Chapitre 24
La nuit venait de tomber, accroupit dans les fourrés Iseult sentait ses muscles commencer à protester à cause l'inconfort de la position. Ses yeux balayèrent la pénombre alentours, tous l'avaient remarqué en arrivant, il n'y avait pas un bruit, pas même le pépiement des oiseaux ou les mulots dans les buissons. Cette simple constatation lui glaça le sang, à ses côtés, Léana respirait si doucement qu'elle l'entendait à peine, quant à Romaric elle ne parvenait plus à le distinguer dans la nuit. La louve qui les accompagnait, Qarina, était allongée contre ses jambes, l'espace était exiguë et Iseult sentait la chaleur de son pelage contre elle. Ses jambes tremblèrent, elle aurait voulu pouvoir s'asseoir sur la mousse, mais il lui faudrait trop de temps pour se relever. La tenue qu'elle portait pesait le poids d'un âne mort, sa côte de maille l'écrasait et la tunique de lin qu'elle portait par-dessus ne faisait qu'empirer la sensation d'inconfort. Ce n'était pas la première qu'elle se retrouvait vêtue de cette manière, mais il ne s'agissait pas de leurs habits les plus courants, ils utilisaient leur côte de maille quand ils savaient que le combat serait rude. Ses bottes remontaient jusqu'à ses genoux, et ses gantelets de cuir ne rendait pas la prise sur son épieu facile.
Chaque respiration lui donnait l'impression de trahir leur présence, bien qu'elle fasse attention à ne pas respirer trop fort. Ils étaient postés à l'entrée d'un tunnel qui débouchait sur un ancien temple de Luös. Beorn et Kvar devaient leur donner le signal pour entrer, ils devaient miser sur la discrétion et l'efficacité une fois entré. Iseult avait tenté de leur redessiner l'intérieur du bâtiment tel qu'elle l'avait vu en rêve, cela s'était révélé complexe. Sa mémoire lui faisait défaut, puis ils ne pouvaient pas être certains que Magnus lui ait montré le véritable lieu où il se trouvait. Sa gorge se fit plus sèche et elle regretta de n'avoir rien pour se désaltérer. Léana lui jeta un regard, comme si elle comprenait ses inquiétudes. La chasseuse posa une main rassurante sur son bras puis esquissa un sourire. Leurs entrainements les avaient préparées à combattre ensemble, Iseult devait cependant reconnaitre que la présence de Morgan lui manquait. Jusqu'à présent, chacune de leurs missions s'était faite à deux, ils se soutenaient. Sans lui, la guérisseuse se sentait diminuée, incertaine de ses actions. Il fallait qu'elle se ressaisissent, son partenaire était important mais pas indispensable, Léana l'accompagnait et elle ne tenterait pas de la protéger à tout prix. Quand elles combattaient ensemble leurs forces s'équilibraient, elles assuraient les arrières l'une de l'autre, aucune ne se trouvait supérieure.
Un hululement leur parvint, semblable à celui d'une chouette, dans le silence de la forêt il fut facile de le discerner. Qarina se redresser et secoua son corps velu, ses babines dévoilèrent ses crocs, elle fut la première à s'avancer vers le trou sombre prêt à les avaler. Retenant son souffle, Iseult la suivit, son épieu serré dans sa main. Romaric fermait la marche, si elle ne l'avait pas vu revenir vers elles, la jeune femme n'aurait pas remarqué sa présence. Il esquissa un sourire quand elle se tourna à demi, elle lui rendit un signe de tête avant de reporter son attention vers le tunnel. Comme ils s'y étaient attendus, le noir les enveloppèrent. Iseult se retrouva plongée dans les ténèbres, le cœur au bord des lèvres, l'un des bras de Léana entoura sa taille. La maitresse d'arme, comme les deux autres, possédaient des sens assez affûtés pour distinguer son chemin même dans le noir le plus profond.
– Attention, il y a une marche, lui souffla-t-elle.
Ce conseil lui évita de trébucher. Sa prise sur son arme se resserra, elle se sentait diminuer par rapport aux autres. Au fur et à mesure, elle se rendit compte que chaque pas devenait plus difficile. La main d'Iseult se posa sur sa poitrine alors qu'elle inspirait une longue goulée d'air. Sa pierre devint brûlante autour de son cou. La magie de la mort embaumait l'air comme si de l'huile recouvrait son corps. Léana s'arrêta.
