Rien ne tache et rien ne lave comme le sang
Rien ne tache et rien ne lave comme le sang
Joseph Roux.
Les jours suivants, L'ombre ne sortit de sa chambre que pour manger avec Adrian ou courir avec Alof le loup de Steeve, le premier Beta de cette meute. Tous les après-midi, Yaps et Vlass jetaient des cailloux sur sa fenêtre pour l'attirer dehors, ils y arrivaient tous les jours.
Avec eux, L'ombre se sentait plus légère, moins oubliée. Elle aimait marcher avec eux sans but dans la forêt des heures durant tout en parlant de tout et de rien. Ce fut lors d'une de ces ballades qu'elle apprit que la première fille de Louis allait bientôt revenir au Monténégro avec une humaine et que bientôt elle fonderait sa propre meute.
Quelque part, elle l'admirait. Cette première-née aurait dû être un mâle avec un loup en elle, Ewak avait bien un loup en elle, mais elle était incontestablement une femme. Une femme avec un caractère bien trempé !
Ce manège dura plusieurs jours, presque un mois en réalité. Ces moments furent salvateurs pour la femme sans âge, elle ne croisa que rarement Galaad lors de ses promenades. Il ne la gratifiait que de quelques regards sombres et méprisants. Chose que L'ombre lui rendait à chaque fois avec un certain plaisir. Vûr, le loup de Yaps, se mit plus d'une fois entre eux grognant et bavant en guise d'avertissement. Vlass ne restait jamais en reste, plus discret par nature, il restait à l'écart les bras croisés sur sa poitrine prêt à intervenir en un battement de cil.
De son côté le second bêta de cette meute s'évertuait à entrainer son groupe de loup sans relâche. Contrairement à Steeve qui s'occupait des combattants, Gal s'occupait de la défense des leurs. Les loups dont il avait la charge se devaient de préserver leur monastère et tous ceux et celles qui étaient dedans.
Un soir, alors que le soleil déclinait à peine dans le ciel L'ombre laissant derrière lui des trainées orangées marbrer les cieux, L'ombre rechignait à s'enfermer dans sa chambre. Cette petite pièce l'insupportait, lui obéir la rendait dingue ! pourquoi le faisait-elle ? pourquoi ne voulait-elle pas le contrarier ? Elle se posait ces questions mille fois par jour et mille fois par jour elle soupirait de lassitude et de désarroi.
- J'en ai marre, soupira la femme sans âge une fois de plus tout en descendant les marches brunes.
Il n'y avait personne dans les rues de ce village, pourtant elle ne se sentait pas si seule que ça. Elle avait fini par ressentir la présence de chacun fourmiller timidement dans ses veines. Elle soupira une fois de plus, ce genre de chose lui arrivait quand elle restait trop longtemps au même endroit et disparaissait aussitôt son devoir fini.
Elle ralentit le pas, puis s'arrêta. Elle se sentait observée, elle savait qu'il la regardait. Le second Beta était niché dans un recoin depuis des heures déjà. À l'ombre de tout, caché de tous, il observait sans relâche le peuple dont il avait la garde.
L'ombre sentait son regard sur elle, cela ne l'effrayait pas sans pour autant la rassurer. Elle prit le parti de s'assoir au sol en plein milieu d'une rue déserte. Tout en plaçant ses bras dans son dos et en s'appuyant dessus elle leva son visage vers le ciel. L'univers commençait a se teinter de sombre au-dessus d'eux leur offrant un spectacle unique.
- Ombre...
- Laisse-moi tranquille Lyma, je ne suis pas d'humeur.
- Comme souvent, lui répondit, la Déesse qui venait d'apparaitre a ses côtés.
De-la ou il était Galaad pouvait se rendre compte que L'ombre parlait a quelqu'un, mais voir personne.
- Déesse ? murmura-t-il en se penchant en avant n'y croyant pas, il ne la voyait pas pourtant il ressentait se présence.
- On se demande pourquoi... Quand vas-tu me foutre la paix ?
- Quand les Lehars ne seront plus, rétorqua la Déesse à son Ombre sans lui adresser le moindre regard.
- Quand j'aurais mis la main sur le Dieu qui les trompe.
- Te presse surtout pas...
Lyma ne prit pas le parti de lui répondre, elle préféra retourner sur sa demeure en silence. Elle comprenait la colère de son Ombre. Surtout qu'elle lui mentait depuis quelques siècles déjà, elle connaissait déjà le Dieu fourbe qu'elle devait tuer. La Déesse l'avait même combattu, mais elle avait fait en sorte de perdre le combat. Elle avait la certitude que quand elle lui arracherait la tête L'ombre disparaitrait pour toujours.
