Caput XI

Double update surprise tadaaa (attention : Wattpad a inversé dans les notifs mais c'est le deuxième celui-ci, il faut commencer celui d'avant XD) ! Bon c'est pas tant une surprise que ça puisque je devais poster qu'un seul chapitre mais il était tellement long (presque 8k de mots) que j'ai décidé de le couper en deux. Ce sera plus agréable à lire pour vous.

On reste dans la continuité du précédent = tout autant d'indices et de détails à ne pas négliger.

Bonne lecture bis <3


















C'est à une heure assez matinale que je découvre l'immeuble dont Namjoon Findel m'a parlé, perdu au milieu d'une avenue de l'Opéra vide de monde. Celle-ci se trouvant près de ma faculté, j'ai décidé de m'y rendre avant le début de mon cours des sources du droit criminel prévu à dix heures.

Je lève mon menton, puis observe le bâtiment qui se dresse sur deux étages. Rien d'impressionnant, il ressemble à tout ce qui peut se trouver dans les rues de la capitale.

Les plaques dorées dont il m'avait parlé sont bien présentes. Enfin, pas tout à fait, puisqu'une seule est posée sur la pierre sombre, gravée au nom de l'avocat que je recherche. Ce constat me chiffonne. Au-dessus, l'appellation de son bureau d'associés est écrite en italique, d'une police large et distinguée qui est d'une élégance remarquable.

Cabinet Findel & associés.

Pourtant, en-dessous ne se trouve qu'une place vide où les trous des vis qui avaient, jadis, soutenu un rectangle similaire, sont là pour seuls vestiges.

C'est étrange.

Soit il vient de changer d'associés - auquel cas il serait plutôt logique de voir que les emplacements ont déjà été utilisés - soit il s'agit de son nouveau domicile.

Mais dans ce cas, pourquoi son enseigne serait la seule accrochée ?

Je ne m'attarde pas plus que cela sur ce détail étrange et lève le doigt afin d'appuyer sur le bouton métallique à ma droite. La mélodie de la sonnette parvient jusqu'à moi, étouffée par l'épaisse porte brune où une simple fente dorée la décore.

Mes yeux remontent et heurtent un élément qui les oblige à s'arrêter.

D'un coup, tout autour de moi semble se mettre sur pause.

Il y a un anneau noir, à la peinture écaillée, planté en plein milieu.

Un frisson désagréable remonte le long de mon dos. Il ne parvient pas au bout de mon échine, bloqué en plein milieu.

Pourquoi m'est-il familier ?

Je reste stoïque, hypnotisé par ce qui, d'apparence, sert uniquement à se jeter contre la porte afin d'alerter sa présence, mais qui ravive en moi un souvenir incertain, flou, dont je suis ni sûr de l'existence, ni convaincu de la forme.

Plus je le regarde, plus il semble s'élargir pour engloutir le monde tout entier. J'entends mon coeur battre à tout rompre à l'intérieur de ma poitrine, brisant le silence absolu de mon esprit.

Cet anneau ...

Archibald ...

Il... je crois que...

Mon frère était entré par une porte avec un heurtoir similaire, j'en suis sûr maintenant.

Je me remémore ce cercle qu'il a pris entre ses doigts blanchis par l'hiver meurtrier, et qu'il a cogné contre le bois fragile devant lui, faisant au passage tomber quelques flocons bancs qui le recouvraient.

Mais l'avenue ne ressemble en rien à cette ruelle où nous nous étions arrêtés, et ces objets sont courants dans l'architecture haussmannienne. 

Alors pourquoi est-ce que je ne peux m'empêcher de le fixer ?

J'ai le sentiment désagréable de devoir à nouveau faire face à ce que je déteste le plus : comme un regret qui pourrit notre vie à chaque fois qu'on y repense sans faire exprès.

Un bruit strident m'extirpe de ma pétrification, signe que l'on vient de m'ouvrir à distance. Je pousse la porte, pénétrant à l'intérieur de l'immeuble après une dernière œillade vers la structure en métal.

J'inspire un grand coup tout en boutonnant ma veste de tailleur noire - cette fois-ci.

Une fraîcheur m'attaque à peine le pied posé sur le carrelage moucheté. Le couloir ne possède rien de plus que ses murs qui sentent le renfermé et conservent le froid de dehors ainsi que des sous-sols. Une seule entrée se trouve au fond et je me dépêche de traverser le hall pour l'atteindre.

