Chapitre 7
Ils avaient repris la route, le lendemain matin, sous la direction de Stella, sans même savoir où ils allaient, exactement. La blonde avait catégoriquement refusé de leur en dire plus sur la manière dont elle allait les faire tous pénétrer dans le palais royal de Solaria. Ce n'était pas faute de ne pas avoir insisté, pourtant.
- Tu es sûre que c'est le bon chemin, au moins ? s'insurgea Riven avec un vif mouvement de la main. J'ai l'impression que ça fait dix fois qu'on passe devant ce foutu arbre.
- Bien sûr que j'en suis certaine, répondit la princesse sans prendre la peine de ralentir le pas. Solaria se trouve droit devant nous.
- Et comment tu sais ça ? insista-t-il, dubitatif. Vous avez des cours de randonnée en plus des cours de comment-assouvir-le-peuple en tant qu'héritiers royaux ?
- Oh ta gueule, le rembarra Blake, tu ne connais rien à la royauté.
- Par où tu crois que je suis passée quand je me suis enfuie du château l'année dernière ? s'enquit-elle avec agacement. Je te dis que c'est tout droit.
Riven serra les poings et pinça les lèvres, prêt à répliquer quelque chose de cinglant. Il n'était nullement d'accord qu'on lui parle sur ce ton. Toutefois, la main calme et apaisante de Musa se posant sur son bras calma quelque peu sa colère.
Cela faisait des heures qu'ils marchaient sans s'être arrêtés. Tout le monde avait mal aux jambes et ils n'avaient de cesse de se demander à quel moment l'un d'eux sentirait le sol se dérober sous ses pieds tant les pas qu'ils se forçaient à faire pour avancer étaient douloureux. Leur vitesse de marche s'était, par la même occasion, considérablement ralentie et seule Stella semblait ne pas souffrir de cet épuisement. Peut-être qu'elle avait bel et bien suivi de longues heures de séances à travers les bois, finalement, pensaient-ils tous sans oser le dire à voix haute.
- Non, mais sérieusement, maugréa-t-elle plus calmement, qu'est-ce que t'as bouffé au petit-déj ? On est tous crevés, Stella, il faut qu'on fasse une pause.
- Je ne pensais pas dire ça un jour, mais Riven a raison, dit Terra. On pourrait parfaitement camper ici le temps de se reposer, il doit déjà être seize heures et on marche depuis une éternité. Mes jambes vont finir par lâcher et en plus, le ciel devient gris, il va sûrement se mettre à pleuvoir.
Un long soupir quitta les lèvres de l'héritière blonde. Elle n'avait aucune envie de s'arrêter en si bon chemin, pourtant elle savait aussi que son amie avait raison. Elle-même avait mal aux jambes, et ce, même si elle s'efforçait de ne pas y penser. Cela devait bien faire plus de huit heures qu'ils marchaient tous sans se plaindre, plus ou moins en retrait et elle leur devait bien ça.
Elle s'arrêta alors et entreprit de jeter un regard discret à Béatrix, qui marchait à ses côtés en tenant ses distances. Stella ne l'avait pas entendue du voyage, ce qui la surprenait un peu. Mais elle mettait cette attitude muette sur le compte de l'angoisse qui les habitait tous et sur le dos du fait qu'elles ne soient pas seules. La fée de l'air n'était pas du genre loquace lorsqu'elle était en public, à moins que ce ne soit pour rabaisser les gens sur son passage ou qu'elle ait réellement des choses importantes à partager.
- Très bien, abdiqua-t-elle, on peut s'arrêter un moment. Mais je connais un meilleur endroit pour camper et passer la nuit, à un ou deux kilomètres au nord, vers Solaria.
- Merci, répondit Terra avec un soulagement non feint.
La bande d'amis ne se fit pas prier. Chacun trouva sa place contre un arbre, sur une souche, un tronc ou encore à même le sol. Ils récupérèrent tous l'eau et les barres de céréales qui leur servaient de provisions, dans leur sac à dos et se délectèrent de la fraicheur de l'eau dans leur gorge ainsi que de la consistance de la nourriture.
Assise sur l'un des deux troncs disponibles dans cette partie de la forêt, Stella regardait simplement ses amis, pensive. Pourquoi en étaient-ils tous arrivés là ? Au fond, c'était elle qui les avait convaincus de l'aider et son cœur se tordait d'angoisse dans sa poitrine. S'il leur arrivait quoi que ce soit durant les dures batailles qui leur restaient à venir, elle ne se le pardonnerait sûrement jamais. Car peu importe à quel point ils pouvaient se détester parfois, ils s'aimaient davantage encore. Ils étaient sa famille.
Un mouvement près d'elle attira son attention. À pas feutrés, Béatrix avait quitté l'arbre contre lequel elle s'était appuyée pour la rejoindre et s'asseoir à ses côtés. La fée de l'air eut un instant d'hésitation lorsqu'elle arriva près de sa petite-amie, de peur que celle-ci ne consente pas à ce rapprochement public, mais Stella lui offrit un sourire et ses craintes furent balayées d'un revers de la main.