Galaad, toujours perché sur son recoin, ressentit jusque dans ses os la disparition de sa Déesse. Quand il aperçut L'ombre resserrer ses bras autour de ses genoux, il eut envie de s'approcher d'elle et de la recouvrir de sa chaleur. Il ne bougea pas, interdisant à ses propres muscles de se mouvoir contre sa propre volonté. Il prit le parti, à contrecœur, de se lever et de rentrer dans le monastère.
L'ombre le sentit partir dans un mot, sans un geste pour elle. Elle se sentit abandonnée, peut-être l'était-elle vraiment ? Cette pensée la poursuivit jusque dans sa chambre et la hanta toute la nuit.
Le corps de L'ombre sentit les variations de l'air avant que son esprit ne réagisse vraiment. Elle ouvrit les yeux d'un coup tout en se redressant, ses pupilles entièrement noires ne voyaient pas le mur de sa chambre qui dressait pourtant devant elle. Des arbres, aussi immense que l'univers, de la terre sombre a ses pieds, un rocher en forme de pointe qui piquait vers le sol sur sa gauche, l'odeur du vent partout autour d'elle, le bruit caractérise d'une taupe qui creuse dans la terre.
La femme sans âge prit une seconde grande inspiration tout en serrant les dents à outrance.
- Merde ! feula-t-elle en bondissant de son lit, son drap qui recouvrait son corps n'eut pas le temps de toucher le sol qu'elle était déjà dehors.
Sans s'inquiéter de sa tenue, elle ouvrit un grand sa fenêtre qui se trouvait juste en face d'elle et sauta.
Pendant sa chute, de quelques étages, ses cheveux voletaient au-dessus de son crâne. Sa peau nue se recouvrit d'un second épiderme aussi sombre et dur que son regard.
Quand ses deux pieds touchèrent enfin le sol meuble de ce pays qu'elle affectionnait un peu trop pour son propre bien, elle se dirigea tout droit en direction de la forêt. Droit en direction que seul son esprit connaissait.
Le seul et unique loup qui assista à cette chute resta pantois quelques secondes. Maxime et son loup Lyro, le messager, avaient bien reconnu L'ombre tomber. Ils avaient aussi vu sa peau d'ordinaire très blanche, se recouvrir d'une espèce de coque d'une noirceur macabre avant de se diriger vers la forêt en courant comme si elle avait un mauvais Dieu aux fesses.
- Bon... chef !!!! se mit à beugler le messager tout en se dirigeant a son tour vers le monastère. Lui aussi semblait avoir quelque chose qui le poussait à courir plus vite.
Plus ils s'éloignèrent de la forêt, plus son cœur battait à tout rompre. Que ce soit son loup où lui, ils ressentaient de l'urgence, quelque chose de si puissant de si intime que leurs veines se mirent à bouillir dans leur corps.
Ces êtres et ces bêtes qui partageaient absolument tout sauf leurs esprits, ressentaient le besoin urgent de se retrouver auprès de leur chef de meute.
- Chef !! déboula ce dernier dans un couloir qui ne menait pas loin de la cantine.
- Où ! l'intercepta ce dernier qui ressentait aussi cette urgence lui bruler le corps.
- Elle a filé droit en direction de la forêt, le messager pointa en direction de l'endroit ou L'ombre avait pris la fuite.
Rixe faisait vibrer la poitrine d'Adrian, lui intimant de la poursuivre au plus vite que quelque chose n'allait pas.
- Des Lehars... souffla le chef de meute. Merde ! Steeve ! Gal ! Sam ! Hurla ce dernier avant de laisser sa place à son loup tout en sortant de la pièce. Tu gères ! tempêta une dernière fois pour son messager qui commençait déjà à prendre cette directive au pied de la lettre.
Une cavalcade de bruits, d'injures et de grognements se fit ensuite entendre dans le couloir. Les trois loups appelés par Adrian déboulèrent tels des sauvages en direction de leur chef qui s'éloignait déjà en direction de la forêt.
Steeve laissa sa place à son loup Alof d'entrée de jeu, tout en éclatant ses affaires au passage. Il poussa un hurlement bien particulier, plus de l'ordre d'un jappement grave qu'autre chose. Il appela les leurs au combat. Nero, le loup sombre de Galaad, prit à son tour sa place, lui aussi poussa un hurlement puissant. Le sien dictait à un groupe de loups qu'il entrainait personnellement de défendre leur monastère coute que coute.
Les pieds de l'ombre ne touchaient qu'à peine les branches des arbres sur les quel elle prenait appui, la propulsant toujours plu loin, toujours plus vite. Tout défilait si vite autour d'elle, qu'elle ne distinguait rien, tout était si flou que cela la rendait presque aveugle. Seul son instinct la guidait à travers la forêt, lui faisant poser ses pieds nus la ou il fallait sans jamais trébucher. Son souffle se réduisit à un simple filet d'air coincé entre ses dents serré par l'angoisse et l'anticipation du combat à venir.
