Chapitre 31
L'eau qui l'enveloppa se trouva être plus chaude que ce à quoi elle s'attendait. Iseult se serra contre le corps de Madeline. La nymphe l'aida à nager jusqu'à la rive, elle lutta à peine contre le courant. Trempée jusqu'aux os, elle glissa sur la terre boueuse, maculant toute sa robe. Frissonnante, la guérisseuse reprit son souffle le temps de quelques secondes. Là où elle se trouvait, elle était à l'abri pour l'instant. Madeline se pencha au-dessus d'elle afin de l'aider à se redresser, sans son intervention, Iseult ne serait jamais parvenue à s'enfuir. Les nymphes venaient de la sauver. Elle essora ses jupes qui pesaient lourd sur ses jambes, chaque mouvement ravivait la douleur de ses blessures.
– Comment m'avez-vous trouvée ? demanda-t-elle au bout d'un moment.
– Dès que tu es entrée dans l'eau nous avons su, Caeriel nous a demandé de rester vigilantes, répondit la Nymphe.
– Je croyais que tout le monde pensait que j'étais morte...
Toujours debout à ses côtés, Madeline esquissa un sourire, sa main se posa sur ses cheveux qu'elle caressa d'un geste maternel.
– Caeriel n'y a jamais cru, il sent ce genre de choses, tu es liée à sa famille à présent.
Des larmes roulèrent sur les joues d'Iseult, à la fois touchée et déboussolée, elle ne savait plus quoi penser en cet instant. Elle désirait juste s'allonger sur la rive et ne plus penser à rien. Il fallait qu'elle oublie les évènements de ces derniers jours.
– Pour ce que ça leur a apporté...
– Personne ne te reproche rien, fit la nymphe avec un sourire, à présent, nous devons nous dépêcher, les autres les ont retardés tant qu'elles ont pu.
Se morfondre dans la boue ne l'aiderait pas à échapper aux autres chasseurs. Elle se remit debout avec un grognement, cela faisait un mal de chien, ses côtes se rappelèrent à son bon souvenir. Madeline prit son bras pour l'aider, dans son regard, Iseult lu de l'inquiétude. Elle tenta de se reprendre pour garder la face, le remède d'Hylios ne l'aiderait pas longtemps. Dire qu'elle ne savait même pas où elle se trouvait, sa carte devait être inutilisable avec l'eau. La nymphe paraissait savoir où aller car elle la guida entre les arbres. Un frisson parcourut Iseult, elles n'étaient pas seules, d'autres nymphes se trouvaient sur le chemin, des nymphes de l'air et de la terre. Elles couvraient leurs traces, ce qui permit à Iseult d'avancer à un rythme moins soutenu.
Autour d'elles, la forêt était calme et silencieuse, il n'y avait que le bruissement du vent dans les arbres et la respiration saccadée de la guérisseuse. Avancer devenait une épreuve, ses pieds se prenaient dans les racines, ses cheveux collaient à sa nuque et à son dos. Ses jambes la portaient avec difficultés, elles commençaient à montrer des signes de faiblesse. Madeline l'obligea à s'appuyer contre un arbre, elles devaient marcher depuis près d'une demi-heure. En temps normal, il aurait fallu bien moins de temps à Iseult pour couvrir cette distance, cette constatation la frustra. Elle profita de cette pause bienvenue pour tirer la carte de son sac, ce n'était plus qu'un bout de parchemin qui s'effritait entre ses doigts.
– Nous devrions trouver un endroit où te mettre à l'abri, tu n'es pas en état d'aller plus loin.
– Si nous nous arrêtons, ils nous retrouveront. Il faut continuer.
Iseult essaya de se décoller de l'arbre mais une vive douleur dans le ventre l'obligea à s'arrêter.
– Tu ne pourras pas faire plus de quelques mètres, et à ce rythme il nous faudra deux jours pour rejoindre la demeure des vampires, expliqua Madeline.