– Iseult, ça va ? murmura-t-elle.
– Oui, je dois juste m'habituer, tu ne sens pas la magie ?
– Si, mais cela ne m'affecte pas autant.
– Je le sens aussi, confirma Romaric, c'est... poisseux.
A ses pieds, elle sentit que Qarina était revenue vers eux. Sa queue balaya l'air, alerte la louve se méfiait de ce qui pouvait arriver devant eux.
– Nous devons avancer, reprit Léana, si nous sommes attaqués alors que tu ne vois rien cela pourrait être dangereux.
Iseult acquiesça, il leur faudrait vitre trouver un couloir éclairé. Ils reprirent la route, Romaric se tenait plus près d'elles à présent. Même s'ils essayaient d'être discrets, elle et Léana ne pouvaient pas empêcher le bruit de leurs bottes contre les pavés. Si au début ils n'avaient rencontré qu'un sol meuble, c'était à présent des pierres. Au loin, la guérisseuse finit par distinguer une faible lueur, cela signifiait qu'ils arrivaient près des lieux « habités ». Sous peu, ils se retrouveraient les uns les autres, dans le meilleur des cas. Avec cette mission ils avançaient à tâtons. Romaric passa devant elle arrachant un grognement à Qarina, il mit un doigt sur ses lèvres pour leur indiquer qu'il entendait du bruit. Le bras de Léana glissa de la taille d'Iseult pour retrouver sa dague, elle déglutit et avança avec lenteur, imitée par la jeune chasseuse. Grâce à la lumière face à eux, elle distinguait de plus en plus les détails autour d'eux. Lorsqu'ils furent près de la porte de bois entrouverte, elle put distinguer des raclements accompagnés de grognement. Quoi qu'il y ait derrière cette porte ce n'était pas humain.
Léana, qui avait en main les opérations, leur fit signe de reculer. Par terre, elle saisit un caillou qu'elle envoya contre l'un des murs, il ricocha et retomba sur le sol. Le souffle court, Iseult regarda la porte jusqu'à ce qu'elles s'ouvrent à la volée. Sans laisser le temps à leurs assaillants d'agir, Romaric arrachait la tête du vampire qui allait se précipiter sur elle. Qarina grogna alors que du sang mouillait son pelage, son regard sombre se posa sur le vampire qui lui fit un clin d'œil goguenard. Cette distraction suffit à laisser entrer deux loups dont les yeux rouges brillaient avec intensité. Leurs babines étaient retroussées et leurs crocs couverts de sang. Ils se jetèrent sur eux sans attendre, Iseult mit son épieu en arrière et frappa de toute ses forces lorsque l'animal se jeta sur elle. L'arme transperça sa poitrine dans un affreux gargouillis qui se mêla à un bruit d'os brisé. La louve avait déchiré la peau de son assaillant et arraché son cou avec ses crocs, elle grogna de satisfaction. Romaric vint aider Iseult à dégager le loup de son épieu.
– Trois de moins, souffla-t-il, j'espère qu'ils ne sont pas trop nombreux.
– N'espère pas trop, répondit Iseult, j'ai le sentiment qu'ils nous attendaient.
Cette pensée la torturait depuis leur arrivée sur les lieux. Tout était trop calme. Ils s'assurèrent de couper la tête des deux loups avant de poursuivre leur chemin. Iseult enjamba les corps avec une grimace. La pièce dans laquelle ils pénétrèrent était exiguë, des runes étaient peintes sur les murs cachant les précédant motifs. Le sol était couvert de sang et de cadavre de petits animaux.
– Nous qui nous demandions où étaient les animaux, fit Léana entre ses dents.
Le poids sur sa poitrine se fit plus écrasant. Iseult se concentra pour protéger son esprit et le fermer, elle rappela sa magie pour se faire la plus discrète possible. Ils ne s'attardèrent pas plus dans la pièce, Romaric prit la tête de l'expédition. Il était le plus solide et le moins susceptible de se faire briser en deux tel une brindille. Le couloir rappela des souvenirs à Iseult, cette fois elle distinguait les inscriptions sur les murs ainsi que les fresques qui s'y trouvaient. Des prières adressées à Luös. Elle s'empêcha de lire pour se focaliser sur la mission : débusquer leurs ennemis et les éliminer.
