Chapitre 6
/!\ TW : scène sexuelle explicite
Ils avaient eu besoin d'une nuit de plus avant de pouvoir atteindre la demeure du seigneur. Iseult s'était assurée de la guérison de Morgan avant de le faire remonter à cheval, elle l'avait obligé à faire des étirements deux jours de suite. Si cela le faisait soupirer, il semblait heureux d'être le centre de son attention. Leur progression fut rapide, ils voulaient arriver au plus vite, Caeriel semblait inquiet que des loups-garous soient sur ses terres, il lui fallait donc régler ce problème. Iseult savait que le fief du seigneur, bien que soumis aux lois d'Ildryläne et à la régence du souverain, était géré par le seigneur vampire comme un petit royaume. Les vampires et les humains y vivaient en harmonie, et les accords stipulaient que les chasseurs ne pouvaient y exercer sans l'accord du souverain vampirique. Caeriel était respecté par ses pairs, mais aussi craint, certains ne voyaient pas d'un bon œil l'alliance avec la couronne, il se chargeait donc de faire régner la paix. Il possédait sa propre armée qui pouvait être réquisitionnée par le pouvoir royal, comme celle des autres nobles.
La demeure du vampire se dessina bientôt sous leurs yeux. Iseult ne s'était pas attendue à cela, son esprit voyait une demeure austère et ancienne, de celle qui n'avait pas de fenêtre et dont le jardin dépérissait. Au lieu de quoi, ils s'engagèrent dans l'allée d'une sublime demeure, elle était entourée d'une étendue d'eau et les jardins joliment entretenus. Il lui semblait que la propriété était immense, il n'en distinguait que le devant. Ils passèrent le petit pont, Iseult regarda tout autour d'elle, le chemin avait été couvert de sable pour les mener jusqu'au petit perron de la porte d'entrée. Un valet les attendait à la porte, dans sa livrée boutonnée jusqu'au cou. D'autres sortirent de la maison tandis qu'ils mettaient pied à terre, ils devaient être une dizaine à s'incliner devant eux dans une ligne parfaite. À côté d'elle, Nathaniel s'étira, un immense sourire aux lèvres.
– Cela fait du bien d'être de retour chez soi, dit-il.
Un homme s'avança pour prendre les rênes de leurs chevaux, Iseult sourit au palefrenier et donna une dernière caresse à Aube avant de la laisser entre les mains de l'expert. Morgan s'était rapproché, et elle le sentit poser une main sur sa taille, il était tendu. Caeriel les invita à entrer d'un geste. Le grand hall était tout en faste et en luxe, avec ses dorures et ses moulures, les décorations auraient presque pu faire concurrence à celles du palais royal. Il y avait plusieurs personnes curieuses qui se tenaient là, des vampires pour la plupart, ils les observaient avec attention. Une petite femme se détacha du groupe, elle avait de grands yeux verts et de beaux cheveux blonds, sa robe émeraude dévoilait ses formes généreuses, un immense sourire sur les lèvres elle fut la première à s'approcher. C'était une humaine, ce fut à ce moment qu'Iseult remarqua la cicatrice au niveau de son cou, juste quand la femme s'accrochait au bras de Nathaniel.
– Ermeline, c'est un plaisir de te revoir, susurra le vampire d'une voix douce.
– Je vois que vous ne revenez pas seul.
– Notre seigneur ramène deux chasseurs avec nous. Je te présente Iseult, et le seigneur de Castel.
– Je suis enchantée de vous rencontrer, fit Ermeline.
– Moi aussi, répondit Iseult en prenant la main qu'elle lui tendait.
Quand elle leva les yeux, elle vit plusieurs vampires dont les regards étaient posés sur elle avec trop d'intensité pour qu'elle se sente à l'aise. D'instinct, elle se rapprocha de Morgan, ils portaient leurs armes et la jeune femme n'avait aucune envie qu'il y ait un incident. Néanmoins, leur combat contre les loups leur revint en mémoire.
– Il suffit, allez tous vaquer à vos occupations, ordonna Caeriel avec un claquement de doigts. Pardonnez leur comportement, certains sont encore jeunes et ils ressentent votre magie. Peu de mages viennent ici.