Si l'on m'avait dit que je m'apprêtais potentiellement à trouver un stage après avoir eu le culot de supplier un avocat de me donner ma chance, sur le rebord d'une fontaine, aux douze coups de minuit, puant le demi-sexe à plein nez avec du rouge à lèvres plein la bouche : j'aurais sûrement ri sans jamais m'arrêter.

Pourtant c'est bien le cas.

Rien n'a de sens dans ma vie, ces derniers temps, il faut croire.

Un bureau se trouve immédiatement à ma gauche. Je m'arrête devant et tombe nez à nez avec une femme de la quarantaine, se tenant assise derrière.

Ses cheveux blonds et courts descendent à peine sur sa nuque, crêpés pour donner une impression de volume particulièrement à la mode. Du khôl bleu entoure ses yeux marrons, assortis aux créoles épaisses qui pendent sur le lobe de ses oreilles.

Son visage rond se lève en ma direction pour me regarder trois secondes, avant de replonger dans ses documents.

— Bonjour, vous avez rendez-vous ? me demande-t-elle tout en triant un paquet de feuilles.

Je me racle la gorge, cale une de mes longues mèches derrière la branche de mes lunettes, puis lui répond en enjolivant un peu la vérité :

— Bonjour, oui. Avec Maître Findel. Au nom de Jungkook Delcroix.

Ses yeux s'intéressent à nouveau aux miens alors qu'elle m'informe :

— Je vais aller le chercher.

La secrétaire se lève, révélant une pantalon large à pinces sous son chemisier sobre. Ses talons bas claquent contre le parquet alors qu'elle se dirige vers un endroit qui m'est inconnu.

Je profite de son absence pour analyser le paysage raffiné qui m'entoure : des moulures blanches au plafond, un miroir aux enluminures de bronze, quelques fauteuils qui entourent une table basse en verre sur laquelle trône une plante et des livres.

Sur les murs sont accrochés plusieurs cadres artistiques : des photographies en couleurs ou bien quelques tableaux abstraits. Les rayons de soleil matinaux s'écrasent sur le sol à travers la succession d'immenses fenêtre qui apportent une luminosité aveuglante à la pièce.

Je reporte mon attention sur le meuble et la montagne de dossiers qui le noie.

La femme finit par revenir avant que je n'ai eu le temps d'obtenir plus d'informations, désormais accompagnée.

Namjoon Findel suit ses pas d'une démarche assurée, une main dans la poche de son bas.

Il porte une veste de tailleur gris aux motifs prince-de-galles plus foncés, un peu grande pour lui malgré sa taille importante. Sous le col de sa chemise blanche est nouée une cravate en soie marron à carreaux jaunes.

Je trouve sa tenue assez atypique pour un avocat, mais elle lui va bien.

Encore plus que sa coupe à ras qui fait ressortir les traits forts de son visages : un nez long et arrondi ainsi qu'une paire de lèvres gonflée.

Un sourire creuse des fossettes autour de sa bouche alors qu'il s'avance vers moi puis me tend une main imposante. Sans aucune hésitation, j'entoure mes doigts fins autour d'elle puis la secoue avec vivacité.

— Maître Findel... ravi de vous revoir.

— Monsieur Delcroix, dit-il avec conviction, suivez-moi je vous prie.

La secrétaire regagne son poste après nous avoir dépassé. L'avocat me tourne le dos, ce qui m'incite à emboîter ses pas en direction de la porte qui se situe de l'autre côté de la pièce.

En réalité, il y en a trois : une qui camoufle le bureau dans lequel nous sommes en train d'entrer, la deuxième à quelques mètres d'elle qui est resté fermée et la troisième en parallèle, ouverte sur un lieu vide d'âme.

Sûrement celles des personnes qu'il tient comme associées.

Nos pas craquent sur le bois tandis qu'il m'invite à m'installer sur une chaise. Lui se positionne en face de moi, derrière son poste de travail en marbre.

Tout est très lumineux, dans des tons blancs et beiges anciens.

Une immense bibliothèque se trouve derrière son fauteuil, pleine à craquer de divers codes et livres juridiques aux reliures dorées en cuir.

Je balaye du regard les quelques éléments de décorations qu'il s'est efforcé de mettre là où il travaille : comme quelques cadres photos de lui et ce qui semble être sa femme, ou des boules de neiges - souvenirs typiques de vacances.

— Je suis surpris, entame-t-il, je ne pensais pas que vous viendriez.

— Pourquoi cela ? je lui demande, le sourcil droit levé.

