Chapitre 12
Ils avaient quitté le village depuis deux jours et devaient arriver chez Nathaniel dans la nuit. Iseult parlait assez peu, mais son compagnon de route ne s'en formalisait pas. Cela ne les empêchait pas d'échanger de temps à autre. La jeune femme se sentait encore coupable, lorsqu'ils étaient partis, Morgan était encore en colère et ne lui avait pas adressé la parole. Quand elle avait tenté de lui parler, il s'était détourné d'elle, elle espérait qu'il serait calmé à son retour. Nathaniel profitait du voyage pour lui en apprendre plus sur ses dons de nécromants, la chasseuse devait bien reconnaitre que cela était plus passionnant que ce qu'elle lisait dans les livres. Leur voyage était calme et elle prenait plaisir à chevaucher aux côtés du vampire, il était d'une humeur joyeuse et essayait de lui retirer la morosité de Morgan de l'esprit. Ils prenaient peu de pauses, Iseult voulait arriver au plus vite, voyager de nuit ne la rassurait pas.
Nathaniel arrêta sa monture, par prudence, Iseult posa la main sur son arme, prête à dégainer. Le vampire glissa de sa selle et lui offrit l'un de ses grands sourires.
– J'avais besoin d'une pause, annonça-t-il.
– Je croyais que les vampires ne ressentaient pas la fatigue, fit remarquer Iseult.
– Mais ils ressentent la lassitude très chère.
Elle leva les yeux au ciel, elle commençait à s'habituer à son caractère frivole. Nathaniel tira sa monture par la bride, vers la forêt, la jeune femme fronça les sourcils.
– Où vas-tu ?
– Il y a un lac non loin d'ici, j'ai envie d'y aller, répondit le vampire.
– Ne devrions-nous pas nous dépêcher ? Caeriel nous attend, sans compter qu'il faut que nous soyons là-bas avant la nuit ça ne me semble pas raisonnable de...
Sa phrase n'était pas encore terminée que Nathaniel lui faisait un signe de la main pour lui annoncer qu'il y allait quand même.
– Il ne nous reste que trente minutes de route, détends-toi, il ne nous arrivera rien et je te promets de ne pas brûler au soleil.
Iseult laissa échapper un profond soupir. Elle serait bien restée sur la route, mais y être seule ne la rassurait pas. Elle mit donc pied à terre pour le suivre. L'endroit lui était inconnu, aussi resta-t-elle près de Nathaniel. Les arbres commençaient à perdre leurs feuilles et l'air était frais, elle se demandait ce que le vampire avait en tête pour agir de manière aussi impulsive, jusque-là il paraissait raisonnable. Ils débouchèrent sur un petit lac entre les arbres, il semblait peu profond et Iseult vit quelques ombres de poissons sous la surface. Elle leva les yeux vers Nathaniel pour lui demander ce qu'il comptait faire, au lieu de quoi, elle resta bouche bée tandis qu'il retirait sa veste.
– Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.
– Je vais me baigner.
– Nous sommes en plein milieu de la nuit, fit remarquer Iseult, un sourcil arqué.
– Je ne peux pas le faire de jour, répondit Nathaniel.
Il fit passer sa chemise par-dessus sa tête et la chasseuse s'empourpra. Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait un homme nu, elle prenait ses bains avec les autres chasseurs. Cette fois, néanmoins, elle ne put s'empêcher de jeter un œil au corps de Nathaniel. La guérisseuse se força à se détourner, par respect plus que par pudeur.
– Tu te joins à moi ?
– Il fait froid, fit-elle.
– La seule chose qui est froide c'est le ton que tu emploies, releva Nathaniel avec un clin d'œil.
– Tu oublies ton corps, nota la jeune femme.
– Il te plait ?
Comment se faisait-il qu'il ait toujours réponse à tout ? Et qu'il parvienne avec tant de talent à la mettre dans l'embarras. Elle resta donc silencieuse, préférant ignorer cette provocation.
