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Le bruit des couverts tinte contre les assiettes. C'est toujours ainsi. Un repas silencieux où aucune parole n'est échangée. Cependant, je dois avouer que depuis notre escapade d'il y a quatre jours, le silence est moins plombant, plus comme une sorte de rituel entre nous.
Cela fait déjà une semaine que le gosse est ici. Et je n'ai aucune foutue idée de ce qui pourrait bien l'occuper. Je ne sais même pas ce qu'il fait de ses journées.
Peut-être que je devrais lui demander. Après tout, ce n'est pas comme si cela pouvait empirer la situation...
« Dîtes Potter...
- Oui Rogue ?
- Y a-t-il quelque chose que vous désireriez faire... ? Puisque je suis condamné à exécuter le moindre de vos désirs, profitez donc de cette emprise, m'empressais-je d'ajouter sous la tournure bien trop agréable de ma première phrase. Vous avez enfin la chance de me faire payer 7 ans d'injustice. Je ne doute pas que votre imagination débordante saura me faire payer l'affront de m'être attaqué au Grand Harry Potter. »
Potter repose sa fourchette dans son assiette avec un geste contenu. Il tourne son regard vert dans ma direction et j'ai la désagréable impression qu'il sonde mon âme alors même que ses yeux à lui n'expriment rien de plus qu'un calme froid. Cela me fait regretter à contrecoeur la période où il était si facile de lire les émotions du gosse.
« Sachez professeur, que je ne vous obligerai jamais à quoique se soit et que je n'aurai jamais l'idée de vous humilier de quelque façon. J'espère que ceci soulagera votre conscience qui apparemment, en veut encore beaucoup à Harry Potter. Pour ce dernier point, je suis d'ailleurs navré de ne rien pouvoir faire pour vous, je crains ne pas être en capacité de changer ni mon nom de famille, ni le statut héroïque dont m'a affublé le monde sorcier, ni ce corps dans lequel je vis. Bien que, croyez moi, ce n'est pas l'envie qui manque... Sur ce, je pense retourner dans ma chambre, à ressasser ma vie tellement héroïque où l'on m'acclame pour le meurtre d'une personne. Je crois que la présence de Harry Potter est devenue trop toxique dans cette salle à manger. Bonne fin de journée, Rogue. »
Et avec un calme olympien, Potter se lève, assez dignement pour quelqu'un de sa maladresse, et s'en va sans plus de préambule. Je reste bêtement bouche-bée, ma fourchette figée à mi-chemin entre ma bouche et mon assiette. Je suis assez impressionné par le culot d'une telle phrase et l'amertume avec laquelle son propre nom s'échappe de sa bouche. Peut-être que Potter n'a pas menti quand il a déclaré éprouver une haine viscérale envers sa personne.
Je débarrasse la table, l'appétit coupé par cet échec cuisant.
Mes pas se dirigent automatiquement vers la chambre de Potter, et avant d'avoir pu réfléchir à ce que j'allais dire au gosse, la porte s'ouvre sur un Potter au regard hagard et las.
« Qu'est-ce que vous voulez Rogue ? Pourquoi vous faîtes-vous tant de mal à supporter mon ignoble présence alors même que vous répugnez à me voir ? Pourquoi ne m'avez-vous pas déjà laissé crever de faim ? Pourquoi vous vous acharnez à me maintenir dans cet état pas tout-à-fait vivant, mais pas tout-à-fait mort ? Pourquoi ne voulez-vous pas m'achever une bonne fois pour toutes, qu'on en finisse avec l'épave que je suis ?
- Parce que je n'ai pas le choix, Potter. »
Maudit soit mon caractère épouvantable et ma fierté. Le gosse veut mourir et je ne trouve pas d'autres mots qu'une pauvre phrase vide de sens. Ou peut-être est-elle trop pleine d'une vérité trop simple à prononcer.
Mais après tout, je ne pouvais décemment pas lui dire d'une voix désespérée que c'est parce que je l'aime de tout mon cœur rongé par la noirceur. Parce que ce n'est pas vrai. Je ne ressens rien pour ce gosse perdu. Rien du tout... Et le fait que mon cœur se serre à la vue de son regard abattu n'a rien à voir avec tout cela.
De toute manière, ce n'est pas comme si la compassion venant d'une personne qu'il méprise allait l'aider d'une quelconque façon.
Alors pourquoi son regard habituellement neutre se fait si douloureux ?
« Je sais, murmure-t-il. Et j'en suis désolé. Peut-être que je devrais en finir avec tout ça. Seul. On ne peut pas vous reprocher un acte que j'ai commis par ma propre volonté, si ?
- Potter. Je ne voulais pas dire ça, je tente platement.
- Oh que si, vous le vouliez.
- Écoutez, je me suis mal exprimé. Pourrions-nous oublier ce malencontreux épisode et revenir à notre question de départ ? À savoir, qu'aimeriez-vous faire Potter ? Et je parle sérieusement.
- Vous savez Rogue, il n'y a que deux choses que je souhaite, et elles sont toutes deux impossibles. Et s'il vous paît, n'essayez pas de vous justifier pour avoir dit la vérité. Je comprends, ça ne fait rien. Maintenant si vous pouviez retourner faire... eh bien, ce que vous effectuez chaque jour, je ne vous retiens pas plus longtemps. Je n'ai actuellement pas la force de supporter votre gentillesse feinte. Donc, belle journée Rogue. »
Et pour la deuxième fois de ce misérable jour, Potter me laisse comme le dernier des imbéciles, toute réplique appropriée dérobée par son regard émeraude.
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Oui bon... pas très gai ce chap, j'avoue.... ça s'arrangera plus tard, n'ayez crainte !
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