Le tronc était si étroit qu'il n'y avait de places que pour deux personnes, en se serrant un peu, si bien que leurs corps se retrouvèrent naturellement en contact, épaule contre épaule et jambe contre jambe. Elles se regardèrent un instant, Stella dans l'expectative jusqu'à ce que la fée de l'air ne lui tende sa gourde et une barre de céréale encore emballée, tout en veillant à ne laisser paraître aucun sentiment qui risquaient de les compromettre. Néanmoins, une petite voix au fond de son être lui soufflait déjà que c'était trop tard, que leur mascarade ne dupait aucun des amis de Stella qui épiaient leurs moindres faits et gestes à la recherche d'indice sur leur relation, quelle qu'elle soit.
- Tiens, dit-elle, tu devrais boire et manger un peu, toi aussi.
Les lèvres de Stella se pincèrent. C'était à son tour d'hésiter, désormais. Devait-elle accepter cette attention de la part de Béa alors que tous les regards indiscrets étaient rivés sur elle, en attendant de voir ce qu'il se passerait ensuite ? La solution la plus sage aurait été qu'elle se saisisse elle aussi de ce qu'elle avait emporté dans son propre sac à dos, plutôt que de partager les vivres de son amie rousse. Pourtant, ce n'est pas ce qu'elle fit.
Après de courtes secondes d'incertitudes, elle offrit un sourire plus tendre à la fée de l'air et récupéra la gourde dans sa main pour en boire quelques gorgées.
- Merci, Béa.
Du coin de l'œil, elle vit les regards de ses amis, et plus particulièrement celui de Sky, se teinter de surprise. Et elle savait parfaitement pourquoi. De toutes les années qu'elle avait passé à partager la vie du spécialiste, qu'elle avait sincèrement aimé, par ailleurs, elle n'avait jamais accepté de partager son verre. Ce n'était pas quelque chose qui se faisait à la cour.
Quand elle rendit sa gourde à Béatrix pour récupérer la barre de céréales que celle-ci lui tendait, Stella était intimement persuadée que Sky, ou quiconque d'autre, allait lui faire une remarque sur ses manières loin d'être digne d'une princesse et trouver un prétexte pour l'agacer avec ce qu'il y avait manifestement entre elle et la rousse. Mais ce ne fut pas le cas.
À la place, un craquement de branches leur parvint depuis la forêt, non loin. Le même craquement significatif que ceux que faisaient des bruits de pas. Les sens en alerte, ils tournèrent tous la tête en direction du bruit, mais ne virent rien d'autre que l'obscurité de la forêt. Car il faisait étrangement sombre, tout à coup.
- Vous avez entendu ? demanda Sky en posant une main prudente sur le manche de son épée.
- Est-ce que quelqu'un pourrait ramener un peu de clarté ? demanda Aisha. Il fait bizarrement sombre.
En réponse à sa demande, Blake tendit les mains vers l'avant pour faire jaillir sa magie de la lumière, mais rien ne se produisit. Il fronça les sourcils et recommença sous l'œil attentif de Stella, en vain.
- Ma magie ne marche pas, indiqua-t-il sur un ton grave, peut-être même anxieux.
Stella ne se fit pas prier pour essayer à son tour. Elle puisa en elle toute la magie qu'elle avait, mobilisa chacune de ses émotions, bonnes ou mauvaises, et tenta de faire jaillir un rayon de lumière de ses mains, orienté vers le ciel pour en chasser les nuages noirs, mais elle se frotta, elle aussi, à un échec cuisant.
- La mienne non plus, avoua-t-elle aussitôt, l'estomac noué.
- Je n'aime pas ça, répondit le prince de Pandore. On ferait mieux de s'en aller en vitesse.
Soudainement, avant que l'un d'eux n'ait eu le temps de bouger pour rassembler ses affaires, trois visages sortirent de l'obscurité, leur barrant le passage vers Solaria. La bande d'amis sauta sur ses pieds. Les spécialistes dégainèrent leurs épées tandis que Béatrix poussait Stella derrière elle, au même titre que les autres fées le faisaient avec Blake, afin de la protéger.
- Tu ne penses pas si bien dire, jeune homme, déclara la voix féminine de l'une des deux adolescentes.
- Mais vous n'irez nulle part, s'empressa d'ajouter la deuxième sur un ton froid.
Les Winx n'avaient jamais vu ses deux filles auparavant, contrairement à l'homme encore quelque peu ridé qui se tenait entre elles. C'était lui le seigneur de l'ombre dont parlait Blake, celui qui avait attaqué Natasha et réduit en esclavage le royaume de leur ami. Lui qu'elles devaient anéantir pour de bon. Mais force était de constater que, si elles n'avaient pas réussi avant, même avec Béatrix, il y avait peu de chance qu'elles y arrivent maintenant alors qu'il s'était muni de renfort, cette fois.
