Chapitre 1
L'air frais qui circulait dans les tunnels humides des sous-sols d'Alféa meurtrissait les joues de Stella. La fée de la lumière, héritière du trône royal du royaume de Solaria commençait à l'accueillir comme un souffle familier. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis leur bataille contre Sebastian, le chef des sorciers sanguinaires, et depuis presque autant de temps, Stella arpentait, chaque jour, les sombres couloirs qui menaient au seul véritable cachot de leur école. Celui où était enfermée Béatrix, condamnée par la reine de Solaria à l'état de stase pour payer sa haute trahison.
En pénétrant dans le cachot, les yeux verts de l'héritière du trône se posèrent sur l'immense barrière circulaire de magie dans laquelle était piégée Béatrix, celle qui avait jadis été son amie. Malgré tout ce que cette dernière avait fait, Stella n'était jamais parvenue à la laisser croupir là, seule. Bien sûr, elle lui en voulait pour les avoir livrés en pâture aux sorciers. Pourtant son cœur la ramenait toujours à elle, dans ces galeries glauques et glacées par l'humidité ambiante.
Stella n'avait rien à faire là. L'accès au sous-sol était interdit aux élèves d'Alféa. Pour y arriver, deux moyens s'offraient à elle : s'aventurer dans le bois pour trouver l'entrée extérieure des galeries, qui pouvait aussi leur servir de moyen d'évasion, ou pénétrer discrètement dans le bureau de la directrice d'Alféa, rôle fraîchement récupéré par Luna, sa mère, après la mort de leur ancienne doyenne, Rosalind, et en attendant que celle-ci soit remplacée. Mais dans la réalité, Luna avait pris soin de faire condamner l'issue de secours qui menait à l'extérieur, laissant comme seule entrée celle de son bureau.
Stella avait donc été contrainte à faire preuve d'ingéniosité pour s'y glisser. La magie d'invisibilité n'était plus une option pour elle depuis que sa mère lui avait imposé un bloqueur de sort, peu avant l'assaut des sorciers. Ça avait été douloureux et pour le plus désagréable. Elle en gardait un mauvais souvenir et préférait ne pas avoir à retenter l'expérience. Alors, elle s'était arrangée pour faire diversion afin d'attirer sa mère hors de son bureau, avec l'aide d'un garde, qui n'avait pas conscience de l'importance de son rôle dans cette histoire, et s'était empressée de pénétrer dans les galeries, comme elle le faisait tous les jours.
La princesse de Solaria ne savait même pas si Béatrix l'entendait. Néanmoins elle s'évertuait à lui raconter ses journées. Après tout, peut-être ne savait-elle pas ce qu'était l'état de stase, mais si elle savait une chose, en revanche, c'était bien qu'elle n'aurait pas aimé être seule, livrée à son triste sort, si elle avait été à la place de la fée de l'air.
- Salut, Béa, commença-t-elle avec un petit sourire contrit.
Stupide, pensait-elle. La rousse ne pouvait même pas la voir sourire, de là où elle se trouvait.
- Aujourd'hui, ça fait six mois que tu es là-dedans, soupira-t-elle cette fois, en ancrant ses yeux verts sur les traits paisibles de Béatrix. Je sais que c'est loin d'être marrant pour toi, mais pour être honnête, tu ne rates rien. Tout a changé, ici.
Stella marqua une pause pour prendre appui contre le mur de pierre, derrière elle, puis se laissa glisser jusqu'à être assise sur le sol de pavés froids.
- Depuis que ma mère est à la direction de l'école, c'est devenu l'enfer. Enfin, encore plus que ça ne l'était déjà, je veux dire. Rosalind était dure, mais ma mère... c'est carrément un tyran. Aujourd'hui elle a décidé qu'on devait apprendre aux autres fées de l'école à se battre... sauf que c'était moi, Bloom et les autres filles, les ennemis. Et nous n'avions pas vraiment le droit de répliquer. Tu te rends compte ?
