Chapitre 2
Un grand doberman au poil luisant se rue sur nous et je lâche un cri de surprise lorsque je reçois son corps, lancé dans une course effrénée, en plein dans l'épaule. Mais l'animal n'y prête pas plus d'attention et bondit joyeusement sur la jeune fille qui sourit en caressant le chien pour le calmer.
Je devine qu'elle doit être sa maîtresse ou tout du moins le connaître car, bien que son allure soit menaçante, il a l'air d'un jeune chiot qui chahute et il s'est précipité sur elle dès qu'il l'a vu.
Mais bientôt une deuxième ombre s'avance silencieusement vers nous.
Surprise, je relève la tête vers le jeune homme qui approche et je ne peux m'empêcher de croiser mes bras sur ma poitrine après l'avoir surpris en train de zyeuter sur mon t-shirt devenu transparent à cause de l'eau et qui laisse deviner mon soutien-gorge.
Son regard croise alors le mien et un rictus se forme au coin de ses lèvres que j'interprète comme moqueur car ses yeux semblent me dire : « Ne t'en fais pas, j'en ai vu d'autre... ». Et cela ne me surprend même pas étant donné qu'on peut dire qu'il n'est pas le genre de garçon qui a du mal avec la gente féminine.
En effet son teint est bronzé, il doit venir d'une région très ensoleillée comme l'Espagne ou encore l'Italie, et son nez aux lignes droites me rappelle celui de la jeune fille à mes côtés tout comme la couleur de sa peau. Mais leur ressemblance s'arrête là.
Ils doivent être cousins ou frères et sœurs.
Contrairement à elle, il a des cheveux noir de jais et ses yeux d'un vert profond ont dû en faire tomber plus d'une. Il est grand, ne devant pas pour autant dépasser le mètre quatre-vingt-quinze, et sa silhouette svelte et musclée projette une ombre élégante sur le sable.
Celle que j'ai sauvée quelques minutes auparavant ne l'a pas encore remarqué et continue de caresser le chien qui bat frénétiquement l'air avec sa queue.
Le nouvel arrivant tourne alors son regard vers ma compagne et celui-ci change immédiatement lorsqu'il remarque qu'elle est trempée. La lueur joueuse et amusée s'éteint en un instant, comme si un coup de vent fort venait d'étouffer la flamme vacillante de la bougie qui éclairait ses pupilles, et elle est remplacée par un regard glacial, aussi tranchant qu'un couteau de chasse.
Il se tourne vivement vers moi et s'approche à grands pas me faisant légèrement reculer sur le sable.
Lorsqu'il est au-dessus de moi, il me saisit violemment le bras et tire dessus pour me relever.
Je grogne sur le coup et me relève péniblement, sans oublier de lui lancer un regard mauvais au passage.
Mon mouvement attire alors l'attention de la jeune fille qui tourne la tête vers nous. Elle semble reconnaître l'inconnu car elle écarquille ses beaux yeux bleus et se lève bien plus rapidement que moi alors que c'est elle qui était en train de se noyer quelques instants plus tôt.
- Ce n'est pas ce que tu crois, le rassure-t-elle en posant une main qui se veut apaisante sur son avant-bras.
Elle a parlé d'une voix claire, bien plus forte que lorsqu'elle s'est adressée à moi, et à présent je peux clairement déceler dans sa voix un petit accent étranger, italien je dirais, vu les tons chantants qu'elle prend quand elle parle.
Il baisse alors ses yeux vers elle et la questionne du regard, un éclat d'alerte qui se mêle à l'angoisse au fond de ses pupilles, l'incitant à continuer.
- J'étais en train de nager lorsqu'une vague plus forte que les autres m'a surprise et renversée. Je me suis retrouvée dans l'eau, désorientée, et ai appelé au secours avant de commencer à sombrer, m'évanouissant juste après. Lorsque je me suis réveillée, j'étais allongée sur la plage et elle se tenait près de moi.
Dès qu'elle a fini de raconter sa courte mésaventure, le jeune homme reporte son attention sur moi et me détaille d'un regard suspicieux. Il ne me fait pas confiance, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, mais il doit avoir compris que je n'étais pas un danger pour sa petite protégée car il plante son regard dans le mien, semblant attendre que je réponde à ce récit.
Je n'ai rien à ajouter mais mon instinct me dit qu'il ne lâchera pas l'affaire tant que je n'aurai pas raconter ma part de l'histoire et je choisis de lui faire confiance car cette infime partie de moi a tout de même sauvé une fille aujourd'hui.
- Je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour votre sœur, mais lorsque j'ai entendu un cri et vu une personne qui se noyait, je me suis précipitée sur elle et l'ai sortie de l'eau, lui dis-je en haussant les épaules pour lui faire croire qu'il ne me fait aucun effet, mais je sais bien qu'au fond de moi ce petit mouvement nonchalant est plus adressé à moi-même, pour me convaincre que je ne suis pas effrayée, qu'à mon interlocuteur.
J'ai tout juste le temps de remarquer le petit regard surpris qu'il me lance lorsque je prononce le mot « sœur » et je devine ainsi que j'avais vu juste.
Lorsque j'ai terminé mon explication, il me lâche le bras, que je m'empresse de resserrer sur ma poitrine, et me fixe de ses yeux d'un vert hypnotisant dans lesquels je crois discerner une petite lueur de curiosité.
J'ai vraiment l'impression d'être une bête de foire lorsqu'il me regarde comme ça.
