Chapitre 10

Les prisons étaient l'endroit où Iseult détestait le plus aller. Les supplications des détenus ainsi que l'odeur et la misère qui y régnaient lui donnaient la nausée. Ils étaient dans une bourgade à quelques lieues de Riftha, Beorn leur avait confié la mission de juger les prisonniers selon leurs crimes. En tant que chasseurs ils étaient parmi les plus hauts gradés de l'armée, leur rôle aurait pu n'être que de chasser les créatures, mais ils avaient d'autres prérogatives et les jugements pouvaient en faire partie. Le village où ils avaient échoué était à la bordure du territoire des vampires, le bourgmestre leur avait expliqué que les prisons étaient pleines et qu'il ne pouvait pas prendre l'initiative de leur libération ou leur exécution sans l'intervention d'un supérieur hiérarchique. La veille, elle avait donc feuilleté tous les dossiers des prisonniers tandis que Morgan nettoyait leurs armes. Depuis sa demande en mariage, elle avait craint qu'il ne change de comportement. Or cela n'avait pas été le cas. Il était plus enjoué qu'à l'accoutumée, mais leur relation était la même, ce qui la soulageait.

Le garde les conduisit dans une petite pièce où ils pourraient rencontrer les prisonniers et les interroger. Iseult rajusta sa queue de cheval, et déposa son épieu près de son siège. L'endroit empestait le tabac à pipe ainsi que l'humidité. Il faisait un froid de canard et elle dut faire un effort pour ne pas claquer des dents. Le temps commençait à se rafraîchir et dans deux mois tout au plus certaines campagnes seraient recouvertes de neige. Iseult ne dépréciait pas l'hiver, néanmoins cela était bien moins agréable lorsqu'ils partaient à la chasse. Elle s'encouragea pour rester digne, le garde les avait laissés seuls, ils s'assirent sur deux chaises bancales qui faisaient face à une autre. Morgan se pencha et lui embrassa la tempe.

– Promis, je te réchaufferais ce soir, susurra-t-il à son oreille.

– C'est gentil de te proposer pour faire le feu, s'amusa Iseult avec un sourire narquois.

– Je ne peux pas laisser ma fiancée mourir de froid, continua Morgan sur le même ton.

Il avait déposé sa main sur la cuisse de la jeune femme, repoussant le pan de sa cape. Il la remonta et elle serra les jambes en lui faisant les gros yeux.

– Morgan ! rouspéta-t-elle tandis qu'il éclatait de rire.

– Tu gardes la pudeur des prêtresses d'Hëlia, ricana son partenaire.

– Nous verrons ça ce soir, fit-elle en repoussant sa main.

– Est-ce une promesse ?

– C'est une évidence.

Un instant, ils se contemplèrent, puis la porte s'ouvrit et leurs sourires disparurent. Iseult avait disposé le registre devant eux afin qu'il puisse y revenir pour leur interrogatoire. Le garde fit s'asseoir leur premier prisonnier, ses chaines furent accrochées à deux anneaux scellés au sol. Ses cheveux pendaient sur son visage émacié, la jeune femme croisa le regard vide de l'homme. De ce qu'elle avait lu, il avait passé deux années enfermé dans l'attente de son jugement. Le village ne s'était pas pressé pour faire appel aux mages. Iseult ravala le sentiment d'empathie qui l'étreignait et se força à garder un visage neutre.

– Vous avez volé et menacé un commerçant, commença Morgan, vous avez dit que vous vouliez nourrir votre famille. Est-ce bien cela ?

Le prisonnier renifla, ses épaules se redressèrent, il tenta de se composer un nouveau visage plus assuré.

– Qu'est-ce que ça peut faire maintenant ? demanda l'homme dans un souffle. Je n'ai plus rien.

– Nous pouvons décider de vous libérer, expliqua Iseult. Vous pourrez ainsi retrouver votre famille.

– Mon épouse est morte, et ma fille est partie. Même si je sors, qu'est-ce que j'y gagnerais ? Je n'ai plus que ces guenilles.