Un frisson glacé remonta le long de son échine. Tout son corps se tendit, un haut le cœur la prit et elle eut envie de vomir. La mort s'insinuait autour d'eux et la magie emplit le couloir. Quand elle se tourna, elle vit un homme s'approcher. Sa barbe grisonnait et ses cheveux étaient tressé sur son crâne rasé d'un côté, il était orné de runes, tout comme ses bras. A l'inverse de Magnus il ne portait pas une longue robe noire mais des vêtements tout à fait ordinaires, une hache pendait à sa ceinture. Les yeux d'Iseult se posèrent sur ses mains et sur ce qu'il tenait dedans, les chaines cliquetaient à chacun de ses pas, au bout les deux créatures gémissaient en essayant d'arracher les colliers qui s'enfonçaient dans leur peau. Il s'agissait de vampires, deux assoiffés dont les yeux étaient injectés de sang, d'un rouge flamboyant. Leurs crocs allongés descendaient sur leurs mâchoires, leurs visages étaient presque ceux de cadavres, tout comme leurs corps décharnés et en putréfaction par endroit.
– C'est aimable à vous de nous rendre visite, fit l'homme d'une voix étonnamment douce.
Il tira sur les chaines et les deux vampires avancèrent, rampant derrière lui.
– Vous avez créé ces créatures, cracha Léana.
– Non, ils les ont torturés, répondit Romaric qui s'était avancé.
Sa douleur transperça la poitrine d'Iseult, lorsqu'ils avaient tué les premiers monstres ils ne s'étaient pas posé de question. Cette fois, cela était différent, les deux assoiffés se trouvait à la merci d'un nécromancien.
– Améliorés, répondit l'homme, tu es sur ma liste à présent, créature.
Son regard d'un gris glacial se posa sur Léana et Iseult.
– Je vous laisse une chance d'arrêter de traiter avec ces... choses. Après, je vous traiterais comme elles et je vous façonnerais comme je l'ai fait pour eux.
L'effroi s'empara d'Iseult. Il respirait la fierté, elle le sentait, il présentait les deux vampires comme s'il s'agissait d'une œuvre dont il pouvait se vanter. Ses mains s'agrippèrent avec plus de fermeté autour de son épieu, le regard déterminé. Elle en appela à sa magie, si elle parvenait à briser l'esprit de ces créatures elle parviendrait à les retourner contre leur maître. Ces derniers jours, en plus de ses entrainements d'armes, elle avait perfectionné l'utilisation de ses dons. Ses pouvoirs s'étaient affûtés, même si elle ne pouvait pas encore se targuer d'en avoir une totale maîtrise.
L'homme ramena les deux chaines dans une seule de ses mains, la créature le contourna, et il saisit sa hache.
– Fort bien, soupira-t-il l'air presque peiné, je vais devoir devenir méchant.
La magie d'Iseult glissa jusqu'aux deux créatures, leur esprit déjà brisé ne devraient pas lui opposer de résistance. Quand ses pensées glissèrent jusqu'à celles des assoiffés, elle entendit de vagues murmures, comme une litanie qui les tenait prisonnier. Elle s'en approcha avec prudence. Puis son esprit fut rejeté avec une telle force qu'elle en eut le souffle coupé. Les yeux gris du nécromancien se posèrent immédiatement sur elle. Ses doigts relâchèrent les chaines. Les vampires bondirent si vite qu'elle les aperçu à peine, l'un d'eux tenta d'arracher le cou de Romaric qui le lança contre un mur en poussa un cri strident. L'autre projeta Qarina au sol, la louve roula et fit claquer ses mâchoires avec force.
– Les gamins, j'vous jure, marmonna l'homme, tes pouvoirs en sont à peine à leur balbutiement. Magnus à raison, tu es décevante gamine.