Les deux adolescentes, qui ne devaient pas être beaucoup plus vieilles que Béatrix, étaient d'un contraste équivoque. L'une possédait des cheveux d'un gris étincelant, était d'une grandeur anormale, bien qu'aussi longiligne que sa comparse, et était dotée de magnifiques yeux d'un bleu glace qui fit naître un long frisson le long de l'échine de Bloom.
La seconde disposait d'une longue chevelure châtaine, d'un port de tête haut, mais était considérablement plus petite que la première. Ce qui les intrigua davantage ne résidait pas tant dans son physique, mais dans le fait qu'elle portait, fermement posés sur l'arrête de son nez, une fine paire de lunettes qui rendait ses traits faciaux plus séduisants qu'ils ne l'étaient certainement en réalité. Toutefois, il y avait, dans son regard sombre comme la forêt, une lueur de colère et de malfaisance qu'elle partageait avec son amie. Elles n'étaient donc pas là pour enfiler des perles, pensait la bande de fugitifs.
- Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous voulez ? demanda férocement Béatrix en serrant les poings.
- Oh ça tu le sauras bien assez, minable petite fée de l'air, minauda la fée aux cheveux gris.
- Tu vas voir qui est la plus minable de nous deux.
La colère qui était née dans le ventre de Béatrix l'incita à donner l'assaut la première. Un puissant éclair électrique quitta la paume de sa main pour aller s'écraser sur la fille au teint pâle, mais c'était sans compter sur la présence de son alliée. La seconde adolescente qui se tenait près du seigneur de l'ombre contra le jet électrique de Béatrix par un rayon de lumière, laissant bouche bée Stella, Blake et la quasi-totalité de leurs amis. Comment avait-elle réussi à faire ça alors qu'eux en étaient tout bonnement incapables ? Elle semblait pourtant bien être une fée de la lumière, elle aussi.
Une fée de la lumière très en colère, s'ils en jugeaient par son visage encore plus fermé qu'il ne l'était à l'accoutumée.
- Tu n'aurais jamais dû faire ça, petite chose fragile, déclara la châtaine en faisant naître une sphère de lumière au creux de ses mains. Tu vas le payer cher.
- Parce que tu crois que tu me fais peur ? Viens, je t'attends.
Ni une, ni deux, la fée de la lumière sauta vers l'avant et attaqua Béatrix à son tour. La magie se mit à fuser de toutes parts. Toutes les fées, à l'exception de Stella et Blake, impuissants, avaient ouvert l'assaut contre la seule fée de la lumière capable d'user de sa magie. Pourtant, elle ne sembla pas en difficulté plus que de coutume.
- Aide ta sœur, maugréa le seigneur de l'ombre à l'attention de la fée aux cheveux gris. Et attrapez-moi cette foutue princesse.
Nullement pressée, comme si elle pensait que l'issue de la bataille était déjà courue d'avance, l'adolescente bâilla et se mit lentement en mouvement. Elle fit quelques pas en avant, profita que ses ennemies étaient occupées par la bataille en cours pour propulser une stalactite en plein sur Bloom. Celle-ci lui aurait très certainement transpercé la poitrine si Sky n'avait réagi aussi vite et ne s'était pas élancé pour la réduire en morceaux à l'aide de son épée.
- Il faut qu'on forme deux groupes, cria-t-il à ses amis.
Par chance, ils l'entendirent juste avant que la fée aux cheveux gris n'ait le temps de leur lancer une nouvelle attaque. Bloom, Sky, Kat, Terra et Flora s'unirent alors pour la combattre tandis que Aisha, Béatrix, Musa, Riven et Dane s'occupaient ensemble de combattre la seconde, sous les regards impuissants de Stella et Blake et, surtout, sous celui, agacé du seigneur de l'ombre.
- Il faut que l'on concentre nos attaques, lança Musa entre deux sorts de boucliers. Elles ne pourront pas tenir éternellement.
- Et comment tu veux qu'on fasse ? s'enquit Aisha après une énième attaque à base d'eau qui avait au moins eu l'effet d'arrêter l'une des boules de lumière de leur assaillante.
C'est Béatrix qui avait eu la réponse à cette question, après avoir vu l'attaque de l'Afro-Américaine être couronnée de succès.
- Musa, lève un bouclier ! avait-elle hurlé.
C'est ce que celle-ci avait fait alors. Mobilisant toutes ses forces, la fée de l'esprit les avait englobées dans une cage de magie protectrice. Elle ne savait pas combien de temps cela allait tenir sous les attaques de la fée de la lumière, mais peut-être serait-ce suffisant pour offrir à Béatrix et Aisha une possibilité de la toucher.
- Aisha, continua Béatrix avec sérieux, il va falloir que tu te prépares à lancer le plus gros jet d'eau de toute ta vie.
- Qu'est-ce que tu vas faire ? s'enquit celle-ci en fronçant les sourcils.
Un sourire en coin naquit sur les lèvres de la fée de l'air à la simple idée de ce qui allait arriver à la châtaine qui les prenait de haut.
- On va la cour circuitée. Prépare-toi à viser dès que je dirai à Musa de faire tomber le bouclier.
