Chapitre 7
- Allez...s'il te plaît...Viens avec moi ! Ça fait si longtemps qu'on ne l'a pas fait !
- Désolée Al ... mais je suis vraiment crevée. Je ne veux pas y aller... Mais cela ne t'empêche pas de le faire !
- Oui mais c'est plus amusant à deux !
20h30 sonne à l'horloge alors que je suis assise dans la chambre de Camille, celle-ci allongée sur son lit. Ça va bientôt faire vingt minutes que j'essaye de convaincre ma cousine de m'accompagner pour une balade équestre nocturne sur la plage, une de mes activités favorites mais après la journée en mer, elle n'a plus d'énergie alors que c'est moi qui a passé presque une heure à faire de la plongée sous-marine ! Elle exagère ! Oui bon, c'est sans compter la partie où je l'ai forcé à venir nager avec moi... Mais tout de même !
- Bon très bien, j'irai seule.
- Merci...
Je lui souris une dernière fois bien que je sois un peu déçue par son manque d'enthousiasme, et sors pour la laisser se reposer, me dirigeant ensuite vers ma propre chambre, afin de m'y préparer.
J'attrape une culotte d'équitation noire et un polo blanc, la nuit n'étant pas froide je n'aurai pas besoin de pull. Puis j'enfile mes bottes et m'attache rapidement les cheveux en une queue de cheval.
Enfin prête, je sors par la porte de la cuisine, non sans avoir prévenu mes grands-parents de mon escapade, et me dirige vers l'arrière de la maison.
Les graviers crissent sous mes pas et une petite brise vient caresser mon visage. Je souris, excitée à l'idée de galoper à nouveau dans l'eau, les cheveux dans le vent.
J'arrivai bientôt devant le pré et le contournai pour aller vers la petite écurie. Là, j'allai chercher la bride et la selle d'Opale, la jument que je m'apprêtai à monter.
Je la trouvai dans son box, mâchant distraitement quelques brins de paille. Quand elle m'aperçût, elle se retourna vers moi et agita ses oreilles, toute contente à l'idée de partir en balade. J'entrai donc, lui grattai un instant le front où une fine liste blanche éclaircissait son poil brun et commençai à la harnacher.
C'était une magnifique jument baie avec ses quatre jambes noires et son crin sombre lui aussi. Des deux chevaux que possédaient mes grands-parents, c'était elle que je préférais. Tout d'abord parce que sa robe était somptueuse et qu'elle était très élégante, gracieuse dans tous ses mouvements comme les chevaux durant les concours lors de leur passage en dressage ; lorsqu'ils se mettaient à voltiger au-dessus du sable humide. Dans ces moments-là, on pouvait presque voir Pégase, leur ancêtre aux ailes blanches, s'immiscer dans leur danse.
Et puis, son caractère me plaisait énormément. Fougueuse et énergique, elle était rapide et toujours partante pour de l'exercice. Que ce soit une séance de saut ou une simple balade, elle avait toujours le moral et on s'entendait plutôt bien.
Contrairement à Camille aujourd'hui, maugréai-je un instant même si je ne lui en voulait déjà plus.
Quand je vous dis que ma colère est de courte durée ! Oui bon là ce n'était pas une dispute... Mais tout de même.
Une fois sellée, je l'attrapai par la bride et la sortis de son box – Opale pas Camille ! – Puis j'enfonçai mon pied dans l'étrier, grimpai sur son dos en tapant sur le sol pour m'aider et m'installai confortablement sur le siège de cuivre. Les rênes en main, je la guidai vers l'extérieur et nous partîmes toute deux en direction de la plage.
Au-dessus de nos têtes, la nuit étalait son manteau brodé d'étoiles où brillait une lune presque pleine, son disque d'argent rayonnant dans le ciel noir et illuminant les jardins de sa lumière blafarde.
- Magnifique... soufflai-je.
Un petit sourire ne m'avait pas quitter depuis les écuries et il ne fit que s'agrandir lorsque je m'engageai sur le sentier qui sillonnait entre les arbres pour atteindre une petite crique solitaire, isolée du monde par une muraille de rochers.
Pour cette balade, j'avais préféré aller ici plutôt que sur la plage habituelle tout d'abord parce qu'il n'y avait jamais personne, ce coin étant peu connu et difficile d'accès, et ensuite parce que je le préférais.
