Chapitre 4
La crypte était un endroit froid et humide où Iseult n'allait pas d'ordinaire. Ses mains frictionnèrent ses bras. Elle venait de sortir du bain et ses cheveux étaient encore humides sur ses épaules. La morsure du froid la fit claquer des dents. Le lieu l'avait attiré, les voix murmuraient à son oreille depuis plusieurs jours. Jusqu'à présent, elle avait résisté, elle ne voulait pas faiblir face à son imagination. La fatigue avait eu raison d'elle cette fois, elle était plus pâle que d'habitude, et des cernes se dessinaient sous ses yeux. L'après-midi elle s'était entrainée avec Morgan, même s'il avait maitrisé sa force, elle avait gagné un bleu sur les côtes et un autre sur le bras. Son partenaire c'était excusé, inquiet de son état, cela ne lui ressemblait pas. Iseult ne tombait pas malade, en tout cas, assez peu pour avoir oublié ce que cela faisait. Elle frotta ses yeux, une douleur lancinante dans son crâne l'empêchait de se concentrer. Debout devant une tombe, elle contemplait la jeune fille assise, les pieds dans le vide, qui la dévisageait. Elle ouvrait la bouche, et tout n'était qu'un murmure froid. La chasseuse battit des paupières, une scène se dessina sous ses yeux, puis disparu presque aussitôt. Son dos heurta le mur froid. Avec Morgan, ils avaient déjà chassé des spectres et des esprits, mais c'était différent.
La vision du sang et du cadavre la firent glapirent. Son corps était paralysé. Les images allaient et venaient comme un cauchemar qui ne voulait pas quitter son esprit. Iseult haleta les mains crispées sur sa poitrine. Que lui arrivait-il ? Qu'avait-elle fait ?
Son corps fut soudain secoué. Elle battit des paupières pour découvrir Morgan. Il lui passa sa cape chaude autour des épaules, sa main s'attarda sur sa joue et il se pencha pour poser son front contre le sien.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-il dans un souffle.
— Je... je ne sais pas... je ne comprends pas...
Iseult secoua la tête d'un air désolé. Dans l'alcôve où se trouvait la tombe, il n'y avait rien d'autre que la pierre froide. Elle déglutit en repensant à ce qu'elle avait vu. Un bras autour de ses épaules, Morgan l'entraina vers la sortie.
— Le haut prêtre veut nous voir, le conseil s'est réuni. Je crois qu'ils ont trouvé une solution à ton problème, essaya-t-il de la rassurer.
— Maintenant ? Mais il fait nuit.
— Je ne fais que transmettre les ordres, allez, viens. Je pense que tu devrais te changer avant de rencontrer le conseil.
Morgan avait raison, elle ne pouvait pas paraitre devant eux dans cet état. Elle ressemblait à un chaton effrayé que l'on venait de sortir de l'eau. La chaleur de leur chambre fut la bienvenue. Son partenaire raviva le feu tandis qu'elle tressait ses cheveux et prenait une tenue plus appropriée à la rencontre. Tout cela semblait n'être qu'un mauvais rêve duquel elle ne pouvait se réveiller, Iseult se massa les tempes, cette rencontre l'angoissait plus qu'elle n'aurait su le dire.
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La pièce dans laquelle ils entrèrent était circulaire, des colonnes de pierre blanche s'y dressaient, soutenant le dôme au-dessus de leurs têtes. Chaque pilier était gravé de manière à représenter l'une des formes de magie. Une fenêtre, au fond de la pièce, donnait sur la partie ouest de Riftha, là où se trouvaient le port et l'océan. Iseult se força à détourner les yeux, c'était la première fois qu'elle entrait dans la salle du conseil. C'était là que les maitres, et parfois les conseillers, se réunissaient. Aucun autre mage, et encore moins les apprentis n'étaient autorisés à y pénétrer. Elle se força à garder le dos droit malgré sa gorge sèche, sous sa cape, il était impossible de percevoir le tremblement de ses mains. Son corps était transi de froid, même si elle avait revêtu sa tenue de chasseuse, et qu'elle se sentait plus à l'aise, cela n'y faisait rien. Il lui semblait qu'un vent glacé transperçait ses os depuis qu'elle était descendue dans la crypte. Morgan pressa son épaule, il semblait moins impressionné qu'elle, il avait toujours su dissimuler habilement ses sentiments et ce qu'il ressentait.
