Chapitre 18


ZACK

Elle est vraiment nulle, mais je dois garder mon calme et être patient pour l'encourager. On n'apprend jamais bien avec un prof qui ne croit pas en nous, or, je crois en elle. Je sais qu'un jour, je ne sais quand, elle y parviendra. J'espère tout de même que cette réussite future sera bien dans cette vie et pas une autre, sinon ça voudrait dire qu'elle serait morte, et ça, ce n'est pas vraiment quelque chose que j'envisage. Si je n'avais pas de coeur, pas d'émotions comme certains aiment le penser, je dirais que je n'envisage pas sa mort parce que sinon, ça aurait été du temps passé pour rien. Du temps perdu. De l'énergie perdue. Beaucoup trop d'énergie perdue. Malheureusement pour moi, j'ai des émotions.

Elle tire comme elle le peut, et c'est seulement au bout de la quatrième balle que cette dernière daigne enfin atterrir sur la cible. J'esquisse un lèger sourire en voyant qu'elle a enfin réussi. Les efforts payent toujours. Si on y croit, ça paye toujours.

La cinquième balle est un loupé total. La sixième se rapproche un peu plus du centre. Mais plus le temps passe, plus je sens Ava se tendre, pour une raison que j'ignore. Son corps tremble un peu.

– Ava.

– Oui ?

– On va s'arrêter pour aujourd'hui.

– Il me reste trois balles.

– Je ne veux pas le savoir, on s'arrête là.

– Bien.

Elle replace la sécurité sur le pistolet et me le tend, je le prends et le range dans l'étui à ma ceinture. Doucement, elle retire son casque et ses lunettes et va les poser, je fais de même.

– Tu t'es plutôt bien débrouillée, je suis fier de toi.

– Merci, je recommence quand ?

– On fera ça tous les deux jours.

– Jusqu'à quand ?

– Jusqu'à ce que tu sois prête.

– Bien.

– Comment tu te sens ?

– Je me sens bien.

– Je te vois trembler Ava, tu sais.

– Je...

– Oui ?

– J'ai eu de sales pensées intrusives.

– Dis-moi, tout.

– Lorsque je serais sûre que personne d'autre ne puisse m'entendre, si tu permets.

Je hoche la tête, je suis d'accord avec elle. Il est mieux que ces pensées n'atterrissent pas dans de mauvaises oreilles.

Une fois dans ma chambre, je m'assois sur le bord de mon lit tandis qu'elle se met sur la chaise de mon bureau. Elle porte en elle quelques signes d'anxiété, elle semble toute tendue et elle tape du pied sur le sol.

– Qu'est-ce qu'il se passe Ava ?

– Je sais même pas si c'est une bonne idée de t'en parler.

– On parle tout de même de pensées intrusives pendant que tu maniais une arme à feu Ava.

– Tout le monde en a, des pensées intrusives !

– Oui, mais toi, on doit te surveiller, de prêt.

– J'ai peur que tu me fasses du mal si je te le dis.

– Je ne te ferais pas le moindre mal Ava, je te le promets.

Elle expire longuement et lève les yeux au plafond avant de les reposer sur moi.

– J'ai d'abord eu l'idée de me tirer une balle, comme ça genre dans la jambe, pour voir ce que ça ferait...

– Tu as conscience que ça aurait pu être très dangereux pour toi ?

– Bien sûr que oui ! Je ne suis pas une enfant.

– Continues.

– Puis là, j'ai pensé à m'en mettre une dans la tête, pour mourir et tout arrêter. Sauf que ça ne s'est pas arrêté là... J'ai aussi pensé à te tirer dessus... Pour m'enfuir.

Je lève les sourcils.

– Tu sais que t'irais jamais bien loin si tu t'enfuis ?

– Oui...

– Et que ça te condamnerait à une mort certaine.

– Oui...

– Peut-être bien très longue et douloureuse.

– Oui, c'est bon, j'ai compris ! C'était juste des pensées intrusives, comme tout le monde, je ne compte pas faire ça.

– Si jamais il t'en vient vraiment à l'esprit... Tu sais que Rob a tous les contacts de tes proches n'est-ce pas ?

– Et il pourrait les tuer pour me faire du mal avant même de me tuer, oui, ça j'ai saisi.