– Il est d'ailleurs étonnant que Judith ne soit pas là, elle qui a fait une scène pour venir à Riftha.
– Mais je suis là petit frère !
La voix venait du haut des escaliers. Une femme à la longue chevelure noire descendit les marches avec légèreté et lenteur, comme si elle voulait être admirée. Ses lèvres carmin s'étirèrent en un sourire, sa longue robe rouge trainait derrière elle. Dès qu'elle fut certaine d'avoir toute leur attention, elle se retrouva en bas des escaliers. Iseult ne se ferait jamais à la vitesse des vampires. L'inconnue lui sauta dessus, et la prit dans ses bras, elle la souleva du sol avec tant de vigueur qu'Iseult se demanda si elle n'essayait pas de l'assassiner. Elle ne fut pas mécontente de retrouver la terre ferme. Leur interlocutrice prit sa main et lui fit lever le bras, puis d'un regard expert elle la jaugea.
– Tu es si mignonne ! On dirait une poupée ! fit-elle sur un ton un peu trop enjoué.
– Judith, laisse Iseult tranquille, grogna Nathaniel.
La vampire, qui était plus grande qu'elle, l'attira contre sa poitrine et enveloppa ses bras autour d'elle.
– Je suis sûre que tu lui as déjà fait du charme, lança Judith boudeuse.
Une lame apparue sous le cou de la femme qui leva son regard intrigué vers Morgan. Elle esquissa un sourire.
– Mon chou, tu ferais mieux de baisser ton arme, tu vas te couper. Je ne veux aucun mal à ton amie.
– Lâchez-la, cracha le chasseur.
Perdue, Iseult chercha une échappatoire. De toutes les situations qu'elle avait étudiées, celle-ci n'était dans aucun manuel et dans aucune scène qu'on leur avait fait imaginer. Une main douce se posa sur son bras et la tira en arrière.
– Il suffit. Iseult n'est pas un jouet Judith, et elle n'appartient à personne. Alors, vous la laissez tranquille.
Caeriel s'adressait à sa fille d'un ton neutre, ce qui ne l'empêcha pas de jeter un regard à Nathaniel qui leva les bras en signe d'innocence. La lame de Morgan retrouva son fourreau, mais il bougonnait encore.
– Il lui faut quand même une tenue décente, et un bon coup de brosse. On dirait une poupée que l'on a jetée dans le caniveau, se plaignit Judith.
– Mes vêtements sont très bien, protesta Iseult.
– Mais oui chérie, pour un ermite qui vit au fond d'une forêt.
Les paroles de la vampire étaient à la fois blessantes et trop étranges pour qu'Iseult sache de quelle manière réagir. Tout était trop nouveau, cet univers n'était pas le sien, et elle sentait la panique la submerger. Les doigts de Nathaniel prirent les siens, il caressa sa main avec douceur pour la rassurer.
– Ne fais pas attention à Judith, elle aime tout ce qui est nouveau. Elle finira par se lasser de te harceler, lui dit-il avec un clin d'œil.
– Nadja va vous conduire à vos chambres, annonça Caeriel.
– Nous partagerons une chambre, intervint Morgan.
Pour toute réponse le vampire hocha la tête, il semblait comprendre les motivations du chasseur. L'une des servantes s'avança vers eux et inclina la tête. Ils montèrent le grand escalier de marbre afin de rejoindre l'étage. Iseult jeta un regard en arrière pour voir Nathaniel lui sourire avant de s'éclipser, Ermeline à son bras. Cette vision lui fit un pincement au cœur, elle ne s'était pas imaginé qu'il puisse avoir une vie avec quelqu'un pour la partager. Elle reporta son attention sur Morgan qui n'avait pas desserré la mâchoire.
La chambre dans laquelle Nadja les conduisit était simple et vaste. Ils y déposèrent leurs affaires et Iseult se sentit soulagée d'être enfin arrivée. Après leurs nuits de chevauchées, ils méritaient quelques heures de repos, son apprentissage ne commencerait que le lendemain soir. Caeriel lui avait assuré qu'ils pouvaient s'accorder une pause avant de commencer, il l'avait informé que cela serait difficile et qu'elle aurait besoin de toutes ses forces. La jeune femme s'étira et se laissa tomber sur le lit, de son côté, Morgan écarta les rideaux pour regarder par la fenêtre.
