi et qu'elle pose ses mains sur mes épaules. Sa présence me tranquillise et me rassure, c'est un tel sentiment de se sentir épaulé, accompagnée. A présent je suis certaine, qu'elle fera tout pour moi, pour assureur ma sécurité.
- Ça va ? elle me demande en s'asseyant à côté de moi.
- J'ai connu mieux.
- Je n'en doute pas, je suis désolée mais je n'ai pas la possibilité de les reconnaître...
- Te tracasse pas, je pense qu'on n'a pas fini d'avoir ce genre de surprise. C'est vraiment bizarre que dans ce camp il y ait autant d'elfe noir.
- Tu promets de garder pour toi ce que je vais te dire ?
- Evidemment.
- Je crois qu'une porte pour Faérie se trouve à proximité du camp.
- Qu'est ce qui te fait dire ça ?
- Premièrement leur présence... et tu n'as jamais senti cette énergie ? Je suis certaine que c'est grâce à ça que tu progresse rapidement, en puisant dans ces sources de fortes énergies.
- Oh..., je lâche en repartant dans mes éternelles réflexions.
J'étais persuadée que toutes les portes qui menaient au monde caché avaient été scellées ou détruites. Si ce que Blair insinue est vrai cela signifie qu'Hamilton est forcément au courant.
Et qu'il nous a peut-être caché la raison de notre présence ici... Est-ce que cela signifie que le conseil des anciens d'Édimbourg en me poussant à me former ici était aussi dans la confidence ? Maître Adamson m'aurait il dupé et trahi ?
Ma vision se brouille, des larmes s'agglutinent dans le coin de mes yeux mais je ne veux pas pleurer. J'essaie de les ravalées cependant elles coulent lentement le long de mes joues me chatouillant au passage.
Ce n'est pas le moment de craquer.
- Tu penses qu'Hamilton est dans la confidence ?
- Je dirais qu'il est courant de certaines choses en tout cas... tu ne l'a jamais sentie ce mec, ça m'étonnerait pas que tu aies eu un bon flair.
- Tu crois vraiment beaucoup en moi.
- Evidemment, je pense que les prophéties peuvent dire vrai et tu es une force de la nature ne l'oublie pas !
- Merci Blair, je lui chuchote alors qu'elle me prend dans ses bras.
- Maintenant tu vas me raconter ton demi-week-end ! elle lance en revenant en face de moi.
- Oh, ben rien de particulier. C'était bien...
- Mais sans plus ? termine-t-elle.
- Exactement, puis j'ai été interrompu par un saignement puissant du nez.
- Ah oui ? Tu n'as pas trouvé mieux pour le faire fuir ? elle plaisante.
- Sans rire, je crois que je ressentais les coups que se prenaient Sergey, ce n'est pas bizarre ça ?!
- Ah bon comment ça ?
- Ben tu vois bien à sa tête qu'Alena lui a fracassé le nez, j'espère qu'il n'est pas cassé.
- Oui et toi d'un coup tu t'es mise à saigner du nez ? Tu faisais quoi à ce moment-là ?
- Heu... des choses.
- Ahah, ce n'était pas si inintéressant alors coquine !
- Chut..., je lui intime pour ne pas réveiller Sergey. Il n'y a rien eu de toute façon, et oui j'ai saigné sans raison, d'un coup.
- Il faudrait en parler à quelqu'un.
- J'ai déjà essayé de parler à Adamson, de notre sorte de connexion. Tu te rappelles quand tu nous as pris sur le fait ? En train de léviter.
- Ouais...
- Ben on fait ce genre de chose en se touchant les mains et en se concentrant. Est-ce qu'on serait comme lié d'une certaine façon ?
- Vous êtes tous les deux nés d'une sorcière et d'un haut elfe... Peut-être à cause de ça ?
- Oui possible, je vais voir avec Valentin demain.
- D'accord, c'est vrai chaque chose à son temps. Et mademoiselle il va falloir aller dormir !
- Oui maman, je lui lâche en me levant.
Elle m'envoie un coussin dans le dos en éclatant de rire. Je monte les escaliers en lui adressant un doigt d'honneur accompagné de ma langue tirée.
Je rentre dans ma chambre en me disant que j'aime ces moments de complicités et simplicités qui manquent cruellement à ma vie ces derniers temps.
Mon lit est vide, j'en déduis que Nithaël a besoin de garder ses distances ce soir ?
Je suis déçue de voir qu'il ne me fait pas confiance et je reste persuadée qu'il doit se mettre en sécurité en Ecosse...
Après une longue douche chaude, je me faufile enfin sous mes draps. Je m'endors rapidement même avec une tonne de question qui traverse mes pensées.
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