– Vous voulez donc rester enfermé ici, déclara Morgan en jouant avec la plume qui leur servait à écrire.

Sa désinvolture était palpable, Iseult lui jeta un regard, son partenaire s'ennuyait. Pour lui, tout cela n'avait pas d'intérêt et n'était qu'une besogne. Il avait toujours préféré l'action à l'administratif.

– Si vous sortez, vous aurez des vêtements propres, ainsi qu'un peu d'argent, pour vous aider. Vous pourrez aller retrouver votre fille, fit Iseult avec compassion.

– Elle ne voudra plus de moi... c'est terminé... je préfèrerais mourir. C'est mieux que la honte d'être enfermé ici.

Le cœur de la chasseuse se serra. Elle croisa ses mains sur la table, l'homme n'était que vide et tristesse. Avec un effort, elle ravala ses larmes.

– Nous rendrons notre jugement en fin de journée, conclut Morgan.

Il fit revenir le geôlier qui emmena le pauvre homme sans ménagement. D'un geste discret, Iseult essuya une larme qui roulait sur sa joue. La main de Morgan se referma sur sa jambe d'un geste tendre. Avec douceur, il lui souffla de ne pas se laisser submerger, il était une ancre à laquelle elle pouvait se raccrocher. D'un regard, elle le remercia tandis que l'on faisait entrer le prisonnier suivant, qui était une prisonnière. Iseult tressaillit, le corps de la femme tremblait, la guérisseuse n'eut aucun mal à ressentir sa détresse. Une envie soudaine de l'enserrer dans ses bras l'assaillit et elle s'en empêcha, la gorge nouée elle releva les yeux. Les gardes avaient dû lui couper les cheveux, ils étaient irréguliers et collaient à son visage. Ses vêtements étaient plaqués contre son corps et elle serrait les poings, chaque geste la faisait sursauter.

– Vous êtes donc là pour le meurtre de votre époux.

La voix de Morgan sortit Iseult de sa torpeur. La femme devant eux se mit à sangloter, les larmes roulaient sur ses joues crasseuses.

– Cela va faire un mois, et vous ne vous êtes toujours pas défendue.

– Si ! J'ai... ils... ils m'ont interrogé... murmura-t-elle.

D'une main, Iseult tourna les pages du registre et échangea un regard interloqué avec son partenaire. Rien n'avait été consigné, pourtant la chasseuse n'avait pas l'impression que leur interlocutrice leur mentait.

– Expliquez-nous ce qui s'est passé, fit Iseult avec douceur.

– Il... il était ivre... ce n'était pas la première fois... et... et... il s'est énervé... quand il a.... il m'a frappée... je me suis défendue... je ne voulais pas...

La prisonnière éclata en sanglots. Toute sa tristesse noua la gorge d'Iseult qui se força à déglutir pour reprendre contenance.

– Pourquoi s'est-il énervé ? demanda Morgan.

– Le repas n'était pas... Ce n'était pas tout à fait près... Je vous en prie... je ne...

– Vous avez tué un homme, l'interrompit le chasseur. Votre époux qui plus est.

– Nous serons obligés d'appliquer une sanction, intervint Iseult. Nous ferons en sorte d'être le plus juste possible.

Sa main s'était posée sur le bras de Morgan pour tempérer son manque d'empathie. Iseult se leva et contourna la table, elle prit le mouchoir qu'elle gardait dans la poche de son pantalon. Ses doigts se refermèrent sur l'avant-bras de la prisonnière pendant qu'elle essuyait ses larmes, elle sentit une douce chaleur remonter le long de son échine. Elle apaisa un peu des peines de la femme qui put reprendre son souffle. Ses dons de guérisseuses lui permettaient de soigner les blessures physiques, mais elle pouvait aussi agir sur les sentiments négatifs comme la tristesse. Après avoir fait usage de ses pouvoirs, elle se sentait la plupart du temps démunie, les émotions l'assaillant de toute part. Quand elle se redressa, Iseult fit de son mieux pour rester droite et regagner sa place, feignant de ne pas avoir envie de s'écrouler sous le poids d'une culpabilité qui n'était pas la sienne. Elle alla chercher le garde afin qu'il raccompagne la prisonnière, de ce qu'elle voyait sur le registre l'époux de la femme était lui aussi un soldat. Ses collègues avaient dû refuser de prendre la plainte de l'épouse, sa détresse était sincère, ils avaient dû s'amuser à la tourmenter.

