Chapitre 28
/!\ TW : Scène sexuelle explicite
Les semaines qui suivirent furent plus calmes. Iseult fut heureuse de retrouver sa vie, simple et organisée. Son temps se séparait entre l'Académie et les cours avec Caeriel qu'elle avait repris. Si elle maîtrisait mieux son don, cela n'était pas encore parfait. Des nuances lui échappaient encore, le vampire s'appliquait à lui expliquer ce qu'il connaissait, mais leurs dons n'étaient pas tout à fait les mêmes. De plus, Iseult n'appréciait pas l'idée de jouer avec les esprits, cela lui paraissait immoral et bien loin de ses principes. Caeriel prit le temps de lui expliquer que c'était une nécessité qu'elle sache se prémunir contre eux. Certains morts vagabondaient sur terre sans but jusqu'à trouver une ancre qui leur permettrait d'interagir avec le monde des vivants. La plupart étaient inoffensifs, mais d'autres pouvaient influencer son esprit ou en prendre possession, ce qu'elle ne souhaitait pas.
Ses mains devant elle, comme posées sur un mur invisible, elle comptait ses respirations. La guérisseuse s'entrainait à faire venir à elle les âmes perdues entre les deux mondes. Cela ne l'enchantait guère, elle suivait les instructions de Caeriel dont la voix calme lui donnait des instructions claires. Sa présence rassurait Iseult, il ne la brusquait jamais, même lorsqu'un exercice lui paraissait trop compliqué ou qu'elle n'y parvenait pas avant plusieurs heures de travail. Il patientait jusqu'à ce qu'elle y parvienne et à ce moment-là, elle voyait se dessiner un mince sourire sur ses lèvres.
Elle sentit une caresse sur ses paumes, des mains glacées entrèrent en contact avec les siennes, un frisson remonta le long de ses bras. Elle n'aurait su décrire le touché particulier qu'avait la mort, il lui donnait l'impression de s'enfoncer dans de l'eau dense qui engourdissait ses membres et rendait difficile sa respiration. Avec lenteur, Iseult rouvrit les yeux pour découvrir une femme, il aurait été difficile de lui donner un âge. Son corps ne ressemblait pas à ce qu'elle connaissait, les spectres, ces âmes vengeresses, étaient solides et l'on pouvait les toucher. Le fantôme devant elle n'existait que par les sensations qu'elle lui faisait ressentir et son aspect brumeux, un coup de vent aurait pu la faire disparaitre.
– Essaie de lui parler, souffla la voix de Caeriel à son oreille.
Sans que la guérisseuse s'en aperçoive, il s'était rapproché d'elle. Accroupi à ses côtés, il observait lui aussi la femme éthérée.
– Qui es-tu ? articula Iseult.
La bouche presque invisible s'ouvrit, mais aucun son n'en sortit. Un poids comprima la poitrine de la chasseuse qui tentait de garder une respiration calme malgré la gêne. Elle répéta sa question. Un hurlement strident échappa au fantôme, l'air resta bloqué dans ses poumons. La créature la traversa, bloquant ses capacités respiratoires, un cri resta coincé dans sa gorge. Son corps était pressé par une force invisible qui la broyait. La sensation disparue après quelques instants. De la sueur perlait sur son front et sa respiration haletante était douloureuse. Iseult porta une main à sa poitrine, courbée en deux. Les doigts de Caeriel effleurèrent son dos, il lui tendit une outre d'eau qu'elle porta à ses lèvres pour boire avec avidité. Il lui semblait qu'elle était desséchée.
– C'est beaucoup mieux, la complimenta-t-il.
– Je n'arrive toujours pas à communiquer avec ces fantômes...
– Tu sais les invoquer, tu n'y parvenais pas la semaine dernière. Certains répondent même à tes ordres, alors laisse-toi du temps.
– Je n'aime pas l'idée de leur imposer quoi que ce soit, souffla Iseult.
– Ce n'est pas agréable, mais quand tu maîtriseras l'exercice, tu seras capable de te protéger d'eux avec plus d'efficacité.
Elle but une nouvelle gorgée d'eau. Ses entrainements duraient entre une et deux heures, mais ils la laissaient toujours épuisée. Caeriel l'invita à se relever, il avait fait porter dans la crypte où ils s'entrainaient de quoi se nourrir. L'endroit se trouvait un peu à l'écart de la demeure et assez loin de celle-ci pour que les curieux ne s'y aventurent pas. Le seigneur avait compris qu'elle appréciait le calme. Or lorsqu'il se trouvait dans son bureau, les autres le sollicitaient.