Stella secoua vivement la tête et remonta ses avant-bras devant son visage, pour en contempler les marques vives.
- Je suis bientôt aussi amochée que si je me battais avec les spécialistes. Tu parles d'un look de princesse...
L'héritière poussa un nouveau soupir avant de se relever. Doucement, la démarche qui témoignait d'une hésitation incertaine, elle comblait la distance qui la séparait du cercle de magie pour y poser la main, sans oser la traverser entièrement, par peur des conséquences que cela pourrait bien avoir.
Tout son être aurait aimé pouvoir toucher la jeune femme endormie qui résidait en son centre, retrouver le délicieux contact de sa peau douce contre sa main, mais elle ne le pouvait pas. Une force magique, bien plus grande qu'elle, l'en empêchait. Stella n'en était que plus frustrée.
- Si tu savais à quel point j'aimerais que tu sois là, avoua-t-elle à demi-mot, dans un murmure tremblant. Nos conversations me manquent tellement...
Stella baissa les yeux un instant, incapable de dire tout haut ce qu'elle pensait en observant ce visage familier et étrangement paisible qui ne ressemblait pas à ce qu'elle avait toujours connu de son amie.
- Tu es si... spéciale. C'est peut-être bête, mais il n'y a que toi qui me comprennes vraiment. Les filles font de leur mieux, mais même avec tous les efforts du monde, elles ne verront jamais rien d'autre en moi que cette héritière pourrie gâtée qui dramatise tout le temps. Je ne peux pas être avec elles comme je suis avec toi.
La princesse de Solaria remonta la tête vers la fée de l'air. Elle était si jolie dans cet état, figée dans le temps et éternellement jeune. Parfaite.
- C'est sûrement pour ça que je viens ici tous les jours, d'ailleurs. Même si, au fond, je parle dans le vide, car tu ne peux pas me répondre. Tu dois trouver ça tellement pathétique...
La mâchoire de Stella se contracta. L'immense solitude qu'elle ressentait à être là, si proche et si loin de son amie, se transformait en amertume. Contre Béatrix pour les mauvais choix qu'elle avait faits, pour sa propre vie qu'elle avait risquée pour les sauver et, en même temps, contre sa mère pour avoir pris une décision aussi drastique que de condamner Béa à l'état de stase alors qu'elle avait cherché à se repentir.
Par chance, sa réflexion n'eut pas le temps d'aller beaucoup plus loin dans l'étude de ses émotions. Dans sa poche de jean, son téléphone portable s'était mis à vibrer. La blonde avait alors enlevé sa main de l'étrange barrière de magie qui lui picotait les doigts pour saisir son portable et en découvrir, sans surprise, l'émettrice du message qui venait de lui parvenir. C'était Bloom. Elle était attendue dans leur chambre.
- Il faut que j'y aille, s'excusa-t-elle auprès de la condamnée. A demain, Béa.
Après un dernier regard chargé de tristesse, Stella avait rebroussé chemin. Les galeries qui menaient au bureau de sa mère n'étaient pas très longues. Aussi, seulement quelques minutes plus tard, elle atteignait la porte qui signait son retour dans l'enceinte de l'école. De l'enfer.
Stella s'apprêtait à la pousser quand une voix familière lui parvint, de l'autre côté. Ce n'était pas le moment pour elle de faire irruption dans le bureau. Elle ne pouvait pas se permettre de se faire surprendre dans ces tunnels.
- C'est très grave, Silva, insistait Luna. Tu le sais, toi aussi. Cette langue n'a pas été utilisée depuis...
- Depuis la Grande Guerre d'Oblivion, la coupa-t-il. Mais il ne peut pas être de retour, la Compagnie de la Lumière l'a tué il y a des années.
- Que te faut-il de plus que cette lettre ? S'agaça la reine. Une nouvelle attaque ? Cette école a déjà bien trop souffert. Il faut qu'on renforce la barrière de protection et l'entraînement des spécialistes.