Aisha hocha la tête. Elle n'aimait pas Béatrix, mais elle devait bien avouer que, pour une fois, elle lui faisait confiance. Les deux paumes tendues vers l'avant, elle offrit à Béatrix un regard qui signifiait qu'elle était prête.
La fée de l'air se mit en position à son tour et, dès lors que la fée de la lumière eût lancé une nouvelle attaque destinée à faire tomber leur bouclier, elle s'écria :
- Lâche, Musa !
La fée de l'esprit obtempéra. Le bouclier tomba, Aisha fit jaillir l'eau de ses entrailles et, sans attendre, Béatrix passa à l'action. Elle lança un puissant faisceau électrique dans la colonne d'eau d'Aisha, qui alla s'écraser contre la fée de la lumière. Celle-ci, ne l'ayant pas vu venir, fut projetée sur le sol, les cheveux hérissés et convulsa sous la puissance de l'électricité qui l'électrocutait.
- D'arcy !
Voyant sa sœur s'écraser sur le sol, la fée de l'eau aux cheveux gris esquiva l'attaque lancée par Bloom et se précipita vers le corps blessé de sa comparse. Muée par une rage évidente, elle projeta de longs pics glacés en direction de Béatrix qui, prise au dépourvu, n'aurait pas été capable de les éviter si un puissant éclair d'électricité ne les avait pas réduits à néant avant qu'ils ne l'atteignent.
- Non ! s'était écrié leur plus grand ennemi. Pas elle !
Puis le seigneur de l'ombre qui, lui, n'avait pas bougé jusque-là fit un bond dans les airs pour rejoindre ses sujettes, le visage rouge de colère.
- Bande d'incapables ! Cria-t-il en posant une main forte les épaules de ses sbires. Vous n'êtes vraiment d'aucune utilité !
- Dépêche-toi plutôt de nous ramener à la maison, râla la fée de l'eau.
- Je n'ai pas d'ordres à recevoir de toi, potiche.
Toutefois, malgré ses paroles, il ferma les yeux et, sous les regards éberlués de la bande d'adolescents venus d'Alféa, ils se mirent à léviter dans les airs et disparurent aussi vite dans un nuage noir, tels des fantômes. Ils étaient tous encore plus épuisés qu'ils ne l'étaient déjà avant ce combat, mais, une chose était sûre, ils avaient bien vu ce qu'ils avaient vu... et ce n'était certainement pas de la magie féérique.
oOoOoOo
Réuni autour d'un agréable petit feu de camp, assis sur une ronde de troncs d'arbres, le groupe composé de fées et de spécialistes s'offrait enfin le droit de souffler. La rude bataille qu'ils avaient menée, ajoutée à leur périple dans la forêt Solarienne, les avait vidés de toutes leurs forces. À tel point que même établir leur campement et monter leurs tentes fût une tâche longue et compliquée. Mais ils étaient là, ensemble et vivants. Ils s'estimaient donc heureux.
- Personne n'est blessé ? s'inquiéta Terra après s'être posée quelques minutes.
Dans un mouvement machinal de la tête, les fées s'empressèrent de regarder leurs compatriotes spécialistes. C'était parfaitement inconscient dans leurs esprits, mais au fil des années, il s'avérait que ceux qui avaient le plus tendance à être blessés après une bagarre étaient eux, car ils ne disposaient pas de magie pour se protéger. Pourtant, cette fois, cette réaction de la part des étudiantes d'Alféa était totalement disproportionnée et illégitime puisque, dans cette bataille impromptue, aucun d'eux n'avait été amené à lever les armes, impuissants.
- Non, avaient-elles donc répondu pour l'ensemble d'entre eux.
Terra poussa un soupir de soulagement.
- Tant mieux. Je n'ai pas beaucoup de plantes à disposition et il se fait tard.
- On devrait établir des tours de garde, lança Sky. Pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'autre attaque durant notre sommeil.
Chaque membre du petit groupe hocha aussitôt la tête. C'était une bonne idée, pensaient-ils, bien qu'aucun d'eux ne tienne vraiment à s'y coller dans l'immédiat. Ce que Béatrix ne manqua pas de remarquer en les voyant tous bâiller à s'en décrocher la mâchoire, les uns après les autres. Ce manque d'endurance l'agaça, d'ailleurs. Elles étaient entraînées pour ça, elles aussi. Quand bien même elles suivaient surtout des cours de magie, elles se coltinaient aussi un cours de sport intensif par semaine. C'était à croire que les Winx, comme elles se faisaient appeler, n'y participaient pas souvent. Elles devaient le regretter, maintenant.
- Je peux prendre le premier tour avec Stella.
La proposition de la fée de l'air, spontanée, fut accompagnée d'un haussement d'épaules qui lui arracha une grimace de douleur. Béatrix ne l'avait pas remarquée jusqu'alors, probablement car l'adrénaline de la bataille avait mis du temps à retomber, mais elle avait mal. Une décharge de douleur s'était emparée de son bras droit, l'obligeant ainsi à rebaisser vivement son épaule pour détendre ses muscles sollicités. D'un vif mouvement, elle avait ramené sa main gauche contre l'emplacement qui la faisait souffrir, à quelques centimètres sous son épaule, et y avait découvert sa blessure.