– Je peux le faire, je le dois... s'il me retrouve, il va...
Le doigt de la nymphe arrêta ses lèvres. Son regard se fit doux et tendre, elle caressa la joue d'Iseult.
– La forêt veille sur toi petite.
Ce furent ses seules paroles avant que le silence ne retombe entre elles. Il était à présent temps de repartir. Il faisait encore jour, Iseult aurait été incapable de dire l'heure ou même le jour. Combien de temps s'était écoulé depuis le meurtre de Nathaniel ? Pour elle, il s'agissait de deux ou trois jours, peut-être plus selon le temps passé dans le coma. Elle se traina sur plusieurs mètres, trouver un cheval rendrait le voyage plus aisé, sauf qu'elle ne savait pas où en trouver. Marcher l'obligeait à se perdre dans ses pensées, ce qu'à cet instant elle aurait aimé pouvoir éviter. L'image de Nathaniel s'imposait à son esprit, les larmes naissaient au creux de ses yeux et elle les refoulait avec difficulté. Madeline ne tenta pas de la faire parler, elle paraissait comprendre ses silences.
Au loin, un bruit se fit entendre. Le cœur d'Iseult s'accéléra dans sa poitrine. Derrière elle, elle pouvait discerner des pas pressés. La nymphe la saisit par le bras pour accélérer leur course. Le vent se fit plus fort, comme Hylios avant elle, elle la poussa en avant. Peu habituée à marcher, Madeline pesta en jetant des regards derrière elle. Les chasseurs commençaient à les rattraper, malgré l'aide des autres ils ne tarderaient pas à arriver derrière elles. Mettant son corps au supplice, Iseult courut. Ses muscles lui hurlaient d'arrêter, elle persévéra. Jusqu'à ce que ses jambes se dérobent sous elle et qu'elle s'écroule dans la boue. Sa tête heurta le sol, son crâne bourdonna. Iseult se traina sur ses mains pour se redresser, ses muscles tremblaient, ils ne la soutenaient plus. Ses bras tremblèrent, ce ne fut que grâce à la nymphe qu'elle ne retomba pas.
– Je ne peux pas, souffla-t-elle à bout de force, je suis désolée.
– Tu en as déjà fait beaucoup, répondit Madeline.
Elle la saisit sous les épaules pour essayer de l'aider, mais même de cette façon elles n'y arriveraient pas, ils étaient trop proches d'elles. Iseult adressa une prière silencieuse à Felÿa, afin que celle-ci la protège de ses camarades. Car elle sa seule solution serait de se rouler en boule dans la boue et de planter ses mains dans le sol pour que les autres ne puissent pas l'en sortir.
Une ombre bondit au-dessus d'elle. Massif et imposant, le loup retomba sur ses pattes, ses griffes plantées dans le sol. Son regard doré se posa sur elle, elle tenta de reculer mais il baissa la tête en signe de confiance. Iseult compris qu'elle le connaissait, à ses yeux elle vit qu'il s'agissait d'un alpha. Un autre loup les rejoignit, il posa sa truffe humide contre sa joue et lui offrit un coup de langue affectueux. La chasseuse plissa les yeux, mais elle n'eut pas le temps de s'interroger. D'autres loups émergèrent d'entre les branches. Celui qui se tenait près d'elle reprit forme humaine, les longs cheveux de Qarina tombaient sur ses épaules dans un désordre sauvage. Ses yeux reprirent leur couleur naturelle.
– Notre meute va te ramener, debout, fit la louve.
– Je... je ne peux pas...
– Je t'ai vu accomplir des prodiges plus difficiles que celui-ci.
Qarina lui tendit sa main, Iseult s'en saisit et la louve la redressa comme si elle ne pesait rien. Elle la cala contre elle pour l'aider à avancer, la soulevant presque du sol. La force de la louve était impressionnante. De nouveau sur ses jambes, la guérisseuse n'eut pas le temps de fuir avant que les chasseurs n'émergent eux aussi des arbres. Ils se figèrent à la vue des loups, plus encore quand leur regard tomba sur Qarina nue. L'alpha grogna, il enfonça ses griffes dans le sol, puis reprit sa forme humaine. Rowan portait des cicatrices sur le dos et les bras. Il fit face à Morgan et aux autres.
