Nous sommes possédés par nos possessions.


Nous sommes possédés par nos possessions.
Théodore Monod.


Dans ce petit pays coincé entre la mer et la montagne, un loup prit le temps de la réflexion, pendant que son humain au regard si particulier venait de raccrocher. L'appel qu'il venait de recevoir du chef de la meute de Bulgarie lui tordit le ventre. Eux aussi, quelques temps au paravant ils avaient eut besoin d'aide. Adrian était venu en personne avec ses deux Bêtas et quelques autres pour combattre à leur côté sans poser de question, pour eux il en était de leur devoir.

Louis essayait tant bien que mal de comprendre pourquoi ils ne se souvenaient pas de l'ombre, ils avaient forcement du la croiser pendant un combat où dans la forêt. Forcement. Il appuya son menton contre le dos de sa main tout en s'asseyant sur ses talons et se perdit dans ses souvenirs. Ils étaient flous, lui aussi avait un mal fou de se souvenir d'elle. Pourtant elle leur avait sauvé la vie, il en était persuadé.

- Trois pattes ! L'interpella ce dernier une fois qu'il fut de nouveau sur ses jambes et descendu de sa terrasse en bois qui faisait tout le tour de sa maison.

- Chef ?

Le second de cette meute était encore ensommeillé, pourtant tous ici bas savaient qu'il réagissait toujours vite qu'importe son état d'épuisement.

- Dis-moi, tu te souviens clairement de la bataille contre les Lehars ? De L'ombre surtout ?

- Non, je sais qu'on s'est battu férocement, des monstres aussi, des loups de Bulgarie mais tout ce qui touche à l'ombre pas vraiment. Pourquoi ?

Tout en marchant au hasard au cœur de leur village, le chef de meute lui relata le coup de téléphone qu'il venait de recevoir ainsi que son manque de souvenirs.

- Peut être qu'ils savent, du menton le Beta venait de montrer le ciel.

- Peut être, sourit Louis. Il faut que Vlass et Yaps s'y rendent. Visite de courtoisie.

- J'organise ça vite, chef ?

- Hum...

- Tu penses que L'ombre se souvient de nous ?

- Pour elle, je n'espère pas elle a du trop en voir. Conclut le fils du viking en regardant à son tour le ciel, légèrement chargé de nuages gris.

- Moi aussi. Il posa sa main sur l'épaule de Louis avec rudesse et partit dans la direction opposée.

Le chef de meute prit le chemin de la forêt, simplement vêtue d'un jean, calmement. Tout autour de lui, fourmillait les énergies des siens, toutes ces vies dont il avait la responsabilité dansaient dans son esprit sans discontinuer.

- T'es prêt pour une visite ? Demanda t'il mentalement a son loup alors qu'il s'enfonçait plus encore dans sa forêt.

- J'attends que ça, répondit ce dernier avec un sourire pointu au fin fond de son antre.

L'humain commença par vider l'air de ses poumons tout en marchant, puis il ferma les yeux laissant ces sens le guider au travers des plantes et branches.

- Baby Alpha, tu m'offres une petite mousse ?

Louis sourit comme un enfant en entendant le son de la voix de Simon. Son meilleur ami mort il y avait bien trop longtemps de cela.

- Avec ou sans cacahuète ?

Les deux amis, que même la mort n'avait pas pu séparer, riaient de bon cœur.

- Tu sais toi, pourquoi on ne se souvient pas vraiment de L'ombre ? Finit par lui demander Louis après un échange de banalité de plusieurs minutes.

- Ouais, Lyma. Répondit Simon avec une pointe amère dans la voix.

Ce dernier avait dû batailler férocement contre elle pour pouvoir continuer a rendre visite a son ami de toujours même après leur ultime adieux. Ce n'avait pas été une simple négociation, il y avait eu de la bave et du sang sur la lune ces semaines-là.