– Alors ? finit-il par demander.
– Je n'ai pas à répondre.
– Je parlais de ma première question, tu viens à l'eau avec moi ?
Iseult s'empourpra de plus bel, Nathaniel avait un don tout particulier pour se jouer d'elle. Dire qu'elle l'avait trouvé plutôt calme tout le reste du trajet, en quelques minutes il venait de la déstabiliser.
– Si tu ne veux pas, ce n'est pas grave. C'est juste dommage de louper ça parce que tu n'es pas cap de sauter à l'eau.
– Tu crois que je n'en suis pas capable ? demanda-t-elle d'un air outré.
– Tu n'es pas la personne la plus spontanée qui soit, nota le vampire.
Sur ces mots, il plongea dans le lac, quand il en ressortit de l'eau dégoulinait de ses cheveux. Il secoua la tête.
– Je peux être spontanée ! protesta Iseult.
– Laisse-moi deviner, un jour tu as prié Felÿa le matin et Hëlia l'après-midi plutôt que l'inverse.
S'il la provoquait, cela fonctionnait beaucoup trop bien. Piquée au vif, la chasseuse défit les attaches de sa cape. Ses vêtements tombèrent sur le sol, et elle ne garda que sa chemise de corps. Elle frissonna quand une brise fraiche souffla, Iseult jeta un regard noir à Nathaniel qui la contemplait, amusé. Parfois, il fallait savoir se jeter à l'eau. La chasseuse ferma les yeux et sauta dans le lac, mieux valait qu'elle n'y entre pas progressivement, sinon elle n'irait jamais. L'eau glacé se referma sur elle, et Iseult eut l'impression de s'enfoncer dans une masse d'aiguilles qui venaient piquer sa peau.
– Elle est gelée ! hurla-t-elle.
– Je n'ai jamais dit qu'elle était chaude, fit Nathaniel.
Pour toute réponse, elle lui envoya une gerbe d'eau, qu'elle se reprit ensuite. Iseult battit des mains pour arroser Nathaniel qui se défendait. Quand il plongea sous l'eau, elle le sentit la frôler, il tira sur sa cheville pour l'immerger et elle eut tout juste le temps de prendre une grande inspiration. Il la relâcha presque aussitôt. Lorsque sa tête fut hors de l'eau, Iseult sauta sur le dos du vampire dans l'espoir de le faire basculer, il ne bougea même pas.
– Nous pouvons rester comme ça longtemps, lui dit-il.
La chasseuse souffla de désespoir. Ce que c'était frustrant. Elle ne bougea pas et Nathaniel ne fit rien pour la dégager. Il caressa son bras tandis qu'elle s'accrochait encore à son cou. Son contact était agréable, en cet instant il lui semblait que ses problèmes s'étaient volatilisés. Elle frissonna et ses dents se mirent à claquer, elle ne s'était pas rendu compte qu'il faisait si froid.
– Tu es glacée ! remarqua Nathaniel.
– Ca te va bien de dire ça.
Iseult tremblait comme une feuille, il lui semblait que son corps faiblissait. Les mains du vampire agrippèrent ses jambes et elle resserra sa prise autour de son cou quand elle le sentit bouger. Il rejoignit le bord du lac et elle ne protesta pas quand il s'extirpa de l'eau tandis qu'elle était encore sur son dos. Le froid sembla encore plus mordant. Nathaniel la posa sur le sol, elle enroula ses bras autour d'elle dans l'espoir de se réchauffer. Elle vit le vampire aller vers les chevaux, d'un des sacs de selle, il extirpa une couverture et une chemise sèche.
– Il faut que tu te changes.