Il renifla. Iseult capta le regard de Léana. La maitresse d'arme lui fit un mouvement de tête imperceptible. Chacune d'un côté. D'un même mouvement elles se dirigèrent vers le nécromancien, leurs armes en avant. Il fit tournoyer sa hache de manière à bloquer Léana. Iseult en profita pour se jeter sur son flanc afin d'y enfoncer son épieu. Elle n'eut pas le temps d'agir que son corps fut projeté au sol. Une nouvelle créature se tenait au-dessus d'elle, enfonçant ses griffes dans sa côte de mailles, au niveau des épaules. Le souffle court, la chasseuse étendit ses doigts jusqu'à son arme. Elle en rétracta le manche et l'enfonça dans les côtes de l'assoiffé qui poussa un gémissement de douleur. Elle le frappa ensuite au visage avec le manche, le fer de l'arme imprima une marque sur la peau grisâtre. Iseult put se remettre sur ses jambes, le vampire montra les dents et fit claquer sa mâchoire. La chasseuse plia les jambes pour avoir plus d'élan et mettre plus de force dans les coups qu'elle lui infligerait. Un bruit s'échappa de la gorge de la chose qui faisait face, avant qu'elle n'attaque de nouveau. La guérisseuse recula d'un pas avant de pivoter, quand le vampire s'approcha elle étendit le manche de son arme qui projeta la créature sur le sol. Elle s'élança, et enfonça la pointe de l'arme là où se trouvait le cœur mort de l'assoiffé qui se débattit avant que son corps de n'affaisse. Quand elle se retourna pour aider Léana, cette dernière était aux prises avec son assaillant. Romaric s'était approché pour lui venir en aide, son pied appuyait sur la poitrine du nécromancien. Ce dernier lui saisit le pied, le vampire poussa un râle et se recula. Leur assaillant commença à se redresser, sa main sur sa hache qu'il allait retourner contre la maitresse d'armes. D'un mouvement rapide, Iseult abattit la lame de son épieu sur le poignet de l'homme qui hurla. Sans le trancher l'arme imprima une profonde entaille dans sa chaire ce qui l'obligea à lâcher la hache. Léana enfonça alors son épée dans la gorge du nécromancien. Un soupir de soulagement échappa à Iseult alors que le corps s'affalait sur la pierre.
– Par ici ! cria la voix de Romaric.
Allongée sur le flanc, Qarina avait retrouvé sa forme humaine. Une morsure profonde saignait sur le côté gauche de son corps, elle grelottait. Ses yeux étaient posés sur le vampire qui venait de la recouvrir avec sa veste.
– Il faut que vous continuiez, souffla la louve les yeux vitreux.
Iseult posa une main sur son front et esquissa un sourire.
– Je peux t'aider, fit-elle d'un ton rassurant.
Il lui faudrait aller vite, ses soins ne serait pas parfait, mais c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour l'instant. Iseult retira ses gantelets que Léana l'aida à détacher. Sa main glissa dans la bourse qu'elle avait à côté d'elle, l'une de ses mains tritura les pierres runiques tandis qu'elle adressait une prière à Hëlia. Ses doigts se posèrent sur la blessure de la louve qui émit un gémissement. Ses chairs commencèrent à se refermer, les yeux fermés, Iseult laissait la chaleur les envelopper. Jusqu'à ce que la main de Léana se pose sur son épaule.
– Ne va pas trop loin, tu auras besoin de forces, lui rappela la maitresse d'arme.
La guérisseuse hocha la tête avant de retrier sa main. Il restait encore des plaies, mais cela était minime, Qarina ne risquait plus de se vider de son sang, et elle paraissait retrouver des forces. Elle accepta de s'appuyer contre Romaric le temps de reprendre ses esprits et de pouvoir reprendre sa forme animale.
– Merci guérisseuse, ma meute à une dette envers toi.
– Il n'y a pas de quoi, c'est mon rôle, sourit Iseult.
Elle se redressa, chancelante, une vive douleur l'élança au niveau des côtes et elle l'ignora. Soigner une blessure aussi profonde lui était impossible en une seule fois, il fallait du temps et des soins. Ce qu'elle venait de faire n'était guère plus qu'un bandage qu'il faudrait refaire plus tard. Iseult reprit son souffle et son arme.