– Encore un pas, et vous vous trouverez sur le territoire des vampires, signala l'alpha.
– Nous ne souhaitons pas nous battre, fit valoir Morgan, nous voulons juste ramener l'une des nôtres.
– Elle n'a pas l'air d'accord, ricana le loup garou, de toute façon, elle porte la marque des vampires. Elle est donc sous leur protection et nous sommes alliés à eux.
Quand elle l'avait rencontré, il était moins posé et plus belliqueux. Sa nouvelle position semblait l'avoir assagi. Iseult s'accrocha à Qarina qui la serra un peu plus fort. Madeline s'avança pour soutenir les loups.
– Vous allez déclencher une guerre. Une guerre que les humains seront incapables de gagner, les créatures se sont alliées contre vous. Les vôtres aussi, expliqua-t-elle, partez à présent.
– Nous voulons...commença Morgan.
– Elle n'en vaut pas la peine, asséna Brieuc.
Il cracha aux pieds de Rowan, ce qui lui valut un concert de grognements certains loups firent même claquer leurs mâchoires. Lorkan murmura quelque chose à l'oreille de Morgan avant de le forcer à le suivre. Il fronça les sourcils, mécontent, mais fut contraint d'obéir. Il ne pouvait pas se permettre de déclencher une guerre, même s'il l'avait déjà fait en assassinant Nathaniel.
Quand ils furent loin, Iseult s'autorisa à respirer. Qarina observa son visage, et le haut de son cou avant de se détourner. A voir son regard, elle devait vraiment avoir une sale tête. Rowan se tourna vers elle.
– Nous avons promis de te raccompagner saine et sauve jusque chez les vampires.
– Merci, souffla Iseult.
– Une vie pour une vie, tu nous as sauvés moi et ma compagne. Je te rends la pareille.
La jeune femme hocha la tête, un respect mutuel les unissait mais elle n'osa pas demander à quel moment Qarina s'était mise avec l'alpha.
– Et, je suis désolé pour Nathaniel, c'était un homme loyal et bon.
– Merci... fit-elle une nouvelle fois, la gorge serrée.
Madeline prit la décision de les accompagner jusqu'à leur campement. Sur le chemin, Iseult la remercia maintes fois même si la nymphe refusait cette considération. A présent, la guérisseuse n'avait plus qu'une envie, arriver au plus vite chez Caeriel, cela seul la faisait tenir.
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La meute de Rowan offrit à Iseult de passer la nuit dans leur camp, ce qu'elle accepta. Trop fatiguée pour continuer la traversée, elle fut accueillie par Qarina. Leurs habitations longeaient le territoire de Caeriel. Il s'agissait d'un petit village dissimulé dans une clairière, un cours d'eau passait derrière et servait à alimenter les villageois en eau. L'endroit était modeste et agréable. Les loups y côtoyaient des humains qui s'étaient liés à eux de différentes manières. Qarina lui expliqua que sans cette mixité leur race ne survivrait pas, les loups de sang pur se faisait de plus en plus rare. Les femelles peinaient à entrer en gestation malgré de nombreux essais. Ils soupçonnaient les mages de les avoir empoissonnés à une époque, ce qui n'aurait pas été étonnant. Installée dans une chambre étroite mais confortable, Iseult se sentit à l'abri, les chasseurs n'oseraient jamais s'aventurer jusque-là. Assise sur le lit, elle retira les bottes gorgées d'eau, ses pieds étaient glacés. Elle les frotta avec ses mains pour les réchauffer.
Qarina frappa à la porte les bras chargés de vêtements chauds et secs.
– J'ai pensé que tu préférais une tunique et un pantalon, sourit la louve.