Lorsqu'elle leva les yeux vers Morgan, le visage de ce dernier était fermé et il ne la regardait pas. Iseult retint un soupir, elle le connaissait assez pour savoir qu'il lui en voulait, il ne devait pas apprécier qu'elle soit intervenue de manière personnelle dans cette affaire. L'arrivée du geôlier avec un nouveau prisonnier l'empêcha de poser une quelconque question à son partenaire. Elle se concentra donc sur sa tâche, ils interrogèrent l'homme qui avait agressé un garde alors qu'il était en état d'ivresse. Puis les autres rencontres s'enchainèrent, pour la plupart il s'agissait de petits larcins comme des vols ou des agressions. Cela ne leur demanderait pas longtemps avant d'émettre un jugement. Ils reçurent ensuite les membres des familles de certains prisonniers, ceux qui avaient souhaité s'exprimer, afin de prendre leur défense. Cela s'avéra être le plus fastidieux et le plus épuisant, une mère vint défendre son fils à cor et à cri, un frère abattit son poing sur la table pour leur faire peur. Avec calme, Morgan lui avait demandé le calme s'il ne voulait pas terminer lui aussi en prison. D'autres furent plus timides et s'écrasèrent presque sur le sol pour les supplier.

Une fois que la dernière personne fut sortie, Iseult relut le registre. Ils allaient devoir noter leur jugement et le rendre au bourgmestre. Certains prisonniers s'en sortiraient avec une peine de prison, d'autres avec du travail en plus afin de dédommager le village et ceux à qui ils avaient porté préjudice. Ils gardèrent la prisonnière qui avait assassiné son époux pour la fin, Iseult savait qu'ils ne seraient pas d'accord sur le jugement à rendre, à l'inverse des autres qui leur avaient pris à peine quelques minutes le temps de trouver une peine juste.

– C'est un meurtre, elle doit être pendue, finit par dire Morgan.

Il passa une main dans ses cheveux avec nonchalance, le regard rivé sur le registre.

– Elle s'est défendue, son époux était violent, intervint Iseult.

– Elle peut avoir menti, nous ne pouvons être sûrs de rien.

– Les émotions ne mentent pas Morgan, j'ai senti toute sa détresse, fit-elle en posant une main sur la sienne.

– Tu as trop d'empathie, soupira-t-il.

– Nous pouvons alléger sa peine, ce n'était pas une rixe de taverne. Cet homme la battait.

– Ce n'est pas interdit, légalement une femme appartient à son époux. Le meurtre par contre est puni par la loi.

La jeune femme se recula. Morgan était parfois hors de toute réalité, elle connaissait la loi aussi bien que lui, voire mieux. Elle avait passé des heures à la bibliothèque pour apprendre chaque ligne afin de se préparer à ces éventualités. D'ordinaire, c'était elle qui était rigide sur les lois et le fait de les respecter.

– Cela présage de bonnes choses pour notre mariage, fit-elle avec un ton tranchant.

– C'est différent pour nous, tu le sais, dit Morgan qui s'était adouci. Iseult, nous devons rendre un jugement impartial.

– Est-ce que cela signifie que tu pourras lever la main sur moi sans que je puisse me défendre ?

– Je ne ferais jamais ça ! s'insurgea le chasseur. Comment peux-tu ne serait-ce qu'y penser ?

Il était blessé, Iseult ravala la bile qui remontait le long de sa gorge. Une part d'elle voulait s'excuser tandis que l'autre voulait faire comprendre à Morgan l'absurdité de ses pensées. Elle détourna les yeux, les mains serrées sur ses genoux.