– Ils ne nous feront rien, tu sais ? fit-elle en se redressant.
– Tu as vu les marques sur le corps des serviteurs ? demanda-t-il les sourcils froncés.
– Ils sont consentants.
Le regard que lui renvoya son partenaire la fit soupirer. Elle leva les mains pour annoncer qu'elle abandonnait la partie. Venir avec Morgan n'était peut-être pas une si bonne idée que ça, il ne pouvait cacher son mépris pour les vampires et elle ne voulait pas que cela pose des soucis. Il fit une grimace en posant une main sur son épaule, Iseult se mit en tailleur sur le lit.
– Viens là, dit-elle en tapotant la place à côté d'elle.
Le chasseur se défit de sa cape et la rejoignit sur le lit. Elle chercha dans sa sacoche ses huiles, elle choisit un flacon de sa composition, mélange de lavande, d'arnica et de laurier. La guérisseuse fit chauffer l'huile entre ses mains pendant que son partenaire retirait sa chemise. Quand elle toucha son épaule elle sentit toute sa tension, conjuguer aux restes de ses douleurs dues à sa blessure cela devait le faire souffrir. Avec des gestes précis, Iseult pressa l'épaule de Morgan afin de le faire se détendre. Ses doigts appuyaient sur ses muscles, sa peau se réchauffa, ses doigts la picotèrent et elle sentit son pouvoir aider le travail des huiles. Les yeux du chasseur se fermèrent, il esquissa un sourire.
– Tu es merveilleuse, chuchota-t-il.
– Je ne fais qu'utiliser mon don, répondit-elle amusée.
Morgan secoua la tête et planta ses yeux dorés dans les siens.
– J'aime quand tu t'occupes de moi comme ça.
– Ça, c'est parce que tu aimes avoir toute mon attention.
Il se laissa tomber contre sa poitrine, son regard était mutin.
– Bien sûr, c'est parce que tu es ma guérisseuse.
Iseult secoua la tête, il avait toujours eu ce petit air adorable quand il voulait qu'elle lui cède quelque chose. Ils n'eurent pas le temps d'aller plus avant dans leur conversation que la porte s'ouvrait. Judith apparut sur le seuil, trois servantes derrière elle et un air décidé sur son visage gracile.
– Nous organisons une fête une pour vous, j'ai préparé des vêtements pour la demoiselle. Iseult, veux-tu bien me suivre ? annonça-t-elle avec fierté.
Morgan se redressa et lança un regard assassin à la vampire. Cette dernière ne sembla pas s'en formaliser. Son regard, d'un rouge éclatant, ne quittait pas la chasseuse.
– Nous avons besoin de nous reposer, Iz ne peut pas vous accompagner, lâcha Morgan avec froideur.
– Je crois qu'elle peut parler par elle-même, répondit Judith. Iseult ?
Elle souriait. La jeune femme détestait se sentir prise entre deux feux, d'ordinaire elle était toujours à se ranger du côté de Morgan. Cette fois cependant, elle voulait découvrir ce monde de la nuit dont elle n'avait eu que des échos. Sans compter que Caeriel leur offrait l'hospitalité, lui et Nathaniel les avaient protégés sur la route. Il fallait qu'elle le salue comme le seigneur qu'il était et qu'elle le remercie. Ainsi, elle se leva.
– C'est très aimable au seigneur d'Aubelointaine de nous accueillir, je vais vous suivre.
– Iz ! gronda Morgan.
– Nous devons le remercier, tu peux te reposer. Je ne serais pas longue, juste le temps de saluer le seigneur Caeriel, c'est la moindre des politesses.
– Et le temps qu'elle se change, ajouta Judith.
Son meilleur ami se renfrogna, elle se pencha pour embrasser sa joue.
– Si tu as mal, le thé pour les douleurs est dans le sachet mauve. Je vais voir si tu peux avoir de l'eau chaude.
Il prit sa main pour y déposer un baiser.
– Bien, si c'est ce que tu souhaites, mais reviens vite.
