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2 mois auparavant

Mes pas claquent sur le sol de pierre de Poudlard. Ce même sol sur lequel une bataille sanglante et meurtrière faisait rage il y a à peine deux semaines. Mais tout cela est fini à présent. Harry Potter nous a tous sauvés bien évidemment. Le très grand et généreux Harry Potter, prêt à sacrifier sa vie pour le bien du monde sorcier.

Quelque part, peut-être que le gosse est bel et bien mort ce jour-là, puisque dorénavant, il ne reste plus qu'une coquille au regard aussi vide que le néant. Oui, L'Élu n'est plus que l'ombre de lui-même, finalement englouti par les Ténèbres qu'il a combattu chaque seconde de sa courte vie.

Je n'en veux même pas au gamin. Non, cette haine propre que je lui voue n'a rien à voir avec la répulsion que j'éprouve envers le monde entier. Ce monde qui a placé un gosse et sa cicatrice sur un piédestal sans tenir compte de l'enfant qui se cachait derrière. Ce monde qui a déposé le poids de son chagrin, son abattement, ses peines, ses pleurs et surtout son espoir sur de bien frêles épaules, mu par une lâcheté inconvenante. Ce monde qui aurait du se battre de toutes ces forces pour soutenir cette incarnation de la rébellion et qui n'a fait que lui enfoncer des couteaux rouillés dans son dos juvénile. Ce monde dans lequel nous vivons. Ce monde qui a fini par détruire son soldat le plus symbolique.

Malgré la haine presque cordiale que nous nous vouons mutuellement lui et moi, je ne lui souhaitais pas un tel sort. Il n'est qu'une victime de plus sur le grand tableau noir de la société, mais je ne peux m'empêcher d'en vouloir au monde d'avoir pris une personne encore dans ses filets mortels.

Et une part de moi, hurle au scandale et réclame le retour de l'ancien Potter. Celui qui avait du répondant. Celui qui avait le don incroyable de me consumer d'une rage et d'une hargne inégalable. Celui qui avait le don de s'attirer tous les ennuis de la Terre. Celui que je m'efforçais de sauver des situations catastrophiques. Celui pour lequel je me battais. Celui que je pouvais haïr. Celui qui était en vie, tout simplement.

Habité par toutes ces pensées, je me dirige avec assurance vers le bureau d'Albus. Je m'arrête devant la gargouille et prononce un énième mot de passe farfelu qui se perd aussitôt dans les méandres de ma mémoire.

J'emprunte les escaliers et traverse la pièce d'un pas rapide pour me planter devant l'imposant bureau du vieux fou.

« Vous m'avez convoqué, Albus ?

- En effet mon cher Severus.

- Et à quel sujet je vous prie ?

- Asseyez vous Severus. Peut-être désirez-vous une tasse de thé ?

- Je veux bien un thé noir, déclaré-je en m'installant face au vieux sorcier.

- Bien, bien, je vois que vous êtes fidèle à vos habitudes. Un bonbon au citron ? »

Une fois dans toute ma misérable vie, je souhaiterais envoyer Albus se faire foutre, lui et ses bonbons au citron. Mais ce ne sera pas aujourd'hui, car déjà il enchaîne après mon plus beau regard foudroyant :

« Je vois que votre choix est déjà arrêté. Tant pis Severus, cela en fera plus pour moi ! »

Et le vieil homme enfourne deux bonbons dans sa bouche.

« Où en étions-nous ?

- La raison de ma convocation Albus.

- Ah oui ! Eh bien voilà, c'est au sujet de Harry. »

La voix du vieillard perd au moins une octave et son habituelle étincelle d'amusement meurt dans ses yeux bleus. Mes sourcils se froncent, un pli nettement visible apparaissant entre mes deux yeux alors que je demande :

« Quels ennuis s'est-il attiré cette fois ? »

Je prie silencieusement pour que l'espoir ne transparaisse pas trop dans ma voix supposée être méprisante. Cette lueur d'un éclat déplacé qui souffle un vent d'espérance sur ma conscience. Oui, je suis en train de démolir le principe de toute une vie en priant pour que Potter ait des ennuis. Car cela signerait le retour au rassurant train-train de mon feu quotidien. Et accessoirement, le retour de l'ancien Potter. Accessoirement.

« J'ai bien peur que le pauvre garçon n'ait rien fait du tout. Si ce n'est accomplir la tâche à laquelle il était destiné depuis sa naissance.

- Mourir, c'est cela ?

- Non Severus. Vaincre Voldemort.

- En mourant.

- En donnant sa vie pour un monde meilleur.

- En se sacrifiant là où des lâches ne l'ont pas fait.

- Il a accompli la prophétie Severus, il n'avait pas le choix.

- Oui, c'est tellement plus simple de se dire qu'il fallait accomplir une stupide prophétie, peu importe le prix à payer, peu importe le garçon qu'on a lâchement utilisé.