– Morgan, je ne veux pas condamner cette femme à la potence alors qu'elle s'est défendue. Nous sommes la loi, nous rendons notre jugement avec impartialité tu l'as dit toi-même. Nous pouvons faire preuve de clémence.

Iseult était moins véhémente, elle espérait pouvoir adoucir Morgan en se calmant. Se crier dessus n'arrangerait rien et elle savait qu'elle finirait par perdre, face à lui elle rendait toujours les armes. Il se mettait dans une position de supériorité qui la faisait culpabiliser et elle regrettait chacune de leur dispute.

– Ils s'attendent à ce qu'elle soit pendue, son époux était un soldat, autrement dit un des leurs. Ils vont s'énerver et si tel est le cas, ça sera de ton entière responsabilité Iz.

– Très bien, je prends le risque, je refuse qu'elle meure. Cela ne signifie pas que je ne veuille pas lui imposer une peine.

Morgan hocha la tête, mais elle le sentit contrarié. C'était la première fois qu'elle parvenait à faire entendre son point de vue, il avait sans doute compris que cette fois elle ne lâcherait pas.

– Je propose deux ans d'emprisonnement, mais à Riftha, afin qu'ils ne s'en prennent pas à elle. Ensuite, elle devra travailler pour la ville durant un an avant d'être libre, proposa Iseult.

– Trois ans d'emprisonnement, et deux ans de travail, fit son partenaire.

– Très bien, je le note.

Elle prit la plume et commença à griffonner la sentence.

– Je te laisse terminer, j'ai besoin d'un bain et de repos, lança Morgan.

Il la laissa seule dans la pièce exigüe pendant qu'elle finissait de rédiger les sentences et les relisait. Il faudrait ensuite qu'elle les présente au bourgmestre afin qu'il applique chacune des peines notées sur le registre. Iseult soupira, elle n'aimait pas être en froid avec Morgan, elle discuterait avec lui, le soir venu.

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L'eau chaude lui fit le plus grand bien, Iseult avait attendu la fin du repas avant de s'y prélasser. Ils avaient un logement en ville, une petite chambre dans une auberge. Cela était confortable et on leur avait apporté de l'eau chaude ainsi que de quoi manger. Morgan s'était calmé lorsqu'elle était revenue dans leur chambre, ce qui la soulagea, son entrevue avec le bourgmestre avait fini de l'épuiser. L'homme avait contesté leur jugement, comme ils s'y attendaient, mais Iseult n'avait rien lâché. Elle était sa supérieure et à ce titre il n'avait pas à changer ce qu'ils avaient décidé. Elle tendit la main pour saisir une serviette dans laquelle s'envelopper pour sortir du bain, malgré le feu dans la cheminée, la jeune femme frissonna. Sa chemise de nuit l'attendait, réchauffé par les flammes. Assis sur le fauteuil, Morgan l'observait, elle pouvait sentir son regard sur elle et tout l'intérêt qu'il avait pour ce qu'elle était en train de faire. Un sourire étira ses lèvres, Iseult avait envie d'apaiser les tensions de la journée. Elle essora ses cheveux et se tourna vers son partenaire et fiancé, même si ce dernier qualificatif lui faisait toujours étrange.

La jeune femme termina de brosser ses cheveux avant de lancer un regard à Morgan qui était déjà retourné à sa lecture, les jambes étendues devant lui. Elle s'avança vers le chasseur, un sourire aux lèvres. Il était rare que ça soit elle qui vienne chercher une étreinte, ce soir elle en avait envie et besoin. Iseult passait trop de temps à se poser des questions. Elle se glissa sur ses genoux.

– Tu voulais quelque chose ? demanda le jeune homme avec un air faussement innocent.

Iseult prit le livre qu'il tenait entre ses mains, un sourire aux lèvres.

– Je ne t'ai jamais vu si concentré pour lire, constata-t-elle.

– Tu aimerais que je me concentre sur autre chose ? susurra Morgan à son oreille.

