La peur est une brume de sensation
La peur est une brume de sensation.
Jules Renard
Nero s'en donnait à cœur joie. Courant après L'ombre qui sautait de branches en branches à peine au-dessus de lui, il en oublierait presque pourquoi, dans son dos, tout un tas de loups de sa meute courraient eux aussi après L'ombre les crocs découverts et la gueule écumante de bave.
Seul lui semblait s'amuser. Le loup sombre tentait d'attraper le pied de la femme sans âge à chaque fois qu'il se reposait un peu trop près de lui. L'ombre s'en amusait aussi, elle ne riait pas à gorge déployé, mais son sourire en disait long. Il semblait illuminer son sombre visage.
Que ce soit le loup ou l'humain, le second Beta s'imaginait sans peine lui capturer délicatement le pied entre ses crocs. La faire chuter et la rattraper entre ses bras avant qu'elle ne touche le sol. Il se l'imaginait hilaire entre ses bras, logé l'un contre l'autre sur un tapis de feuilles encore tendre. Il la voyait soupirer d'aise et plonger son regard entièrement noir dans le siens, il sentait sa main blanche effleurer sa joue avant que ses ongles s'accrochent sur sa peau pour qu'ils se rapprochent encore un peu plus. Toujours plus.
Il sentait ses cuisses autour de ses hanches, l'une de ses mains dans ses cheveux l'autre dans son dos. Il entendait Nero gronder dans sa poitrine, il entendait son souffle s'accélérer contre sa bouche avant de l'embrasser comme son cœur le lui réclamait tant.
Le loup sombre du secouer sa lourde tête plus d'une fois pour reprendre ses esprits. Elle le rendait dingue, fou d'une rage qui le faisait bouillir depuis des siècles. Ivre d'un bonheur dont il s'était refusé les droits depuis bien trop longtemps.
Nero avait été un loup qui regardait sa meute de haut avant qu'il ne meurt de faim enfermé dans une cage au fin fond d'un wagon glacial. De son vivant, ce loup sombre de Californie, vivait dans une petite meute qui subsistait tant bien que mal. Quand les colons débarquèrent, la meute disparut. Avant que l'humain ne se fasse posséder, Galaad s'ennuyait ferme dans sa vie. Pour lui, tout allait trop lentement et très peu de choses en valait la peine. Quand son loup prit possession de lui, il se sentait enfin à sa place. Il savait qu'il avait une mission, que des gens dépendrait de lui. Qu'il allait servir à quelque chose.
Rixe, l'Alpha de cette meute, se contraint à rester derrière son second Beta malgré son instinct qui lui hurlait de passer en premier. Les deux cadavres ne cessaient de hanter les pensées de ce vieux loup plein de cicatrices. Elle les avait décapités sans effort, sans prendre garde a sa propre vie. Comme-ci elle ne valait rien. Cela lui fit presque peur, pas une peur viscérale qui aurait pu le clouer sur place, cela ressemblait plus à de l'affolement qui faisait vibrer tout son être. Elle se jetait dans le combat comme ci c'était le dernier, comme ci elle n'était bonne qu'a ça. Cette évidence lui fit serrer les dents, ils n'aimaient pas cette pensée.
Nero laissa échapper un grondement de frustration quand il manqua de très peu la cheville de sa proie. Le sourire de L'ombre s'élargie un peu plus, elle aussi, pour un peu elle oublierait ce que son corps lui hurlait.
Ce fut Mère nature qui lui rappela la réalité, ses volutes argentées seulement visible aux yeux de L'ombre, dansaient à ses côtés. Elles apparaissaient sous forme de pointes létales qui ne demandaient qu'a se planter dans des cranes ennemis. L'ombre ferma les yeux un instant, elle ne devait pas avoir ses envies.
Qu'elles envies ? cet étrange besoin de se sentir contre lui ? de rire ? la femme sans âge serra les dents a son tour. Tout ceci était des faits inconnus pour elle, L'ombre ne ressentait rien. Elle n'avait pas été créé pour ça. Elle n'était faite que pour les combats, les uns après les autres, sans jamais marquer la moindre mémoire de son passage.
Jamais.
Les volutes s'activèrent attirant son regard, devant elle Mère nature devint mauvaise. Traversant des troncs d'arbre sans les briser, l'une d'elles se planta directement droit entre les yeux d'un Lehar.
- Merde ... gronda L'ombre en ralentissant le pas.
