11. De l'orage dans l'air ♦

"La colère décuple ta puissance mais si tu la laisses te dominer, elle va te détruire." 

Batman Begins         

      

Je descends l'escalier en essayant de faire le moins de bruit possible, mais ma présence est signalée quand une marche couine sous mon poids. Les bruits de pas se rapprochent de moi encore plus de moi. 

- Aëlys ?

Encore quelques secondes s'écoulent avant que je ne voie l'intrus.

- Sergey ? Je demande d'une petite voix quand je le reconnais.
- Ouais, j'ai sonné et frappé, mais personne ne répondait.
- Et du coup, tu t'es accordé le droit de rentrer ?
- Je ne l'aurai pas fait si ce n'était pas important..., il s'excuse.
À l'observer comme ça, il paraît moins assuré que lors de nos précédentes rencontres.
Je descends les quelques marches qui nous séparent.
D'un coup, je remarque que son regard se fait insistant sur moi.
Oh merde, j'avais oublié ma tenue avec son intrusion, mais je tire les pans du peignoir afin de couvrir un maximum de peau.

- Je t'écoute alors si c'est urgent.

Il me scrute de la tête au pied puis esquisse un sourire :

- Tu ne veux pas t'habiller avant ? Je ne pourrais pas rester concentré avec ce que tu offres...
- Évidemment... Je ne te dis pas de faire comme chez-toi, tu le fais déjà.

Je remonte rapidement, jette la serviette humide sur mon lit et enfin un jean et un top. Je m'apprête à redescendre quand je passe devant le grand miroir.
Je m'immobilise.
La tâche dans mon œil.
On ne voit que ça surtout qu'elle tranche franchement avec ma couleur de base.
Tant pis, il va bien falloir que j'assume à présent...
Sergey semble captivé par les tableaux dans l'entrée aussi bien qu'il ne me remarque pas tout de suite.
J'ai alors tout le loisir de l'observer... Même si j'ai eu un gros coup de cœur pour lui, il n'en reste pas moins qu'un con.

Mes yeux se délectent de ce qu'ils regardent, à travers son polo se dessine ses muscles.
Sa mâchoire carrée s'harmonise avec ses lèvres fines. Ses yeux rieurs sont comme les miens vraiment clairs. Mon œil fut attiré par des traits noirs qui remonté sous sa manche.

Je n'ai jamais pu autant l'observer et je n'avais pas remarqué que sa tâche était beaucoup plus marquée que la mienne. Il est bien comme moi.
Peut-être qu'il aura plus de réponses que Nithaël.
Je suis partagé, en lui parlant de tout ça c'est comme si je le trahissais Nithaël...
S'il a choisi la fuite plutôt que de m'aider ce n'est pas ma faute.

Ma décision prise, je m'approche de Sergey.

- Tu voulais me dire ?

Il sursaute au son de ma voix.

- Oh, tu es là je...

Il m'interroge du regard, mes joues s'échauffent lorsque ses yeux se posent longuement sur moi.
Je suis avec Nithaël ! Ne va pas te mettre dans une galère sans fin. À jouer avec deux feus...
Je reprends mon souffle et rassemble mes idées.

- Tu as changé non ?, il demande en scrutant mon visage.
- Non, je lui réponds froidement.

Il se recule, ses yeux se plissent et un sourire étire son visage.

- Ce sont tes yeux qui changent. Si j'avais su au château que tu étais comme nous, je ne t'aurai pas laissé approcher de ce bon à rien de Nithaël !

Sergey s'approche encore plus de moi saisissant mon visage entre sa main.
Je n'arrive pas à contrôler mon cœur qui bat la chamade à ce contact.
Il regarde mes yeux de plus près, et avec un sifflement admiratif :

- Magnifique.

Je me recule brusquement le visage rouge.

- De quoi voulais-tu parler ?, je redemande.
- Les qualités de ton accueil laissent à désirer Mlle, raille-t-il.
- Pardon ? Tu es rentré par effraction chez moi, je ne t'ai pas invité, je le corrige.
- Offre-moi à boire s'il te plait, je me dessèche.

Mes pas traînent sur le sol et j'arrive à la cuisine.

- Thé, café ou autre chose ?
- Thé, c'est cool, il répond.
Pendant que je prépare le thé, je me pose tout un tas de questions.
Pourquoi est-il ici ? Et qu'a-t-il de si urgent à me dire ?
Après notre dernier échange, je ne pensais pas le revoir de sitôt...
J'avais pourtant l'impression d'avoir été claire.
Et évidemment Nithaël ne revient pas...