Accoudés à la table ronde au centre de la pièce, ils découvrirent les quatre conseillers, le haut prêtre et Beorn. Des tasses de thé et des biscuits étaient disposés devant eux. Son regard croisa celui d'un homme qu'elle ne connaissait pas, puis celui d'un autre qui manqua de la faire trébucher. Le vampire rencontré deux soirées plus tôt, esquissa un sourire et lui fit un signe de la tête pour la saluer. Que faisait-il donc là ? Ses mains se crispèrent, mais elle essaya de ne rien laisser paraitre malgré le rouge sur ses joues. Son partenaire dû sentir son trouble, car il fronça les sourcils, Iseult avança dans la pièce d'un pas décidé. Son avenir pesait sur ses épaules, et elle se demandait quelle nouvelle ils allaient lui annoncer. La présence de vampires était sûrement ce qui l'intriguait le plus. Celui qu'elle ne connaissait pas n'avait rien à voir avec l'autre, il possédait la même beauté surnaturelle, et semblait figé dans le marbre. Mais, même si son visage était jeune, ses yeux sombres trahissaient le nombre de ses années, il lui paraissait aussi plus doux, presque paternel.
Avec Morgan, ils inclinèrent la tête en signe de respect. Deux sièges les attendaient, ils lui paraissaient immenses comparés aux chaises en bois des autres pièces. Les mages ne vivaient pas dans l'excès, ils avaient ce qu'il fallait en confort et qui répondait à leurs besoins. Excepté quelques pièces, aménagées pour les visiteurs officiels et les ambassadeurs.
— Je vous en prie, asseyez-vous, leur dit le haut prêtre.
Les autres personnes présentes les saluèrent avec respect. Sous la table, Iseult sentit la main de Morgan prendre la sienne. Il n'aurait pas dû être avec elle, mais elle n'avait rien à lui cacher, et sans son soutien elle n'était pas certaine d'avoir la force nécessaire pour affronter ce qui l'attendait.
— Si nous sommes-là Iseult, c'est pour parler de l'incident lors de votre cérémonie.
Les mots du conseiller tombèrent comme un couperet. Sa gorge se serra et elle eut l'impression d'être en faute. Il la regardait tandis qu'il avait fini de parler, à son regard blanc, elle devina qu'il s'agissait du conseiller Uilliam, même si elle ne l'avait jamais vu auparavant. Être mage n'empêchait pas les ragots.
— Je sais que cela doit être déstabilisant et éprouvant pour toi, tu n'étais pas préparée à affronter une telle situation, continua la voix douce de la conseillère Sybil.
C'était la seule connaissait, elle venait souvent à l'Académie afin de voir les jeunes mages. Iseult sentit une douce chaleur envelopper son cœur et elle comprit que la conseillère n'était pas innocente à ce sentiment de paix.
— Nous devons prendre une décision quant à ta situation, cela n'est pas facile, car nous sommes partagés, ajouta le haut prêtre.
Sous sa chemise, elle sentit son opale devenir plus chaude. Elle ne comprenait même pas de quoi ils parlaient tous ni quel était le dilemme auquel ils faisaient face.
— Peut-être devrions-nous expliquer à Iseult de quoi il en retourne ? Pour le moment nous ne lui avons encore rien dit, intervint Beorn.
— Mon opale est dysfonctionnelle, c'est ça ?
La jeune fille regretta d'avoir parlé quand tous les regards se posèrent sur elle. Ses yeux se baissèrent vers la table, tout cela était beaucoup trop impressionnant pour elle.
— Non, nous dirions plutôt que ton opale n'a pas absorbé la bonne magie, expliqua le haut prêtre.
— C'est impossible, l'opale se brise s'il y a le moindre problème, répliqua Morgan qui intervenait pour la première fois.
— Il n'y a pas eu de problème. Le rituel a été altéré, nous ne savons pas la raison qui a poussé le mage Ulric à faire cela.
— Mon opale ne possède plus aucun pouvoir, elle change juste de température.
Le ton d'Iseult se fit plus froid qu'elle ne l'aurait voulu, elle était bouleversée et ne savait même plus de quelle manière elle devait réagir. Sa migraine faisait toujours battre ses tempes et elle avait envie de presser sa tête jusqu'à ce que la douleur cesse.