L'écart qu'elle avait créée entre les loups et elle se réduisait de minute en minute, bien que plus lourd et oins agiles, les fils de la Déesse n'étaient pas dénué de force.
Rixe, l'Alpha de cette meute courrait en tête il guidait les siens tout en grondant entre ses crocs. Ses deux Beta lui collaient aux pattes sans jamais fléchir, le reste des loups les suivaient en silence écoutant attentivement tous les sons environnants.
L'Alpha jeta son museau sur sa droite et aussitôt quelques loups suivirent cette direction sans poser la moindre question. Les Deux Beta restaient derrière leur chef, Rixe se doutait que Nero le loup sombre ne lui aurait pas obéis.
L'ombre poussa un grognement à faire pâlir le plus fort des loups tout en s'immobilisant. L'épaisse branche sous ses pieds se mit à tanguer dangereusement, une pluie de feuilles vertes se mit à tomber sur le sol le recouvrant d'un tapis mouvant. Devant elle, fiers de leur cruauté et de leur violence, se dressaient deux monstres.
- Tas de merde hideuse... soupira entre ses dents serrées sous ses lèvres retroussées, L'ombre qui n'était plus que haine.
Son sang sombre se mit à bouillir dans ses veines, sa peau maintenant noire se durcit encore plus, formant une épaisse carapace. Seul son visage conservait quelque peu de sa couleur originale, la ligne de ses yeux était recouverte d'un masque aux lignes de vie sombres entremêlées. Ces marques continuaient sur tout son corps, brillant sous les éclats de la lune renforçant l'ébène de son nouvel épiderme.
L'un des deux monstres se grandit. Bien crampé sur ses deux pattes arrière aux genoux retournés, le monstre eut le culot de lui sourire. Il se mit à la regarder droit dans les yeux, il fut un temps ou L'ombre avait un moment d'hésitation quand leurs regards se croisaient. Plus depuis maintenant, plus depuis quelques siècles.
Les muscles noueux de la bête jouaient sous sa peau tendue a l'extrême, elle semblait bientôt craquer sous la pression constante des gestes de la monstruosité. L'ombre sentait les loups approchés, l'autre aussi.
Elle attaqua sans prendre la peine de formuler la moindre petite pensée. Ses ongles se transformèrent en des griffes mortelles qu'elle plongerait avec plaisir dans le cœur des monstres. L'ombre fit quelques pas en avant avant de se ratatiner sur elle-même, elle bondit si haut qu'elle eut tout le loisir de planter ses griffes directement dans son torse. Du sang maudit et bouillant commençait à couler le long de ses bras. Ce liquide gris et pouasseux essayait de bruler sa carapace sans discontinuer.
Le monstre rua, hurla et voulut saisir le corps de l'ombre entre ses griffes anormalement grande et aiguisée. Seule La Déesse savait comment, mais L'ombre se trouva dans son dos.
Les loups arrivèrent enfin. Ils furent abasourdis, incapables de formuler la moindre pensée cohérente, incapable d'avancer le moindre coussinet, incapable de grogner.
nero, fut le seul à faire un pas en avant, Galaad hurlait de rage en lui tout en frappant les parois de son antre avec ses deux poings. Un seul, car la tête du monstre venait d'atterrir juste devant lui. Son cou avait été déchiqueté par les dents de L'ombre avec tant de sauvagerie que certains loups eurent la nausée. Le corps sans vie du Lehar tomba au sol projetant une dernière gerbe de sang maudit. Le second monstre hurla et se précipita sur L'ombre la gueule grande ouverte, ses dents fauchèrent son bras, le transperçant de part en part.
Nero se précipita en avant, Rixe et les autres lui emboitèrent le pas. Tout fut terminé en un battement de cœur. La femme sans âge laissa son bras entre les crocs du second monstre, ignorant la douleur cuisante qui irradiait tout son corps, elle fit un arc de cercle avec son autre bras pour planter ses ongles dans son dos. Elle saisit sa colonne vertébrale, la brisa et en arracha un morceau. Puis, pour faire bonne mesure, L'ombre planta ses dents dans son cou et en arracha un épais bout de chaire qu'elle recracha juste après.
- 'Serait peut être temps de se bouger un peu, y'en a d'autre. Dis L'ombre en revenant lentement vers les loups.
- Combien ? demanda Vlass qui venait d'arriver, à côté de lui Yaps restait silencieux tout en l'épiant.
- Une grosse vingtaine.
- On va manquer de loup, conclut le loup de Louis tout en jetant un regard à Rixe.
Alof, le premier Beta poussa un rugissement puissant. D'autres loups allaient arriver.
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