Je pose les deux tasses chaudes sur la table en lui proposant plusieurs thés.
Pendant que mon thé s'infuse, je le laisse seul sans rien dire et va dehors prend une cigarette.
Ce n'est pas plus mal, car je n'ai plus son regard oppressant sur moi.
L'air s'est rafraichi et une pluie fine tombe toujours. Au moins ça me rafraîchit les idées...

- Ce n'est pas bien.

Je me retourne agacée, il a décidé d'être chiant ?

- Pourquoi tu me suis ?, je demande agacée.
- On doit parler.
- Ça, je sais et ça ne répond pas à ma question, j'ai le droit à un peu d'air ?
- Ouais... Ton toutou habituel n'est pas là ?, lance t'il un sourire sur les lèvres.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Ça ne te regarde pas !, je lui réponds.
- Hey calme t'es mal baisée ou quoi ?

Sergey débarrasse le plancher quand il croise mon regard noir.
Mais fièrement, il me lance un dernier pic :

- Ou alors pas baisée du tout.
Folle de rage, ne voulant pas me laisser insulter comme ça, je le suis.
Alors qu'il est dos à moi, je lui mets la main sur l'épaule et il se retourne.

- Écoutes, on n'est pas amis loin de là, alors si tu es venu pour m'attaquer à coup de remarque cynique, tu peux retourner chez toi. Soit tu me respectes parce que je te signale que tu es chez moi ou soit tu dégages, prend ta décision maintenant !

Je suis essoufflée d'avoir dit tout ça d'une traite.
Je me suis déjà servi de mes pouvoirs sur lui et je n'hésiterai pas à recommencer. Les poings serrés, j'attends sa réponse.
Sergey reste debout sans ciller à me regarder étonné. Il doit être en train de poser le pour et le contre quand il lâche d'une voix basse.

- Ok

Je m'apprêtais à lui répondre, mais je suis surprise de sa réponse. Peut-être qu'enfin de compte, il sait utiliser son cerveau...

- Bien, si tu me disais enfin ce que tu veux, je dis blasée.
- As-tu fais un rêve bizarre cette nuit ?
- Bizarre, je ne sais pas, mais très réaliste oui.
- Tu étais avec moi. Qu'est-ce que ton toutou t'a appris sur nous ?, il me questionne.
- Ne recommence pas... Et à part les légendes, nos origines pas grand-chose.
- Quel baltringue, il lâche.
- Sergey !
- Désolé, c'est plus fort que moi. Il va falloir que je t'emmène voir quelqu'un.
- L'ancien ?
- Oui, ce n'est pas un gars d'élément d'eau qui va pouvoir t'apprendre quoi que ce soit.
- Parce qu'un élément feu oui ?, je retorque.
- Je n'ai pas cette prétention Aëlys contrairement à lui...
- Mais que se passe-t-il entre vous deux pour qu'il y ait autant de haine.
- Ne te mêle pas de nos histoires.
- Vous êtes chiants, j'ai besoin de personne pour me venir en aide. J'ai des pouvoirs et bien tant mieux ! Ça ne changera rien à ma vie, de toute façon, je ne compte pas m'éterniser ici. J'ai toujours était seule alors ce n'est pas maintenant que ça va changer. Donc merci de rentrer chez toi, je ne veux plus rien entendre, je veux plus vous voir ! Quand vous aurez décidé que je ne suis plus inférieure à vous pour me parler ben vous savez où me trouver.

Je me suis debout, les poings de nouveau sur la table.
Mes propos ne sont pas cohérents tant pis. Tout ça me dépasse, j'aimerais récupérer ma vie d'avant solitaire.
Je n'en veux pas forcement à Sergey en particulier, mais il est là et avec son air suffisant il a provoquer mon éclat de voix.

Alors que je me calme petit à petit, il reste silencieux. Quand le rouge part de mon visage, il se met à frapper des mains, il m'applaudit ?

- C'est bon ta crise est finie ?

Je reste abasourdi par son intervention. Qu'est-ce qu'il me retient de le frapper ?

- Je sais que ce n'est pas facile à digérer tout ça, si ça peut t'aider hurle, frappe-moi, défoule-toi, on peut même aller au lit tous les deux.

J'ouvre la bouche pour lui jeter une réplique cinglante, mais il me devance :

- Je plaisante détend toi bordel ! Je suis passé par le même chemin que toi, il avoue.
- Mon œil, tu es né comme ça comme les autres.
- Écoute-moi, tu veux, je n'ai rien en commun avec ton gus. Je n'ai pas grandi au sein de la communauté non plus, j'ai étais aussi seul que toi, je pense. C'est ce qu'il arrive souvent aux enfants de sorciers d'esprits.

En se rapprochant de moi, il continue :

- Tu me considères sûrement pour un type prétentieux, arrogant, imbu de lui-même, mais tu ne me connais pas. Tu ne sais pas par quoi je suis passé dans la vie. Alors si on est tous les deux dans cette galère autant s'épauler non ? Je suis tout aussi perdu que toi.