Avec délicatesse, il l'aida à retirer son sous-vêtement pour enfiler l'autre, pour ensuite l'enrouler dans la couverture. La chaleur l'enveloppa et elle se sentit un peu mieux. Nathaniel remit ses propres vêtements pendant qu'elle essayait de se rhabiller. Ses chaussettes épaisses ainsi que sa veste l'aidèrent à réchauffer son corps, tout comme la cape qu'elle passa sur ses épaules, bien qu'elle remît la couverture une fois habillée. Le vampire s'approcha pour l'aider à monter en selle, ses membres étaient engourdis et elle eut du mal à se hisser sur sa jument.
– Tu veux que je monte avec toi ? demanda Nathaniel.
– J'ai juste froid, je peux encore monter à cheval, répondit-elle. Mais je croyais que les vampires préféraient leur proie quand elles avaient le sang chaud.
– Je note que l'humour te vient quand tu es proche de l'hypothermie.
Il se mit à côté d'elle pour chevaucher. Iseult sentait que ses doigts étaient engourdis, comme tout le reste de son corps.
ͼ
Iseult fut soulagée de voir apparaître le domaine de Caeriel devant elle. Son corps s'était à peine réchauffé et ses doigts étaient crispés sur ses rênes. Cela allait faire trente minutes que Nathaniel lui parlait et la forçait à répondre pour s'assurer qu'elle ne s'endormait pas sur sa selle. La jeune femme trouvait cela touchant de sa part, ce n'était pas la première fois qu'elle souffrait du froid, lors de certains entrainements ils étaient amenés à affronter des températures extrêmes pour habituer leurs corps. Contre sa poitrine, elle sentait aussi son opale qui palpitait, comme un second cœur. Elle était chaude. Quand ils mirent pieds à terre, le vampire l'aida à descendre de sa selle, déjà de dehors elle entendait la fête qui avait lieu à l'intérieur.
– Je ne sais pas comment Judith fait pour ne pas se lasser, souffla-t-elle.
– Elle sait inventer de nouveaux jeux, et nous devons bien occuper notre éternité.
– Tu t'ennuies parfois ? demanda Iseult.
– Nous avons tous des périodes sombres, l'immortalité peut devenir insupportable. Il nous arrive de nous isoler pour ne blesser personne.
– Je comprends, je ne pourrais je ne sais pas si je supporterais de vivre éternellement, murmura la jeune femme. J'espère que ce n'est pas une remarque déplacée.
– Non, c'est même agréable à entendre. La plupart des humains nous supplie de les transformer.
La politique et les lois à ce sujet avaient été rédigées par Caeriel, la création des vampires était soumise à son aval. Il y avait eu des périodes dans l'Histoire où la population vampirique était devenue trop importante, c'est lors d'une de ces recrudescences que l'Ordre avait été créé. Iseult resserra la couverture autour d'elle, elle était heureuse de vivre à une époque où il y avait un équilibre et des lois qui protégeaient chacun d'entre eux.
Lorsqu'ils entrèrent, la chaleur de la demeure lui fit du bien. Ermeline vint les accueillir. Ses cheveux blonds étaient lâchés sur ses épaules et sa robe carmin dissimulait peu son corps. Ses yeux s'écarquillèrent.
– Que s'est-il passé ? demanda-t-elle en s'approchant.
Sa main se posa sur la joue d'Iseult, elle tressaillit.
– Par tous les dieux ! Tu es aussi glacée qu'un vampire, s'exclama la femme.
– Nous avons fait un plongeon dans le lac, je crois que ce n'était pas une très bonne idée, expliqua Nathaniel.
– Encore une de tes brillantes idées, fit Ermeline en fronçant les sourcils. Sache ma chère, qu'il ne faut jamais suivre ses lubies. Il oublie que le corps humain n'est pas aussi résistant que le sien.
– Tu ne t'en plains pas toujours, répondit-il avec un sourire malicieux.
Ermeline arqua un sourcil et sa main saisit celle d'Iseult.
– Nous allons te mettre bien au chaud, pendant qu'il va prévenir Caeriel de ta présence.