Sortant du bosquet dans lequel nous étions entrées, nous débouchâmes sur un petit chemin qui longeait la falaise. J'entendis au loin la cloche de l'église sonner neuf heures et je me réjouis : j'allais pouvoir faire une longue promenade puisque le couvre-feu n'était qu'à minuit pendant le début des vacances, même s'il n'était plus vraiment respecté ou tout du moins personne ne le vérifiait réellement.
Ayant donc tout mon temps, je décidai d'ajouter du chemin et tournai à droite au lieu de continuer sur le sentier dessiné au sol par les passants de la journée.
Je fis marcher ma jument un instant dans l'herbe verte qui crissa légèrement sous ses sabots pour vite retrouver une ligne de terre toute tracée qui descendait à travers les rochers jusqu'à l'océan.
Heureusement pour moi, Opale avait déjà fait une centaine, si ce n'était un millier de fois ce genre de chose et elle était donc habituée à s'aventurer dans les pierres alors que la pénombre régnait autour de nous.
Sous la selle, son corps semblait danser au rythme de ses pas pour descendre prudemment et je m'amusai à suivre son mouvement, me balançant élégamment en cadence avec son allure. Je me croyais à l'entrée du paradis parce que je savais que le véritable serait lorsque je la lancerais au galop dans l'eau et que, la bride au vent, nous nous élancerions toutes deux contre cet élément naturel qui nous sifflerait aux oreilles.
Je souris à cette pensée et pris une grande goulée d'air pour imprégner mes narines de la délicieuse odeur marine qui nous encerclait.
Lorsque nous arrivâmes sur le dernier rocher qui formait une sorte de plateforme plate, j'arrêtai Opale et mis pied à terre pour y enlever mes bottes et tremper mes orteils dans l'eau de mer.
La température plutôt basse de l'eau m'attaqua mes doigts de pieds et un frisson remonta le long de mes jambes pour atteindre ma nuque. Mais cela ne me dérangea pas, bien au contraire.
Cette sensation ne fit qu'accroître l'espace entre les deux commissures de mes lèvres.
Il fallait d'ailleurs que je fasse attention parce que si ça continuait ainsi, mon sourire allait décrocher ma mâchoire et j'allai perdre pour de bon ma bouche.
Oui bon... n'en rajoute pas.
Je crois bien que si un bateau de pêcheur était passé à cet instant, il aurait sûrement trouvé un curieux tableau dans ses rochers : une jeune fille assise sur un rocher avec un sourire jusqu'aux oreilles, les pieds pataugeant dans l'eau froide de l'Atlantique, une jument au-dessus se prenant pour Napoléon exilé et semblant regarder l'océan avec mélancolie.
Oui, bon...c'était peut-être un peu exagéré... un petit peu beaucoup même... Mais bon, je crois que vous avez compris le genre de spectacle que l'on rendait.
Non.
Je ne sais pas combien de temps je restai là à contempler l'étendue bleue qui reflétait les ténèbres du ciel et dans laquelle luisait une lune presque parfaite. Son disque laissait sur les eaux des diamants blancs qui scintillaient de mille feux, m'hypnotisant totalement.
Bien que ce spectacle ne changeait pas entre chaque année, à chaque fois qu'il s'offrait à mes yeux j'avais l'impression de le découvrir à nouveau.
Magique était le seul mot qui me venait à l'esprit en cet instant.
Oui oui, c'est bien beau tout ça, mais il serait peut-être temps de partir là !
Super, merci... Voilà comment briser un beau moment...
Mais bien que cette petite voix insupportable qui devait me servir de conscience m'ait légèrement refroidie, elle avait raison. Je n'avais pas vu le temps passer et les aiguilles de ma montre à mon poignet s'étaient rejointes pour s'avancer ensemble vers 22h. Il ne fallait pas que je traîne surtout que pour accéder à la crique, on devait compter une bonne vingtaine de minutes. Je n'y serais pas avant 30.
Remontant rapidement en selle, je lançai Opale sur le chemin du retour et elle s'y engagea d'un bon pas.
Nous mîmes moins de cinq minutes à remonter et je m'en félicitais bien que mon effort fourni soit presque inexistant.
Le sentier que nous prîmes ensuite longeait la falaise et je pouvais entendre en contre bas les vagues s'écraser contre les rochers émoussés. Leurs allés et venus réguliers résonnaient à mes oreilles comme une douce mélodie et je fermai les yeux pour apprécier le moment, les pas du cheval sur la terre meuble venant s'ajouter au concert sans pour autant en gâcher l'harmonie.