– Merci, c'est gentil de ta part. Vous n'étiez pas obligés de m'accueillir ici.
– Je ne sais même pas de quelle manière tu tiens debout, grogna la voix de Rowan.
Il apparut avec du bois qu'il chargea dans la cheminée. Iseult se rendait compte qu'elle avait froid, jusqu'à présent cette pensée ne lui avait pas effleuré l'esprit.
– Je vais te faire du thé. Dès demain nous partirons à cheval, cela sera plus rapide, expliqua Qarina.
Rowan approuva d'un hochement de tête. Il s'approcha de sa compagne et embrassa son front avant de les laisser. La louve l'aida à se déshabiller pour enfiler la chemise de nuit et les bas en laine prévus pour elle. Iseult apprécia le geste, seule elle n'aurait pas eu la force de le faire. Elle put se mettre sous les draps doux et agréables.
– Alors, toi et Rowan ? Vous êtes ensemble à présent ? finit-elle par demander, désireuse d'avoir de bonnes nouvelles.
– En effet. Ce n'était pas une évidence, mais il lui fallait une compagne en tant qu'Alpha, et même si nous nous disputons souvent, nous sommes une équipe.
Un sourire étira les lèvres d'Iseult. Qarina lui avait apporté une tasse de thé fumante dont elle but une gorgée.
– Je suis contente pour vous, fit Iseult, même s'il ne m'apprécie pas beaucoup.
– Crois-moi, s'il t'a amené jusqu'ici ce n'est pas juste par reconnaissance. C'est juste un loup bourru, répondit la louve en levant les yeux au ciel.
– Sans vous, je ne m'en serais jamais sortie.
– Les nymphes sont venues nous prévenir, nous ne pouvions pas rester sans rien faire. Les vampires sont furieux, leur prince est mort et tu avais été enlevée. Aucun de nous ne veut vivre une guerre, nous n'y survivrons pas.
– D'où le traité, comprit Iseult.
– Rowan à comprit que cela était nécessaire pour notre survie, nous ne parlons qu'au nom de de notre meute bien sûr, mais notre situation est critique.
– J'en suis désolée...
– Ce n'est pas à toi de l'être.
La main de Qarina se posa sur la sienne, puis elle lui retira la tasse pour la poser sur la table de chevet.
– Repose toi maintenant, nous avons du chemin à faire demain.
Iseult ne lutta pas. Faire la conversation encore quelques minutes lui demanderaient trop d'énergie. Elle s'enfonça dans le lit jusqu'à trouver le sommeil. La fatigue l'emporta sur tout le reste. Il ne lui fallut que quelques minutes pour sombrer dans un sommeil profond et sans rêves.
Le lendemain, la traversée à cheval ne fut pas une partie de plaisir. Même si la monture qu'on lui avait confiée avançait à son rythme et était très calme, ce n'était pas sa jument. Ils tentèrent de chevaucher au trot, Iseult serra les dents, mais dû s'arrêter après quelques minutes. La douleur devenait insupportable, il lui fallait de vrais soins, comme ceux procurer par Hylios. Elle espérait que son ami allait bien et qu'il ne lui arriverait rien. Les chasseurs ne le tueraient pas, ce qui ne les empêcheraient pas de le blesser s'ils le voulaient.
Les heures de chevauchées auprès de Qarina et Rowan furent silencieuses, ils échangèrent quelques paroles et les deux femmes conversèrent par moment. Ils n'étaient pas bavards, cela ne dérangeait pas Iseult, le silence lui permettait de réfléchir bien qu'elle repoussa certaines pensées.