Ils étaient bien plus qu'une vingtaine.
- Loup ! Gronda Rixe par la pensé, battez-vous par deux ! attaquez pour tuez !
Les deux loups de Louis se rapprochèrent, ils allaient combattre ensemble. Comme souvent.
Seul Nero resta seul, il ne combattait jamais avec quelqu'un, tout comme leur Alpha.
L'ombre lui adressa un seul et unique regard, un regard que Nero ne sut décrypter. Puis elle fonça droit en direction du danger sans se retourner une seule fois, droit en direction d'une potentielle mort. Sans même un sourire, un mot, un geste, un adieu. Elle se contenta de sauter au cou du premier monstre venue sans retenue sans prendre le temps de réfléchir a quoi que ce soit.
L'une de ses mains se renferma sur une gorge osseuse à la peau visqueuse et froide d'un monstre. Ses ongles, anormalement longs et létal traversèrent sa faible cuirasse de part en part sans pour autant le tuer. Pour le mettre à terre elle dû lui arracher le larynx avec ses dents, Nero la rejoignit pour disloquer les jambes aux genoux retournés du monstre.
Ce fut le top départ.
La meute de loup s'abattit comme un seul homme sur la trentaine de Lehars qui les attendaient déjà prêt au combat.
Ce ne fut qu'un mélange de grondements, de cris, d'os qui se brisent et de chaire qui éclatent. Plus d'un loup se fit mordre, ou souiller par leur sang maudit. Plus d'un hurlait de rage et de douleur quand il percutait la terre meuble de la forêt avec un ou plusieurs membres qui fondaient a cause de la malédiction du sang des monstres.
Alof, le premier Beta de la meute, se battait avec l'un des loups qu'il avait entrainé. Ils étaient en parfaite symbiose, si bien que les voir s'acharner sur un monstre avec toute la violence d'un loup fou furieux était fascinant. Pendant qu'un s'acharnait sur le haut du corps, l'autre abattait sa haine sur ses membres inférieurs, le monstre n'était pas en reste. Ce dernier, ivre d'une rage que seul les fous connaissaient tentait de les mordre, de les griffer, de les souiller avec son sang d'une quelconque façon.
Les Lehars voulaient leurs peaux, leurs territoires, leurs vies ! persuadé de leur bon droit, ils se battaient avec tant d'intensité que cela aurait pu émouvoir les plus sensible. Cela aurait pu toucher les cœurs les plus tendre s'ils ne puaient pas la haine, le mépris et la mort.
Vûr et Ikem, les deux loups de Louis, se battaient ensemble. A eux deux ils mirent au sol pas moins de cinq monstres avec une efficacité redoutable. Vûr enserrait le crane de son ennemi entres crocs et tentait de lui exploser le crane en resserrant ses mâchoires de toutes ses forces, pendant qu'Ikem plongeait son museau dans ses entrailles avec une joie et une gourmandise non dissimulée, tirant coupant, arrachant chaque viscère dans un bruit écœurant de clapotis et de grondement de satisfaction.
A chaque fois qu'un loup était souillé de sang maudit, Mère nature s'employait à le soigner avant qu'il ne meurt dans d'atroce souffrance. Les volutes grises se divisaient toujours plus pour aider ou tuer, la terre elle-même s'ouvrait pour engloutir ou décapiter des corps de Lehars sans aucune pitié. Elle le faisait avec une telle hargne que quand le sol se ressoudait toute la forêt tremblait.
Les loups se sentaient fort, si bien que quand il ne restait plus que quelques montres encore debout au milieu d'une masse de sang et de poil agonisant, ils ne remarquèrent pas le Lehar qui se cachait. Ce dernier, aussi haut et laid que les autres, aussi envieux et dangereux que les siens, prit le partit de couvrir une partie de son corps avec le cadavre d'un des siens. Pas après pas, lentement, si lentement qu'il devint presque invisible aux yeux des autres bien trop occuper a s'entre tuer, il se rapprocha dangereusement de L'ombre. Elle finissait d'enfoncer ses pouces dans les orbites d'un des siens, quand ses doigts éclatèrent les globes un bruit de succion écœurant se fit entendre.
Le monstre prit son temps pour se tasser sur lui-même, fixant sans jamais quitter des yeux son objectif. De la bave acide dégoulinait déjà d'entre ses dents, n'aspirant qu'a faire fondre la peau de son ennemie.