Stella, qui la regardait au moment de son intervention, s'était penchée vers elle tandis que Terra, elle, avait bondi du rondin sur lequel elle était assise pour se précipiter vers la fée de l'air. Elle ne portait pas Béatrix dans son cœur, au même titre que l'ensemble de ses camarades à l'exception faite de la princesse de Solaria, mais Béatrix les avait sauvées aujourd'hui grâce à son sang-froid et son ingéniosité. Terra ne voulait donc pas prendre le risque que sa plaie s'infecte, car la fée de l'air ne méritait pas de souffrir plus que cela. Pas ce jour-là, du moins.
- Est-ce que ça va ? s'était immédiatement inquiétée Stella.
- Fais voir, avait renchéri Terra en incitant la rousse à retirer sa main à l'aide de la sienne.
Béatrix résista à la poigne de la fée de la terre. Ce qu'elle sentait sous ses doigts ne lui paraissait pas très joli et elle n'avait aucune envie que Terra ne se mette à paniquer. Elle parlait beaucoup trop lorsque c'était le cas.
- Ce n'est rien, assura-t-elle avec une désinvolture qui, elle l'espérait, convaincrait son interlocutrice.
En vain. La fée de la terre n'allait pas en démordre.
- Fais voir, répéta-t-elle en plongeant son regard dans celui de la fée de l'air.
Un soupir agacé quitta les lèvres de cette dernière.
Lorsqu'elle retira finalement sa main qui cachait la plaie, offrant à ses comparses une parfaite vue, que Béatrix n'avait pas, sur sa blessure, le visage de Terra se fit plus grave, au même titre que celui de Stella se fit davantage inquiet.
- Ce n'est pas rien, la réprimanda la fée de la terre, c'est une brûlure au deuxième degré. Et ça va s'infecter si on ne la soigne pas.
- Sale garce de fée de la lumière, maugréa Béatrix. J'aurais dû lui faire la peau.
- Je vais te préparer de la pommade.
Ni une, ni deux, Terra cessa d'observer la plaie de s'éloigna vers la tente qu'elle partageait avec sa petite-amie spécialiste, Kat. Laissant ainsi tout le loisir à Stella de la regarder de plus près. Elle connaissait mieux que personne les dégâts que pouvait causer la magie de la lumière. Elle avait elle-même rendu aveugle sa meilleure amie, deux ans plus tôt. Mais c'était la première fois qu'elle voyait une telle brûlure.
- Elle ne t'a pas ratée, murmura-t-elle, juste assez fort pour que Béatrix l'entende. Elle ne paie rien pour attendre.
La princesse de Solaria marqua une pause, fronça les sourcils et se tourna vers le reste de ses amis, qui les observaient en silence, soucieux.
- Vous saviez que la magie de la lumière pouvait brûler à ce point ?
- Non, avoua Bloom en penchant la tête sur le côté pour mieux voir la blessure d'où elle était. Je pensais que seule la magie du feu faisait ça.
- Et vous avez vu qu'elle pouvait utiliser sa magie ? demanda à son tour Blake. C'était trop bizarre !
Il y eut un long silence durant lequel chacun échangea des regards avec ses voisins. Une étrange tension traversa l'atmosphère, teintée d'une anxiété mêlée d'incertitude. Si, pendant quelques heures, ils avaient été persuadés de savoir ce qui les attendait en atteignant Pandore, ils n'étaient plus sûrs de rien désormais. Même la menace semblait avoir changée. Elle s'était étendue.
C'est finalement Aisha qui avait pris la parole, tatillonne.
- Et si ce n'était pas une fée de la lumière, en réalité ? osa-t-elle avancer en s'attirant des regards circonspects. Après tout, on sait que certaines fées sont assez fortes pour réussir à se connecter à d'autres éléments, ça pourrait être possible.
- C'est vrai, concéda Flora avec beaucoup plus d'intérêt pour la conversation. Dowling savait le faire et Rosalind aussi. Ça pourrait expliquer que sa magie de la lumière fonctionne, si elle prend ses sources sur une autre magie.
- Je ne comprends pas, soupira Blake. Ça voudrait dire que si on parvenait à maîtriser un autre élément, Stella et moi, on pourrait réussir à invoquer notre magie de la lumière ?
- Pas vraiment, tempéra Béatrix.
Les visages se tournèrent à nouveau vers elle. Amener les réponses devenait coutume pour la fée de l'air depuis qu'elle était sortie de stase, trouvait-elle. Si elle avait cru qu'être un rat de bibliothèque lui serait si bénéfique un jour...
- Ça pourrait vous aider à vaincre le bouclier qui rends votre magie impossible si vous parveniez à rassembler suffisamment de puissance dans un autre élément pour qu'il devienne aussi fort, si ce n'est plus fort, que votre magie de la lumière natale.