Cela signifiait qu'elle ne pourrait pas s'attarder, sinon son partenaire serait de mauvaise humeur. Elle ferait en sorte de ne pas prendre trop de temps, il s'agissait juste de faire une apparition pour saluer leurs hôtes. Iseult se laissa entrainer par Judith. Les couloirs étaient éclairés par des torches, elles longèrent un couloir dont les fenêtres donnaient sur les jardins. De là, elle avait une vue imprenable sur un lac qui étincelait à la lueur de la lune. Un banc était au bord de l'eau, avec un arbre au tronc noueux et aux longues branches, elle ne voyait pas ses feuilles d'ici, mais elle espérait pouvoir l'identifier un autre jour.
La vampire l'entraina dans une chambre où elle avait tout préparer, du bain jusqu'aux robes. C'était impressionnant, la guérisseuse fit un pas en arrière, tout cela était presque plus effrayant que d'être dans une demeure pleine de vampires. Les servantes l'aidèrent à se déshabiller. La nudité ne la gênait pas, depuis toujours elle prenait son bain avec les autres mages dans les thermes de l'Académie. En revanche, elle n'avait pas pour habitude qu'on la serve. Les femmes entreprirent de brosser ses cheveux pendant qu'elle était dans l'eau, ce qui la fit rougir jusqu'aux oreilles. Judith s'assit sur le bord de la baignoire et tendit sa main pour qu'elle la prenne.
– Caeriel et Nathaniel semblent t'apprécier, constata-t-elle en lui limant les ongles.
– Ils vont m'apprendre la nécromancie.
– Je sais, je sais. Mais ce qui m'intéresse c'est, qu'est-ce que tu penses de mon frère ? interrogea la vampire en faisant battre ses cils.
– Il est... euh... Nathaniel est... gentil ?
Les yeux de Judith papillonnèrent.
– Gentil ? Est-ce là tout ce que tu as à dire ? Je veux des potins par les dieux !
– Mais, il n'y a rien à dire. Nous allons juste étudier ensemble, je ne suis qu'une orpheline et une chasseuse de surcroit. Rien qui soit intéressant, fit Iseult avec un haussement d'épaules.
– J'étais l'épouse d'un marchand de vin aigri qui avait trois fois mon âge. Je ne savais ni lire ni écrire, lança la vampire. Peu d'entre nous étaient de grands seigneurs, alors ne te rabaisse pas à cause de tes origines, d'accord ? Cela n'a aucun sens ici.
Iseult hocha la tête. Lors de son peu de visites au palais, on lui avait fait comprendre qu'elle y était admise, car elle était l'amie de Morgan. Pour le reste, elle ne pouvait prétendre participer aux réceptions royales, parce qu'elle n'était personne. Alors, elle restait dans la bibliothèque, elle y avait rencontré la princesse Désirée, cette dernière était une intarissable bavarde. Comme Judith, elle n'avait accordé aucune attention à son statut social.
La conversation reprit sur un ton plus détendu. Les servantes durent comprendre qu'elle n'était pas très loquace, car elles échangèrent des anecdotes et lui parlèrent des différents vampires qui vivaient dans la demeure. Ils étaient une vingtaine, certains allaient et venaient, parfois d'autres seigneurs se joignaient à eux, tous sous les ordres de Caeriel. Leur système était le même que celui du royaume, tous répondaient au seigneur, et celui-ci se donnait le droit de rendre à un jugement sur tous les vampires qui violaient les lois et le traité de paix.
Pendant qu'elles discutaient, Judith donna des ordres pour qu'on la coiffe et qu'on l'habille. La vampire alla même jusqu'à lui mettre de la poudre sur le visage et du rouge sur les lèvres. Iseult fit une grimace, elle avait l'impression qu'on lui avait étalé une couche de baume sur le visage. La robe qu'on lui fit enfiler était magnifique, les tissus et les pierreries qui l'ornaient devaient valoir une fortune. Un instant, elle voulut protester, mais le regard de Judith l'en dissuada. Le rose presque blanc mettait son teint en valeur. Jamais elle n'aurait imaginé porter un décolleté aussi prononcé, la robe était un agencement de mousseline qui tombait avec élégance autour de son corps. Judith insista pour qu'elle porte une ceinture en satin brodée de perles pour souligner sa taille. Avec un regard derrière elle, Iseult vit les manches tomber en voile autour de ses épaules. Ses cheveux étaient entortillés autour de sa tête. Elle ne se reconnaissait pas, elle se pinça pour s'assurer que tout cela était bien réel. Un grand sourire étira les lèvres de Judith, ses yeux s'attardaient sur le corps de la chasseuse, elle observait son œuvre avec un regard carnassier, heureuse de son travail.