Puis, il sauta, sans crier gare, sans bruit. Il bondit la gueule grande ouverte en direction de la femme sans âge qui était encore de dos. Son hurlement en fit résonner plusieurs autres : celui du Loup de Yaps qui venait de ressentir ce qui allait se passer, celui de Rixe, le chef de cette meute qui sentit sa douleur jusque dans ses propres os, celui D'ikem et d'Alof qui grognaient de rage et surtout celui du loup sombre qui se sentit presque mourir.
L'ombre décolla du sol avec une telle violence que sa nuque manqua de se briser sur le coup, son abdomen se fit traverser par les crocs d'un loup maudit. Sa salive lui brulait atrocement la peau. Elle hurlait de rage et de douleur tout en se débattant avec force. Elle se redressa tant bien que mal pour frapper le crâne, le museau, les yeux du monstre qui s'évertuait à la couper en deux avec beaucoup de hargne. Il secouait son immonde tête de gauche à droite et se relevait sur ses deux pattes pour fuir avec sa proie toujours bien coincée entre ses mâchoires qui ne faisaient que se refermer toujours un peu plus. Millimètre après millimètre.
La peau de L'ombre, aussi sombre qu'une nuit sans étoiles et recouvertes de lignes de vies encore plus foncée, essayait de se soigner. Elle n'y arrivait pas, les blessures se faisaient plus profonde, plus mortel. Même pour elle.
Nero, le second Beta, sauta sur le dos du monstre qui tentait de s'échapper avec L'ombre. C'est à peine s'il ploya un genou. Ce monstre était bien plus fort que les autres. Pour la toute première fois depuis des siècles, le loup sombre eut peur.
Il se fit dépasser par son Alpha qui venait de se jurer que si L'ombre ne revenait pas avec le soir même lui non plus. Ce loup massif prit de l'élan pour lui sauter dessus pendant que son premier Beta et un autre attrapait chacun une jambe. Mère nature réalisa à son tour ce qu'il était en train de se passer. Elle dressa un mur de volute épaisse devant le monstre si bien que ce dernier rebondit dessus et se retrouva au sol avec un loup sur son dos.
Le mur se relâcha juste assez de temps pour que le monstre tombe au sol. Mère nature dressa aussi tôt un autre mur pour le maintenir au sol.
Le reste des loups se tenaient en cercle autour d'eux, les protégeant d'une éventuelle autre attaque. Rixe s'acharnait sur la Bête, le mordant, lui arrachant des lambeaux de peaux et des os sans faiblir. Il le faisait avec haine et crainte, celle qui lui disait que peut être elle ne survivrait pas.
- Lâche moi tas de merdeeeeee !! se mit a hurler la femme sans âge qui n'avait eu de cesse de le frapper de toutes ces forces.
Tout en haut, sur la lune, Lyma se retrouva à genoux. La bouche grande ouverte dans un hurlement silencieux, les yeux exorbités incapable de se refermer. Non c'était impossible ! pas elle ! pas son Ombre !
Tout en bas, en Bulgarie coincé dans la forêt, un loup s'acharnait plus que les autres. Nero piaffait de frustration quoi qu'il fasse rien ne faisait ouvrir la gueule du monstre.
- Lui briser la mâchoire ! LUI BRISER LA MACHOIRE !!! se mit soudainement à hurler Gal dans son antre.
Son loup lui laissa sa place sans broncher, il savait qu'avec ses pattes et ses crocs il ne servait à rien, ce fut donc tout nu qu'il se dirigea vers le museau du monstre. Il y plongea les mains en faisant de son mieux pour ignorer la douleur lancinante de sa peau qui se mit à bruler atrocement au contact de la salive du Lehar.
Alof comprit la manœuvre et laissa à son tour sa place à son humain. Pendant que les deux Betas s'éreintaient à lui faire ouvrit la gueule, Rixe lui arracha son dernier bras avant de s'attaquer à ses épaules, le compagnon de combat du premier Beta prit lui aussi sa forme humaine pour tabasser le crane du monstre a grand coup de pierre.
Cela dura de trop longues minutes, L'ombre s'épuisait. Sa peau redevenait de plus en plus blanche et ses marques à l'odeur de vie commençaient à disparaitre sous les yeux exorbités des loups qui l'aimaient le plus sur cette terre.
Quand enfin, le monstre rendit son dernier souffle, la femme sans âge avait abandonné le combat.
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