- Severus, c'est plus complexe que cela et vous le savez. Après tout, n'êtes-vous pas le premier à lui porter une haine injuste pour ressembler à un être dont il n'est en rien responsable des actions ?

- Peut-être. Mais je n'ai jamais prétendu avoir une quelconque affection pour cet enfant. Je lui ai montré avec transparence la haine que je porte à son égard. Il l'a regardé en face et me l'a bien rendue. Mais le monde sorcier a fait croire à ce pauvre gosse qu'il lui portait une quelconque affection alors même qu'il ne cessait de lui cracher dessus. Tout cela dans le but de le rendre plus docile, un tendre agneau envoyé froidement en pâture au Grand Méchant Loup. Il l'ont manipulé, tout comme vous, Albus.

- Je sens là beaucoup de reproches dans votre voix Severus... J'en suis navré. Mais je n'ai pas le temps d'écouter le déversement incessant de votre amertume, nous avons des choses plus importantes à débattre. »

Pour m'empêcher de lui sauter à la gorge, je hausse un simple sourcil méprisant, lui faisant signe de continuer.

« Comme je le disais, Harry ne va pas fort en ce moment.

- C'est un euphémisme.

- La preuve, même vous vous l'avez remarqué.

- Je vous signale, Albus, que j'ai été espion pour votre compte durant presque la moitié de ma vie. Si vous aviez quoique se soit à redire sur mon sens de l'observation, peut-être aurait-il été judicieux de m'en faire part avant que la guerre ne soit terminée.

- Je disais donc, que son moral n'est pas des plus rayonnants. Cependant, je viens de recevoir le diagnostic poussé de Sainte Mangouste dont il a bénéficié comme chaque rescapé de guerre.

- Et que dit-il ? Monsieur Potter aurait-il contracté une nouvelle maladie incurable ? Histoire de mettre un peu de piquant dans sa vie si monotone.

- Il a un cancer Severus.

- Un... Quoi ?

- Un cancer. C'est un terme moldu pour désigner une transformation anormale d'un groupe de cellules. Ces dernières se multiplient de façon excessive et finissent par former des amas appelés tumeurs. Les tumeurs finissent par se répandre dans le corps si elles ne sont pas stoppées et peuvent entraîner jusqu'à la mort. Le fait qu'un Horcruxe loge dans la tête de Harry lui a fait développer un cancer du cerveau... à un stade inquiétant. Si, tout au long de sa présence, le morceau d'âme de Voldemort limitait la répartition des tumeurs ; son absence brutale a eu pour effet d'aggraver l'état de notre jeune ami. Les médicomages sont fort désolés mais les cancers étant un cas peu commun dans le monde sorcier, il y a très peu de chance qu'ils trouvent un remède avant qu'il ne soit trop tard pour notre jeune ami.

- Combien de temps ? je murmure d'une voix horriblement faible.

- Environ 1 mois Severus.

- Donc le monde sorcier va abandonner ce gosse à son sort encore une fois. Il vont le laisser dans cet état léthargique jusqu'à ce qu'il crève pour de bon.

- Nous n'avons pas le choix Severus... Nous sommes impuissants.

- Je refuse ! Le gamin devrait avoir le droit à l'éternité devant lui pour profiter de la vie et se remettre des blessures lancinantes de la guerre ! Vous ne pouvez pas lui retirer ce droit en ne lui laissant qu'un petit mois alors même qu'il n'est plus rien d'autre qu'une coquille vide. Même si je suis l'un des premier à haïr Potter, je lui souhaitais une vie paisible bien que très loin de la mienne.

- Dois-je comprendre que vous vous portez garant pour offrir cette vie d'idylle à Harry ?

- Avez-vous entendu ma dernière phrase Albus ? Quand je mentionne le fait que je souhaiterais qu'il vive bien loin de moi ?

- Parfait dans ce cas Severus ! Vous vous rendez sur le champ au 12 square Grimmaurd ! Je vous prépare la cheminée !

- Ce n'est pas-

- Allez, allez Severus, vous avez un garçon à ranimer mon cher !

- Albus ! Je- »

Mais déjà le vieux barbu me pousse au travers de sa cheminée. Dans une vaine tentative d'évasion face à la terrible tâche qui m'attend, je sors ma baguette pour lui lancer un quelconque sort qui enlèverait ses mains caleuses de ma cape noire. Mais il est trop tard et je me sens soudain vivement aspiré dans le tourbillon caractéristique d'un voyage par cheminette. À moins que mon vertige ne soit du à la mission impossible qui entrave désormais mes épaules fatiguées ?

Mais ça, je ne le saurai jamais, car mes pieds heurtent le sol poussiéreux, me ramenant brutalement à la réalité dans laquelle je me trouve.

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Hey !
Comment allez vous ?

Du coup pour ceux qui n'auraient la suivi, la publication se fera tous les mercredis et dimanches. Voilà voilà.

Bises ♡

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