Léana lui lança un regard en biais afin de s'assurer qu'elle tenait debout. La jeune femme la rassura d'un hochement de tête. Romaric proposa qu'ils restent quelques minutes de plus dans ce couloir afin de reprendre des forces. Un grognement échappa à Qarina qui reprit sa forme de louve. Elle passa devant le vampire comme pour le narguer, ce qui lui arracha un sourire. Derrière eux, les deux chasseuses s'assurèrent que les créatures étaient bien mortes. Iseult eu un haut le cœur à la vue du sang noir qui se mêlait à celui du mage. Léana lui prit le bras pour l'inciter à avancer. Le couloir s'étendait à perte de vue, si bien que la jeune femme se demanda s'il avait une fin.
Bientôt des bruits leur parvinrent. Même étouffée, elle reconnut la voix de Magnus, cela lui donnait froid dans le dos. Son arme retrouva sa place dans ses mains alors qu'ils montaient un escalier exigu. Certaines marches avaient été détruites par l'usure du temps, il fallait qu'elle fasse attention à où elle posait les pieds pour ne pas se retrouver en mauvaise posture. Ses doigts se posèrent contre la pierre, la magie de la mort se trouvait tout autour d'elle. Elle étouffa les murmures qui naissaient dans son esprit pour l'appeler. A la dernière marche, elle distingua le grognement de Romaric qui resta en avant tandis qu'elles s'engouffraient dans la salle qui avait dû être le temple principal. Des statues gisaient sur le sol, le visage défiguré par des coups. Son regard balaya l'endroit, Magnus se tenait près de l'autel, deux loups à ses pieds, leurs eux étaient rouge et de la bave dégoulinait de leurs babines retroussées. Il n'était pas le seul nécromancien, deux autres se tenaient non loin, prêts à bondir sur leurs amis déjà sur place. Du sang coulait en abondance de la joue d'Harmonie, Atlan avait quant à lui été blessé au bras. Son instinct lui soufflait de les soigner mais ils n'avaient pas le temps pour ça. Elle nota qu'un loup manquait à l'appel, au regard de Kvar pour Qarina il ne fut pas difficile de comprendre ce qui lui était arrivé. Un nœud se forma dans al gorge d'Iseult, la douleur des loups fut comme un coup de poing dans l'estomac dont elle tenta de se remettre. Elle leva les yeux vers Nathaniel, s'il ne portait aucune marque de blessure ses vêtements étaient déchirés par endroit.
– Allons nous réellement nous battre commandant ? demanda Magnus avec un regard pour Beorn.
– Nous allons vous arrêter et vous serez exécutés, affirma le chef des armées.
Une moue se dessina sur les lèvres du nécromancien.
– J'espérais que vous comprendriez, vous êtes plus sot que je ne l'imaginais.
Un sourire éclaira son visage alors qu'il penchait la tête vers l'une de ses comparses. Ses cheveux blonds balayaient ses épaules, elle portait une tenue de mage avec des symboles de nécromancie.
– Je ne vais pas tenter de parlementer avec vous, alors, j'espère que vos dieux vous accueilleront.
A peine les mots eurent-ils passés ses lèvres que les monstres se déchainèrent. Leurs mâchoires se mirent à claquer et ils bondirent. Certains, jusque-là dissimulés dans l'ombre, s'aoutèrent au nombre de leurs adversaires. Iseult resta épaule contre épaule avec Léana. Leurs amis se débrouillaient pour le moment, à chaque vampire qui bondissait sur lui, Caeriel répondait par une tête arrachée. Il bougeait si vite qu'elle ne le vit bientôt plus, pas plus que Judith et sa détermination froide, dénué de tout sentiment. Nathaniel était plus bestiale. Quant aux chasseurs, elle connaissait leur parade par cœur à présent. Silas se protégeait grâce à sa magie, il avait délaissé sa canne, grâce à un remède il pouvait tenir debout quelques heures. Il lui avait confié que cela était douloureux lorsque les effets s'estompaient.