— Vous ne lui avez encore rien dit ? objecta le vampire qu'elle ne connaissait pas.
Sa voix était d'une douceur rassurante, Iseult se sentit apaisée par son intervention.
— Nous n'en avons pas eu le temps, répondit Sybil.
— Ton opale ne change pas de température à la légère, expliqua le seigneur vampire. Elle réagit comme un être vivant, c'est la particularité de sa magie. Elle sent quand son porteur est en danger, et l'avertit de cette manière.
Le haut prêtre poussa un soupir et la regarda d'un air désolé.
— Ton opale a absorbé la magie de la mort, ou plutôt la nécromancie.
Iseult aurait voulu qu'on lui donne un grand coup sur la tête pour s'assurer que tout cela n'était qu'un mauvais rêve.
— La nécromancie est interdite, plus personne ne possède un tel pouvoir, objecta la jeune fille certaine qu'ils se trompaient.
— Nous annihilons les pouvoirs des nécromants, c'est vrai. Néanmoins, cela est différent en ce qui concerne l'opale, son pouvoir est lié à ton autre magie, la guérison.
La main sur sa poitrine Iseult essaya d'assimiler ce que le haut prêtre venait de lui apprendre. Cela était pire que tout ce qu'elle s'était imaginé.
— Que voulez-vous faire alors ? demanda Morgan d'un ton mordant.
Ses doigts étaient posés sur sa cuisse, elle sentait toute la tension qui émanait de lui et l'inquiétude que cela dissimulait.
— Lui apprendre à maitriser cette magie, dit le vampire comme si tout était normal. Comprends bien, jeune fille, que ton pouvoir doit être maitrisé. S'il ne l'est pas, il finira par te consumer, tu dois déjà entendre les murmures, sentir des présences. Sans compter que cela attire les créatures.
— Tu es comme un phare au milieu du brouillard si tu préfères, ajouta l'autre qui cette fois ne souriait plus. Ce qui, pour un chasseur, est plutôt problématique, ou utile, selon le point de vue.
Leurs regards se croisèrent, Iseult sentit son cœur battre plus fort dans sa poitrine, sans doute à cause de la peur qui s'immisçait en elle. Elle ne savait pas quoi penser de tout cela, tout lui paraissait absurde, mais elle ne voyait pas les mages du conseil lui mentir.
— Comment le maitriser ? Personne ne maitrise la nécromancie, dit-elle d'une voix hésitante.
— Le seigneur d'Aubelointaine si, c'est pour cela que nous l'avons fait venir, car il peut t'aider à maitriser cette magie.
— C'est absurde ! s'étrangla Morgan. Un vampire ne peut pas enseigner la magie à un mage.
— Tu serais surpris de tout ce que l'on pourrait vous apprendre, s'amusa Nathaniel.
— Monsieur de Castel, nous ne vous demandons pas votre avis. Vous êtes ici parce que votre partenaire vous fait assez confiance pour cela, rien de plus, le coupa Sybil.
Un instant, Iseult eut peur que le tempérament de son ami ne prenne le pas sur sa raison. Elle saisit sa main pour l'apaiser. Il s'agissait de ses choix c'était à elle de décider ce qui serait le mieux pour son avenir. Son regard balaya le tour de table, tous semblaient très sérieux et concernés par la décision qui se jouait en cet instant.
— Et si je ne veux pas employer une telle magie ? demanda-t-elle.
— Nous devrons détruire ton opale, ce qui sera douloureux. Puis, nous devrons annihiler tes dons de guérisseuse. Comme nous l'avons expliqué, les deux magies sont désormais liées.
Cela n'était donc pas un véritable choix. Elle devint plus pâle qu'elle ne l'était déjà, si cela était possible. L'Académie, ses dons, c'était toute sa vie, elle n'avait jamais connu rien d'autre, elle ne voulait rien connaitre d'autre. Dès qu'elle avait commencé à étudier, elle avait su que c'était ce qu'elle voulait. Le haut prêtre lui lança un regard chargé de compassion.
— Tu aurais toujours ta place parmi nous bien sûr, nous te trouverions une autre charge, continua-t-il.
Ce n'était pas ce qu'elle désirait. Son regard s'embua, mais elle ravala ses larmes. Tout cela n'avait pas plus de sens maintenant que lorsqu'ils étaient entrés dans la pièce.