Il y eut un silence. Stella était persuadée de pouvoir entendre le maître d'armes soupirer.
- Nous sommes déjà en effectif réduit, se plaignit-il. Les spécialistes sont à bout, Luna.
- Ce n'était pas une demande, reprit-elle plus durement. C'est un ordre.
- Très bien, Votre Altesse, concéda Silva avec une pointe de sarcasme.
Stella attendit encore. Il ne fallut que peu de temps avant qu'elle entende les deux figures d'autorité quitter la pièce en claquant la porte. Elle ne savait pas quoi penser de ce qu'elle venait d'entendre, mais, une chose était claire dans son esprit : il fallait qu'elle en parle à ses amies.
Si une menace planait sur leur école, elles étaient très certainement les plus à même de le combattre, même s'il était certain que leurs aînés ne seraient pas de cet avis, eux.
oOoOoOo
Stella avait pris le temps de faire une escale dans le bureau de sa mère pour fouiner. Elle ne doutait pas du fait que ses amies la croient sur parole lorsqu'elle leur raconterait ce qu'elle avait entendu. Mais elle était convaincue qu'une preuve pourrait certainement les aider à en apprendre davantage. Donc, tous les sens aux aguets, elle s'était approchée du massif bureau en chêne et avait ouvert les tiroirs, jusqu'à trouver ce qu'elle cherchait, correctement rangée sous un grimoire. En quelques secondes, elle avait immortalisé l'étrange texte manuscrit avec l'appareil photo de son téléphone. Puis, seulement après avoir veillé à bien remettre la lettre à sa place, elle avait rapidement quitté la pièce pour rejoindre le dortoir qu'elle partageait avec les autres Winx.
En arrivant sur le pas de la porte, Stella se figea. Les voix familières de ses meilleures amies lui parvenaient. Et elles parlaient d'elle, immanquablement. La curiosité de l'héritière était tellement forte qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de les écouter, même si une part d'elle se doutait qu'elle ne voulait pas vraiment entendre ce qui se disait dans l'enceinte de leur chambre. Ça risquait de l'ébranler un peu plus qu'elle ne l'était déjà depuis ses six derniers mois.
- Est-ce que je suis la seule à m'inquiéter pour Stella ? demanda la voix douce de Musa.
- Bien sûr que non, répliqua Bloom, mais c'est facile pour toi, tu ressens tout ce qu'on ressent donc tu es toujours au courant de tout avant tout le monde.
- D'ailleurs, tu pourrais nous dire ce qu'elle a, toi, non ? demanda à son tour Flora, à l'intention de la fée de l'esprit. On pourrait l'aider.
Stella n'avait aucun mal à visualiser la scène et à imaginer Musa secouer la tête à cette demande. Une image qui fut vite confirmée par les mots que son amie prononçait ensuite :
- Ce n'est pas à moi de le faire. Elle nous parlera quand elle sera prête. Et puis, je ne peux pas vous le dire, je ne sais pas lire dans les pensées, je ressens seulement vos émotions.
- La télépathie fait partie des pouvoirs des fées de l'esprit, indiqua Aisha. Et toi, Flora, tu ne sais rien ? Vous partagez la même chambre.
Un silence accueillait cette question. L'estomac de Stella se contracta dans son ventre. Il était évident que Flora savait quelque chose, elle aussi, même si la blonde s'évertuait à rester discrète et à ne rien montrer. Mais certaines choses dépassaient parfois sa volonté.
- Elle a le sommeil agité. Je pense qu'elle fait beaucoup de cauchemars, car elle parle en dormant et souvent, elle se réveille en pleurant.
- Qu'est-ce qu'elle dit ?
Stella ne laissa pas l'occasion à la fée des fleurs d'en dire plus. C'était déjà plus qu'elle ne l'aurait voulu.
Aussitôt, elle poussa la porte de la chambre en faisant mine d'être essoufflée. Ainsi, elles ne pourraient pas se douter qu'elle avait été là tout ce temps, à écouter ce qu'elles disaient.