Dans les escaliers, la guérisseuse prit garde à ne pas se prendre les pieds dans le tissu. Elle releva le bas de la robe puis s'engagea, un pied après l'autre, cela amusait Judith qui était déjà en bas démarche.
– Je ne pensais pas les chasseurs si maladroits, la railla-t-elle.
– Nos tenues sont conçues pour être pratiques, pas comme cette robe.
– C'est une évidence, elle est faite pour être belle, dit-elle comme si Iseult aurait dû y penser elle-même.
La chasseuse fronça les sourcils puis entra dans la salle de réception. La pièce était immense, la baie vitrée ouverte donnait sur une terrasse. Les habitants de la demeure se prélassaient sur des sofas, ou dansaient de manière langoureuse. Des femmes et des hommes se mêlaient aux vampires, parfois sur leurs genoux, d'autres offerts à leurs crocs découverts. Des tables étaient dressées, il y avait dessus de quoi se sustenter, aussi bien en boisson qu'en nourriture. Cela donnait l'eau à la bouche. Les serviteurs aux quatre coins de la pièce semblaient attendre d'être sollicités. Dans cette salle tout n'était qu'extravagance et luxe, des sofas à la mode jusqu'au lustre en cristal, en passant par des rideaux de velours. Au fond se dressait un trône majestueux, sur lequel Caeriel était assis, il esquissa un sourire en la voyant. Tous les regards étaient tournés vers elle, Iseult aurait voulu pouvoir se cacher derrière Judith, mais la traitresse la poussait en avant.
Ses yeux croisèrent de Nathaniel, ses crocs étaient plantés dans le cou d'Ermeline, qui avait rejeté la tête en arrière, elle était sur ses genoux et il la tenait par la taille. Iseult détourna le regard, gênée, elle avait l'impression d'être une voyeuse qui surprend un moment intime entre deux personnes. Son attention se reporta sur Caeriel. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, elle s'inclina.
– Je tenais à vous remercier de votre hospitalité et de votre obligeance à mon égard, dit-elle.
Ses mains étaient moites et son corps frissonnait. Il la contempla un instant et lui intima l'ordre de se redresser. D'un geste, il indiqua le fauteuil à côté de lui.
– Je t'en prie, viens t'asseoir à côté de moi.
Des murmures s'élevèrent dans la foule tandis qu'elle obéissait. Iseult s'installa dans le fauteuil avec l'impression de ne pas être à sa place, mais cela semblait plaire à Caeriel. Il fit signe à l'un des serviteurs d'approcher.
– Apportez une assiette à mon invitée, demanda-t-il.
Judith fit un clin d'œil à la jeune femme qui avait croisé les mains sur le devant de sa robe. La musique reprit et chacun retourna à ses occupations, elle fut soulagée que l'on se détourne d'elle. Le seigneur se pencha vers elle.
– Ne t'en fais pas, ils n'ont juste pas l'habitude de voir des chasseurs venir ici, Beorn est venu quelques fois, comme ses prédécesseurs. Néanmoins, ce n'était qu'une question de protocole.
Iseult accepta l'assiette qu'on lui rapporta, elle débordait de petits fours, de biscuits et de légumes crus.
– J'espère que ma présence ne les dérange pas, fit-elle avant de croquer dans une carotte.
– Ils sont intrigués, ils sentent ton pouvoir. Tu es une énigme pour beaucoup.
– Je le suis pour moi-même, vous savez.
Sa remarque fit rire Caeriel.
– Ne t'inquiète pas, nous trouverons qui a orchestré ce sinistre rituel. Le plus important est que tu apprennes à utiliser ton don.