- Mais c'est impossible, ça, protesta Stella en relevant hautainement le menton. L'élément qu'on nous donne à la naissance est toujours le plus puissant de tous.
Un sourire en coin étira les lèvres de la fée de l'air. Encore une fois, elle avait un train d'avance sur le groupe de fées qui avaient, jadis, été ses ennemies.
- C'est ce que tu penses, assura-t-elle en faisant naître du trouble chez l'héritière du trône Solarien. Tu n'as pas vraiment lu ce livre sur l'histoire de Solaria, n'est-ce pas ?
Stella serra les dents. Elle l'avait lu... mais pas en entier, elle devait l'avouer. Elle n'avait lu que les passages qui lui semblaient intéressants, ainsi que ceux qui étaient vraiment nécessaires à son accession au trône.
- De quoi tu parles, Béa ?
Savoir qu'elle avait vu juste fit grandir le sourire de la fée de l'air.
- Il y a des siècles de cela, la reine Cassiopée s'est vu remettre le Rayon de Lune pour protéger l'Autre Monde.
- Ouais, on sait, c'est l'histoire que tu racontais la dernière fois, l'arrêta Musa en lui faisant signe d'accélérer. Qu'est-ce que ça vient faire là ?
- Cassiopée n'était pas une fée de la lumière, devina Stella.
- Exactement, approuva Béatrix. C'était une fée de l'eau.
Blake secoua vivement la tête en levant les bras au ciel pour attirer leurs attentions. Tout ça n'avait ni queue ni tête.
- Comment aurait-elle pu recevoir le don de la lumière si ce n'était pas une fée de la lumière ? C'est contre nature.
- Parce qu'elle s'était affranchie de la magie de l'eau, embraya Bloom avec logique. Sa magie de la lumière était devenue plus puissante que celle de l'eau.
- D'accord, concéda le jeune homme en plissant les yeux. Mais je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.
- Moi, si, annonça Stella, dont les yeux s'étaient remis à pétiller d'une lueur d'espoir. Si on parvient à maîtriser davantage un autre élément que le nôtre, alors on pourra faire renaître notre magie de la lumière en la basant sur cet autre élément. On pourrait réussir à se battre grâce à ça.
Blake pinça les lèvres de scepticisme. Stella et les autres avaient sûrement raison, mais ce n'était pas viable. Ils ne pourraient jamais apprendre à maîtriser une magie si forte en quelques jours seulement. C'était impossible.
- Il doit y avoir un autre moyen, assura-t-il. On ne sera jamais prêts à utiliser une autre magie alors qu'on ne sait même pas invoquer un autre élément.
- Vous, peut-être pas, embraya Béatrix. Mais moi, si.
Pour donner du sens à ses surprenantes paroles prononcées avec tant d'assurance, la fée de l'air s'était levée, tous les regards rivés sur sa personne. D'un geste solennel, elle tendit sa main gauche devant elle et, d'un clignement de paupière, elle fit appel à la magie présente au plus profond d'elle. Aussitôt, une sphère de lumière, en tout point semblable à celles que Stella utilisait pour se battre, s'éleva au creux de sa paume, faisant redoubler son sourire malicieux. Les regards, d'abord sceptiques de ses compatriotes, se teintèrent de surprise. Ce n'était pas un tour de magie très compliqué, néanmoins c'était toujours plus que ce qu'eux étaient capables de faire dans l'immédiat.
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Lorsque Béatrix se retrouva enfin seule avec sa bien-aimée, le pot de crème destiné à être appliqué sur sa brûlure dans les mains, leur plan était resté le même qu'à l'accoutumée. Un silence de mort régnait entre elles depuis que leurs amis s'étaient éclipsés. Comme si elles n'avaient rien à se dire, alors que la réalité était tout autre. Elles avaient énormément de choses à partager, mais aucune d'elles ne savait pas quoi commencer. C'est pourquoi elles se retrouvaient là, stoïques, à espérer que la seconde fasse le premier pas, prononce les premières paroles, durant de longues minutes, sans que cela n'arrive jamais.
Stella mourait d'envie de s'excuser pour l'attitude distante qu'elle avait eue toute la journée. Elle se sentait coupable de la blessure de sa petite amie qui s'était mise en danger, car elle le lui avait demandé. Pire, elle se sentait illégitime, car elle craignait le jugement que les autres porteraient sur elle et sur sa relation avec Béatrix si elle trouvait le courage de l'assumer au grand jour, comme son cœur le voulait. Elle ne méritait pas la fée de l'air, si forte et indépendante.
Quant à Béatrix, son esprit était préoccupé. Tiraillé par cette bataille et ce qu'elle y avait entendu. Toutefois, au même titre que sa compagne, la peur lui tordait l'estomac. Pas la même que celle de Stella, mais il s'agissait d'une inquiétude tout aussi grande : celle que la princesse qu'elle aimait puisse être, elle aussi, blessée dans un combat, car elle se retrouverait à nouveau dépourvue de magie. Béatrix ne pouvait même pas se l'imaginer sans sentir son cœur se fendre d'une douleur qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Non, ça ne pouvait pas arriver. Ça ne devait pas arriver.
