1. REPOS FORCÉ (Partie IX)
Lorsque je regagnai la maison, j'étais dégoulinante. Furax, je claquai la porte d'entrée et fonçai dans ma chambre, mouillant au passage les marches en bois. Je commençai par prendre une douche avec l'espoir que la chaleur de l'eau me fasse redescendre. J'étais légèrement apaisée en sortant de la salle de bain, une serviette nouée autour de moi et une autre sur la tête.
Avantage non négligeable, ma chambre faisait face à la salle d'eau, si bien que je n'avais qu'à traverser le couloir pour récupérer mes affaires. La pièce était plongée dans la pénombre, reflet parfait de mon état d'esprit. Le ciel ne faisait que s'assombrir ces derniers temps et quelque chose me disait qu'une amélioration n'était pas au programme pour ceux à venir.
Soupirant un bon coup, je m'assis sur le bord du lit et ôtai la serviette de mes cheveux. Je les laissai retomber sur mes épaules avant de les ébouriffer. N'y tenant plus, j'entrepris d'ouvrir tous les rideaux et allumai la lumière — j'avais besoin d'y voir clair.
Je me sentis tout de suite un peu mieux. Je me dirigeai ensuite vers mon placard et y dénichai un débardeur violet ainsi qu'un pantalon noir — ma tenue pour aller dormir. J'ajoutai une veste de sport sombre trouvée dans la penderie. Je me démêlai finalement les cheveux et regardai le résultat dans le miroir. Ça ferait l'affaire.
Je restai, quelques instants, plantée devant la glace et me dévisageai avant de baisser la tête. J'étais idiote, j'en avais conscience, mais après tout, n'avais-je pas le droit de réagir de la sorte ? Comment pouvais-je gérer le fait de me retrouver toute seule à présent ? Peu importe, me répondit mon subconscient. Tu n'as pas le droit d'abandonner ton père.
Agacée, je m'allongeai en travers de mon lit et enserrai ma tête entre mes mains. Les yeux rivés au plafond, je m'interrogeai sur ce que je devais faire et surtout, sur la manière dont j'allais m'y prendre pour que Nate me pardonne.
À présent, il avait toutes les raisons de me rejeter, moi qui n'avais même pas voulu l'écouter. Je me redressai et laissai mon regard voyager sur les murs de ma chambre impeccablement rangée. L'ordre. Il fallait que je remette de l'ordre dans tout ça.
Prenant mon courage à deux mains, je redescendis au salon. La pièce était vide, mais je perçus du bruit en provenance de la cuisine. J'inspirai un bon coup et m'approchai de mon père, qui ne m'entendit pas arriver. Il était de dos, les bras appuyés sur le bord de l'évier. Était-il resté là pendant tout ce temps ?
— Papa ? appelai-je doucement.
Il sursauta, mais ne se retourna pas. Je le vis s'essuyer rapidement le visage avant de prendre le torchon qui traînait et de le suspendre à la poignée de la cuisinière.
— Est-ce qu'on peut parler ? enchaînai-je, voyant qu'il ne répondait pas.
— Tu y tiens vraiment ? s'étonna-t-il, une note de reproche dans la voix.
— S'il te plaît, l'implorai-je, réalisant à présent que je l'avais vraiment blessé. Je suis désolée, mais... tu dois comprendre. Avec l'enterrement et tout ça, j'accuse le coup.
— Je t'avouerai que je m'attendais à un peu plus de soutien, surtout de ta part, rétorqua-t-il en me faisant face et en croisant les bras sur sa poitrine. Je savais que Dane ne réagirait pas bien, mais toi, je pensais que tu saisirais pourquoi je n'ai rien voulu vous expliquer.
— En réalité, non. Non, je ne comprends pas. Je veux dire... je ne suis plus une petite fille, papa. Je suis à même d'entendre certaines choses, qu'elles soient difficiles ou non.
— Sois sincère, Leave, exigea-t-il tout à coup. Tu aurais mieux pris la nouvelle si je te l'avais annoncée il y a un mois de ça ?
Je ne répondis rien. Il avait raison. Un mois plus tôt, maman entamait sa dernière ligne droite. Comment aurais-je pu accepter que le destin s'acharne à nouveau ?
— Tu vois, triompha-t-il, sans méchanceté, cependant. Écoute, j'avoue que je n'ai peut-être pas pris la meilleure décision en choisissant de vous cacher la vérité, mais je l'ai fait uniquement parce que j'ai jugé que c'était la meilleure solution pour vous. J'ai fait ce que j'ai cru être juste et même si j'ai eu tort, je ne regrette rien. Parce que tu sais comme moi, qu'à partir de maintenant, tu ne vas plus me regarder comme avant. Tu vas sans cesse te faire du souci pour moi, tu vas t'inquiéter jour après jour, tu ne vas plus profiter de rien... Je n'ai pas raison ?
— Si, admis-je à contrecœur, le menton tremblant. Pardonne-moi, papa. Je... je...
À cet instant, je fondis en larmes. Mon père fit un pas dans ma direction, hésita un moment, puis me prit finalement dans ses bras. Je laissai libre cours à mon chagrin, si bien que je ne m'aperçus pas tout de suite qu'il sanglotait lui aussi. Je caressai doucement ses cheveux noirs et ravalai mes sanglots. Ce n'était pas moi qui étais censée pleurer, parce que ce n'était pas moi qui allais mourir. Non, cette fois, je ne serais pas celle qu'il faudrait consoler.
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