Quand Terra aperçut la porte s'ouvrir, la fée de la terre, la seule à ne pas s'être mêlée à la conversation, s'était précipitée vers elle pour l'accueillir. Il y avait quelque chose chez Terra qui les liaient imperceptiblement, aussi différentes fussent-elles. Au début, c'était de la peur. Stella inspirait la crainte chez son amie. Mais depuis plusieurs mois maintenant, cette peur s'était transformée en un sentiment qui s'approchait davantage de la compréhension. De la bienveillance. Peut-être était-ce par que la fée de la terre sentait au fond d'elle que la fée de la lumière ressentait à l'égard de Béatrix ce qu'elle ressentait pour sa petite-amie spécialiste. Ou peut-être était-ce parce que Stella admirait le courage dont Terra avait fait preuve en avouant tout haut ce que, elle, cachait tout bas. Toujours était-il que cette action avait fait naître un court et rapide sourire sur les lèvres de la blonde.
- Stella ! Tu en as mis du temps. Est-ce que tout va bien ?
- Pas vraiment.
Tous les visages se tournèrent vers elles, à la fois graves et étonnés. La fée de la lumière voyait de l'espoir briller dans les iris de ses amis qui, certainement, pensaient à tort que le moment était venu pour Stella de se confier sur la colère et la tristesse qui habitait férocement son cœur.
- Qu'est-ce qui se passe ? s'empressa de demander Musa en se redressant sur le canapé qu'elle partageait avec Flora et Bloom.
Quelle ne fut pas leur déception lorsque les mots qui sortirent de la bouche de Stella furent les suivants :
- Je crois que l'école est en danger.
- Comment ça, en danger ? s'enquit Bloom en fronçant les sourcils.
Stella s'avança de plusieurs pas dans la pièce, suivie par Terra, pour déposer sur la table son téléphone portable, déverrouillé sur la photo qu'elle avait prise dans le bureau de sa mère. Elles se penchèrent toutes pour y jeter un œil avant de relever des regards incertains sur la fée de la lumière.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Flora.
- Je suis sûre d'avoir déjà vu ses symboles quelque part, renchérissait Bloom en étudiant davantage la photo.
- J'ai entendu ma mère parler avec Silva, expliqua enfin Stella en s'asseyant près d'Aisha, sur l'un des poufs du salon. Apparemment elle a reçu cette lettre il y a peu. Elle avait l'air inquiète. Je pense qu'une menace plane sur l'école.
- Quel genre de menace ?
Stella secoua la tête de droite à gauche. Elle n'avait pas de réponse à donner, comment aurait-elle pu le savoir de toute manière ? La reine ne lui confiait jamais rien. Stella était uniquement réduite à faire bonne figure à la cour.
- Quelque chose me dit qu'on va devoir déchiffrer cette lettre pour le savoir, soupira Musa.
- Je pense savoir où on peut trouver de quoi la traduire, déclara sérieusement Bloom. Mais pour ça je vais avoir besoin de toi, Aisha.
- Pour quoi faire ? s'étonna cette dernière.
Un sourire vainqueur sur les lèvres, la détentrice de la flamme du dragon se leva, pleine de détermination.
- On va voler le Grand Livre des Langues dans la bibliothèque. Et tu es la mieux placée pour distraire la bibliothécaire. Elle t'adore.
Aisha se raidit sur sa chaise puis, finalement, après quelques secondes durant lesquelles elle s'était mise à peser le pour et le contre sous les regards impatients de ses amies, elle accepta. Quel autre choix avait-elle pour avancer, sinon ?
- D'accord. Mais on se dépêche alors.
Bloom hocha la tête en signe d'approbation. Elle ne comptait pas traîner en route.
- Dès qu'on a ce livre, on revient ici et on s'y met.
- Non, refusa Stella. Il nous faut un endroit plus calme, c'est trop risqué de le faire ici, ma mère pourrait débarquer pour son inspection journalière à tout moment.