Iseult s'assit sur la couverture étendue par terre, son assiette sur les genoux. La magie puisait dans ses forces, il lui fallait reprendre des forces bien qu'elle sache que Caeriel refuserait une nouvelle heure d'exercices.
– Je me demandais si vous aviez terminé, déclara la voix de Nathaniel qui apparut dans l'embrasure de la porte.
D'un hochement de tête, le seigneur vampire approuva avant d'annoncer qu'il s'éclipsait pour rejoindre la demeure. Iseult lança un regard à Nathaniel dont le visage s'éclairait à présent d'un sourire, il la rejoignit en un battement de cils et posa ses lèvres sur les siennes. Un frisson l'a parcouru et elle ne put réprimer un sourire avant de lui rendre son baiser, ses doigts glissèrent dans ses cheveux blonds et elle l'attira un peu plus contre elle. Cela parut l'enchanter, car il se laissa faire en entourant sa taille avec ses bras. Sa bouche traça le contour de sa mâchoire avant qu'il ne descende le long de son cou. Iseult le laissa faire, les bras posés sur ses épaules, son compagnon embrassa sa clavicule puis se redressa.
– Alors, cet entrainement ? demanda-t-il pendant qu'elle posait l'assiette à côté d'elle.
– Je suis encore loin de maîtriser la magie de la mort, se lamenta Iseult.
– Il m'a fallu cent ans pour y parvenir, tu sais.
– Cela ne me rassure pas, je serais peut-être morte d'ici là.
Son espérance de vie plus longue que la moyenne ne pourrait rien si elle mourait lors d'une mission ou d'un combat. Nathaniel s'assit à côté d'elle et caressa ses doigts.
– Tu es plus talentueuse que je ne l'étais.
Il souriait, Iseult laissa sa main glisser dans la sienne. Il l'apaisait, son aura était calme et sereine. Elle prit son visage entre ses mains pour l'embrasser encore, avec lui elle n'avait pas à faire semblant ou à réfléchir, elle pouvait se permettre d'être impulsive, car il répondait toujours à ses sollicitations. Ils parlaient beaucoup aussi, se confiaient. Nathaniel se laissa tomber en arrière et l'attira contre lui, ses doigts jouant avec l'une de ses mèches de cheveux, échappées de son chignon.
– Demain soit, est-ce que tu accepterais de faire une pause ? J'ai une surprise pour toi.
– Une surprise ? répéta Iseult, étonnée.
Un sourire énigmatique étira les lèvres de Nathaniel.
– Oui, je te promets que tu vas adorer, assura-t-il, ce n'est pas un bijou clinquant ou une robe qui brille de mille feux.
– Ce qui signifie que tu me connais bien, s'amusa la jeune femme, ai-je le droit d'avoir un indice ?
Les doigts du vampire glissèrent le long de son cou pour dénuder son épaule et l'embrasser.
– Non, tu es trop perspicace, tu devinerais tout de suite.
Iseult se mit à rire et repoussa Nathaniel en arrière pour se mettre à califourchon sur lui.
– Je peux peut-être te remercier en avance alors.
– Maintenant et même après, quand tu veux, j'adore tes remerciements.
Il saisit ses hanches et fit remonter ses mains pour faire glisser sa tunique hors de son pantalon. Iseult frissonna quand il posa sa main sur son ventre pour caresser sa peau, il effleura la cicatrice laissée par la lame lors du combat contre les nécromanciens. La douleur était toujours présente par moment, lorsqu'Iseult faisait un mouvement brusque et elle devait éviter certains mouvements brusques. Ses lèvres se posèrent sur le haut de la poitrine de Nathaniel, elle commença à défaire les boutons de sa chemise pour la lui retirer. Ce moment d'intimité où ils étaient encore habillés et pas tout à fait nus l'excitait, elle sentait sa peau contre la sienne, son corps qui frémissait à chaque contact, l'envie qu'ils s'emparent l'un de l'autre.
Lorsqu'il fit passer sa tunique par-dessus sa tête, Iseult sentit un courant d'air balayer sa peau. Elle releva les yeux, se souvenant de l'endroit où ils se trouvaient. Les mains de Nathaniel se refermèrent avec délicatesse sur sa poitrine, il déposa un baiser sur le coin de sa bouche.
– Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il à voix basse.
– Nous sommes dans la crypte... répondit-elle en regardant autour d'elle.
– Nous y serons tranquilles, personne ne vient jamais ici.
Il la ramena contre lui, sa poitrine caressant la sienne.
– Je te promets que les morts ne seront pas offensés, ajouta-t-il avec un sourire.
– Tes arguments sont toujours pleins de sagesse, railla-t-elle.
– Je le sais bien.
Pour la faire taire, il s'empara de sa bouche, une main sur sa nuque pendant que l'autre défaisait l'attache de son pantalon. Iseult avança les hanches par réflexes tout en s'agrippant à ses épaules, ses propres gestes étaient hachés par l'excitation qui remontait le long de son ventre. Ses doigts glissèrent le long des épaules de Nathaniel, caressant sa peau froide et douce. Son regard incandescent se posa sur elle. Son corps ne réagissait plus comme le sien, il n'avait plus de chair de poule et sa peau restait froide, mais avec le temps la jeune femme commençait à distinguer les signes de son excitation, à les ressentir. La couleur de ses yeux changeait lorsqu'il la désirait, ses gestes devenaient plus empressés et il ne pouvait s'empêcher de l'embrasser. Quant à son énergie, Iseult la sentait dans chaque fibre de son être, elle résonnait en elle, tout comme son désir. Elle découvrait que son empathie ne servait pas que pour le négatif, lorsque Nathaniel se trouvait avec elle, chacun de ses sentiments s'en trouvait décuplé. Un instant, elle ferma les yeux pour ressentir sa présence, pressant son corps contre le sien, puis s'éloignant, un sourire aux lèvres.
La jeune femme se remit sur ses jambes pour se débarrasser de ses bottes et de son pantalon devenu superflu.
– J'aime quand tu te déshabilles devant moi, s'amusa Nathaniel.
– De mon côté, je te vois toujours habillé, rétorqua-t-elle.
– Aide-moi alors, dit-il avec un sourire coquin sur les lèvres.
– Fais-le tout seul, comme un grand garçon.
Iseult avait placé ses mains sur ses hanches, un sourcil arqué. Le vampire passa sa langue sur ses crocs, songeur, il semblait peser le pour et le contre.
– Donne-moi encore des ordres, sourit-il.
– Vraiment ?
– J'aime ton côté chasseuse autoritaire.
Il était encore assis, à la contempler, il n'était vraiment pas comme les autres. Iseult s'approcha pour se pencher vers lui.
– Alors, pourquoi est-ce que tu n'obéis pas ?
– Cela ne sonnait pas comme un véritable ordre. Sois plus ferme.
Il jouait, cela se voyait à l'air qu'il prenait, son visage mutin et le plaisir qu'elle ressentait quand elle se tenait si près de lui. Au fur et à mesure de leur relation, elle en avait appris plus sur son corps et sur ses désirs. Nathaniel ne posait aucune limite, il voulait qu'elle découvre sa sexualité et qu'ils l'explorent ensemble.
– Déshabille-toi, reprit-elle avec plus de fermeté.
– Vos désirs sont des ordres.
Sa voix chargée de sensualité la fit frémir, il se releva avec élégance pour se débarrasser de ses derniers vêtements. Chacun de ses gestes était plus lent qu'à son habitude, le tissu glissa sur sa peau avec bien trop de lenteur aux yeux d'Iseult qui ne perdait pas une miette de ce spectacle érotique. Nu face à elle, Nathaniel esquissa un sourire, elle vint vers lui pour l'embrasser.
– Allonge-toi, continua Iseult.
Sans se défaire de son air satisfait, Nathaniel s'exécuta, faisant glisser une main dans ses cheveux. La chasseuse le rejoignit sur le sol et l'embrassa avant de laisser ses lèvres courir sur le torse du vampire. Elle passa sa langue sur la peau d'albâtre, longeant ses muscles jusqu'à son bas ventre. Ses lèvres déposèrent des baisers jusqu'à son sexe qu'elle embrassa avec douceur. Le corps de Nathaniel se cambra à ce contact, il s'était saisi de la couverture pour la serrer. Lorsqu'une sensation si forte le submergeait, il était capable de briser un meuble. La chasseuse continua son entreprise avec application, sa langue jouait une danse qu'elle commençait à connaitre et au rythme qu'elle lui donnait. Un rugissement échappa à son compagnon qui commençait à haleter, c'était un réflexe qu'il conservait de sa vie humaine.