Le rasé se met à rire avant de s'enfoncer un peu plus dans sa chaise, puis de me fixer.

— Je me questionnais sur la continuité de votre audace et je vois aujourd'hui qu'elle n'était pas de passage. Ça me plait.

D'une satisfaction visible, il pointe un doigt vers la machine à café sur une table, au fond de la pièce, et je refuse en secouant la tête avec respect.

Je continue alors, ne perdant pas la face devant son envie de m'intimider.

— J'ai besoin de ce stage, Maître Findel. Je veux me préparer au métier, connaître son fonctionnement. Être spectateur des procès de la ville ne me suffit plus. J'aimerais pouvoir faire partie du processus, vous assister, préparer les dossiers en votre compagnie, être à vos côtés durant vos entretiens avec vos clients. Je ne veux pas être un simple assistant juridique comme je l'ai été durant tous mes étés.

L'homme claque des mains de manière inopinée, ce qui me fait sursauter avec légèreté.

— Ça tombe bien, c'est exactement ce que je recherche. J'aime avoir le meilleur avec moi. Vos compétences, si elles sont avérées, me permettraient d'avoir une aide et un soutien non négligeable pour un aussi gros cabinet. Je croule parfois sous le travail et n'ai pas le temps de penser à tout. Peut-être qu'avec vous, ce sera différent ?

Puis là, tout fait sens.

Je ne pense pas être celui qui a le plus besoin de l'autre, entre nous deux.

Bien au contraire, et je compte bien m'en servir.

— Collaborer est le seul moyen de le savoir, je lui souris.

— Vous marquez un point. Êtes-vous né à Paris ?

Sa question me surprend un peu, pourtant je n'en monte pas moins ma garde déjà baissée depuis longtemps.

Bien qu'il soit un tantinet fourbe, je n'arrive pas à déceler un quelconque danger. Surtout depuis que je suis parvenu à déceler son envie d'à tout prix trouver quelqu'un pour l'assister.

Je suis même plutôt à l'aise, avec lui.

— Oui, enfin un peu plus loin que maintenant, à une heure de l'hyper-centre. Je vivais dans une maison de village avec mon frère. Et vous ?

— Je suis né dans le Sud, pas loin de Nice. Puis j'ai vécu toute mon enfance en Belgique. C'est à l'âge de vingt ans que j'ai trouvé Paris et je n'ai jamais vraiment réussi à la quitter. J'y ai ma femme, désormais, et notre tout nouveau-né.

— Toutes mes félicitations pour votre enfant, je lâche avec sincérité. Je comprends votre amour pour la capitale. Elle donne envie de la conquérir.

— Tout à fait. Je crois qu'il est normal, pour les jeunes de votre âge, d'être certain de pouvoir la dompter. Je le pensais, moi aussi.

Encore un qui parle comme si je n'étais qu'un utopiste aux ambitions impossibles à réaliser. Ça en devient une banale routine.

Qu'est-ce qu'ils ont tous avec l'envie de réussir des autres, bon sang ?

— J'ai mes objectifs bien en tête, je les atteindrai.

— Comment pouvez-vous en être sûr ?

Pourtant, sa question n'a rien d'un piège ou d'une envie de me faire comprendre que je n'y arriverai pas.

J'ai seulement le sentiment qu'il désire véritablement découvrir d'où je puise ma motivation.

— Parce que je me construirai mes propres moyens s'il le faut.

Ma réponse paraît lui plaire, puisqu'il change de sujet tout en bougeant la tête de haut en bas.

— Vous travaillez à côté de vos études ?

— Oui. Dans un hôtel.

— Mmh, intéressant...

Il ricane puis attrape un étui en métal posé sur son bureau. La boîte, rouge foncée, s'ouvre sous son geste expert, et dévoile des cigares alignés. Ses doigts en sortent un qu'il cale entre ses lèvres. Le bout ne tarde pas à être embrasé par le feu qui sort de son briquet, alors qu'il rapproche le cendrier vers lui.

La fumée recrachée dans l'air empeste la pièce d'une forte odeur de tabac.

— Pourquoi le nom de vos associés ne figurent pas à l'entrée de l'immeuble ? D'ailleurs, combien en avez-vous ?

— J'en ai deux. L'une a pris quelques jours de congés, le second vient seulement de nous rejoindre. Il a remplacé notre regrettable perte d'il y a quelques mois. Mais notre emménagement ici est tout récent, je n'ai pas encore eu le temps de tout peaufiner.