Elle hocha la tête. L'apprentissage n'était pas un problème pour elle, elle avait toujours excellé pour cela. La nécromancie en revanche l'inquiétait, ce n'était pas une magie dont on usait au hasard, il y avait de sombres légendes sur les nécromants. Selon les dires, certains avaient essayé de soulever des armées de morts-vivants. Il lui tardait d'en apprendre plus, mais pour l'heure il lui sembla que ce n'était pas le moment de se plonger dans l'étude, même si elle aurait préféré.
Son assiette fut vite vidée de son contenu, tous les mets étaient délicieux. Iseult essuya ses doigts sur la serviette qu'on lui tendait. Un serviteur vint lui demander si elle voulait autre chose, elle refusa poliment, elle avait déjà bien mangé. Quand il disparut avec son assiette vide, elle se trouva nez à nez avec Nathaniel, il avait délaissé sa veste pour ne garder que sa chemise, ouverte sur le haut de son torse. Iseult se força à relever les yeux, les joues rouges, ce qui sembla beaucoup amuser le vampire. Il inclina la tête dans sa direction.
– Je vois que Judith t'a enlevée, constata-t-il.
– Effectivement, ma tenue ne lui plaisait pas, répondit Iseult.
– Tu es magnifique.
Pourquoi devait-il toujours la regarder dans les yeux quand il lui faisait des compliments ? Nathaniel se laissa tomber sur le sol pour s'asseoir à ses pieds. Iseult le regarda avec de grands yeux.
– N'as-tu pas un siège ? demanda-t-elle.
– Tu n'as pas l'habitude d'avoir les hommes à tes pieds ?
– Tout le monde te regarde, chuchota-t-elle en voyant plusieurs personnes les fixer.
– Ils t'entendent, dit-il sur le même ton. Et, j'ai un siège, effectivement.
– Fort bien, alors pourquoi ne pas l'utiliser ?
– Tu es assise dessus.
Son visage s'embrasa, elle avait l'impression que son sang brûlait sous sa peau.
– Je... c'est... désolé... je vais...
– Nathaniel, intervint Caeriel. Si tu arrêtais de taquiner Iseult, tu la mets mal à l'aise.
Le vampire fit mine de réfléchir, puis il se leva. Il lui offrit sa main, l'air peu décidé à arrêter de s'amuser avec elle. Iseult arqua un sourcil, intriguée.
– Si nous dansions, cela serait dommage de laisser une telle beauté dans un coin.
– Je... c'est que... je suis une piètre danseuse... je vais t'écraser les pieds, essaya-t-elle de le convaincre.
– Par chance, je ne sentirais rien. Alors ? Tu viens ?
Son regard étincelait d'un éclat qui le rendait plus attirant encore. Iseult finit par céder, posant sa main dans la sienne. Nathaniel l'entraina vers les danseurs qui s'écartèrent pour les laisser passer, ils inclinèrent la tête. Il était évident que si Caeriel était le roi, son fils était comme un prince pour eux. Il la rapprocha de lui, une main posée sur sa taille. La danse semblait plus sensuelle que celles de cour. La guérisseuse osa lever les yeux vers son cavalier.
– Votre compagne ne va-t-elle pas être blessée ? ne put-elle s'empêcher de demander.
Les yeux du vampire la fixèrent, il avait l'air surpris.
– Ma compagne ? Tu veux dire Ermeline ?
La guérisseuse hocha la tête.
– Ce n'est pas ma compagne, pour nous, s'unir à une personne est un engagement fort. Ermeline est ma source, c'est-à-dire qu'elle me donne son sang pour que je me nourrisse. En échange, je lui offre ma protection et de l'argent, ainsi que des cadeaux quand elle en demande.
Il la fit tourner. Ses doigts caressaient sa taille, ils s'éloignèrent le temps d'une seconde, puis Nathaniel la ramena contre lui. Contre son oreille, elle sentit le souffle qu'il se forçait à avoir. Elle était tout contre son torse, il tenait une de ses mains et l'autre glissa sur sa hanche, elle frissonna. Tous ses sens s'aiguisèrent, ses gestes étaient à la limite de la décence.
– Pourquoi te préoccupes-tu de moi ? demanda-t-elle tandis qu'il la faisait tourner de nouveau face à lui.
– Pourquoi ? répéta-t-il.