Iseult remonta vers lui, son corps caressant le sien, jusqu'à pouvoir l'embrasser. Elle le sentit tendu contre elle, son bassin bougea alors que les bras de son amant se refermaient autour de son dos. Il caressa le creux de ses reins et la pressa un peu plus contre lui. Une douce chaleur remonta entre les cuisses de la jeune femme qui sentit le désir monter en elle, ses joues rougirent, la crypte lui parut soudain très chaude. Ses lèvres tout contre les siennes, elle esquissa un sourire avant de lui murmurer quelques mots pour s'assurer qu'ils pouvaient aller plus loin. Nathaniel hocha la tête, le regard brûlant. Une main sur sa poitrine et l'autre sur son sexe, elle prit le temps de bien se placer pour le faire entrer en elle, poussant un léger gémissement. Son corps ondula au-dessus du sien, ses doigts se mêlèrent au sien, un sourire étira ses lèvres. Dans ces moments-là, Iseult ne pensait plus à rien, il lui suffisait de se laisser porter. Son partenaire la laissait faire, leurs mains s'entrelaçaient. Leurs gestes étaient naturels, synchronisés. Nathaniel se redressa, glissant ses mains derrière son dos et embrassant son cou. Elle accéléra ses mouvements, mit les mains dans ses cheveux alors qu'elle le sentait s'impatienter, au bord du supplice. La guérisseuse rejeta sa tête en arrière, les crocs du vampire se pressaient contre son épaule sans s'enfoncer dans sa peau. Ils avaient un accord pour qu'il ne la morde pas à des endroits visibles, alors il se contenait. Quand il redressa la tête, elle vit l'éclat affamé de ses yeux au moment où son corps se tendait, brûlant de désir et de passion. Haletante, Iseult posa son front contre celui de son amant qui caressa ses joues. Elle continua ses mouvements jusqu'à ce que lui aussi soit emporté par le plaisir. Les lèvres de Nathaniel embrassèrent sa joue et elle glissa de ses jambes, il garda un bras autour de sa taille tandis qu'elle lui tendait le sien.
– Vas-y, souffla-t-elle.
– Tu es sûre que tu n'es pas trop fatiguée ?
– Certaine, tu peux te nourrir.
Son compagnon prit son bras avec délicatesse et le porta à sa bouche, le dos courbé, ses crocs s'enfoncèrent dans le creux de son coude. Iseult le ressentit comme une piqure d'insecte peu douloureuse, elle s'était habituée à ce que Nathaniel la morde. La plupart du temps au bras, ou alors au niveau de la cuisse, là où les veines étaient les plus grosses, mais aussi où elle pouvait le cacher. Elle ferma les yeux un instant, son cœur battait encore à tout rompre dans sa poitrine, et bien qu'elle eût été terrassée par une vague de chaleur, le froid commençait à saisir ses membres. Sa tête tomba contre l'épaule de son amant, son esprit embrumé à la fois par leur étreinte et la magie qu'il déversait en elle pour estomper la douleur de la morsure.
Lorsqu'il eut terminé de la mordre, il embrassa le creux de son coude puis sa joue. Ses bras l'enveloppèrent et elle se laissa aller contre lui, un sourire flottant sur ses lèvres.
– Tu es glacé... marmonna-t-elle.
– Je n'avais jamais remarqué, répliqua-t-il avec un sourire, quant à toi, tu es épuisée.
Iseult se serra un peu plus contre lui. Malgré le froid, elle appréciait leurs moments de tendresse. L'une des couvertures sur le sol se retrouva comme par miracle sur ses épaules, les doigts de Nathaniel caressèrent ses cheveux. Ces instants de bonheur la sortaient d'un quotidien qui pesait lourd sur ses épaules, si ses cauchemars s'étaient atténués, certaines images revenaient.
– Je vais te ramener dans notre chambre, souffla Nathaniel en lui faisant quitter le sol.
La tête de la jeune femme se redressa, elle s'accrocha au cou du vampire, enroulée dans sa couverture.
– Les autres vont...
– Personne ne nous verra, je suis rapide et discret.