La Déesse avait dû céder. Simon ne cessait de mettre en avant qu'avec ou non son autorisation il lui rendrait visite, qu'il trouverait une solution, chose dont Lyma ne doutait absolument pas. Qu'il aurait dû être son Beta. Qu'il serait à jamais son meilleur ami, puis son père, le jeune blanc bec, comme l'avait surnommé Eirik lors de leur première rencontre, avait fini par s'emmêler lui aussi. Puis le reste de cette meute. Dépassé, Lyma n'eut d'autre choix que de le laisser faire.

- Pour nous protéger ou une autre connerie dans le genre ?

- Protéger L'ombre aussi, tu sais j'aimerais pas être elle. Rétorqua une nouvelle fois son meilleur ami en baissant le nez.

- Raconte.

- L'ombre, c'est pas une personne a proprement dit. Elle a été créée à partir des meilleurs atouts des morts qui se traine sur la lune.

- Pardon ? Louis venait de s'arrêter de marcher d'un coup. Tu veux dire que L'ombre c'est un genre de mélange d'âme de mort ?

- Ouais ...

- Merde, soupira le chef de meute qui se sentait mal pour elle. Jamais il ne s'était imaginé quelque chose comme ça, pour lui c'était impensable et impossible.

Elle n'était rien, juste un mélange magique d'âme mortes. Pas même sa propre personnalité, sa propre vie, son propre destin, ses propres souvenirs en avait-elle d'ailleurs ? Il ne le savait pas. Juste crée pour se battre, pas pour elle qui plus est. Cela donna la nausée a Louis, Myst couinait pour elle. Lui non plus ne comprenait pas ce genre de chose, se dévouer pour les siens oui, jusqu'à la mort s'il le fallait, mais jamais sans soutien, jamais seul.

Rien juste un pantin, elle n'était rien d'autre.

- J'imagine que j'suis pas censé le savoir...

- Non, Baby Alpha. Non, mais je sais que tu vas te taire. Si tu te souviens de rien, c'est peut être pas plus mal dans le fond. J'crois que tu as eu ton quota. Dit-il en faisant référence à leur passé.

Les deux amis parlèrent encore un moment, cette fois ci le ton de leur conversation était bien plus léger. Ils évitaient soigneusement les sujets compliqués, ils voulaient juste profiter de l'un et de l'autre.

En rentrant chez lui, après avoir quitté à contre cœur son meilleur ami, Louis prit le temps de sonder sa meute. Les volutes colorées de Mère Nature, invisible aux yeux de tous sauf a ceux du chef de meute, allaient et venaient avec sérénité sur tout son territoire. Tout allait bien.

- Yaps, Vlass ! venez j'ai a vous parler. Dit louis sans hausser le ton.

Louis leur expliqua dans les grandes lignes ce qu'il se passait, ils décidèrent de partir le soir même en direction de la Bulgarie.

Tout en posant ses coudes sur la rambarde se sa terrasse en bois, usée par le temps, il demanda mentalement à Mère nature de leu donner un coup de main. Il était intimement convaincu qu'elle allait accéder à sa requête.

- Allons courir, lui suggéra au bout d'un moment Myst qui s'étirait de tout son long au fond de son humain.

- Laisse-moi le temps de virer mon froc...

Il dit cela avec un sourire sincère, comme s'il souriait encore d'une blague usée par le temps mais infatigable.

Yaps, prit le temps d'aller voir son cousin après avoir embrassé son âme sœur et sa tripotée de louveteau infatigable, ce dernier lui donna plein de conseil et lui promit de sauter dans le premier avion s'il avait le moindre problème.

Vlass, sourit à son fils nouvellement né, embrassa une femme qu'il aimait de tout son coeur mais qui ne serait jamais son âme sœur. Il regarda ensuite le ciel pour embrasser mentalement son véritable amour et son premier fils, puis il prit le chemin de la forêt pour attendre son coéquipier. Il faisait partie intégrante de cette meute, il était même reconnu comme une excellant chasseur et combattant, mais son cœur resterait à jamais meurtrie.

Il aimait sincèrement sa femme, elle l'aimait aussi, peut être plus que lui. Mais, leur amour sincère ne faisait douter personne.

