Chapitre 6 : Les cachots sombres, puants, déshumanisants

L'obscurité de la pièce lui faisait perdre toute notion du temps. Dans sa cellule, le reste du monde semblait invisible.

Cela faisait déjà quelques jours qu'elle était là, mais elle ne savait pas précisément. Tout avait été mis en place pour lui donner l'impression d'être déconnecter de la société, et c'était plutôt bien réussi.

Le manque de lumière, lui donnait l'impression constante d'une nuit sans fin. L'odeur putride dans la salle, exprimait ce qu'elle était devenue : une immondice. Tout autant, le froid constant lui lancinait une douleur lui rappelant qu'elle était en vie, et que rien de tout ça n'était qu'un mauvais rêve.

Les gardes venaient aussi de manière complètement aléatoire, apporter un peu de pain rassis et de soupe. Tout ça l'embrouillait. Le sol froid lui servait de lit et de petit coin à la fois, d'où l'odeur immonde de ses prédécesseurs. Indéniablement cette pièce était horrible, les traitements psychologiques étaient insupportables et sa claustrophobie refit surface.

Depuis combien de jours était-elle déjà là ? Peut-être que ça ne faisait que quelques heures ?

Sale, elle ne put se rassurer qu'en repensant à ce qu'elle avait échappé. Finalement, sa dignité et sa liberté valaient bien plus qu'un petit séjour aux sous-sols.

Elle avait toujours été une grande battante, du moins psychologiquement. Elle avait déjà eu à faire face à des choses bien plus horribles à la surface. Elle se rappelait de cette fois où elle avait laissé une jeune fille tuer son nourrisson avant de se donner la mort.

L'adolescente avait été violée par un Passeur alors qu'elle devait se rendre dans les souterrains. Elle avait pu ensuite s'échapper, et devenir par la même occasion une clandestine. Comme Mackenzie, elle avait appris à survivre dans les terres irradiées. Elle volait aux familles d'Élites de quoi se nourrir et se couvrir. Malheureusement, elle s'était affaiblie, sa grossesse lui happant le reste de ses forces sans ménagement.

Quand elle fit la rencontre de l'escouade, Kahésar avait refusé de la prendre avec eux. Mackenzie avait forcé celui-ci à aider la demoiselle, au moins jusqu'à son accouchement, et après une longue négociation et l'aide des autres membres, il se résigna à l'aider. L'accouchement avait pu être fait dans les locaux de l'escouade et donc dans de bonnes conditions, du moins toujours plus favorable qu'à l'extérieur. Mais voilà, Kahésar, ne se permettait point d'injustice, et la jeune maman se devait de se conformer aux règles si elle voulait rester.

Mackenzie l'aida aux premiers abords, mais l'adolescente s'amenuisa. Elle tomba rapidement malade, épuisée, elle avait même fini par délaisser son propre enfant, avec qui elle n'avait aucun lien d'attachement. C'est Marilore, un jeune membre de l'escouade qui avait pris l'enfant sous son aile. Ils avaient fait tout ce qu'ils pouvaient pour la jeune mère et son enfant. Pourtant, sûrement portée par la folie, un jour des plus banals, la jeune fille tua son bébé avant de se donner la mort.

Ce n'était qu'un affreux événement parmi tant d'autres. Les terres étaient rudes et cette folie ambiante n'était pas rare.

Mackenzie avait fini par se détacher de ses choses. Elle s'était forgé une carapace, qui pourtant, pouvait céder facilement.

L'épreuve qu'elle vivait ici, n'en était qu'une parmi tant d'autres. D'après Hayden elle ne valait pourtant pas autant d'effort, si c'était pour inévitablement arriver à la mort.

Qu'en savait-il ?

Il n'avait jamais vécu le désespoir, la folie, la solitude. Malgré le geste de la jeune mère adolescente, Mackenzie avait compris que la mort serait plus douce pour elle et son enfant que le monde dans lequel elle s'apprêtait à vivre. Elle avait compris que si elle ne pouvait poser les yeux sur son nourrisson sans pleurer à chaudes larmes c'était parce qu'indéniablement il lui rappelait ce moment horrible passé avec cet homme dans le camion.

Alors, quand Hayden lui affirmait avec conviction, que la vie bien qu'horrible et insurmontable ne valait la mort, et que cette dernière n'était pas une solution, elle n'avait qu'une envie c'était de le frapper. Il est vrai que la mort n'était pas une solution, mais dans les terres extérieures, elle semblait moins cruelle que la vie, et surtout moins douloureuse.

Contrairement à elle, il n'avait jamais été confronté à une situation où la mort était la seule issue. Il avait surement ses raisons et sa logique, mais cela n'était qu'une pensée, parmi tant d'autres. Parce qu'en réalité, que serait-il prêt à faire pour ne pas mourir ? Sa dignité, sa liberté n'auraient-elles plus aucune valeur lorsqu'il viendrait à se trouver entre la vie et la mort ?

Etait-il prêt à tout pour survivre ?

Mackenzie en avait vécu des choses, et elle en avait vu tout autant. Ce jour-là dans le bureau, ne fut pas différent. Elle savait qu'elle avait fait le bon choix, même si cela devait entraîner sa mort dans cette cellule froide et puante.

Elle rêvait en ce moment-même d'une bonne douche, et de pouvoir à nouveau voir le ciel et le monde sauvage qui s'éveillait chaque matin devant ses yeux quand elle était à l'extérieur. Ces terres dangereuses et irradiées, qui avaient bercé sa vie jusqu'ici et qu'elle regrettait amèrement. Bien qu'en tant que clandestine sa vie était loin d'un conte de fée, sa liberté lui manquait.