Si elle savait qu'il disait vrai, cela la surprenait toujours. D'autant que boire du sang décuplait ses facultés. En à peine quelques secondes, ils se retrouvèrent dans la chambre où il la déposa sur le lit. Iseult alla se blottir sous les draps avant de poser la tête sur l'oreiller. D'ordinaire, il lui était plus facile de lutter contre le sommeil, Nathaniel s'étendit à côté d'elle.
– Désolé, je suis vraiment fatiguée, soupira-t-elle.
– Tu as besoin de repos, je vais te laisser dormir.
Elle hocha la tête, et il déposa un baiser sur son front. Cette nuit, elle espérait pouvoir dormir sans revivre la mort d'Atlan et le massacre des créatures créées par les nécromanciens.
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Assise sur sa selle, Iseult se laissait guider par Nathaniel qui tenait les rênes d'Aube, sa jument. L'animal se laissait faire et avançait au pas, suivant la monture du vampire. Quelques mètres plus tôt, le vampire avait bandé les yeux de la guérisseuse qui avançait à présent à l'aveugle. La confiance qu'elle plaçait en son compagnon lui permettait de ne pas craindre une attaque, ce qui ne l'empêchait pas de se sentir mal à l'aise dans cette situation. Nathaniel lui promit que ce n'était que pour quelques minutes. Son secret était si bien gardé qu'elle ne savait toujours pas de quoi il s'agissait. Le vampire avait répondu à toutes ses questions par un sourire énigmatique qui agaça Iseult.
Sa jument s'arrêta, l'air frais caressa ses joues et l'odeur salée de l'océan vint chatouiller ses narines. La chasseuse serra ses rênes par réflexe, la main de Nathaniel se posa sur sa jambe et il la guida pour l'aider à descendre. Une main posée sur sa taille, il la fit avancer le long d'un petit chemin pavé, elle trébucha à deux reprises, mais il la retint pour qu'elle ne tombe pas en avant. Impatiente, elle avait du mal à se retenir de retirer le bandeau qui couvrait ses yeux, mais pour faire plaisir à son compagnon, elle joua le jeu. Il fit glisser le tissu pour qu'elle puisse profiter de la vue, Iseult cligna plusieurs fois des yeux.
Quelques mètres la séparaient d'une petite demeure en pierre avec un toit en ardoise. Les murs étaient couverts de lierre qui se mêlait à des fleurs colorées. Le jardin offrait un splendide spectacle avec des buissons et des rosiers, Iseult distingua même un banc dont la vue donnait sur un parterre de fleurs en éclosion, certaines encore fermées. Elle fit un pas de plus dans l'allée, derrière la demeure elle pouvait distinguer la côte, elle entendait les vagues s'écraser contre les rochers.
– Nous voulions te faire un cadeau, j'ai suggéré cet endroit. Personne n'y habite plus depuis des années.
– Quoi ? Mais c'est beaucoup trop Nathaniel... Cette maison est immense !
– C'est la plus petite que possédait Caeriel, fit-il avec un sourire, l'acte de propriété est à ton nom à présent. Il a été certifié par le roi.
La jeune femme eut l'impression de voir floue. Elle ne méritait pas un tel présent, elle n'avait toujours possédé que quelques vêtements et des armes. Les doigts de Nathaniel se refermèrent sur les siens.
– Tu n'as jamais eu d'endroit à toi, alors j'ai pensé que cela te ferait plaisir. Tu es un membre de notre famille à présent, pas parce que tu es ma compagne, mais parce que tout le monde t'apprécie, expliqua son compagnon avec tendresse, je suis désolé si tu n'aimes pas.
Ses yeux s'emplirent de larmes. Son cœur se gonfla de joie dans sa poitrine, à tel point que les mots restaient bloqués dans sa gorge. Elle avait une famille, cette pensée ne l'avait jamais effleurée de cette manière, un sentiment de bonheur la submergea. Ses lèvres tremblèrent, elle essuya ses yeux d'un revers de manche.
– Je... C'est magnifique. Mais ce cadeau... c'est beaucoup... je... je ne veux pas profiter de vous... et...
– Tu ne profites de rien du tout Iseult, nous voulons t'offrir cet endroit. Tu pourras y être seule, te reposer.
– Seule ? Mais... et toi ? souffla-t-elle.
– J'espère être invité, je le reconnais.