— Pourquoi me laisser le choix ? Ce n'est certainement par égard pour moi, je ne suis qu'une mage parmi les autres. Qu'est-ce qui vous intéresse ?
Iseult n'était encore qu'une enfant à leurs yeux, mais elle savait que rien n'était jamais fait par altruisme. Cela était d'autant plus vrai pour la magie, leur fonction était régie par des règles strictes. La nécromancie était un art dangereux, de ce qu'elle avait lu, cette magie n'avait pas été interdite pour rien, même si les textes étaient flous.
— Tu es raisonnable, intelligente et tu as le sens de la justice. Ton don nous serait utile, ta fonction de chasseuse te permet de te défendre. Il te rend plus sensible à la présence des créatures. Si ton don se renforce assez tu pourrais résoudre des meurtres plus aisément, expliqua Sybil avec la douceur qui la caractérisait.
— Bien sûr, cela n'irait pas sans compensation. Lorsque tu sauras utiliser cette magie, nous vous proposerons une place dans la garde personnelle du roi, souligna Uilliam.
Cette offre ne lui était pas destinée. Iseult le savait, ils voulaient mettre Morgan de leur côté. Il avait l'attrait du pouvoir, une place dans la garde du roi aussi jeune leur assurait un bel avenir. Quant à elle, elle n'avait aucune envie de perdre ce qu'elle avait mis tant d'années à construire. À terme, le conseil voudrait sûrement utiliser son don et lui demander ce qu'ils ne pouvaient demander au seigneur d'Aubelointaine.
— C'est d'accord, j'accepte, finit-elle par déclarer.
— Bien, nous ferons le nécessaire pour aménager ton emploi du temps, lui dit le haut prêtre.
— Tu devras suivre l'enseignement du seigneur d'Aubelointaine sur ses terres. Tu alternerais tes fonctions ici et ton apprentissage là-bas, continua Sybil.
— J'accompagnerais Iseult, pour assurer sa sécurité, intervint Morgan.
Tous semblèrent surpris de sa décision, même Iseult n'était pas certaine que cela soit une bonne idée qu'il aille chez les vampires. Si elle l'aimait, elle avait aussi conscience qu'il pouvait détester les créatures et ne pas être disposé à être aimable.
— Je croyais que les chasseurs savaient se défendre, répliqua Nathaniel.
— Nous nous protégeons l'un l'autre, expliqua Iseult.
— Monsieur de Castel, comprenez qu'Iseult aura besoin de calme pour son apprentissage. Nous n'aurons pas le temps de nous occuper de vous.
Le Seigneur d'Aubelointaine avait fixé ses yeux sur le chasseur qui serra la mâchoire et tressaillit.
— Je n'ai pas besoin que l'on s'occupe de moi. Je saurais m'occuper, mais des partenaires ne se séparent pas.
— Fort bien, dans ce cas, nous partirons demain dès que le soleil sera couché.
— Si tôt ? s'étonna Iseult.
— Tu es vulnérable, et pour ton sommeil il vaut mieux commencer à t'entrainer au plus vite.
Il avait raison, elle devait avoir un teint affreux pour que même les vampires le remarquent. Le reste de la conversation se tourna vers les préparatifs du voyage, mais aussi sur l'organisation des leçons. Iseult écoutait d'une oreille distraite, ses pensées étaient ailleurs, à se demander si elle prenait la bonne décision. Si à terme elle mettait les gens en danger avec ce nouveau don ? Si elle était incapable de le maitriser ? Que se passerait-il ? Cette inquiétude la rongeait, mais elle pourrait toujours en parler plus tard avec le seigneur d'Aubelointaine. Il lui semblait être attentif et à l'écoute.
Lorsque la réunion se termina, il fut décidé qu'Iseult passerait quinze jours par mois avec les vampires pendant un an. À la fin de l'année ils verraient quels progrès elle avait faits et si elle avait toujours besoin d'apprendre. Avec Morgan ils saluèrent les conseillers et les vampires pour les laisser discuter d'autres sujets plus politiques. Iseult sentait la fatigue la tirailler, cependant elle n'avait aucune envie d'aller se coucher. Au détour d'un couloir, elle s'arrêta et se pencha vers son partenaire.
— J'ai besoin d'être un peu seule, je vais aller dans les jardins, expliqua-t-elle.
— D'accord, mais fais attention, je ne veux pas aller te chercher dans la crypte une seconde fois.