- On y va ? souffla Yaps qui parlait toujours aussi mal a cause de langue arraché des siècles au-paravant.

- Ouais.

Une seconde plus tard leurs deux loups dévalèrent les sentiers avec un sac dans la gueule, après avoir hurlé à la lune leur mission.

Louis rejoignit son âme sœur et deux de ses trois filles, juste après leur chant, il les embrassa, toucha la prédiction de Nostradamus qui était toujours sur son frigo et partit sur sa terrasse avec son portable.

- Tu peux pas lui foutre la paix ? Ronchonna Myst qui ne croyais pas non plus a ce qu'il disait.

- Essaie en étant persuadé de ce que tu dis, lui rétorqua son humain tout en sélectionnant le nom qu'il voulait joindre dans son répertoire.

Les deux comparses riaient silencieusement tout en portant son portable jusqu'à son oreille.

- Oui papa ! S'exclama joyeusement une jeune femme a l'autre bout de la ligne, son cœur paternel fit un bond dans sa poitrine.

- Comment va ma fille ? Mieux ?

- Oui, moins en colère.

- Tant mieux, tu sais

- Je sais papa, coupa sa fille, je peux rentrer quand je veux. Tu sais aussi qu'il faut que j'aille au bout des choses sinon ça restera à jamais un poids pour moi. Tu sais, enchaîna t'elle sans lui laisser le temps de rétorquer, je me suis dis que je pourrais peut-être fonder ma propre meute ?

Le cœur du chef de meute fit un nouveau bond dans sa poitrine, cela faisait bien vingt ou trente ans qu'il attendait que sa plus grande des filles prenne cette décision.

- Un territoire t'attends tu sais...

-

Ewak, première fille de Louis et de Zuméla son âme sœur, fille d'un loup de légende et d'une ayant droit. Première porteuse de loup, Ewak fut la première femme à pouvoir avoir un loup elle. Aussi rare que précieuse aux yeux de tous, incroyable pour ses parents. Personne n'aurait pu dire pourquoi elle été maintenant, par contre elle était la parfaite fille de ses parents et la petite fille du Viking, son caractère de feu n'y trompait personne.

- Je sais, finit-elle par répondre songeuse, je ne sais pas si on me suivra sans mâle papa.

- Tu en vaux mille ! Répondit avec ferveur son père tout en abattant son poing sur la rambarde en bois de sa palissade. Je n'aime pas que tu te dévalorise, rien que grace a ta ligner beaucoup te suivront et quand ils se rendront compte de qui tu es encore plus te rejoindront.

- Une femme à la tête d'une meute, ça ne sait jamais vue.

- Comme une femme qui a un loup en elle, j'entends Môla grogner, lui non plus n'aime pas que tu te déprécies. Si notre Déesse t'a envoyé ton loup c'est qu'il y a une raison, crois-moi.

- Je sais... Répondit la jeune femme en soupirant et en posant sa main contre son ventre pour se sentir encore plus proche de son loup. Je suis bien en France, mais

- Obéir te brise les ovaires, conclut son père avec un sourire dans la voix, tu sais, tu n'es peut-être pas la seule femme loup ?

- Je ne sais pas, peut être. Cette idée enchantait la jeune femme.

- Tu viens quand ?

A l'autre bout de la ligne sa fille sourit, devant elle sa valise était déjà faite, en son fort intérieur elle se disait que son père l'avait senti. Il savait beaucoup trop de choses de toute façon, très certainement grâce à mère nature qui lui avait toujours été dès fidèle.

- Bientôt, laisse-moi expliquer ma façon de voir aux français avant.

- Les pauvres, les plaignit le chef de meute en souriant, ivre de bonheur en sachant que sa fille allait bientôt rentrer auprès d'eux.

- Embrasse tout le monde papa.

- A bientôt mon amour.

Une fois seul, le chef de meute laissa son regard particulier se balader sur le ciel sombre. La lune était timide ce soir là, pourtant elle brillait comme un diamant entre les montagnes qui entouraient son village. Il opina du chef avec respect avant d'ouvrir la bouche.