Sa lame se planta dans la gorge d'un loup, elle lui arracha ensuite du corps et du sang mouilla sa tunique. A peine eut-elle achevé son attaquant qu'un second enfonçait ses crocs dans son bras, elle hurla en sentant la morsure à travers le cuir de ses gantelets. Quand elle tenta de se dégager le loup raffermit sa prise, s'il serrait plus il briserait ses os. Son épieu se planta dans le flanc de la créature qui broncha à peine, Iseult recula jusqu'à buter contre un mur. Le souffle court. Le corps de l'animal se brisa comme une brindille quand Nathaniel s'en saisit pour envoyer son corps sur le sol. Il glissa une main sur son bras.
– Tu vas bien ? souffla-t-il.
– Oui, affirma Iseult.
– Utilise ta magie.
Il lui donnait un ordre. Un vampire se précipita sur eux tout crocs et griffes dehors. Son corps heurta celui de son amant qui se laissa repousser pour mieux lui planter son bras dans le torse. Iseult ne prit pas le temps de réfléchir davantage. Elle retourna dans la mêler, son arme déchira l'abdomen d'un des vampires, la lame d'Atlan l'acheva quand il lui trancha la tête. Il fallait qu'elle utilise ses dons, sauf que dans le feu de l'action elle ne parvenait pas à se concentrer. Tout son esprit était accaparé par des actions qu'elle connaissait par cœur. Les nécromanciens étaient coriaces, la blonde se tenait face à Caeriel. La chasseuse balaya la pièce des yeux, il n'y avait plus de trace de Magnus.
Les crocs d'un loup claquèrent au-dessus de la gorge de Silas, il le maintenait à distance de justesse. La mâchoire tentait de dévorer sa pomme d'Adam. Le chasseur était épuisé, sa magie le vidait de ses forces.
– Arrête ! hurla Iseult.
Son esprit heurta celui de la créature qui vacilla. Il cessa de bouger, ses yeux rouges vriller sur elle. Sa tête se baissa en un gémissement. Elle appuya plus fort sur son esprit malléable pour qu'il cesse. Cela laissa le temps nécessaire à Audrick de le transpercer.
– Bien jouer, la félicita Beorn.
– Magnus n'est plus là, répondit-elle en cherchant le créateur de ces monstres.
– Je sais, fit-il en serrant les dents, prépare-toi à soigner ceux qui doivent l'être.
Elle hocha la tête, ils étaient venus à bout de la plupart de leurs adversaires.
– Ces vampires n'ont aucune expérience, souffla Judith en brisant la nuque de l'un d'eux.
– Tu n'es même pas décoiffée ! s'insurgea Harmonie.
Avec un immense sourire, la vampire agita sa chevelure.
– Il ne manquerait plus que ça !
Iseult aurait pu sourire à un autre moment. Leurs amis avaient sûrement besoin de ces conversations pour supporter la pression, de son côté il lui fallait de la concentration. Son regard capta une ouverture au fond. Elle voulut l'indiquer à Beorn mais il combattait de nouveau. Son esprit vacilla, une douleur vrilla ses tempes. Il fallait qu'elle aille voir. Cette certitude tournait dans son esprit bien qu'elle sache qu'elle devait prévenir quelqu'un. Ses jambes se dirigèrent vers le trou dans le mur qu'elle distinguait plus loin. Elle secoua la tête, elle devait se reprendre. Dans ce chaos personne ne prêtait attention à elle.
Les mains de la guérisseuse se serrèrent autour de son arme alors qu'elle s'engouffrait dans l'ouverture. Elle retint son souffle jusqu'à déboucher sur une autre salle, moins spacieuse mais entièrement recouverte de rune. La pression sur son esprit et sur son cœur se fit plus forte. Magnus se tenait là, il allumait des chandelles, la tranquillité dont il faisait preuve était inquiétante. Dans un coin, elle vit une nouvelle créature, un vampire à la stature imposante dont la poitrine se soulevait comme s'il respirait réellement.
– Notre plus belle œuvre, se vanta le nécromancien, un vampire de trois-cents ans. A côté, les autres ne sont que des êtres insignifiants.
– Vous allez perdre, fit-elle la bouche pâteuse et la vision floue.
– Notre projet ne se résume pas à nos vies Iseult, lâcha-t-il dans un souffle déconcerté, tu es trop faible pour lutter. Ton esprit est malléable.
– Je... vous ne pouvez...