Iseult fut étonnée de la familiarité avec laquelle elle s'adressait à Nathaniel. De ce qu'elle savait, les sources étaient comme des serviteurs pour les vampires. Cependant Ermeline s'adressait à l'homme comme s'il était son ami, ce qu'il était sûrement. Passer autant de moments intimes avec une personne, cela créait des liens, comme entre elle et Morgan.
Avec empressement, Ermeline la fit asseoir devant la cheminée de la chambre que Caeriel lui avait attribué lors de sa première visite. Iseult remarqua des livres sur le bureau, ainsi qu'un nécessaire pour écrire. De l'armoire, l'amie de Nathaniel extirpa une chemise de nuit sèche avec des manches longues, ainsi que des bas en laine.
– Je vais te faire préparer un bain, mais il faudra que tu attendes d'être réchauffée avant d'y entrer.
Iseult hocha la tête, peu habituée à ce que l'on s'occupe d'elle de cette manière. Une fois seule dans la chambre, elle se leva pour en faire le tour. L'armoire avait été remplie avec des chemises propres, ainsi que des pantalons et des vestes. Il y avait aussi quelques robes et des vêtements de nuit. Caeriel semblait avoir pensé à tout pour son confort, il avait compris ses goûts.
Une servante entra avec ses affaires, Iseult balbutia des remerciements, honteuse d'avoir oublié ses sacs. Elle entreprit de ranger ses affaires avec le reste.
– Nathaniel m'a raconté votre mésaventure, fit Caeriel qui se tenait sur le pas de la porte.
– Je l'ai suivi de mon plein gré, ne le blâmer pas.
– Ce n'était pas mon intention, je ne crois pas que tu sois une personne que l'on peut forcer à faire quelque chose contre son gré.
– En effet, même si ce n'était pas mon idée la plus brillante, remarqua la jeune femme.
– Il faut profiter de sa jeunesse. Tu as peu d'occasion de t'amuser, surtout en ce moment.
Par réflexe, elle passa la main sur son opale, cette dernière était brûlante, ce qui lui arracha une grimace.
– Elle est chaude depuis que je me suis baignée, expliqua-t-elle. Je crois que cela à avoir avec sa magie.
– C'est une partie de toi à présent, elle réagit aux attaques extérieures, comme le froid, répondit Caeriel. Nous avons encore beaucoup de chose à découvrir sur ta magie Iseult, alors, repose toi ce soir et nous reprendrons l'entrainement dès demain.
Sur ces mots il la salua avant de s'en aller. La jeune femme ramena des coussins devant la cheminée pour pouvoir s'asseoir sur le sol, elle se mit en tailleur et posa un livre sur ses genoux. Depuis qu'elle était allé chez Morgan, elle n'avait pas eu le temps de s'entrainer à la nécromancie, ni de continuer des ouvrages sur le sujet. Beorn leur avait confié plusieurs missions, ils avaient aussi entrainé les apprentis et avait expliqué aux plus jeunes le fonctionnement de l'Académie. Elle se remémora l'expression de Tristan, le frère de Morgan, lorsqu'il était arrivé. Ses yeux pétillaient et il courrait partout, il serait difficile à canaliser mais sa joie de vivre compensait son manque d'attention.
Plusieurs serviteurs passèrent pour remplir le bain dans une alcôve fermée par des rideaux. Iseult les remercia, elle aurait pu le faire seule mais n'en avait pas le courage.
– Je t'apporte ton repas, lui dit Nathaniel.
Il tenait un plateau entre ses mains qu'il déposa devant elle. La guérisseuse regarda le bol de soupe fumant accompagné d'un pain qui semblait sortir du four, elle salivait d'avance.
– Merci, ça à l'air délicieux.
Le vampire s'était changé, ses cheveux étaient de nouveau mouillés et elle supposa qu'il était allé prendre un bain. Iseult ramena le plateau vers elle pour commencer à manger, jusque-là elle ne s'était pas rendu compte qu'elle mourrait de faim.
– Au fait, je n'ai pas eu l'occasion de te féliciter, lui fit-il avec un geste vers sa bague de fiançailles.