Ses mains glissèrent sur sa taille puis sur ses hanches, Iseult se pencha en avant pour s'emparer de la bouche de son partenaire. Il la rapprocha de lui, ses mains plaquées sur son dos. Elle appuya ses lèvres sur les siennes pour prolonger leur baiser, Morgan s'était décollé de son fauteuil pour qu'elle puisse enrouler ses bras autour de son cou.

– Que t'arrive-t-il aujourd'hui ? Tu es rarement aussi entreprenante, fit-il remarquer.

– Je n'ai pas le droit d'avoir juste envie de toi ?

– Oh si, autant que tu veux.

La guérisseuse sourit, son partenaire n'avait pas tort, elle venait rarement à lui comme il venait à elle. Au début, car elle était trop craintive, puis parce qu'il faisait le premier pas la plupart du temps et qu'elle s'y était habituée. Iseult fit courir ses doigts sur la nuque de Morgan, il frissonna tout contre elle et embrassa son cou avant de faire descendre ses lèvres sur le haut de sa poitrine. Elle dégagea ses cheveux d'un mouvement. Quand il revint vers ses lèvres, elle sourit puis fit glisser sa main sur la sienne pour s'en saisir.

– J'ai envie d'essayer quelque chose, murmura-t-elle les joues rouges.

– Ah oui ? demanda Morgan avec un sourire. Et qu'est-ce que c'est ?

Avec lenteur, Iseult fit remonter le bas de sa chemise de nuit. Ses discussions avec Laurÿane et Kyolan avaient parfois le don de la faire rougir, surtout lorsqu'ils abordaient leurs nombreuses conquêtes, mais cela avait le mérite de lui en apprendre plus sur l'acte sexuel et le plaisir. Jusque-là, elle laissait Morgan guider et faire ce qu'il désirait sans se soucier d'elle et de ses envies. Le souffle court et le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, elle guida la main de son amant jusqu'entre ses cuisses. Il le faisait toujours naturellement avant de la pénétrer, mais là, elle voulait plus que trois caresses comme lorsqu'elle s'occupait de lui et de son plaisir.

– Je crois que nous avons déjà essayé, plusieurs fois même, se moqua-t-il.

Ses doigts caressèrent son sexe avec plus de douceur qu'à l'accoutumée. Iseult se mordit la lèvre tandis que son bas ventre devenait plus chaud, une vague de douceur l'envahit.

– Cette fois je veux être au-dessus, souffla-t-elle à Morgan.

Elle glissa ses mains sous la tunique de ce dernier pour caresser son torse, il laissa échapper un petit rire.

– Les choses ne se font pas comme ça, Iz, répondit-il tandis qu'il glissait un doigt en elle. C'est à moi de guider.

Le plaisir grandissait et faisait brûler son bassin, elle eut un léger mouvement vers l'avant, puis elle se reprit. Ses doigts agrippèrent le poignet de Morgan pour l'éloigner.

– Qui a dit ça ? fit Iseult d'une petite voix.

Son partenaire poussa un profond soupir et déposa un baiser sur sa joue.

– Des années de pratique ? L'homme va au-dessus de la femme parce que c'est plus pratique et plus confortable.

– Ce n'est pas ce que dit Laurÿane, marmonna Iseult, contrariée.

– Parce que vous parlez de ces choses-là ?

– Bien sûr, tu en parles bien avec Lorkan et les autres.

– Nous sommes des hommes, c'est différent, fit son partenaire, lui arrachant un sourire.

– La seule différence c'est que vous avez un pénis. Nous faisons tout de la même manière, en quoi cela serait différent pour le sexe ?

Morgan semblait déstabiliser, ce qui l'étonna, il n'était pas le dernier à faire des blagues graveleuses quand ils étaient tous ensemble.

– Je ne sais pas ce que Laurÿane t'a mis en tête, mais si Lorkan apprend que j'ai...

– Je ne savais pas que Lorkan partageait notre lit, releva Iseult d'un ton acerbe.