Les doigts de Nathaniel pressaient le bas de son dos, tous ses gestes étaient sensuels. Il glissait sur le sol avec aisance, l'entrainant à sa suite. Chaque pas lui semblait facile quand il la guidait, ce qui était un exploit vu ses compétences médiocres en danse. Sa poitrine s'appuya un peu plus contre son torse, le vampire s'était penché vers son visage. Ses doigts glissèrent sur sa joue et elle les saisit, elle voulait que ce contact dure encore quelques instants. La question avait fusé, elle n'était plus certaine de vouloir la réponse de peur que cela ne les éloigne. Les yeux rouges du vampire ne la quittaient pas. Il lui semblait qu'ils avaient arrêté de danser. Iseult sentit son cœur battre plus fort dans sa poitrine. Elle fut prise d'un vertige, les lèvres de Nathaniel étaient si proches des siennes et elle avait envie de l'embrasser.
Une main saisit son bras et la tira en arrière. Iseult resta un instant interdite, sans comprendre ce qui était en train d'arriver. Le monde autour d'eux s'était figé. Elle leva les yeux vers Morgan qui la tenait fermement par le bras, son regard furieux braqué sur Nathaniel. Ils s'observaient comme s'ils allaient se sauter dessus. Sa gorge se serra, et elle posa sa main sur celle de son partenaire. Elle n'avait pas besoin d'être protégée, pas en cet instant. Caeriel s'était levé, ses doigts se refermèrent sur l'épaule de son fils dont le corps était tendu, il était prêt à bondir sur le chasseur. Le seigneur de la pièce fit un geste et les musiciens se remirent à jouer, les autres membres de la maisonnée furent de nouveau en mouvement. Iseult se rapprocha du chasseur.
– Remontons, fit-elle pour éloigner Morgan de Nathaniel.
– C'est ça, cracha son partenaire.
Il la tira derrière lui, l'obligeant à avancer à son rythme. À plusieurs reprises elle trébucha tandis qu'ils remontaient à l'étage. Morgan n'usait jamais de la force que lui conférait son don avec elle, cette fois néanmoins c'était différent. Il ne la relâcha que lorsqu'ils furent dans la pièce. Son partenaire claqua la porte, elle sursauta, il était furieux.
– À quoi tu joues ? éclata-t-il.
– Je dansais, fit Iseult.
Elle fit un pas vers lui pour essayer de l'apaiser. Sa colère la touchait de plein fouet, son don d'empathe, lié à son pouvoir de guérisseuse, la fit frissonner. La jeune femme détestait les émotions négatives.
– Vous sembliez bien plus proche que pour une danse !
– Morgan, s'il te plait, essaya-t-elle de l'apaiser, une main posée sur son bras.
– Il est dangereux ! Qu'est-ce que tu crois ? Que tu lui plais ? Il veut juste s'amuser avec toi !
– Arrête, tu deviens méchant.
Son ton était calme. Lorsqu'il était énervé, elle préférait ne pas envenimer la situation. Ses colères ne duraient jamais bien longtemps.
– Iz, commença Morgan en prenant son visage entre ses mains. Je veux juste te protéger, tu es toujours gentille et bienveillante. Tout le monde n'est pas comme ça, eux encore moins.
Un nœud se forma dans sa gorge, c'était plus d'émotions que ce qu'elle était capable d'absorber. Cela devenait douloureux, comme être prise dans une tempête qui aspirait l'air de ses poumons.
– Nathaniel est gentil, protesta-t-elle.
– Tu ne l'intéresses pas. Pour lui, tu n'es qu'une petite chasseuse insignifiante. Il veut juste essayer quelque chose de nouveau.
– Là, tu es cruel... sa voix se brisa.
– Réaliste. Je ne veux pas que tu tombes dans un piège Iz, souffla Morgan son front contre le sien. Moi, je suis là pour toi. Tu es tout pour moi, et je refuse qu'on te fasse du mal.
Ses bras s'enroulèrent autour d'elle. Les larmes roulaient sur les joues d'Iseult, elle tremblait à présent. Les lèvres de Morgan se posèrent sur les siennes. Il la serra un peu plus étroitement.