Les six jeunes filles échangèrent tour à tour des regards. L'héritière du trône royal de Solaria avait raison. Depuis que la reine avait repris les rênes de l'école, elle leur imposait une discipline drastique. Et ça commençait par une inspection, toujours impromptue, de l'état de leur chambre. Mais les six adolescentes savaient très bien que cette mesure avait été prise dans le simple but de veiller sur leurs activités et de faire attention à ce qu'elle ne mette pas leur nez dans des affaires qui ne les regardaient pas... même si elles le faisaient quand même.
- Alors on se donne rendez-vous dans le sous-bois, près du terrain d'entraînement, annonça Musa. Personne ne viendra nous chercher là-bas et les spécialistes ne se mêleront pas de nos affaires.
oOoOoOo
À la lisière du terrain d'entraînement, cachées dans les sous-bois d'Alféa, Stella, Musa, Terra et Flora attendaient impatiemment leurs deux amies. Plus le temps passait et plus il leur semblait long. Stella s'était mise à faire les cent pas tandis que Terra observait vivement les alentours dans l'espoir de voir Bloom et Aisha arriver. Quant à Musa et Flora, assises sur l'une des grosses souches d'arbres qui encadraient les vestiges d'un feu de camp, leur occupation première consistait à attendre, en silence.
Lorsqu'enfin elles virent les deux derniers membres de leur équipe se dépêcher de les rejoindre, leurs cœurs se gonflèrent de soulagement. De sa main droite, Bloom tenait fermement l'un des pans de son veston pour masquer le gros livre qu'elle tentait de dissimuler. C'était assez vain puisque, même de cette manière, il était évident que la grosseur qui gonflait sa veste n'était nullement naturelle.
- Vous l'avez ? demanda tout de même Flora, par souci de s'en assurer.
Bloom hocha vivement la tête et, après s'être assurée d'un coup de tête que personne ne les épiait, elle en sortit le Grand Livre des Langues.
- Ça n'a pas été facile de le récupérer, mais on a réussi, déclara fièrement Aisha.
- Il ne nous reste plus qu'à voir s'il renferme quelque chose d'utile, répondit Bloom.
Ni une ni deux, le petit groupe s'était rapproché autour des vestiges du feu de camp, prêt à se mettre à la recherche des symboles de la lettre. Un travail laborieux qui leur avait pris bien plus de temps qu'elles ne le pensaient. D'autant plus que la plupart des symboles représentés, peu importe la langue desquels ils étaient extraits, se ressemblaient tous un peu plus les uns les autres. Elles avaient bien cru abandonner lorsque, soudain, Stella tourna une énième page pour tomber sur le Graal.
- Je l'ai ! s'exclama-t-elle aussitôt.
- Montre.
La fée de la lumière se décala légèrement pour faire de la place aux cinq autres filles qui s'agglutinaient désormais près d'elle. Son téléphone dans une main et le grimoire dans l'autre, elle comparait les deux en les mettant bien en évidence pour que chacune puisse le voir. Il n'y avait pas de doute possible. C'était la même langue.
- Alors, qu'est-ce que ça dit ? les pressa Flora, avide d'en savoir plus.
- Ça n'a aucun sens, murmura Stella pour elle-même, mais suffisamment fort pour que ses comparses l'entendent.
La fée de la lumière ne semblant pas très encline à leur lire à voix haute ce qu'elle avait déchiffré du message, c'est Bloom qui s'en chargea. La fée du feu s'empara du téléphone de l'héritière et, après plusieurs coups d'œil sur le grimoire, parvint elle aussi à en déchiffrer facilement le contenu.
- Ma chère Luna, commença à lire Bloom en fronçant les sourcils. Je n'arrive pas à croire que tu m'aies fait ça, à moi. Tu étais mienne. Maintenant, je suis de retour et tes élèves paieront pour ta trahison. Signé : A.O.