Je l'observe débiter ses mots à une vitesse folle. Je tente de percevoir ses émotions comme j'ai pu le faire avec Nithaël mais en vain, il semble vide, dénué de tout sentiment.

- Y a un truc qui cloche chez toi, je lâche.
- C'est-à-dire ? Soit plus préciser, il y en a tellement.

Je souris, je ne manquerais pas de lui faire rappeler.

- Je ne te ressens pas.
- Houlà recommence, je n'ai pas saisi.
- Tu n'éprouves aucun sentiment ? Tu ne ressens rien ?
- Tu n'es pas croyable, ma parole ne te suffit pas, tu as essayé de me sonder ?
Merde prise sur le fait.

- Te sonder ?, je demande.
- Ouais, je te rappelle que je suis comme toi, mais avec un peu d'avance.
- Ça ne répond pas à m...
- Question, je sais, mais toi sais que tu es chiante à poser mille questions ?
- On me le répète oui.
- Et tu en es fière en plus ?

Je rigole lorsque je vois son sourire s'étirer. C'est presque plaisant de discuter avec lui quand nous ne sommes pas en conflit.

- Les questions, tu auras tout le loisir de les poser à l'ancien.
- Adamson ?
- Oui, il t'a au moins dis des choses intéressantes...
- On doit le voir maintenant ?, je demande.
- Non, il faut que je voie quand est-ce qu'il peut nous recevoir.
- OK, je veux bien aller discuter avec lui.
- Ça marche, je viendrai te chercher de toute façon, tu ne bosses pas, je suppose Lady Stirling ?

Qu'insinue-t-il ? Tout le monde est au courant de la richesse de ma famille ?
Aux yeux des habitants de cette ville, je suis juste une roche héritière qui a décidé de s'installer dans la demeure de feu sa famille ?

- On fait comme ça, mais ne m'appelle plus comme ça, je l'avertis.
- Sinon ?
- Sinon j'ai des pouvoirs qui semble-t-ils sont puissant, tu ne t'en rappelles pas ?
- Tu m'as surpris, c'est tout, ne sois pas prétentieuse, il ajoute.
- Je ne le suis pas, je sens que tu me crains.
Je regrette immédiatement mes paroles, ça ne sert à rien de le provoquer.
Une lueur de défi s'allume dans son œil, il est si rapide que je réalise notre proximité que lorsque ses mains entourent mon cou.

- Tu es certaine de ce que tu avances ?
- Tu me fais mal Sergey..., je couine en me debattant.
- Ne me cherche pas, tu n'es qu'une novice !

Il parle un peu plus fort, son regard est noir.
Il n'est pas question que je faiblisse face à lui. C'est probablement un test comme celui de Nithaël pour tester mes pouvoirs...

Me vient une idée qui lui coupera l'herbe sous le pied.
Ma gorge se resserre encore plus face à passivité et avant que je n'aie de belles marques sur mon cou, il est temps de mettre mon plan en exécution ;
Et puis mon idée n'est pas si bête et puis ce n'est pas comme si c'était déplaisant.

Je m'apprête à plaquer mes lèvres contre les siennes, mais il me devance.
Je ne sais pas comment il fait pour deviner chacun de mes faits et geste afin d'avoir un coup d'avance sur moi...
Son contact m'électrise.

Quand je l'ai rencontré, j'aurai tellement voulu l'embrasser, le toucher.
Cependant, c'était bien avant de voir son vrai visage.
Sa main reste encore quelque seconde sur mon cou avant de remonter sur mon visage qu'il encadre.
Puis il presse un peu plus ses lèvres contre les miennes. Je le sens se détendre et il soupire. Alors que sa langue tente de percer entre mes lèvres, je le repousse violemment à l'aide de mon pouvoir.

Ahuri, il me regarde, en voyant la triomphe sur mon visage, il abdique :

- Bien joué.
- Comment fais-tu ?
- Dis-toi juste que j'ai toujours 3 coups d'avance sur toi.

Il se décolle de moi en passant sa main dans ses cheveux ébouriffés.
Mon cœur loupe un battement quand j'entends un « putain » sortir de derrière moi.
Nithaël...
Ça fait combien de temps, qu'il regarde ? Je savais que c'était une mauvaise idée... Mon regard passe de Sergey à Nithaël.
L'atmosphère change brusquement, l'air devient plus humide.
Alors que le soleil brillait dans le ciel, de sombres nuages recouvrent désormais le bleu du ciel.

Je les observe tout en m'éloignant me demandant, ils sont vraiment en train de modifier la météo.
Les deux s'affrontent du regard en se rapprochant l'un de l'autre.