– Je tiens à toi Iseult, laisse-moi te le prouver.
Son étreinte se fit plus chaude. Ses mains glissèrent jusqu'au creux de son dos puis descendirent jusqu'à ses fesses dont il s'empara pour la coller un peu plus contre lui. Les bras d'Iseult s'enroulèrent autour de son cou, elle n'était pas certaine que ce soit ce qu'elle voulait, mais elle n'avait plus les idées assez claires. Le désir de Morgan était plus fort que sa colère, alors elle se laissa emporter.
– Tu es superbe ce soir, murmura-t-il.
Il embrassa son cou. Ses lèvres s'attardèrent sur sa peau, jusqu'en haut de sa poitrine. Avec douceur il la poussa jusqu'au lit, une main calée dans son dos, il la fit basculer. Les yeux dorés de son partenaire ne la quittaient pas. Sa main courue le long de sa hanche, il s'empara du tissu pour faire remonter la robe. Ses doigts se frayèrent un chemin jusqu'en haut de ses cuisses. Iseult ferma les yeux et souffla d'aise, les doigts de Morgan la caressaient avec tendresse, il fit des petits mouvements circulaires pendant qu'il repoussait le haut de sa robe pour dégager sa poitrine. Sa main pressa son sein et caressa son téton, au moment même où il entrait un doigt en elle. La guérisseuse gémit, chaque geste la faisait se consumer, elle voulait plus. Il retira sa main pour qu'elle l'aide à se défaire de sa chemise, Iseult se redressa pour lui embrasser le cou, et effleurer son torse. Morgan la repoussa sur le matelas avec un sourire. D'une main, il défit son pantalon, son sexe en proie à un début d'érection. La chasseuse le prit en main avec un lent mouvement de va et viens que son partenaire sembla apprécier. Jusqu'à ce qu'il l'arrête. Avec un sourire il embrassa son front, et d'un pousser la pénétra. Les bras de part en part de son visage, il commença à mouvoir son bassin, chaque coup de reins était plus puissant que le précédent. Iseult s'accrocha aux épaules du chasseur, elle poussa plusieurs gémissements pour le satisfaire, incapable de ressentir quoi que ce soit. Par instant une vague de chaleur commençait à monter, aussitôt arrêtée par un mouvement de Morgan. Il agrippa ses cuisses et les serra entre ses mains. Chacun de ses coups de reins le rapprochait du plaisir. Iseult ferma les yeux pour ne pas penser au souffle de son ami au-dessus d'elle, il lui semblait toujours trop fort, désagréable même. Elle lui caressa les cheveux pour l'encourager à continuer. Puis l'image de Nathaniel s'imposa à son esprit, était-ce mal de se demander ce que cela serait de faire l'amour avec lui ? Ce n'était pas le moment de penser ça, en plus, le lendemain elle aurait sa première leçon de nécromancie. Il fallait aussi qu'elle songe à trouver un temple pour ses prières.
Les halètements de Morgan la ramenèrent à la réalité. Il ne s'était même pas rendu compte qu'elle s'ennuyait. Elle fit des petits mouvements avec son bassin pour augmenter le plaisir de son partenaire. Il sembla apprécier car il eut un grognement approbateur, jusqu'à son gémissement ultime. Morgane se laissa retomber sur elle, le souffle court. Elle caressa son dos, et il l'embrassa, un grand sourire aux lèvres.
– Bonne nuit, souffla-t-il.
Iseult sourit tandis qu'il se tournait. La jeune femme se leva pour retirer sa robe, elle prit le temps de faire une petite toilette avant d'enfiler sa chemise de nuit. Son plaisir n'avait pas atteint son apogée, et elle n'était pas parvenue à finir satisfaite. Elle s'allongea dans le lit à côté de son partenaire qui ronflait déjà, Iseult contempla le mur. Laurÿane lui avait proposé qu'elle parle avec Morgan de son envie de mener leurs ébats, afin de ne pas finir frustrée comme ce soir. La chasseuse poussa un soupir, en réalité, elle n'était même pas capable de ressentir du plaisir. Ce consta l'affligea, mais elle ferma les yeux pour oublier, tout irait mieux le lendemain, du moins c'est ce qu'elle espérait.
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