Un cri et elle tomba à genoux. Son arme roula sur le sol. Ses mains s'appuyèrent sur ses tempes. La douleur vrilla dans sa tête. Il semblait qu'on lui arrachait ses pensées une à une pour les mélanger. Cela était aussi douloureux que si on lui avait coupé un membre. Quand la pression se relâcha elle reprit son souffle.
– Vous n'êtes pas un mage de l'esprit, murmura-t-elle.
– Moi, non, mais lui oui.
Il désigna une silhouette. Avec un rictus amusé, l'homme qu'elle avait tué plus tôt se tenait devant elle. Vivant et en forme. Elle déglutit et ses yeux clignèrent.
– Impossible, souffla-t-elle d'une voix blanche.
– Difficile mais pas impossible, railla Magnus. Ah ! Voilà notre dernier invité !
Il lâcha l'allumette avec laquelle il allumait ses bougies. Un corps tomba à côté d'Iseult, elle reconnut Atlan, le visage barbouillé de sang. Il avait été mordu à plusieurs endroits. L'une de ses jambes formait un angle non naturel, il gémissait sur le sol en proie à la douleur. La guérisseuse se précipita, plaçant ses mains sur l'une des blessures.
– Je vais te soigner, marmonna-t-elle.
Magnus s'accroupit de l'autre côté du corps d'Atlan. Les mains accrochées à la tunique de celui-ci, Iseult le tira en arrière. Mais la lame du nécromancien tranchait déjà la gorge de son compagnon d'arme. Les larmes roulèrent sur ses joues alors que la rage s'insinuait en elle, déchirante. Sa magie palpita dans ses veines, la mort fraiche de son ami éveillait des pulsions qu'elle ne connaissait pas. Elle se raccrocha à lui. Son corps tremblait, prit de soubresauts incontrôlables.
– Laisse ta magie déborder, souffla le nécromancien, laisse-là te prendre tout entière.
De fureur, elle bondit sur lui. Ses doigts se refermèrent sur la garde de la dague à sa ceinture. Magnus referma sa main autour de son poignet. Iseult fit pression pour enfoncer le poignard dans sa trachée. Elle voulait qu'il meure. Il méritait de souffrir. De rendre son dernier souffle. L'air devint plus lourd. Sa main libre lui saisit la gorge pour l'étouffer voyant qu'elle ne pouvait pas lutter contre sa force. Iseult souleva pour lui cogner le crâne contre le sol. Il se mit à rire. Les veines de sa main devinrent noires, la guérisseuse regarda ses doigts contractés autour du cou du nécromancien. Sa magie s'insinuait en lui, du sang coulait de son crâne mais il y était indifférent.
– ISEULT ! NON !
L'ordre de Nathaniel ne parvint pas à l'atteindre. Elle l'entendit mais son pouvoir continua de couler sur Magnus dont les yeux étaient révulsés.
– Vas-y ! Déchaine-toi ! ordonna-t-il d'une voix hachée.
Des bruits de combat lui parvinrent. La créature au fond de la pièce commença à se mouver quand Nathaniel s'approcha d'eux, bloqué par le mage de l'esprit. Iseult fixa Magnus dans les yeux. Le visage de l'homme se gangrénait de noir, la magie de la mort prenait ses veines petit à petit.
– Merveilleux... si pur... souffla-t-il extatique.
Elle ne remarqua pas que son poignet était de nouveau libre et que le nécromancien tenait dans sa main son poignard. Quand la lame s'enfonça une première fois dans sa côte de maille, elle cligna des yeux. La seconde, elle hoqueta. Iseult cligna des yeux. La main de Magnus collée à ses côtes. Il enroula ses doigts autour de sa nuque pour maintenir le contact.
– Je prendrais soin de tes pouvoirs, murmura le nécromancien, ainsi que de ton amant.
Il appuya plus fort, le sang coulait le long de sa main. Le corps d'Iseult trembla. La douleur lui fit fermer les yeux. La douleur était si vive qu'elle ne parvenait plus à la ressentir, pas plus qu'à réfléchir. Son esprit était perdu dans un épais brouillard. Elle ne voyait plus rien que le sourire satisfait et vainqueur du mage. C'était donc ainsi qu'elle allait mourir ?
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