- Protège ma fille la blanche, protège les miens, protège la meute de Bulgarie et dorlote ton ombre.

Tout en haut, sur la lune, Lyma écouta les paroles de ce père dévoué et de cet Alpha dévoué aux siens.

- Petit impertinent, lui répondit elle amusé.

-

En France, une jeune femme brune laissa tomber son téléphone sur son lit. Cela faisait presque dix jours qu'elle portait le deuil de son meilleur ami mort au combat. Dix jours qu'elle avait été obligé d'aller voir la femme qu'il aimait pour tout lui avouer et lui rendre ses affaires personnelles. Il avait pensé a elle en dernier, dans leur monde cela équivalait à son héritage. Dix jours aussi qu'elle ravalait sa jalousie, eux qui avaient combattu ensemble depuis tant d'années, eux qui avaient tant partagé ... il n'eut pas une seule once de pensé pour elle. Cela rongeait Ewak, même si elle le comprenait, quelque part elle se rassurait en se disant que cette femme n'était pas l'âme sœur de son meilleur ami sinon elle serait morte en même temps que lui. Qu'il lui restait au moins ça.

Tout en passant un autre appel, elle écarta les pans de rideaux, il faisait nuit.

- Oui ?

- Un jour tu m'as dit, que plus rien ne te retenait ici depuis sa mort.

- Je le maintien, bonjour à toi aussi Ewak...

- Bonjour Anaïs, répondit avec plus de tendresse qu'elle ne l'aurait voulu la louve. J'ai plus rien à faire ici, ma famille m'attend et mon territoire aussi, tu viens ?

- La comme ça ? Maintenant ? L'interrogea l'humaine prise au dépourvu, quitter ce pays ne lui faisait ni chaud ni froid. Quitter les siens aussi. Je serais quoi au juste ?

- La première humaine de ma meute.

- Je ne vois pas trop mon rôle dans tout ça... L'humaine se cherchait des raisons, Ewak le savait, elle savait aussi que le plus absurde trouverait fois a son cœur.

- On devait partir tous les deux, il voulait déjà te proposer de venir avec lui, il aurait dû être mon Beta.

Coutumière de ce monde, Anaïs ne fut pas surprise, c'est à peine si elle prit le temps de réfléchir sérieusement.

- Quand ?

- Une semaine tout au plus, je passerais te chercher. Tient toi prête.

- Où ?

- D'abord chez moi au Monténégro puis à la frontière avec L'Albanie.

- Je ne sais pas parler ces langues moi !

- Tu es une humaine de meute, Mère nature te donnera cette faculté. Alors ?

- Je prépare mes affaires, dit-elle sur d'elle avant de raccrocher étrangement plus sereine.

L'ombre s'étira paresseusement, dormir lui avait fait du bien au moral. Dormir l'avait empêché de réfléchir plus que de raison sur des choses ou elle n'y pouvait plus rien. La nuit gouvernait le ciel, elle sortit de sa chambre sur la pointe des pieds avec l'absurde espoir qu'aucun loups ne l'entendent. Marchant lentement le long du couloir qui menait aux escaliers, elle laissait son regard vagabonder devant elle, rien ne devrait entacher la beauté de ce lieu selon elle. Rien ni personne.

Ses sens se mirent en alerte quand son pied se posa sur la première marche de l'escalier brun, Galaad revenait de la forêt. Il la fixait sans cesser de marcher, il accéléra même le pas.

L'ombre ne pouvait nier qu'il était plutôt bel homme quand il se taisait, elle ne se gêna pas pour laisser son regard entièrement noir glisser sur son corps.

L'humain ne comprenait pas pourquoi il ressentait une telle possessivité envers elle, son loup quant a lui pensait qu'elle faisait partit de sa meute depuis la nuit des temps.

- La terre y est morte.

- Je sais.

Furent les seuls mots qu'ils échangèrent en se croisant, l'un allait dans sa chambre, l'autre se perdre en forêt. Aucun des deux ne se retourna pourtant leurs cœurs se mit à battre à l'unisson. 

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