– Oh, merci, répondit Iseult avec un sourire.
Alors qu'elle croquait dans un morceau de pain il pencha la tête sur le côté, la manière qu'il avait de la fixer la fit rougir.
– Qu'est-ce qui se passe ? demanda la chasseuse.
– Je me disais juste que tu n'avais pas l'air transportée de joie, je me trompe ?
Iseult baissa les yeux sur son bol et commença à remuer sa soupe.
– Morgan m'a fait sa demande, mais tout va un peu vite pour moi je crois. Il parle déjà d'avoir des enfants, soupira la jeune femme.
– Et, c'est ce que tu veux ?
– Il a toujours été présent pour moi, il veut qu'on se marie depuis un moment déjà. Je suppose que les enfants sont la suite logique. C'est un mariage avantageux, la mère de Morgan m'adore et ses frères aussi. J'aurais une famille et...
– Je t'ai demandé ce que toi tu voulais, l'interrompit Nathaniel.
Sa bouche s'ouvrit, prête à répondre, mais il lui fallut un peu de temps pour trouver ses mots. Elle se rendait compte qu'elle n'y avait jamais réfléchi et qu'on ne lui avait jamais posé la question.
– Je ne pense pas, enfin, pas tout de suite en tout cas. Je voulais juste que l'on fasse notre devoir et nos missions. C'est égoïste, mais parfois j'aimerais qu'il ne m'ait jamais fait sa déclaration.
– Tu l'aimes ? demanda le vampire tandis qu'elle grignotait un morceau de pain.
– Oui, bien sûr. C'est mon meilleur ami, répondit-elle.
– C'est mieux que pour beaucoup de mariage, mais est-ce que cela te suffit ? Je veux dire, à l'inverse de beaucoup, tu as le choix sans compter que tu ne sembles pas si heureuse que ça.
Elle aurait aimé pouvoir le contredire mais Nathaniel avait raison, elle n'était pas heureuse. Plus ils avançaient dans leur relation, plus elle se sentait oppressée. Tout était bien plus facile lorsqu'ils n'étaient que des jeunes apprentis dont le seul but était d'avoir les meilleurs résultats lors des entrainements. Sans compter qu'elle aurait aimé pouvoir se concentrer sur le problème de la nécromancie plutôt que devoir s'occuper de son partenaire.
– Tu as l'air de t'y connaitre en mariage, fit Iseult pour détourner l'attention.
– Bien sûr, j'ai été marié une vingtaine de fois, lui dit Nathaniel tout sourire.
La soupe qu'elle avalait la fit tousser, elle ne s'était pas attendue à une telle réponse. Le vampire éclata de rire.
– Je plaisante, reprit-il, je n'ai été marié qu'une fois, quand j'étais encore humain.
– Tu étais heureux ?
– Pas plus qu'un autre. C'était un mariage arrangé par nos parents, j'étais fils de marchand. Mon père voulait étendre son commerce, c'était la solution la plus simple. Je n'avais aucune envie de ça, elle non plus, nous nous sommes donc rendus mutuellement malheureux.
– Qu'est-elle devenue ? Enfin, je veux dire, tu as l'air d'avoir été transformé jeune, fit-elle en le désignant.
– J'ai la chance d'être resté jeune et beau, répondit Nathaniel en passant une main dans ses cheveux. Plus sérieusement, elle s'est remariée après ma mort, et elle a été plus heureuse je crois.
Cela semblait le soulager lorsqu'il en parlait. Iseult se retint de demander comment Caeriel s'était trouvé à le transformer. Elle n'était pas certaine que ce soit une question à poser à un vampire.
– Tu peux me poser toutes les questions que tu veux tu sais, fit-il comme s'il lisait dans ses pensées.
– Je ne veux pas être indiscrète.
– Je me mêle de ta vie, donc tu peux te mêler de la mienne.