Je repense aux plaques à l'entrée, mais n'ose pas lui poser la question de peur qu'il se contente de répéter ce qu'il vient de dire.

— Et comment s'appellent-

— Regardez ! me coupe-t-il en penchant son torse vers l'avant.

Je bondis presque de sur ma chaise tant je ne m'attendais pas à autant de spontanéité.

Son index pointe la fenêtre à sa gauche, encadrée par de longs et épais rideaux oranges. Cette dernière est ouverte, et un oiseau est niché sur le garde-fou.

Je suis obligé de le contempler, puisque le juriste me tient désormais par l'épaule afin de me forcer à me tourner.

Il parle alors à voix basse, tout près de mon oreille :

— C'est une alouette. Elle vient ici chaque jour, à la même heure, depuis le début de l'été. J'imagine qu'elle s'apprête bientôt à migrer vers des régions plus chaudes. C'est même étrange qu'elle soit encore là.

L'oiseau, petit et rond, chantonne au rythme de ses coups de tête aléatoires. Il bat parfois des ailes, cligne des yeux, et vole quelques secondes pour longer la barre de fer.

Il est magnifique.

— J'aime associer l'alouette à la mythologie d'Icare, je ne peux m'empêcher de lui dire. Elle symbolise la liberté, mais aussi le danger de l'ambition excessive. Dédale, son père, est souvent associé à cet oiseau. C'est un peu le génie créatif et la conséquence de l'hubris.

Namjoon Findel recule puis récupère son bâton toxic afin d'en tirer une nouvelle bouchée.

— Vous venez de m'apprendre quelque chose, conclut-il avec une joie mystérieuse qui brille au fond de ses pupilles.

Son regard me jauge, toujours avec ce sourire excessif qui me fait questionner sur ses intentions et pensées.

Finalement, il décide une nouvelle fois de dévier la conversation, comme incapable de rester plus longtemps sur le même sujet.

Le dialogue a continué sur sa spécialisation. Je ne sais pas combien de temps exactement je suis resté là, à l'écouter les yeux grands ouverts, accroché à ses péripéties. Mais la manière dont il amène les sujets les plus bateaux est tellement intéressante que vous auriez pu l'entendre raconter les plus grosses bêtises sans jamais le remarquer.

Maître Findel ne possède pas l'éloquence de Maître Kim.

Sa voix ne vous envoie pas des sueurs froides dans tout le corps en pénétrant à l'intérieur de votre âme et ses mots ne semblent pas avoir été choisis avec une minutie calculée. Il n'y a rien d'intimidant dans sa manière de parler.

Aucun ne peut lui ressembler.

Son rythme, moins chantant et charismatique, se rapproche davantage du flot de paroles d'un particulier que d'un véritable orateur. Pourtant, il y a cette touche d'humour très subtile qu'il arrive à transmettre à travers sa gestuelle, ses anecdotes, ou simplement son rire communicatif. Chacune de ses répliques peut être perçue comme une satire, et converser avec lui est si agréable que j'aurais aimé rester une journée entière à ses côtés.

L'avocat m'a posé quelques questions sur mes notions de droit pénal des affaires : auxquelles j'ai su répondre avec brio. Cette discipline, branche du droit pénal classique, se concentre sur la régulation des activités économiques et commerciales, en sanctionnant évidement les comportements frauduleux ou illégaux.

Bien loin de toute notion de morale ou de vengeance du côté humain de la matière que j'ai l'habitude d'aimer, elle vise à protéger les intérêts économiques, la concurrence loyale et à garantir la transparence des transactions commerciales.

Code pénal, Code de commerce, Code général des impôts, Code des douanes, Code monétaire et financier...

Une bien trop grande pile pour un large choix de législations au sein desquelles le professionnel puise pour défendre son client - autant personne physique que morale.

Le rasé m'a donné quelques exemples d'affaires dont il a eu à traiter :

Abus de biens sociaux qui consiste, pour un dirigeant, à détourner les fonds ou biens d'une société par un dirigeant à des fins personnelles.

Évasion ou fraude aux impôts impliquant la dissimulation de revenus ou l'utilisation de montages financiers illégaux - je comprends qu'on puisse les appeler « paradis ».

Corruption et trafic d'influence de fonctionnaires ou d'autres agents publics.

Blanchiment d'argent, ou autrement dit la dissimulation de l'origine illicite de fonds obtenus par des activités criminelles en les réintroduisant dans l'économie légale.

Et enfin, les banqueroute, entreprises en difficulté qui dissimulent et détournent leurs actifs au détriment des « méchants » créanciers.