- Je crois que ce sont mes sœurs, avait déclaré la fée de l'air en poussant un soupir. Tu sais, Isobel et D'arcy...
- Oui, je l'ai entendu moi aussi, avoua l'héritière en reportant son regard sur le visage dénué d'expression de la fée de l'air.
Cette dernière pinça les lèvres tout en laissant le silence reprendre son droit entre elles. Béatrix ne savait pas vraiment ce qu'elle devait penser de cette évidence qu'elle venait de soulever et, qu'inconsciemment, Stella venait de lui confirmer. Après tout, quel était le pourcentage de chance pour que ça ne soit pas le cas ? On ne pouvait pas dire que D'arcy était un prénom commun très répandu dans l'Autre Monde, et sûrement encore moins dans le Premier Monde.
Mais tandis qu'elle pensait à cela, les seules images qui lui revenaient en mémoire étaient celles de la bataille qu'elles avaient échangée. Celle où, par chance, toutes les Winx avaient été là pour se placer devant les deux fées de la lumière impuissantes. Devant Stella. Et les protéger de la magie qui les visait.
- Il faut qu'on trouve un moyen pour que tu conserves ta magie, avait osé lancer de but en blanc Béatrix, affublée de son air sérieux si rarissime.
Stella la gratifia d'un faible sourire. Malgré tout ce qu'elle avait fait, Béatrix pensait encore à elle. Voilà qu'elle se sentait encore plus égoïste.
- Je sais. Mais je ne vois pas trop comment on pourrait s'y prendre. À moins que tu veuilles m'apprendre à me connecter à un autre élément...
- Tu rêves, la coupa Béatrix en retroussant ses lèvres de manière espiègle. Si c'est pour que tu apprennes avec autant d'entrain que celui que tu mets dans la lecture de l'histoire de Solaria...
Comprenant où sa petite-amie voulait en venir, Stella prit un air offusqué et, sans réfléchir, bouscula l'épaule de sa comparse avec la sienne. Cette dernière, ne s'étant pas attendue à un tel assaut de la part de la blonde, grimaça de douleur.
- Merde, Béa, je suis désolée, s'empressa de s'excuser la fée de la lumière, je ne voulais pas te faire mal.
La fée de l'air lui offrit aussitôt un sourire rassurant. Elle savait bien que Stella ne l'avait pas fait exprès. Elle avait juste oublié. Et puis quand bien même, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Son cœur le lui interdisait.
- Ce n'est rien, assura-t-elle avec un soupir. Mais je devrais peut-être mettre cette crème avant que Terra ne me tue.
- Laisse, répondit Stella en lui arrachant presque le pot des mains. Je vais le faire ou tu n'y verras rien.
Béatrix allait protester. Puis elle se ravisa finalement. La fée de la lumière avait déjà ouvert le pot et plongé deux de ses doigts à l'intérieur pour en récupérer de la crème, de toute manière. Alors, un sourire niais sur le visage, qu'elle essayait de cacher sans succès, la fée de l'air s'était simplement laissée faire.
Les doigts de Stella étaient doux, lents et précis. Bien plus agréables et consciencieux que Béatrix ne l'aurait imaginé, au fond. Bien sûr, l'adolescente s'efforçait de serrer les dents, car, peu importait à quel point la princesse de Solaria tâchait de faire attention, la douleur, elle, ne prenait pas de gants.
Il fallut bien plus de temps à Stella que nécessaire pour étaler la crème de Terra sur la blessure de Béatrix. Elles en avaient toutes les deux conscience, mais aucun d'elle ne dit rien. Cette proximité leur était bien trop agréable, bien trop précieuse, quand bien même la douleur était présente dans l'épaule de Béatrix pour la ramener à la dure réalité. Néanmoins, cette douleur n'était rien comparée à la douce torsion de son estomac lorsqu'elle parvenait à sentir les effluves de l'odeur de Stella, dont le visage se trouvait si près de son épaule.
Béatrix se serait volontiers blessée plus souvent si cela lui permettait d'être ainsi soignée par l'héritière royale.
- Voilà, annonça Stella en relevant légèrement la tête. C'est fini.
Leurs regards s'ancrèrent naturellement l'un dans l'autre, tandis que la main de Stella descendait le long du bras de Béatrix, se posant finalement près de son coude. Il n'avait suffi que de ce regard, de cette chaste caresse, pour que l'atmosphère devienne bien plus lourde et chaude qu'elle ne l'était réellement.
- Merci, murmura la fugitive d'une voix rauque, entamée par les sentiments, par l'impatience. Tu n'étais pas obligée.
Le baiser qu'elles avaient échangé, dans le salon de la colocation des Winx, à Alféa, avait été le seul, l'unique, témoin de leur amour. Et en cet instant suspendu, leurs jolis yeux oscillants entre leurs regards et les lèvres pulpeuses et si attrayantes de l'autre, le manque se faisait atrocement ressentir. Plus qu'un manque, ça en devenait un réel besoin.
