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Je contemple le plafond, encore.
Enfin non, cela s'avère inexact. Cela fait bien longtemps que je ne vois plus cette peinture un peu trop blanche, éclipsée par les tiraillements de ma famine et l'épuisement extrême dans lequel je me trouve. Je me demande depuis combien de temps je suis prostré dans cette position. Un jour ? Une heure ? Une minute ? Je suis impressionné par mon évidente capacité à rester immobile. D'ordinaire, j'ai ce feu qui me brûle de l'intérieur et me pousse à l'action comme le bon petit Gryffondor que je suis.
Mais ce feu s'est éteint. Il s'est évanoui avec la part morte de mon âme. Celle qui faisait de moi un être joyeux. Celle qui faisait de moi un être chaleureux. Celle qui faisait de moi un être vif d'esprit. Celle qui faisait de moi un être un vie. Celle qui faisait de moi le Survivant.
Ce qu'il reste maintenant ?
Juste une âme errante, à laquelle on a collé un nom imposteur durant quasiment 17 ans.
Même lui ressent la perte de cette âme. Je le sais.
Mais lui continue de me détester tout de même. C'est ce qui fait que je me sens un minimum concerné. Parce que lui ne change pas. Et qu'il accepte que cette âme errante soit un morceau intégrant de Harry Potter. Ce magnifique combat qui nous unit : la haine de Harry foutu Potter.
Je devrais en être content. S'il ne me haïssait pas tout autant que ce dit Harry.
Stop.
Ne pas penser à lui.
Il ravive de son sadisme que j'affectionne tant, les plaies les plus profondes de cette épave qui me sert de coeur.
La porte vole en éclat et me ramène de façon pour le moins brutale dans la chambre au plafond trop blanc.
J'aurais pu sursauter violemment en hurlant sur l'intrus, si mon corps n'était pas aussi faible. Faute de pouvoir faire autre chose, je regarde Rogue -oui Rogue, l'appeler Severus causerait définitivement ma perte- qui se tient fièrement dans l'encadrement de la porte. Si j'autorisais mon esprit délirer, je pourrais le comparer à un chevalier venu délivrer sa princesse retenue dans la plus haute tour d'un donjon sauvagement gardé.
Sa cape noire vole avec grâce autour de sa silhouette élancée. Il entre dans la chambre avec sa délicatesse habituelle et cela me fait sourire intérieurement.
« Potter. Levez-vous.
- E 'eu 'a, expliqué-je piteusement.
- Bien sûr. Voilà ce qui arrive quand on est un imbécile têtu. »
Il pince l'arrête de son nez avec agacement. Il m'adosse contre le mur avec une grimace que j'interprète comme du dégoût. Il conjure trois potions et me les fait avaler sans explication. Je les ingurgite sans broncher.
Je sens mon corps reprendre de l'énergie progressivement.
« Merci, je croasse. »
Il hoche la tête, m'indiquant qu'il accepte ma gratitude. Il s'éloigne de moi et jette un bref coup d'oeil circulaire à la pièce. Son regard s'arrête sur ma valise à moitié défaite, malgré que cela fasse plus d'une semaine que je sois installé.
Il sort sa baguette et fait rentrer l'intégralité de mes affaires dans le bagage avant de le boucler d'un mouvement de poignet magistral.
« Nous allons quelque part ? Je l'interroge.
- Oui.
- Où allons-nous ?
- Je ne sais pas. Loin. »
Malgré le trouble que cette réponse vague provoque en moi, je choisis de me taire, conscient de son visage volontairement fermé.
« Vous pouvez vous lever Potter ?
- Oui.
- Très bien, nous partons. »
Je me lève, légèrement tremblant sous son regard évaluateur. Je remarque avec stupeur que je tiens debout sans effort surhumain de ma part. Je fais quelques pas dans l'espace exigu de la chambre. Il semble satisfait du résultat puisqu'il s'empare de ma valise et quitte la chambre. Je m'engouffre à sa suite. Il récupère son bagage. Je suis surpris de son imposant volume, à le voir, on pourrait croire qu'il a l'intention de partir faire le tour du monde.
Je ne m'en inquiète pas outre mesure et le suit jusqu'au salon. Il se poste devant la cheminée et de sa voix grave, énonce notre destination :
« Le Ministère de la Magie. »
L'âtre brûle d'une belle couleur verte. Il s'avance dans le conduit de suie, nos bagages à la main.
J'observe un instant cet endroit qui m'abrite depuis une semaine et quelques. J'ai l'impression que je ne reviendrai pas ici avant un long moment.
Faisant fit de mes vêtements horriblement froissés, je me laisse aspirer vers l'aventure d'un voyage sans destination, laissant derrière moi cette maison trop vide et trop pleine de sensations à la fois.
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