D'un coup, un éclair cisaille le ciel, le tonnerre retentit rapidement après et une trombe de pluie s'abat sur nous.
Ils sont maintenant à moins d'un mètre l'un de l'autre.

- Ne t'approche pas d'elle ! Prévient Nithaël.
- Elle ne t'appartient pas, et tu la mérites pas tocard, réplique Sergey.
- N'essaie pas de l'embobiner Sergey, elle est bien trop intelligente pour comprendre ton petit jeu.
- Mon jeu de quoi, mais tu délires mon gars-là. Elle est assez grande pour savoir ce qu'Aëlys souhaite faire.


À l'évocation de mon prénom, Nithaël devient rouge de rage, les phalanges de ses mains devenues blanches d'être trop compressés.
Il pousse violemment Sergey qui malgré sa force ne bouge que de quelques centimètres.

- Ne prononce pas son nom, siffle Nithaël.
- Ne me donne pas d'ordre.

Le vent se lève aussi, la scène devient surréaliste.
On se croirait dans un mauvais film de science-fiction et pourtant, je ne rêve pas tout cela se produit devant moi.
Je me rends compte que j'ai tellement de choses à apprendre sur les éléments...

Alors qu'ils se fusillent du regard, la pluie continue de tomber et je suis fatiguée de ces prises de tête.
D'un coup, tout s'emmêle, Nithaël fond sur Sergey et lui saisit le cou brusquement.

- STOP ! Mais ça ne va pas !

Mon cri résonne et les deux se figent.
Le vent semble chasser les nuages gris de pluie et le temps redevient radieux. Nithaël relâche le cou de son ennemi.

- Rentre chez toi Sergey s'il te plaît.

Son regard sur moi, il m'interroge silencieusement. Puis lorsque je hoche la tête le ciel est de nouveau radieux.

- C'est toi qui vois.

Il s'avance vers moi et alors que je lui fais non de la tête, car je pressens sa bêtise.
Mais avec fierté, il continue quand même et dépose un baiser sur ma joue et me susurre :

- À bientôt Aelys.

Sergey repart comme il était venu. L'atmosphère ne s'est pas pour autant améliorer...
Nithaël est toujours debout, les muscles tendus à l'extrême et je n'ose pas l'approcher.
Je sais que je devrais me confondre en excuses, mais je n'y arrive pas.

Son regard se pose sur moi, et je frissonne tellement il est en colère après moi.

-Que foutait-il là ? Il me demande froidement.
- Il est venu me parler par rapport au rêve.
- Il a fait le même ?
- On dirait bien.
- Pourquoi tu ne l'as pas foutu dehors ?,il demande la voix remplie de rage.
- Je suis encore chez moi et j'accepte chez moi qui je veux.
- Ne joue pas à ça avec moi.

Je me sens bête... Je n'avais pas prévu de lui faire du mal.
Il demeure impassible à une bonne distance de moi. Je ne dirai pas que je suis amoureuse de lui, mais je suis fortement attachée à lui et je n'ai pas envie de le faire souffrir.

- Désolée, mais j'ai besoin de réponse, je lui dis en baissant les yeux.
- Et tu les as eues ?
- Pas toutes.
- Ok, et le russe t'a dit quoi ?

Le russe ? Sergey est russe ?
Son prénom, certes, est très russe, mais il n'a aucun accent.

- Je ne savais pas qu'il était Russe.
- Et ? Du coup, il t'intéresse encore plus ?, il demande avec arrogance.
- Nithaël je n'ai pas dit ça...
- Pourtant, ce baiser voulait bien dire quelque chose. Tu ne l'as repoussé qu'après en avoir profité. Tu as mouillé ta petite culotte ?

Là, c'en est trop, je pars au quart de tour piqué par sa réflexion.
Je le gifle.

Le bruit du contact de ma main sur sa joue retentit et le silence s'installe.
D'habitude Nithaël est plus gentil... Je sais que j'ai mal agi.

Je ne sais pas quel conflit les sépare ces ceux-là mais je n'aie pas en subir les conséquences.
Ses prunelles semblent sans vie, il ne réagit même pas.

Après de longues minutes, il dit tout bas

- Désolée, j'ai étais un peu fort.
- Je suis désolée aussi, mais rentre chez toi aussi Nithaël.

Avec les yeux pleins d'interrogation et d'incompréhension, il m'interroge :

- Ça nous ferait peut-être du bien de passer une nuit seule, j'insiste.
- Ok

Sans un regard vers moi, il se tourne et disparaît de ma vision.
J'ai besoin de me retrouver seule face à tout ça. Ces pouvoirs extraordinaires, ces sentiments que je ressens...
Avant que je ne perde totalement la tête avec ces non-dits et ces questions sans réponse.

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