Ne supportant plus le silence qui s'est installé entre nous et qui ne semble pas les déranger le moins du monde, la jeune fille ayant reporté son attention sur le chien, je plonge mon regard dans la forêt vierge qui semble être enfermée dans les mystérieuses pupilles de l'inconnu et dis d'une voix qui se veut assurée :
- A présent que je suis certaine que votre sœur va bien et qu'elle est entre de bonnes mains, je vais vous laisser.
Je n'attends pas qu'il me réponde et commence à me diriger vers les rochers où doivent encore être mes baskets que j'ai laissées, quand j'entends la douce voix de ma noyée, ses accents semblant s'enrouler autour des mots et les prendre dans leurs bras pour les faire danser, résonner derrière moi:
- Comment pourrais-je te remercier ?
Je me retourne vers elle, surprise pas sa question.
- Pourquoi voudriez-vous me remercier ?
- Eh bien tu m'as tout de même sauver la vie !
Elle a parlé sur un ton où je note une pointe de reproche, comme si elle était outrée par ma question.
Elle pense réellement que j'ai fait cela pour qu'elle me doive quelque chose ?!
- Et alors ? Je vous ai sauver la vie parce que vous alliez vous noyer, je n'allais tout de même pas vous laisser crever ! Je l'aurai fait pour n'importe qui !
Ou presque... son visage s'imprimant devant mes yeux.
- Arrêtes de me vouvoyer ! Je parie que tu es plus âgée que moi !
La légère note de contrariété qui transperce dans sa voix étrangère me ramène à la réalité que j'ai un bref instant quittée pour mon Tartare personnel.
- Comme vou... comme tu voudras... je soupire.
- Mais quand même, reprend-elle, je veux te remercier.
- Ce n'est pas la peine.
Je lui tourne le dos pour lui signifier que la conversation est terminée, mais elle n'en a rien à faire et continue sur sa lancée :
- Accepterais-tu de devenir mon amie ?
Je m'arrête à nouveau, surprise de sa requête.
Lorsque je me retourne pour lui faire face, j'ai tout juste le temps d'apercevoir le regard désapprobateur que lui lance son frère mais qu'elle ne peut voir, celui-ci étant toujours placé derrière elle. Je pose alors mes yeux sur elle, son regard est presque suppliant et me fait penser à un jeune chiot qui quémande une friandise : irrésistible.
- Je...
Je ne sais pas vraiment quoi dire... J'ai toujours passé mes étés avec Camille, mes deux autres cousins, mes sœurs et mes grands-parents, et n'ai que très rarement eut d'amis, sauf bien sûr le fils du voisin, Jules, avec qui on forme un trio inséparable avec Camille. Peut-être une ou deux fois, je me suis liée d'amitié durant une journée avec un enfant pour faire des pâtés de sable, mais jamais je n'ai eu « d'amies » avec qui je passais des journées entières et cela ne m'a d'ailleurs jamais dérangé, tout ce que j'ai déjà me suffit amplement.
- S'il te plaît ! Je suis nouvelle ici, je vais m'ennuyer à mourir puisque je connais personne... Je t'en prie, soyons amies !
Je la fixe toujours, hésitante.
Après tout, elle me paraît sympa bien que son frère au-dessus d'elle me refroidisse légèrement. Et puis une nouvelle tête ne peut que nous apporter du bien ! Non ?
Je tergiverse toujours, lorsque mes lèvres s'ouvrent pour laisser échapper une réponse que je n'ai même pas demandée !
Super... mon instinct a repris les devant...
- C'est d'accord. Retrouve-moi ici à 17h, je te présenterai ma cousine et on pourra passer la fin d'après-midi ensemble.
Elle me regarde tout d'abord avec des yeux ronds comme des billes, ne s'attendant vraiment pas à ce que j'accepte aussi facilement.
J'ai vraiment une tête d'associable ou comment ça se passe ?...
Mais elle se reprend immédiatement et un immense sourire vient étirer ses lèvres roses, ses deux petits océans lui servant d'yeux semblant pétiller, comme illuminés par des milliers de feux d'artifices.
Je crois un instant qu'elle va se jeter sur moi et je me prépare psychologiquement et physiquement à la recevoir mais elle n'en fait rien bien qu'elle paraisse se retenir.
Ok, je note, elle est du genre contact physique et tout le tralala... elle s'entendra bien avec Camille.
Je soupire mentalement mais lui réponds d'un ton enjoué :
- Bon bah à tout à l'heure alors !
- Oui ! me répond-elle un immense sourire placardé aux lèvres.
Je lui souris une dernière fois avant de me retourner à nouveau pour me diriger vers mes chaussures.
Cette petite mésaventure m'a pris plus de temps que prévu et ils doivent déjà être arrivés.
Je presse donc le pas et lorsque j'arrive devant mes baskets, je suis soulagée de voir qu'elles sont toujours là avec ma montre, mon téléphone et mes clés ainsi que plusieurs autres bibelots qui trainaient dans mes poches et qui n'auraient sûrement pas supporté l'eau salée.
Je me félicite intérieurement d'avoir eu la bonne idée de ne pas les emmener dans la mer lors de mon sauvetage et enfile mes chaussures en vitesse.
Quand je me relève et mets mon téléphone dans ma poche arrière, je remarque que le frère et la sœur que je viens de rencontrer ne sont plus que deux silhouettes s'éloignant dans les dunes au loin, leur doberman énergique gambadant devant eux.
Je n'arrive pas à croire que je viens de sauver la vie d'une fille et que je m'en suis ensuite faite une amie.
Je sens que cet été sera légèrement différent des précédents et je ne sais pas si c'est un bon ou un mauvais pressentiment.
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