Durant les vingtaines minutes que dura cette marche nocturne, je laissai Opale suivre le chemin librement et me lançai dans une vaine quête à reconnaître les constellations exposées dans le ciel.
Je cherchai tout d'abord la Grande Ourse et son ourson au bout de la queue duquel brillait l'étoile polaire. Puis Orion et son épée avant de me rappeler que celle-ci se trouvait dans l'hémisphère sud à cette période de l'année et j'en fus profondément déçue surtout que c'était la seule en dehors de la Grande Ourse que j'avais réussi à retenir.
Bon après c'est pas comme si t'avais essayé de les apprendre...
La Voie lactée étirait dans cet encre nocturne sa traînée de poudre lumineuse et me rappelait à quel point l'Univers était grand et que l'Homme était ridiculement petit par rapport à lui. Mais j'arrêtai aussitôt mes réflexions philosophiques sachant pertinemment que si je m'aventurai dans ce genre de sujet, celles-ci se termineraient surement par une grande dépression suite à ma prise de conscience.
Ben voyons...
Je me concentrais à temps sur notre direction pour dirigeai ma jument et nous commençâmes doucement notre descente vers la crique.
Plus nous approchions et plus j'avais l'impression d'entendre du bruit. Pourtant nous étions loin de toutes habitations et les jeunes venaient rarement ici, le passage pour y accéder étant très escarpé à pied et praticable qu'en 4x4 du côté des voitures.
Mais bientôt, les rochers, qui m'avaient jusque-là bloquer la vue, se dispersèrent un peu pour me laisser le champ libre et j'arrêtai ma monture, stupéfaite par le spectacle qui se présentait à mes yeux.
En contre bas, sur le sable blanc, un groupe d'une vingtaine d'hommes s'affairaient rapidement. Ils semblaient transporter des lourdes caisses, qui provenaient d'un bateau de pêcheur, vers cinq Range Rover noires garées un peu plus haut.
Je hoquetai de surprise en remarquant qu'ils étaient tous, ou presque, armés... de mitraillettes à ce que je pouvais en voir.
Non ! Ne me dîtes pas que je venais de tomber sur un trafic de...
Tu veux bien arrêter de dire des conneries, on n'est pas dans un film là !
Je continuai d'observer la scène de loin, masquée par les rochers qui me permettaient ainsi de voir sans être vue.
Le groupe d'hommes avait formé une chaîne dans laquelle douze d'entre eux remontaient leur cargaison pendant que les six autres surveillaient les alentours. Je remarquai aussi deux silhouettes un peu à l'écart des travailleurs et des gardes qui semblaient superviser les opérations.
Plus je regardai ces caisses et plus ma curiosité me poussaient à m'approcher pour aller voir de plus près.
Hors de question ! Tu ne bouges pas d'ici ! Tu ne t'avances pas plus ! Tu fais demi-tour et tu rentres bien sagement à la maison en oubliant cet épisode.
C'était bien mal me connaître...
Je me mis à observer les ombres qui me faisaient penser à des fourmis en plein travail.
Les caisses qu'il tenait entre leurs bras devaient bien mesurées un mètre de hauteur et étaient probablement faites d'un alliage assez léger pour être porter mais tout de même en métal car lorsqu'ils les posaient aux pieds des voitures, elles s'entrechoquaient entre elles dans un bruit de ferraille.
Je me demandais ce qu'elles pouvaient bien contenir...
Non mais t'es vraiment pas croyable ! Ce n'est pas notre affaire ! Rentres immédiatement !
Je mis en veilleuse cette petite voix qui commençait sérieusement à m'agacer et reportai mon attention sur les deux hommes qui paraissaient être les chefs.
Ils se tenaient à une vingtaine de mètres près de l'océan qui s'avançait sur le sable mouillé, semblant indifférent au spectacle plus que suspect qui se déroulait sous ses yeux.
Ils étaient en pleine discussion, regardant d'un œil attentif la manœuvre, lorsqu'Opale choisit cet instant opportun pour racler le sol rocailleux de son sabot et je ne pus rien faire pour l'en empêcher.
Je priai pour que personne ne l'ait entendu, trop concentré sur leur travail, mais je compris bien vite que c'était peine perdue lorsqu'un des dirigeants se tourna vers l'endroit où nous étions cachées.
Ah ! Tu vois ! Je te l'avais dit que c'était une mauvaise idée... Alors maintenant tu m'écoutes et tu déguerpi vite fait !