Que de jolies magouilles qui ne frôlent pas la sensibilité de ceux qui s'en occupent, si ce n'est de penser qu'ils auraient pu parfaitement s'en sortir s'ils les avaient mieux exécutées.

Est-ce que tout le monde aurait aimé Robin des bois s'il n'avait pas distribué l'argent récolté aux pauvres et en avait fait un usage personnel ?

Je ne pense pas.

C'est un peu le même principe, ici. Sauf qu'il n'y a pas de pauvres : seulement des riches qui veulent devenir un peu plus riches dans leur folie des grandeurs.

Alors que Findel me donne plus de détails sur les traffics de son ancien client Hollandais, je décide de baisser le regard sur mon poignet droit qui porte ma vieille montre brune.

9h43. 

— Je suis désolée, il faut absolument que je sois à l'heure pour mon cours, j'essaie de l'informer avec politesse.

— Je ne vous retiens pas plus que ça. Vous pouvez y aller, me rassure-t-il avec bienveillance.

Je me lève. Il m'imite. Sa main se tend vers moi et je l'attrape une nouvelle fois tout en plongeant mes yeux à l'intérieur des siens : impossibles à décrypter.

— Alors... Ça veut dire que-

— La prochaine fois que nous nous verrons, venez avec votre convention déjà signé par l'Université, je m'occuperai de la paperasse. En attendant janvier, passez tout de même me rendre visite ici ou à mes procès, si vous en avez l'occasion. J'espère que j'ai fait le bon choix.

Je secoue plus vigoureusement sa main et il lâche un rire sincère.

— Le meilleur à votre disposition, je le rassure. Je n'hésiterai pas à venir prendre notes de vos plaidoiries. Merci infiniment, Maître.

Il se contente de me sourire puis me tend un cigare neuf que je refuse, sans grande surprise.

Mon corps, proie à l'excitation, se dirige vers la porte tandis que l'avocat regagne sa place.

Ce dernier ne prend pas le temps de me raccompagner à l'entrée, sûrement trop occupé par le retard qu'il vient d'accumuler. Seulement un dernier geste de main m'ait offert, avec un signe signifiant son désir que je referme la porte derrière moi une fois sorti.

Je m'exécute et me retrouve ni une ni deux au milieu de l'entrée, seul.

Profitant de ce moment de tranquillité, je compresse mes deux poings, forme une grimace sur mon visage puis lance une de mes mains dans les air en m'écriant :

— Yes !

C'est sûrement une petite victoire, mais tout de même un poids en moins.

Surtout un souci auquel je n'aurais plus à penser, noyé dans ma mare de problèmes.

Un sourire impossible à effacer se dessine alors sur mes lèvres. Mais l'expression joyeuse que j'arborais jusqu'alors est chassée au moment où une femme sort du seul bureau fermé, sur le mur perpendiculaire à celui de Maître Findel.

J'ai à peine le temps de voir son visage puisqu'elle se tourne, ne me laissant plus que son corps de dos comme vision.

Ses jambes pâles sont découvertes jusqu'aux genoux, emprisonnées par une jupe en tuile noire élégante. Elle porte des ballerines brillantes et ses longs cheveux noirs forment une coque sur le haut de sa tête qu'elle a coincé avec un bandeau blanc.

Elle se tient dans l'embrasure de la porte, pointe du doigt l'intérieur puis hurle :

— T'es qu'un monstre tu m'entends ! On va vivre un enfer par ta faute. Regarde-toi, t'es pourri jusqu'à la moelle. Tu me répugnes. N'ose plus jamais venir me parler !

Les mots qu'elle a employés et ses cris étaient si puissants que mon coeur s'est serré à l'intérieur de ma poitrine, avec une impression de verre fracassé qui n'aurait laissé plus que le sang couler contre les parois de mon être.

Je n'ose plus bouger, ni même respirer.

Je reste droit, près de la porte close, me demandant si elle a ressenti ma présence.

Mes pulsations cardiaques battent à une vitesse effrénée.

Jamais je n'avais entendu des paroles aussi volontairement blessantes que celles-ci, jetées avec autant de hargne.

Perdu, mes jambes manquent de trembler alors qu'elle se retourne enfin vers moi.

Mais elle ne m'accorde pas une seule œillade, et l'allure démesurée avec laquelle elle se dirige vers la sortie est un obstacle dans mon envie de parvenir à distinguer les traits de son faciès.