Lorsqu'ils atteignirent la demeure du seigneur vampire, cela allait faire une heure que la nuit était tombée. A l'inverse des autres fois, les lieux paraissaient dépourvus de vie. Les domestiques avaient suspendu aux fenêtres des draps noirs, signe de deuil. La gorge d'Iseult se noua tandis qu'elle essayait de garder la face. L'atmosphère endeuillée rendait les choses réelles, pour le moment, elle avait gardé en tête qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar. Chaque pas de sa monture la rapprochait de cette réalité qu'elle tenait à distance depuis la veille certaine de s'effondrer si elle ne le faisait pas. Les loups maintinrent un silence respectueux autour d'elle. Ils avaient parcouru la moitié de l'allée lorsque la porte d'entrée s'ouvrit, Iseult vit Ermeline se précipiter dehors, enveloppée dans une robe noire elle avait relevé ses cheveux en chignon. Elle plaqua une main sur sa bouche, les larmes aux yeux. Quand ils arrêtèrent leurs montures, Qarina vint l'aider à descendre, et s'assura de ne pas aggraver ses blessures. La chasseuse eut à peine un pied par terre qu'Ermeline se jeta sur elle pour la prendre dans ses bras.
– Par tous les dieux, tu es en vie, souffla-t-elle soulagée.
Iseult ne sut quoi répondre. Les mots restèrent bloqués au fond de sa gorge. Elle referma ses bras autour de son amie qui la serrait comme si elle pouvait s'évaporer à tout instant. Elle se laissa faire quelques minutes avant de se détacher de cette étreinte.
– Vous feriez mieux de rentrer, fit Qarina, nous, nous avons fait notre part.
La chasseuse pivota sur ses talons et inclina la tête.
– Je vous remercie pour votre hospitalité.
Un sourire étira les lèvres de la louve, son compagnon resta quant à lui stoïque. Ils jetèrent un regard à la porte d'entrée puis hochèrent la tête. Sur le pas de la demeure, Caeriel se tenait debout, il restait inchangé en comparaison de toutes les fois où elle avait pu l'apercevoir. Ermeline l'entraina vers la demeure, un bras autour de ses épaules. Iseult l'entendait parler, sans comprendre ce qu'elle lui disait, il était question de visage et de bleus mais son esprit était ailleurs.
Elle arriva devant le seigneur vampire, prête à s'excuser, à dire tout et n'importe quoi. Au lieu de quoi, son corps s'effondra au même moment que son esprit. Iseult éclata en sanglots les genoux contre le sol. Incapable de savoir quelle en était la raison, ni pourquoi elle craquait maintenant. Son esprit vacillait comme une flamme fragile prête à s'éteindre. Caeriel posa un genou à terre et l'attira contre lui, il posa une main sur ses cheveux et une autre dans son dos.
– Je suis désolée... sanglota-t-elle, tellement désolée...
– Ce n'était pas ta faute. Tu es saine et sauve, c'est tout ce qui compte pour le moment.
D'autres vampires s'étaient approchés pour voir ce qui se passait. Iseult ne les vit pas, le visage enfouit dans la veste du seigneur qui la laissa pleurer contre lui. Elle perçu la voix de Judith qui disait quelque chose pour chasser les curieux, puis qui donnait des ordres pour préparer une chambre. Quand elle comprit qu'elle serait incapable de se lever, Caeriel la portait déjà. Il la souleva pour la conduire à l'étage où il la déposa sur un lit. Iseult se recroquevilla, incapable de faire autre chose. Elle se sentait pitoyable, mais c'est tout ce qu'elle parvenait à faire maintenant qu'elle était enfin à l'abri. Ermeline s'assit non loin d'elle, une main sur son épaule pour la rassurer tandis que Judith faisait les cents pas dans la pièce en pestant. Chacun gérait sa peine d'une manière différente.
Une heure s'écoula avant que la jeune femme ne soit prête à se redresser. Le corps engourdis et le visage douloureux d'avoir trop pleurer. Plusieurs mouchoirs en tissus l'entouraient, trempés de larmes. Elle tremblait encore mais parvint à s'asseoir, bien que cela lui demandât un effort considérable. La main de Caeriel s'attarda sur sa joue, il effleura les endroits douloureux de son visage.