Un lourd silence accueillit cette lecture. Il pesa sur les six membres des Winx jusqu'à ce que Stella récupère son téléphone des mains de Bloom et referme vivement le Grand Livre des Langues comme s'il venait de la brûler. Elle se sentait oppressée.
- Stella, ça va ? demanda Musa.
Certainement avait-elle ressenti le chamboulement de son amie.
- Est-ce que ça veut dire que... ta mère a été infidèle à ton père, le roi ? osa demander de plus belle Flora, sans prendre de pincettes.
Cette question irrita un peu plus la fée de la lumière. Elle n'imaginait pas sa mère agir de la sorte. Pas avec cette importance qu'elle portait aux convenances.
- Non, c'est impossible.
- Mais tu en es sûre ? Parce que la lettre...
Flora n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Et c'était tant mieux, au fond, pensait Stella. Un cri en provenance de la forêt l'avait coupée dans son élan. Surprises, les six jeunes femmes sursautèrent. Leurs regards s'échangèrent un très court moment et, sans même qu'elles ne se concertent, chacune d'elle avait décampé à vive allure en direction du cri.
C'est seulement quelques mètres plus loin, une fois enfoncées dans la forêt, qu'elles le virent. Un homme se tenait là, accroupi devant le corps allongé d'une spécialiste. Les adolescentes ne voyaient pas ce qu'il faisait puisqu'il leur tournait le dos, mais, en revanche, ce qu'elles voyaient, c'était le corps de la jeune femme se contracter de douleur sur le sol.
Bloom ne réfléchissait même pas. Pleine de courage, elle s'avança en tête de leur petit groupe et fit apparaître des flammes magiques au creux de ses poings. Il était hors de question qu'elle laissa cette chose, cette personne, qui qu'elle soit, faire du mal à l'un des pensionnaires de leur école.
- Lâchez-la ! s'écria-t-elle en attirant l'attention de l'homme.
Un rire s'échappa de la gorge de l'agresseur tandis qu'il se relevait et faisait volte-face. Son corps, qui paraissait si jeune vu de dos, était en réalité celui d'un vieillard ridé.
- Vous pensez me faire peur, petites fées ? demanda-t-il en riant avant de prendre un air bien plus sérieux. Vous n'avez aucune idée de qui je suis.
Il marqua une pause. Sa condition physique avait tellement surpris les étudiantes qu'il en avait tiré avantage. La magie de Bloom s'était éteinte au creux de ses poings alors qu'elle s'était figée, au même titre que les autres devant cette carrure frêle et fragile de l'assaillant.
- Mais vous le saurez très bientôt.
Et avant que l'une d'elles n'ait le temps de reprendre ses esprits, le vieillard s'était volatilisé dans les airs. Quelle sorte de magie était-ce ? se demandait Stella tout bas.
Elles n'avaient pas vraiment le temps de se poser cette question. À peine l'homme avait-il disparu que Bloom, Aisha, Stella et le reste de la bande s'étaient précipitées vers la spécialiste agressée. Autant dire qu'elles n'étaient pas au bout de leur surprise.
Sur le sol, elle reconnaissait parfaitement la jeune femme qui avait été attaquée, car celle-ci les avait beaucoup aidés lors de la bataille contre les sorciers sanguinaires. Elle s'appelait Natasha. Mais elle était loin de ressembler à ce que les six fées connaissaient d'elle. Sa beauté rayonnante, son sourire charmeur et ses yeux rieurs avaient laissé place à des traits ridés, vieillis et fatigués.
- Comment est-ce possible ? s'alarma Musa avec inquiétude.
- On s'en fiche, rétorqua Stella en saisissant l'un de ses bras pour le passer au-dessus de ses propres épaules et la porter, bien vite imitée par Terra qui fit de même. On doit l'emmener à la serre le plus vite possible.
- On va vous escorter, déclara Bloom. Je prends les devants avec Aisha. Musa et Flora couvriront vos arrières.
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