De loin, j'entends la secrétaire hausser la voix :

— Mademoiselle Kim !

Mais cette dernière a déjà disparu.

La surprise laisse le bas de mes lèvres tomber sans soutien.

Mademoiselle Kim.

Une tonne de pensées me traversent l'esprit, mais un fracas assourdissant provenant du bureau en face ne me laisse aucun répit.

Je tourne la tête en direction de la fine ouverture, trop éloignée pour y découvrir quoique ce soit.

Une symphonie horrifique s'entame alors.

Le bruit d'un verre que l'on éclate contre le mur.

Un cri de rage étouffé.

Le doux frottement d'un bras recouvert d'un tissu qui balaye tout sur un bureau.

Une chaise qui tombe au sol.

Encore quelques morceaux de verre qui virevoltent dans les airs.

Ce qui ressemble à un pot jeté avec des stylos s'éparpillant un peu partout.

Parfois quelques déchirures désagréables de papiers que l'on maltraite.

Puis, soudain, un calme anormal.

Une ataraxie qui ne présage rien de bon, si ce n'est qu'elle fait résonner, en moi, les excès de colère dont j'ai été témoin quelques secondes plus tôt.

Le sang pulse dans mes veines à la manière d'un roulement de tambour.

Une envie me prend : celle de m'approcher de cette porte.

Elle possède tout mon corps, si bien que je n'arrive plus à la contrôler.

J'avance, un pied devant l'autre, d'un pas lent et discret. Mes tympans donnent le sentiment d'avoir été bouchés : je ne récolte plus que l'écho des battements de mon coeur et de mon souffle retenu.

Boum. Boum. Boum.

Le parquet grince sous mes pieds alors que j'arrive à hauteur du bureau.

Attiré par son ouverture comme l'antre mystérieuse d'un nouveau monde, je pose ma paume de main sur l'encadrement et penche un peu plus ma tête vers l'intérieur.

C'est là que je l'aperçois.

Maître Kim marche dans la pièce au milieu de ce qui ressemble à une véritable scène de crime sans aucune goutte de sang. Il effectue des vas et viens incessants, d'un point à un autre. Ses deux mains sont coincées à l'intérieur des mèches de ses cheveux. Elles passent sur son crâne sans aucune douceur, comme pour se débarrasser de bêtes qui l'auraient infesté, frappant presque le dessus de sa tête et son visage.

Parfois, ce sont ses doigts qui atteignent l'encolure de sa chemise froissée pour tirer dessus, sans jamais pourtant la déboutonner.

Toujours et encore ce même geste de libération. Le rouge marque même le haut de son cou de par les frottements.

Son pull gris clair est au sol, et seul son pantalon gris foncé dans lequel son haut est rentré à survécu au chaos qui l'entoure.

J'ai du mal à me focaliser sur ses expressions tant il bouge. Sa chevelure est en désordre et sa mâchoire, contractée.

Mais ma vision de lui est troublée par un bras qui passe au-dessus de mon épaule, enroule une main autour de la poignée et claque la porte à quelques centimètres de mon nez.

Mon voyeurisme arrêté, je recule de trois pas, toujours sous le choc, et aperçois Namjoon Findel, l'air embêté.

— Je suis désolé que vous ayez du assister à cela, Monsieur Delcroix. Laissez-moi vous raccompagner.

La gêne grignote sa bouche qui ne fait qu'emprisonnement l'intérieur de ses joues.

— Je... Maître Kim est votre associé ? je ne peux m'empêcher de demander, toujours les pupilles élargies et fixées sur le blanc laqué du bois devant moi.

— Oui, se contente-t-il brièvement d'affirmer.

— Ne me raccompagnez pas, ce n'est pas la peine. Je vais vraiment y aller, cette fois-ci, je souffle en baissant la tête. Bonne journée.

Sans même un dernier coup d'œil à l'avocat qui m'a accueilli ni à sa secrétaire presque tapie derrière son bureau, je quitte l'immeuble.

Je fends la foule sur la rue principale, le souffle court, traqué par ces images indélébiles qui me dévorent l'esprit.


Un orateur torturé, encagé, qui n'a rien d'autre que de la souffrance à partager.














Hihi.

Oui petit rire machiavélique.

Vos avis ?

Je n'ai rien à dire aujourd'hui si ce n'est juste mon envie de lire les pensées qui vous traversent l'esprit après ces deux chapitres. Sinon je risque de vous orienter.

On se retrouve bientôt (la semaine prochaine dans un monde idéal). Prenez soin de vous <3

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