Aujourd'hui pourtant, une partie de son rêve allait sûrement s'exaucer. Un homme musclé ouvrit la porte, et meugla l'heure de la douche. Mackenzie avait déjà passé plusieurs jours sans pouvoir se laver quand elle était dans les terres sauvages, mais aujourd'hui ce besoin irrémédiable de se purifier était plus que nécessaire. La jeune fille le suivit donc sans un mot.

La lumière agressa d'abord ses yeux, puis elle exposa son corps amaigri. Une longue pièce rectangulaire s'offrit face à elle. Le garde la somma de se déshabiller et de se mettre contre le mur. Sa pudeur la refréna, ce n'était pas vraiment le moment de faire sa prude, mais elle voulait préserver le peu de dignité qu'il lui restait.

L'homme se fit plus virulent, la forçant à se dénuder immédiatement. Proche du mur, elle cachait de ses bras, tant bien que mal, ses parties intimes. Souillée et complètement humiliée, l'homme l'arrosa à gros jet d'eau. Une eau froide qui ne manqua pas de la faire sursauter.

Gémissant et sautillant parfois sur place, ses lèvres avaient déjà viré au violet. Ce moment sembla durer une éternité. Le froid la gagna instantanément.

Essayaient-ils de la faire mourir d'hypothermie ?

Elle avait appris la règle des trois avec l'escouade : Nous avons 3 heures avant de mourir de froid, 3 jours avant de succomber à la soif, 3 semaines avant de tomber sous la faim et 3 mois avant que la folie, due à la solitude, ne nous emporte.

C'était une règle simple qui démontrait l'ordre de priorité en cas de survie : d'abord trouver de quoi se réchauffer, puis de quoi boire avant de se préoccuper de la faim et de la solitude.

Quand sa douche fut terminée, l'homme lui fit signe de s'essuyer et de se rhabiller. Pendant tout ce temps il l'avait surveillée et épiée.

D'où elle était, elle ne put voir clairement son expression, mais il ne semblait pas particulièrement réagir. Il avait sûrement l'habitude de ce genre de scènes au point où celles-ci n'avaient plus aucun effet sur lui.

Aussi tôt terminé, il la ramena dans sa cellule où elle resterait sûrement encore un certain temps. L'odeur fut nauséabonde. Bien qu'elle y était depuis déjà un bon moment, elle n'arrivait pas à s'y habituer. Elle tremblait de froid, et n'arrivait pas à se réchauffer même en bougeant dans la pièce. Son cœur semblait vouloir lâcher bien avant son estomac.

Plus le temps passait, plus elle avait l'impression de sombrer dans la folie. Les heures étaient longues, et lui rappelaient ironiquement qu'elle n'avait pas pris le poison.

C'était long, tout était tellement long quand il n'y avait rien à faire. Les jours se succédèrent, les nuits froides aussi. Et il a fallu quelques siestes et repas plus tard, pour qu'une silhouette apparaisse dans l'obscurité. L'odeur fétide du parfum d'avant-guerre s'empara de ses sens, ceux qu'elle pensait avoir perdus, vu l'éternité qu'elle avait passé dans cette pièce. Elle reconnaissait cette odeur, et bien que celle-ci fut imposante, elle ne parvenait pas à dissimuler celle déjà présente dans la cellule.

« Lève-toi », dit l'homme.

Ce même homme qui l'avait envoyée au trou quelques jours auparavant. Elle s'exécuta et sortit. Lorsque ses yeux entrèrent de nouveau en contact avec la lumière, c'est le visage d'Eliott qui la fit instantanément les refermer.

Une dernière douche termina la mascarade. Cette fois le superviseur assistait au spectacle, et lui ne manquait pas de se rincer l'œil. Il ne disait rien, mais laissait entrevoir le sourire pervers d'un vainqueur. A la fin, elle le suivit jusque devant la porte de sa chambre, celle où un lit douiller l'attendait.

« Repose toi bien ce soir, après ça, tu reprendras le travail comme d'habitude. J'espère que ça t'aura servi de leçon », dit-il, sourire aux lèvres.

L'homme l'observa fière de ce qu'il avait accompli. Le visage de la jeune fille épuisé et meurtri n'exprimait que dégoût et peine, ce qu'Eliott délecta.

Une fois à l'intérieur, elle aperçut Hayden, il semblait nerveux et soulagé à la fois.

« Tu espérais ne plus me revoir ? lança-t-elle sous un rire étouffé.

– Non Mack, au contraire. »

Il avait une voix triste au bord du dramatique. Puis il questionna :

« Comment te sens-tu ?

– J'ai l'impression d'être morte. En plus d'être fatiguée et complètement perdue, je me sens humiliée et sale.

– Et physiquement ? Est-ce que tu as mal ?

– Non, juste un peu froid et quelques muscles endoloris, mais je crois que globalement mon corps a bien tenu le séjour, après tout il a été entraîné malgré lui.

– Prends mes couvertures en plus pour cette nuit. Je n'en aurais pas autant besoin que toi. Il vaudrait mieux éviter d'attraper une pneumonie, ou pire. »

Il avait été gentil et compréhensif. Il ne fit aucun reproche, au contraire il se souciait d'elle. Cela faisait bien longtemps que personne n'avait agi de la sorte à son égard. Elle se coucha éreintée. Quant à lui, il s'approcha et la couvrit. Il était protecteur et rassurant, elle avait totalement confiance.

Ravagée par la fatigue, il n'eut qu'à déposer un baiser sur son front, qu'elle était déjà partie dans les bras de Morphée.


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