– Iz, tu t'emportes pour rien, fit Morgan en caressant sa joue.

Elle repoussa sa main puis descendit de ses genoux, à la fois vexée et frustrée. Il lui agrippa le bras pour l'empêcher de s'éloigner.

– Tu veux m'épouser Morgan, mais à quoi bon, si tes désires passent toujours avant les miens ?

Il se releva et l'attira vers lui avec douceur, ses mains saisissant les siennes.

– Je veux que tu sois heureuse, tes désirs comptent pour moi. C'est simplement que je ne veux pas paraître faible.

– Faible ? Parce que tu es en dessous de moi ? Morgan, d'un, c'est absurde, et de deux, personne n'est obligé de savoir. Sauf si tu dois tenir un rapport régulier à Lorkan.

Dans son agacement, elle réussit à esquisser un sourire. Les apparences comptaient pour Morgan, elle le savait depuis le début. Il menait leur petit groupe, peu aurait contester ses ordres, c'est pour cela qu'elle savait qu'il finirait par devenir commandant. Néanmoins, parfois elle avait l'impression que cela le rendait idiot. L'Ordre, et même l'Académie, les éduquaient dans l'égalité la plus complète, il n'y avait pas une tâche qu'une fille ne faisait pas. Ils ne notaient les différences que lorsqu'il s'agissait de leurs dons et de leurs compétences individuelles. Kyolan était par exemple un excellent archer, là où elle était plus à l'aise avec des armes longues comme son épieu.

Iseult se détourna pour aller au lit, elle n'avait plus envie de continuer cette discussion absurde. À sa grande surprise, Morgan enroula ses bras autour d'elle.

– Très bien, essayons, si tu en as envie.

Elle se retourna pour le regarder, il faisait un effort, pour elle. Iseult eut un sourire et alla l'embrasser. Morgan recula vers le lit, ses mains sur ses hanches, il l'attira contre lui tandis qu'ils tombaient sur les draps. Allongée sur lui, Iseult ne put s'empêcher de le regarder avec attention, cela lui faisait se rappeler ce qu'elle aimait chez lui. Ses yeux dorés et l'envie qu'il avait de lui faire plaisir même quand ils n'étaient pas d'accord. Morgan lâchait rarement prise, et elle se satisfaisait de chacune de ses victoires. Les doigts d'Iseult glissèrent sous la tunique de son amant pour la lui retirer. Elle n'était pas certaines de ce qu'elle faisait, guider l'acte lui donnait un sentiment de maladresse. Quand elle se redressa, la chasseuse se débarrassa de sa chemise de nuit, la laissant tomber sur le sol. Dans le regard de Morgan, elle lut le désir, et le sentit aussi. Elle pressa un peu plus ses hanches contre les siennes, elle pouvait le sentir au travers de son pantalon. Il fit remonter ses mains le long de son corps pour caresser sa taille, puis ses seins, il les enveloppa entre ses doigts pendant qu'elle défaisait le lacet qui maintenait son pantalon.

L'habit glissa, l'obligeant à se mettre debout. Iseult observa Morgan, allongé sur le lit. C'était la première fois qu'elle le voyait ainsi, un frisson la parcouru, mélange de froid et de désir. Quand elle revint sur lui, elle l'obligea à rester allongé ce qui arracha un grognement à son amant. Il avait peu l'habitude d'être soumis à ses soins. Leurs corps pressés l'un contre l'autre, Iseult attendit avant qu'il ne la pénètre. Elle frotta son sexe contre le sien, plus lentement qu'il ne l'aurait fait, chaque friction faisant remonter une douce chaleur au creux de ses reins. Le geste était lent et agréable, Iseult mit ses mains de part en part du visage du chasseur, du bout des doigts il caressa sa joue, le souffle court.

– Tu es magnifique comme ça, dit-il tandis que son regard avait changé.