Un rire échappa à Iseult, son ami lui tendit un mouchoir avec lequel elle essuya ses yeux. Elle craignait toujours d'être redevable aux autres si elle acceptait leur cadeau, Morgan lui avait appris que rien n'était gratuit. Cette fois pourtant, elle sentait que cet endroit était à elle. Nathaniel le lui confirma d'un hochement de tête, comme s'il lisait dans ses pensées.
– Il y a au moins une dizaine de pièces, murmura-t-elle en comptant les fenêtres.
– Cinq chambres, un petit salon, un grand salon, une salle de musique, un bureau, un boudoir et une cuisine, si je n'oublie rien. Il y aura des domestiques, un gardien et sa femme, avec leur fille qui est femme de chambre. Ils garderont la demeure quand tu n'y seras pas, ils doivent arriver dans la semaine.
– Une maison... des domestiques... cinq chambres... qu'est-ce que je vais faire de cinq chambres ?
– Dormir dans chacune d'elle pour essayer ? Inviter des amis aussi. Ou ranger tes armes. Je suis certain que tu trouveras.
Heureuse, elle se glissa dans ses bras pour se serrer contre lui. Tout était trop beau pour être vrai, elle voulait garder cet instant en mémoire jusqu'à la fin de sa vie.
– Je peux te faire visiter, proposa Nathaniel, si tu longes le sentier sur quelques mètres, il y a un escalier qui mène à une plage. Tu as même une parcelle de terre au fond du jardin pour faire pousser des fruits et des légumes.
– Je crois que je suis amoureuse de cet endroit.
Ses yeux pétillaient, elle s'imaginait déjà s'asseoir sur le banc ou cultiver des herbes médicinales. Ses projets d'avenir n'allaient pas plus loin que le fait de chasser les créatures et ces derniers temps même cela lui avait paru nébuleux. Elle entrevoyait avec cette demeure une nouvelle page de son avenir, un avenir où elle pourrait avoir sa propre indépendance et s'isoler, retrouver Nathaniel aussi.
– Tu ne seras pas gêné de rester là avec moi ? Je veux dire, tu es habitué à avoir beaucoup d'animation autour de toi, demanda Iseult tandis qu'ils se dirigeaient vers la demeure.
– Je pourrais me passer des autres quelques jours dans le mois, je t'assure que ne pas avoir à supporter Judith et les autres ne me fera pas de mal. Ce ne serait pas la première fois que je m'éloigne, un doux sourire éclaira son visage, ne t'inquiète pas, je veux être avec toi, profiter de ta présence à chaque instant, tant que je le peux.
Il marqua une pause avant de plonger ses yeux dans les siens.
– Je t'aime Iseult, nous ne serons peut-être pas ensemble tout le temps, cela n'a pas d'importance. Que tu sois face à moi où à l'autre bout d'Astraldane, nous sommes ensemble. Je ne t'empêcherais jamais de vivre ta vie.
– Je t'aime aussi, et je suis certaine de vouloir passer ma vie à tes côtés. Même si je sais que parfois j'aurais besoin d'être seule ou que mes missions me mèneront loin.
Un instant, elle hésita, puis ses mains saisirent l'une de celle de son compagnon. Ses joues s'empourprèrent, Iseult baissa les yeux.
– Nathaniel, est-ce que tu accepterais de m'épouser ?
Même elle ne s'était pas préparée à une telle demande. La guérisseuse sentait juste une main invisible posée sur son épaule, et un murmure cristallin qui lui insufflait le courage de cette demande. Le visage de Nathaniel s'illumina, s'il avait pu, elle comprit qu'il aurait pleuré. Son regard intense brillait comme cela n'avait jamais été le cas auparavant.
– Ai-je vraiment besoin de le dire Iseult ? fit-il en posant ses lèvres sur les siennes, cette demande est la plus belle que tu pouvais me faire.
Ses déesses étaient près d'elle en cet instant. Peut-être était-ce elles qui lui avaient donné cette force soudaine. Le mariage avec Nathaniel lui paraissait être une évidence, une suite naturelle à leur relation qu'elle voulait poursuivre avec la bénédiction des dieux. Cela serait simple, à leur image. Iseult leva les yeux vers son futur époux, puis vers la demeure qui attendait de les accueillir. Son bonheur se trouvait à cet endroit, à cet instant.
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