— Aucun risque va te reposer.
Iseult se hissa sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue. Elle le remercia pour son aide et ses attentions. Puis elle prit la direction des jardins. L'endroit était magnifique avec ses bosquets et la fontaine au milieu du chemin. Ils lui avaient toujours paru féeriques, surtout la nuit, les élémentaristes se donnaient du mal pour les entretenir quelque soit le temps. Les jardins échappaient aux saisons, les fleurs étaient toujours d'une grande beauté, il y avait une infinité de variétés. Certaines plantes venaient des royaumes voisins, des expéditions étaient menées afin d'en trouver de nouvelles. Les élémentaristes de la terre les entretenaient, puis ils les recensaient dans des livres, ensuite, les guérisseurs cherchaient leurs propriétés. Toutes les plantes avaient leur utilité, cela pouvait même changer selon la manière dont on les utilisait.
Les lieux étaient aussi apaisants que le temple, Iseult avait passé du temps à étudier les plants avec les autres guérisseurs. Elle aurait pu croire qu'elle connaissait les lieux par cœur, mais les élémentaristes aimaient changer la disposition des jardins, ajouter des sentiers, en retirer, créer un jardin derrière des haies. Une année ils avaient même créé un labyrinthe. Elle s'enfonça entre les grands arbres fruitiers, jusqu'au petit bosquet qui donnait sur une nouvelle fontaine entourée de fleurs exotiques. Leur parfum était enivrant, elles étaient colorées et magnifiques avec leurs longs pétales qui changeaient de teinte selon l'intensité du soleil. Dans une décoction, leur couleur qui variait entre dorée et rose devenait d'un violet profond qui intriguait les gens.
— J'ai beaucoup entendu parler de ce lieu, les plus beaux jardins d'Ildryläne selon certains.
Iseult n'avait pas entendu Nathaniel, elle ne percevait aucun souffle tandis qu'il avait cessé de parler. Il se tenait à ses côtés, sa tenue était bien plus luxueuse que celle qu'il avait portée à la taverne. Sa main se tendit vers l'une des fleurs, d'instinct Iseult saisit son poignet.
— Non !
— Je ne comptais pas l'arracher, lui assura-t-il tout sourire.
— C'est une plante toxique, si vous touchez ses pétales vous tomberez malade. C'est un poison aussi attirant que mortel.
Nathaniel éclata de rire et lui fit un clin d'œil.
— Quelle prévenance, je me sens proche de cette plante tout d'un coup. Je vais te confier un secret, je suis déjà mort.
Voilà qu'elle passait pour une parfaite imbécile. C'était un vampire, il était évident que cette plante ne pouvait pas le tuer, il pourrait manger tous les pétales qu'il se porterait toujours comme un charme.
— Je... vous... cela vous amuse ? Vous jouez avec moi n'est-ce pas ?
— Je plaide coupable, mais tu dois reconnaitre que c'est facile de s'amuser avec toi. Mais ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude que les gens ne sachent plus quoi dire face à moi, déclara-t-il son regard plongé dans le sien.
— Parce que vous êtes irritant ?
— Si je t'irritais, tu aurais tourné les talons et sûrement menacé de m'enfoncer l'un de tes poignards dans le cœur.
Il avait raison, ce qui était horripilant, pourtant Iseult ne bougea pas et le jaugea. Elle se sentait plus à l'aise que la fois précédente. Elle se trouvait dans un lieu qu'elle connaissait et sa tenue de chasseuse lui assurait qu'il comprenait à qui il s'adressait.
— Vous suivez souvent les jeunes filles en pleine nuit ? demanda-t-elle en reportant son attention sur les fleurs.
— Je n'ai pas à te suivre, ta magie irradie. Je te sentirais même à l'autre bout de la ville.
Iseult baissa les yeux.
— Votre seigneur disait donc vrai... vous le saviez déjà lorsque l'on s'est vu à la taverne ?
— Oui, Caeriel m'a demandé de garder un œil sur toi. Entre les murs de l'Académie, tu es protégée, mais en dehors n'importe quoi peut arriver. Ceci dit, je n'avais pas prévu de te parler, encore moins que tu renverses mon vin sur ma veste.
C'était donc cela. Ils avaient commencé à l'observer avait même qu'elle ne sache ce qui lui était arrivé. Ses sentiments oscillaient entre la colère et la peine. Elle n'avait aucune envie que l'on veille sur elle.