- Tais-toi, répondit l'héritière avant de réduire la maigre distance qui les séparait.
Les lèvres de Stella redécouvrirent aussitôt celles, chaudes, de Béatrix, qui ne se fit pas prier pour lui rendre son attention en les mouvant contre les siennes. Le désir prit rapidement le dessus sur leur insécurité, rendant le baiser plus impétueux, plus fougueux, moins délicat.
La main de Stella se rigidifia sur le bras de la fée de l'air tandis que celle-ci s'autorisait à glisser sa main libre dans la nuque de la princesse, accentuant par là sa prise sur le baiser fiévreux qu'elles échangeaient. Plus rien d'autre ne comptait en cet instant, sauf la flopée de sentiments qui s'emparait de leurs deux estomacs, électrifiant leurs corps et faisant papillonner leurs entrailles éprouvées. Rien n'aurait pu les sortir de cet instant magique et tant attendu.
Rien, hormis peut-être le soudain raclement de gorge gêné qui se fit entendre près d'elles.
Sans surprise, ce fut Stella qui s'en rendit compte en première. À une vitesse déconcertante pour la fée de l'air, la princesse de Solaria s'était vivement reculée, mettant ainsi fin à leur agréable et précieuse étreinte et ramenant durement Béatrix au monde qui les entourait.
Alors, le regard agacé de la rousse traversa celui, effrayé, de sa petite-amie blonde et, d'un même mouvement de la tête, elles découvrirent Terra, les bras croisés contre sa poitrine, qui les observaient avec une désapprobation mêlée de douceur.
- Désolée, je ne voulais pas vous... interrompre.
Elle se tourna vers Béatrix.
- Je voulais juste m'assurer que tu avais bien mis la crème sur ta plaie.
La fée de l'air se racla la gorge, incapable de prononcer le moindre mot tant la tension dans son corps était grande. De courtes secondes furent nécessaires afin que sa voix soit prête à répondre, sans être vibrante.
- Oui, c'est bon, dit-elle en lui tendant le pot bien entamé. Stella l'a fait.
La princesse de Solaria offrit un regard noir à sa petite-amie, qui l'ignora d'un haussement d'épaules. À quoi bon continuer à se cacher auprès de Terra, maintenant ? Elles avaient été prises la main dans le sac.
Avec un mouvement d'hésitation, la fée de la terre récupéra le pot de crème et lança un regard à sa meilleure amie blonde. Celle-ci, les joues rouges, certainement gênée de se retrouver ainsi dans cette situation, évita soigneusement de croiser les orbes foncés de Terra qui soupira. Cette attitude ne l'étonnait pas de la part de Stella. Mais elle n'en fut pas moins peinée.
- Bon, déclara-t-elle avec incertitude, je... je vais retourner voir Kat, alors.
Terra tourna simplement les talons et effectua quelques pas en direction de sa tente avant que Stella, prise d'un élan de spontanéité, ne saute sur ses pieds pour la retenir en saisissant son poignet. Et la fée de la terre n'eut pas besoin d'entendre ces mots pour savoir que celle-ci allait lui demander, transie pas la crainte :
- Terra, ne dis rien aux autres. S'il te plaît.
La jeune femme s'arrêta et se retourna aussitôt pour faire face à son amie Solarienne. Elle la gratifia d'un sourire, néanmoins il ne fut pas suffisant pour que la fée de la lumière soit totalement rassurée, Terra le voyait bien.
- Je garderais votre secret, promit-elle en échangeant un regard furtif avec la fée de l'air. Même si vous ne pourrez pas garder ça pour vous toute votre vie. Tout le monde s'en doute déjà.
Stella hésita un instant dans la réponse qu'elle allait donner à son amie. La majeure partie d'elle voulait s'insurger, crier à quel point tout ce qu'elle partageait avec Béatrix ne regardait personne d'autre qu'elles et qu'elle aimait savoir que ça leur appartenait pleinement sans qu'on puisse les médiatiser pour la nature de leur relation... mais elle n'en fit rien. À la place, elle lâcha le poignet de la fée de la Terre et lui offrit un sourire, forcé, mais reconnaissant.
- Merci, Terra.
La dénommée hocha la tête, jeta un dernier coup d'œil en direction de la fée de l'air et poussa un soupir. Elle ne cautionnait pas cette relation. Pas parce que Stella avait choisi de la partager avec une autre femme, comme elle avait elle-même fait ce choix, mais parce qu'elle était pleinement convaincue que Béatrix n'était pas quelqu'un pour Stella. Pas quelqu'un pour le royaume. Béatrix était l'inverse de tout ce que l'on attendait de la part d'une reine. Et pourtant, il avait fallu que Stella lui offre son cœur, sans penser aux conséquences que cela aurait. Stella n'avait aucune idée de l'ampleur de ce dans quoi elle s'était embarquée.
Puis, sans un mot de plus, elle rebroussa chemin et disparu dans la tente qu'elle partageait avec Kat.
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