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J'époussette dignement ma cape des résidus de cendre, feignant le fait que ce voyage ne me bouleverse pas plus que cela.
Potter est avachi dans le canapé en face de moi, le regard vide, comme s'il n'avait même pas remarqué mon entrée pourtant peu discrète.
« Potter. Quel déplaisir. »
Je m'insulte intérieurement.
Bravo Severus. Rabaisser le gosse pour lui donner envie de vivre. Mais quelle idée ingénieuse.
Au moins, cela avait l'avantage de sortir du fond du cœur.
Mais si je suis coincé avec un gosse dépressif entre les bras, je vais le faire reprendre pied à ma manière. Je ne m'abaisserai pas à céder à chacun de ses caprices muets. Peut-être d'ailleurs que ma méthode aura plus d'effet sur le morveux de par sa brutalité.
« Potter ! Debout ! Albus exige que vous sortiez de ce trou miteux ! Faîtes vos valises, vous emménagez chez moi ! »
Bien que je ne sois pas particulièrement ravi à l'idée d'héberger Potter, cette dernière est tout de même bien plus acceptable que de camper dans ce manoir en ruine.
« Pourquoi vous ? Vous devez hurler à l'injustice de m'avoir encore sur les bras non ? Je vous comprends. Je dois être insupportable. Ne vous donnez pas cette peine professeur, laissez-moi dans cette maison et repartez vivre votre vie bien plus aisée sans moi.
- Potter. Que serait ma vie si vous n'étiez pas là pour la rendre impossible ?
- Sans doute serait-elle bien meilleure. »
Voir le gosse s'apitoyer ainsi provoque en moi une envie folle de le secouer de toutes mes forces jusqu'à ce que ses yeux verts retrouvent leur éclat d'avant, aussi arrogant soit-il.
Mais je n'en fais rien, bien évidemment. Je sais par expérience que la violence ne mène à rien.
Je prend un grande inspiration et m'approche de Potter pour l'aider à se relever. Je passe un bras sous ses épaules en réprimant une grimace face au geste bien trop cordial à l'intention du morveux. Je le soulève de force et nous claudiquons maladroitement jusqu'à la chambre de Potter, dans un mélange étrange entre appui et bousculade. Je le lâche brutalement une fois ma corvée accomplie et m'écarte vivement du gamin.
« Préparez vos affaires. Vous avez 5 minutes. »
Potter pousse un soupir découragé et s'exécute avec lenteur.
Finalement, environ 10 minutes plus tard, le morveux tient sa valise à taille réduite dans sa poche.
« Allons-y Potter, je lui ordonne en lui tendant mon bras.
- Nous allons... transplaner ?
- Oui. Pourquoi, Potter, aviez-vous oublié ce moyen de transport ?
- Non c'est juste que... oubliez. »
Je fais mine de me foutre royalement de ce qui peut bien le tracasser et le presse d'un regard insistant. Il s'exécute avec lenteur et je nous emporte tous les deux dans le salon de ma demeure familiale.
Bien qu'un peu poussiéreuse, j'ai tout de même eu la décence de refaire entièrement la maison de mon enfance il y a quelques années. Histoire de la rendre habitable en plus d'effacer tous les mauvais souvenirs qui la hantent avec un vicieux plaisir.
« Potter. Suivez-moi que je vous montre votre chambre.
- Pourquoi vous faîtes ça ?
- De quoi parlez-vous Potter ?
- Pourquoi vous m'hébergez ? Je ne vous ai rien demandé. Et puis je ne pense pas que Albus ait assez de pouvoir pour vous persuader si facilement de m'inviter à passer un séjour de vacances dans votre demeure. En même temps, je ne vous vois pas non plus le proposer spontanément... Alors pourquoi ? »
Un savant mélange des deux.
« Vous sous-estimez ce vieux fou... Sa manipulation fait des ravages sur mon cerveau.
- Si vous le dîtes. »
Le gamin semble dubitatif et je sais que ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne me redemande la même chose. Il faudra bien que je lui dise la vérité un jour où il ne me laissera jamais en paix. Mais quelle est la vérité ? Même moi je n'en suis pas tout à fait certain.
Potter accepte finalement de me suivre et je le traîne jusqu'à la chambre d'ami juste en face de la mienne. Je lui laisse un temps pour s'installer et lui demande de me signifier quand il est prêt à ce que je lui fasse visiter la maison.
En attendant, je retourne au salon et m'installe confortablement dans mon fauteuil habituel. Je lance quelques sorts de nettoyage sur l'ensemble de la demeure et allume un feu de cheminée, histoire de faire chauffer un peu cette maison austère. Je me munis ensuite d'un livre attiré depuis la bibliothèque grâce à un simple sort.
J'ouvre le bouquin sur mes genoux et pose mes yeux avec résolution sur les pages que je connais déjà par cœur. Je n'ai aucune envie de m'adonner à un activité telle que la lecture, mais cet ouvrage me servira bien gentiment d'endroit convenable où poser mes yeux tandis que mon esprit vagabondera librement au fil de mes pensées.
Bon. Revenons à notre problème du moment : Potter. Je songe un instant qu'on pourrait facilement le nommer problème de ma vie entière si on inclut la génération précédente avant de chasser rapidement cette pensée. Je dois me concentrer sur mon problème actuel.
La tâche dans laquelle je me suis indirectement embarqué est pour le moins complexe et je n'ai pas la moindre idée de comment y parvenir...
Faire revivre Potter ! Alors même qu'il ne lui reste qu'un mois pour vivre sa misérable vie justement.
Est-ce que, quand on me regarde, j'ai l'air de faire du bénévolat pour participer activement à rendre la vie des gens meilleure ? Je ne crois pas non.
Pour le gosse soit heureux, faudrait-il encore qu'il ne soit pas enfermé avec une des personnes qu'il déteste probablement le plus au monde. Est-ce que cela veut dire que je dois tout faire pour que le gosse m'apprécie ? La pensée de devenir le lèche-cul personnel de notre petit Potter me rend malade. Et puis, sincèrement, si je ne me supporte pas moi-même, comment un gosse de 17 ans le pourrait-il ?
La solution serait donc de refourguer cette tâche ingrate à un autre. Cette pensée me paraît plus que raisonnable jusqu'à ce que je me rappelle que j'ai déjà ordonné au gosse de camper chez moi. J'insulte mentalement la partie de mon cerveau qui devait être à moitié consciente de son geste lorsqu'elle a commis cette erreur fatale.
Puis, je pense à me tourner vers Albus. Manipulateur comme il est, il trouvera bien quelque chose à faire gober au gosse pour me débarrasser de lui. Et il me renvient en tête que, malgré son intention de me faire croire que je me suis mis dans ce pétrin tout seul, le vieux fou y est bien pour quelque chose. En effet, c'est lui qui m'a convoqué ce matin pour m'annoncer la maladie du morveux. Il avait déjà, de ce fait, prévu que je me charge de Potter. Ce qui veut dire qu'il me pense capable, par un moyen qui m'est totalement inconnu, de réussir cette mission impossible. Peut-être devrais-je l'appeler par cheminée -quand le gosse dormira- à ce sujet.
Justement, la silhouette fine de Potter apparaît dans mon champ de vision et il se plante devant moi, attendant simplement que je finisse ce que j'ai à faire. L'ancien Potter, lui, aurait assurément insisté pour que je remarque sa présence pénible. Mais le Potter qui se tient devant moi ne fait rien. Il attend simplement, d'un regard que je devine vide sans même le voir, que je daigne lui accorder mon attention.
Je soupire intérieurement. Décidément, ranimer Potter ne va pas s'avérer tâche aisée.
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