– Que s'est-il passé ? Comment as-tu été transformé ? demanda Iseult.
– Caeriel m'a proposé de le faire après ma tentative de suicide, qui aurait été réussie s'il ne m'avait pas changé, précisa le vampire.
Iseult n'osa pas intervenir, elle regarda le fond de son bol. Nathaniel semblait réfléchir à ce qu'il allait dire et comment il allait le dire.
– C'était une période où nous étions beaucoup en guerre, moi et quelques autres garçons de mon âge avons voulu échapper à notre devoir militaire. Nous sommes donc restés chez nous, sauf qu'un jour des troupes ennemis ont infesté le territoire. Nous n'étions ni très intelligents, ni très vaillants. Alors nous nous sommes cachés dans un temple, sans savoir ce que prévoyait nos assaillants, ils ont enfermé les gens de notre village dedans, par chance ma femme n'était pas là, et ils ont mis le feu.
Les yeux de la chasseuse s'écarquillèrent.
– Tu as survécu à ça ? s'exclama-t-elle.
– Malheureusement, je me suis extirpé alors que tout s'effondrait. J'ai eu beaucoup de chance, il y a eu deux ou trois autres survivants. Nous étions tous brûlés, je souffrais le martyr et je ne ressemblais plus à rien. Ma femme en est venue à me détester et à me le faire comprendre. J'ai fini par ne plus en pouvoir, et j'ai sauté d'une falaise. Caeriel m'a vu, il était avec Judith, mon corps était brisé sur les rochers et il m'a expliqué les choses avec calme. J'ai accepté. La transformation guérit et régénère le corps, nous n'avons aucun défaut, aucune cicatrice.
Iseult sentit les larmes lui monter aux yeux tandis qu'elle écoutait son récit avec attention. Il ne parlait pas de ce qu'il avait ressenti ou de comment il se sentait, mais elle le devinait sans peine. Pourtant, elle sentait plus de la nostalgie et une pointe de tristesse que le désespoir. Elle n'imaginait pas toute la souffrance que cela avait pu être de traverser une telle épreuve.
Après cela, ils restèrent silencieux tandis qu'Iseult terminait son repas. Elle bailla à plusieurs reprises, rompue par la nuit qu'elle venait de passer et les autres nuits à chevaucher.
– Je vais te laisser dormir, lui dit Nathaniel.
Quand il se leva, elle fit de même et déposa le plateau sur le bureau. Elle ne se sentait pas de prendre un bain tout de suite, elle le garderait pour le lendemain. Son regard se posa sur le lit, elle n'était pas habituée à dormir seule et d'un coup cela l'effraya.
– Nathaniel, est-ce que tu peux... elle s'interrompit avant de terminer sa phrase.
– Oui ? Dis-moi.
– Non, rien désolé, bonne nuit.
Le vampire hocha la tête, il prit le plateau pour aller le ramener aux cuisines. Iseult retira la couverture de ses épaules et l'étala sur le lit. Quand elle plongea entre les draps chauds elle se sentit soulagée. Puis elle ferma les yeux, et le sommeil lui échappa, elle se tourna plusieurs fois dans le lit, frustrée de ne pas réussir à dormir. Après quelques minutes, elle sentit une présence, sans être effrayée, elle se redressa.
– Tu voulais me demander de rester ? Non ? souffla Nathaniel qui s'était rapproché du lit.
– Oui, murmura la jeune femme.
Le vampire se glissa à ses côtés, tout en restant au-dessus des draps.
– Je ne veux pas que tu perdes ta nuit pour moi, finit par dire Iseult.
– Ce n'est pas le cas, alors, dors tranquille.
Rien que sa présence auprès d'elle lui permit de se sentir soulagée. Ils ne se touchaient pas et elle ne l'entendait pas feindre une respiration. Avoir une personne à ses côtés était devenue une habitude qu'elle peinait à perdre. Après plusieurs minutes, Iseult commença à sentir le sommeil l'emporter.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top