– Si j'avais su où tu étais, je serais venu te chercher, assura-t-il.
– Je sais, mais vous ne pouviez pas savoir, répondit Iseult en essuyant encore des larmes.
– Il t'ont fait du mal.
Il s'agissait d'un constat, et non d'une question. Qarina ne possédait pas de miroir, Iseult n'avait pas eu le loisir de voir l'étendu des dégâts. Le regard des autres ne trompait pas. Le vampire écarta le haut de sa chemise, un bleu colorait son épaule.
– Ils méritent la peine de mort ! cracha Judith, nous n'allons pas les laisser s'en sortir !
– Il va y avoir un procès, confirma Caeriel, ils ne s'en sortiront pas indemne.
– Morgan ne sera jamais puni, souffla Iseult.
Son père le protégerait. Le seul moyen serait qu'elle le tue elle-même, puis qu'elle s'exile ou qu'elle accepte la prison. Elle voulait qu'il paie.
– Les autres demandent réparation, souffla Caeriel las, certains veulent même la guerre.
– C'est de ma faute, se lamenta Iseult.
– Je t'interdis de dire ça ! cria Judith.
Elle s'était penchée sur elle, le regard brûlant de rage.
– Nathaniel t'aimait ! Tu l'aimais aussi ! Il refuserait que tu tiennes ce genre de propos, tu m'entends ?
Iseult hocha la tête, surprise d'un tel déchainement de passion. Elle ne sut quoi répondre alors que Judith l'attirait brièvement contre elle puis alla s'asseoir derrière le secrétaire. Ses ongles parfaits claquaient à un rythme régulier contre le bois.
– Vous auriez le droit, souffla Iseult, de réclamer la guerre.
– C'est vrai. Mais crois-tu que c'est ce que Nathaniel voudrait ? Ou même ce que toi tu souhaites ?
– Non... les coupables ne sont que quelques chasseurs. Je veux qu'ils paient.
– Et ils paieront, assura Caeriel, je vais faire venir un guérisseur. Iseult, les jours à venir seront difficiles. Il y aura un procès, tu vas devoir témoigner. Ils vont essayer de te faire peur.
– Il ne me font pas peur, répondit-elle avec aplomb.
– Quoi qu'il en soit, tu vas revivre des évènements traumatisants. Tu vas devoir parler de... Nathaniel, de ce qui s'est passé.
– Je sais.
Ce serait difficile. Parler lui demanderait ses dernières forces, du courage aussi. Même si elle s'en savait capable, cela la marquerait. Déjà lasse et épuisée, elle se laissa retomber dans le lit trop grand. La chambre lui paraissait aussi vide que son cœur. Caeriel décida de la laisser, il obligea à Judith à faire de même pour la laisser avec Ermeline. Cette dernière, bien que triste, restait plus calme que la vampire. Iseult décida de se changer pour aller dormir, incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Elle se découvrit ainsi dans le miroir, nue, son corps parsemé de tâches violettes, verdâtres pour certaines. Ses côtes étaient bleues d'un côté. Elle y passa sa main pour constater les dégâts. Bien que silencieuse, Ermeline ne pouvait cacher l'horreur que la chasseuse lisait dans ses yeux. Son visage était une catastrophe avec sa lèvre boursoufflée, et l'hématome sur sa joue droite. Elle ne se reconnaissait même pas. Si on lui avait assuré qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre, elle l'aurait cru. Ce corps, ce visage, rien n'était elle. Ses doigts caressèrent la vitre froide et lisse à la recherche d'une présence fantôme. Malgré la présence de son amie, elle se retrouvait plongée dans une immense solitude. Quand elle en eut assez de cet affreux reflet elle s'habilla pour se glisser dans le lit, à la manière d'une poupée dépourvue de volonté, elle tomba entre les draps. Ermeline s'allongea près d'elle. Elle aussi semblait avoir besoin d'un soutient, d'une présence. Elles seraient là l'une pour l'autre, au moins pour une nuit.
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