Cette fois-ci je suivis son conseil plus que judicieux et, attrapant fermement les rênes de cuir, j'entraînai ma jument vers le chemin du retour le plus discrètement possible.
Elle remonta rapidement mais j'eus le temps d'apercevoir une des deux silhouettes se diriger à grands pas vers l'endroit que nous quittions.
Je fis en sorte qu'on accélère la cadence, mon cœur battant si vite la chamade que je crus un instant qu'il allait s'échapper de sa cage thoracique pour s'enfuir dans les bois qu'on voyait apparaître plus haut, ayant bien trop peur de se faire attraper. Traître.
C'est ainsi que nous arrivâmes au sommet de la falaise, le souffle court alors que je n'avais fourni aucun effort.
Je repris ma respiration un moment mais celui-ci me fut fatale. J'aurai mieux fait de continuer au trot sur le sentier de terre battue plutôt que de m'arrêter...
Qu'est-ce que je t'avais dit...
Je compris mon erreur lorsque je vis une silhouette masculine débouchée à la manière d'un félin en pleine chasse du chemin que nous venions de quitter et se diriger droit sur nous.
En deux enjambées il nous avait rejoint.
Je talonnai les flancs de ma jument pour la lancer au trot et tenter d'éviter l'inconnu mais je ne fus pas assez réactive.
Celui-ci agrippa les rênes au niveau du mors, stoppant net l'animal, puis attrapa fermement mon bras de l'autre main.
Je ne compris pas tout de suite ce qu'il se passa. Tout alla si vite. Une douleur aigu dans mon bras, ma vision qui se troublait comme si un peintre eût pris son pinceau pour effacer la nuit, un sifflement au niveau de mon oreille.
Et puis je sentis mon dos souffrir à cause d'une chute et je devinai qu'on venait de me mettre à terre en me tirant au bas de ma monture.
A peine eus je réaliser ce qu'il venait de se passer en accéléré, qu'un poids se fit sentir sur mon buste. Ma respiration fut coupée et j'eus du mal à trouver de l'air.
Mes instincts de survie reprirent rapidement le dessus sur la raison et je me mis à me débattre comme un beau diable pour tenter de me débarrasser de l'emprise inconnue.
Je donnai des coups de pieds et de points dans tous les sens pour tenter d'atteindre quelque chose mais ceux-ci ne firent que brasser de l'air.
L'obscurité ne m'aidait pas : je ne voyais pas mon agresseur. Surtout que la lune avait choisi ce moment pour partir se réfugier derrière quelques nuages épars comme si elle aussi craignait de se faire emprisonner elle aussi.
Décidément je n'étais entourée que de lâches.
Bientôt l'homme au-dessus de moi m'attrapa les poignets d'une main de fer et je ne pus plus bouger. Il avait une force incroyable.
Pourtant je n'étais pas maigrichonne, je pouvais largement me défendre. Mais là, il m'avait pris de court et la panique m'avait empêcher de me battre correctement.
- Ne bouge plus.
Le ton froid et tranchant de l'inconnu me glaça sur place. Il ne laissait place à aucune réponse.
De toute manière qu'est-ce que tu aurais répondu à ça ? Tu peux me le dire ?!
Je grognai lorsqu'il plaça au-dessus de mon crâne mes poignets toujours immobilisés entre ses doigts d'acier, mais m'arrêtai bien vite...
Je venais de sentir sur ma tempe droite le contact froid du canon d'un colt.
Étrangement, je n'eus pas aussi peur que j'aurai dû. Un calme apaisant m'engloba et je me détendis légèrement, sans pour autant relâcher mes sens qui étaient toujours en alerte.
Je sais pas si je préfère que tu paniques ou que tu sois beaucoup trop calme...
Mon agresseur dû le sentir car il réprima un mouvement de surprise avant de reprendre aussitôt le contrôle.
C'est à ce moment-là que Diane, sur son char lumineux, décida de ressortir des nuages moutonneux pour illuminer la scène dans laquelle je jouais le mauvais rôle. Comme sur les écrans, les rayons d'argent s'extirpèrent peu à peu du coton blanc pour venir finalement éclairer les traits du visage qui me coupait l'accès au ciel. En me rendant compte de qui me retenait prisonnière, je ne pus empêcher le hoquet de surprise qui s'échappa hors de mes lèvres.
Comment cela était possible ?!
Je devais rêver...
Ça ne pouvait pas être vrai... Ça ne pouvait pas être lui...
Alessandro ne pouvait pas être mon agresseur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top