— Je sais me défendre, je suis entrainée.
— Bien sûr, mais tu es habituée à traquer et à tuer. Cette fois, c'est différent, tu deviens une proie et il sera difficile de te défendre contre certaines créatures puissantes, se contenta de dire Nathaniel, les doigts posés sur les pétales d'une fleur.
— Vous êtes attiré ? ne put-elle s'empêcher de demander.
— C'est différent, je ressens ta magie parce que je possède la même, expliqua-t-il.
Ils échangèrent un sourire. Iseult sentait toute la tension accumulée ces derniers jours se dissiper doucement. Nathaniel tendit une main vers elle.
— Laisse-moi te montrer quelque chose, prends ma main.
Un instant, elle hésita. Il restait un vampire, un prédateur. Sa douceur contrastait avec ce à quoi elle s'attendait de la part d'une telle créature. Iseult posa sa main sur la sienne, sa peau était glacée contre la sienne, la sensation était étrange. Nathaniel l'attira vers lui, il conduisit sa main jusqu'à sa poitrine qui ne bougeait pas, pas le moindre signe d'une respiration quelconque.
— Ferme les yeux, susurra-t-il à son oreille.
Iseult obtempéra, consciente du danger qu'elle encourait si elle accordait sa confiance à la légère. Il n'y avait que la main froide qui pressait la sienne contre le tissu de velours, les doigts de Nathaniel effleurèrent sa joue avant de s'y poser.
— Lorsque tu soignes, tu ressens la vie. Si tu te concentres, tu sentiras mon énergie vitale, l'exercice est le même, la sensation sera juste différente.
Recevoir des conseils d'un vampire était étrange, elle se prêta néanmoins à l'exercice. Sa respiration se fit plus basse et elle se concentra. Lorsqu'elle soignait, elle sentait la sensation du cœur qui bat. Elle était même capable de déceler une maladie ou une blessure chez quelqu'un. Sa magie était une énergie qui lui signalait lorsque celle des autres était irrégulière. Cette fois, elle ne ressentait rien, elle aurait pu toucher une pierre tant Nathaniel était immobile et silencieux. Jusqu'à ce qu'une pulsation se fasse sentir sous ses doigts. Il lui semblait que sentir le cœur du vampire battre, contre sa joue, les doigts de ce dernier pulsaient, eux aussi. Sa force vitale était puissante, elle circulait dans tout son corps avec une intensité qui fit chauffer l'opale contre sa poitrine.
Quand Iseult rouvrit les yeux, le vampire la contemplait toujours. Ils ne bougèrent pas et ne parlèrent pas le temps de quelques secondes. Il serra sa main dans la sienne, ses doigts descendirent le long de son cou, un long frisson remonta le long de sa colonne vertébrale.
— Tu es la plus belle fleur de ce jardin, murmura-t-il.
— Vous dites cela à toutes les femmes ?
— À tous les garçons aussi, s'amusa-t-il.
Il se pencha un peu plus vers elle, le souffle court Iseult résista à l'irrésistible envie de l'embrasser.
— J'aimerais juste que vous lâchiez ma main, confia-t-elle.
— Je pensais à autre chose, souffla Nathaniel dont le visage était proche du sien.
— Vous êtes comme ces fleurs, magnifique, mais mortel.
Iseult fit un pas en arrière et il relâcha ses doigts. Pour la première fois, c'est lui qui sembla déstabilisé par le tour que prenait la conversation.
— Tu es bien cruelle.
— Réaliste. Sur ce, je dois aller me coucher.
La jeune femme se dégagea de son emprise, son regard se détournant du sien. Elle ne pouvait pas prendre de risques. Il s'inclina pour la saluer et elle remonta l'allée des jardins, comme la première fois elle se dérobait. L'envie de regarder en arrière la démangeait, mais cela donnerait de fausses idées au vampire. Iseult caressa la main qui avait été contre la poitrine de Nathaniel, elle sentait encore la pulsation vitale de son corps, cela bourdonnait à ses oreilles. Lorsqu'elle remonta à sa chambre, toutes ses pensées étaient tournées vers le charmant vampire, ce qu'elle détestait plus que tout. Elle ne voulait pas succomber à ses charmes, mais comprendre cette nouvelle magie qui l'habitait, hors de question qu'elle se laisse déconcentrer.
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