Morgan parlait peu quand ils étaient au lit, ce qui ne lui posait pas problème, néanmoins le compliment la fit rougir. Se penchant un peu plus en avant, Iseult l'embrassa. Ses doigts tremblants glissèrent entre eux, elle effleura d'abord le pénis en érection, puis le guida entre ses cuisses. Son partenaire poussa un gémissement, les mouvements de la jeune femme étaient plus lents que ceux dont il avait l'habitude, mais c'était un rythme qui lui convenait mieux à elle. Ses hanches ondulaient, elle ferma les yeux, les mains de Morgan étaient posées sur sa taille, il accompagnait chacun de ses mouvements. Elle sentait qu'il voulait la presser qu'elle aille plus vite, elle s'exécuta pour lui faire plaisir. Les papillons dansaient au creux de son ventre et elle se sentait perdre pied, sa bouche était sèche et elle se sentait pleine de désir.

Un cri de surprise lui échappa lorsque Morgan la renversa, sans peine, sur le côté, afin de la surplomber. Il lui fit un sourire mutin et vint l'embrasser alors qu'il revenait en elle avec des mouvements plus rapides. Iseult ne protesta pas, des gémissements lui échappèrent, pour la première fois il lui semblait avoir ressenti un semblant de plaisir. Le chasseur haletait au-dessus d'elle, il lui fallut quelques secondes de plus pour lâcher un gémissement de plaisir. Il trembla, et Iseult enroula ses bras autour de lui alors qu'il se laissait tomber sur le côté. Il vint embrasser sa joue.

– Ce n'était pas désagréable, souffla-t-il avec un sourire.

– Tu aurais dû me prévenir que tu allais me faire tomber, fit remarquer Iseult.

– Cela n'aurait pas été aussi amusant.

La main de Morgan caressa son corps et s'arrêta sur son ventre, elle sentit ses doigts chauds contre sa peau.

– Tu sais, je me dis que nous allons bientôt pouvoir penser à avoir un enfant. Tu prends encore tes herbes ?

Surprise par la question, Iseult ne put s'empêcher de le dévisager.

– Bien sûr, je n'ai pas pour projet d'avoir des enfants dans l'immédiat.

– Peut-être, mais nous devrions peut-être songer à essayer. Cela peut prendre du temps, souffla Morgan avec un sourire.

– Tout comme cela peut aller vite. Nous ne sommes même pas encore mariés, j'ai envie que nous vivions notre vie de chasseurs, c'est ce que nous avons toujours prévu.

– J'en ai discuté avec mon père, il dit que si tu es blessée durant une mission tu pourrais ne plus être capable d'enfanter.

– Cela peut arriver à n'importe quelle femme, pour le moment nous venons à peine de commencer. En plus, avec tout ce qui se passe, je n'ai pas envie de penser à ça, fit Iseult, déstabilisée.

– Je comprends que cela te paraisse précipité, mais nous devons y réfléchir.

La main de Morgan était encore sur son ventre, il vint se coller contre elle pour déposer un baiser sur sa joue.

– J'ai besoin de temps Morgan. Je comprends tes inquiétudes, mais nous sommes encore jeunes.

– D'accord, nous en reparlerons lorsque nous serons mariés, souffla-t-il.

D'un geste, il tira sur les draps défaits pour les envelopper dedans. Les yeux fixés au plafond, Iseult sentit une vague d'angoisse l'envahir. Jusqu'à présent elle avait préféré laisser le sujet du mariage de côté. Elle connaissait l'envie de Morgan d'avoir des enfants, mais elle s'imaginait attendre et se dire que cela viendrait aussi pour elle. Mais plus il parlait de ce mariage, plus elle se sentait étouffer. Il donnait l'impression d'avoir tout réfléchi, comme son père, et son avis n'était qu'une formalité dont ni l'un ni l'autre ne semblait avoir besoin. Iseult se força à prendre le temps de respirer, à ses côtés Morgan dormait déjà, elle s'extirpa de ses bras, ce qui le fit à peine réagir, et alla enfiler sa chemise de nuit. Elle avait besoin de prier pour remettre ses idées au clair, cela l'avait toujours aidée, Hëlia la réconforterait, comme une mère invisible.

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