– Bien...

– J'ai une question Zack...

– Je t'écoute.

– Est-ce que tu tiens réellement à moi ou ça te ferait juste chier d'avoir une nouvelle mort sur la conscience ?

Ah. Ça pour le coup, je ne m'y attendais vraiment pas. Je connais la réponse, mais veux-je vraiment la lui partager ? Pas vraiment. Je détourne le regard.

– Tais-toi Ava.

– Quoi ? Mais ! Je t'ai posé une question, j'ai besoin de savoir.

– Tais-toi.

– Avoir une nouvelle mort sur la conscience, ça te ferait chier, j'ai bien compris.

– Non, tu n'as rien compris.

– Alors quoi ? Tu vas pas me dire que par magie, tu tiens à moi ?

– Et si je te le disais, ça t'apporterait quoi ?

– Je sais pas, l'impression d'être un minimum importante pour une personne de mon nouvel entourage. Et par ce fait, peut-être éviter de me tuer avec ton arme pendant mon prochain entrainement.

Ma mâchoire se serre. Pense-t-elle réellement ce qu'elle me dit ou me fait elle quelque chose comme du chantage affectif ?

Je ne suis pas du genre à dévoiler ce que je ressens en temps normal, étant plutôt réservé sur ce genre de choses. En général, lorsque je tiens à quelqu'un je le montre par des actes, et je pensais que je lui avais déjà montré de cette façon. Je soupire, ouvre la bouche puis la referme et me lève, lui tournant le dos.

– Je tiens à toi, murmure-je.

– Qu'est-ce que t'as dit ?

– Je tiens à toi, et je suis pas prêt de recommencer à le dire, tu vas devoir te contenter de ça.

– Ok, ça me va ! Moi aussi, je tiens un peu à toi, même si...

– C'est bon Ava, t'es pas obligée de faire ça.

– Faire quoi ?

– Me dire ça. Je sais. Je sais que je suis la cause de tous tes problèmes actuels et je ne suis pas prêt de l'oublier.

– Je suis désolée, ce... C'était pas... Enfin, je voulais pas que tu le prennes comme un reproche.

J'expire un peu avant de me retourner à nouveau vers elle afin de la regarder.

– C'est Ok Ava. Je ne le prends pas mal. Je veux juste que tu saches que j'ai conscience de t'avoir foutue dans une énorme merde, et que j'en assume et en assumerais les conséquences jusqu'au bout. Et je veux que tu saches que... Tu peux avoir de l'affection pour moi aussi, si tu le souhaites, mais tu peux aussi me détester, corps et âme. Je le comprendrais.

Elle hoche la tête et ses yeux s'humidifient. Je n'aime pas voir les gens pleurer, mais je ne sais jamais comment réagir à ça. Je ne suis définitivement pas doué avec les émotions... Je soupire et m'approche doucement d'elle, elle se lève et vient me serrer dans ses bras. J'ai un léger mouvement de recul, mais ses sanglots m'interrompent. Je la serre doucement, et lui caresse le dos.

– Tout ira bien Ava, tout ira bien.

– Je vais mourir...

– Je t'en interdit.

À travers ses sanglots, elle lâche quelques éclats de rire.

– Si mon futur chef me l'interdit alors...

Je souffle du nez à mon tour. J'aime bien son sarcasme.

***

Impossible de dormir. Je regarde l'heure. Il est plus de trois heures du matin. Je me retourne sans cesse dans mon lit. Ava dort avec Rachel, je ne risque pas de la réveiller. Je me redresse, m'assois sur le bord de mon lit, me prend la tête entre les deux mains. Donner un peu d'affection à Ava hier était une grosse erreur. Je ne veux pas qu'elle m'apprécie. Il ne faut pas qu'elle m'apprécie. M'apprécier, c'est forcément avoir mal à un moment ou un autre. Je ne peux pas lui faire subir ça. Je ne peux pas lui donner de faux espoirs. Et, par ailleurs, je me dois d'éloigner l'attirance qui nait peu à peu en moi. Tout est bien trop dangereux. Moi non plus, je ne peux pas me permettre de souffrir.

Il faut qu'elle me haïsse, et pour se faire, j'ai une idée en tête.  

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