Chapitre 66 : Les ents d'Angmar
Ajantis ne tenait plus en place et Thranduil le sentait. Cela faisait des semaines que le jeune elfe n'arrivait plus à contenir son angoisse. Même ses tentatives de distractions n'y faisaient rien. Ce matin-là, n'ayant plus de nouvelle de ses parents depuis des mois, Ajantis sortit de la tente de son aïeul, armé de sa lame.
- Où crois-tu aller ?
Ajantis ne répondit pas.
- Aja ! L'interpella le roi.
- J'ai un plan, lui lança-t-il sans un regard.
- Arrête-toi immédiatement.
Les gardes du Mirkwood lui barrèrent le chemin.
- Je ne te laisserai pas risquer ta vie...
- Je ne vous demande pas la permission.
- Je t'ordonne de rester ici.
Ajantis fut vexé d'être réprimandé tel un enfant.
- Si je n'interviens pas, les ents vont tous mourir ! Ada, fais-moi confiance. Je t'en prie !
Une telle démonstration de rébellion n'était pas étrangère au roi, et l'espace d'un bref instant, ce n'est pas Ajantis qu'il voyait, mais bien son propre fils Legolas. Le roi se raidit, soudainement impuissant. Ajantis était là à le fixer du regard, attendant sa réponse.
Le roi fit un inconscient signe de tête que le jeune elfe prit comme une approbation. Troublé par sa vision, le roi n'avait pas trouvé en lui la force de lutter. Seul, et avec le cœur désolé, il regarda son petit-fils s'éloigner avec détermination, puis sauter sur un cheval et tracer, arme à la main. Comment pouvait-il se montrer si faible face à sa descendance ? Ajantis avait tout de l'aplomb de sa mère. Le chagrin était-il un maléfice si puissant qu'il le dépossédait de toute autorité ? Ou bien était-ce le souvenir de sa défunte épouse qui le malmenait en ces terres damnées ? Thranduil ne le sut jamais.
Le roi fut sorti de sa rêverie par un de ses capitaines qui vint lui référer de la situation du front. Les nouvelles n'étaient pas bonnes : on déplorait de nombreuses pertes et la chute du front nain. Le roi se tend et convoqua plusieurs commandants. Après des heures de tergiversation et de nouvelles stratégies, il demanda la mobilisation de nouveaux soldats en renfort par l'Est. La nuit tombait, il regarda en direction de la forêt qui dépassait au loin à l'horizon. Rien ne trahissait une quelconque activité entique, tout cela ne devait être qu'un contretemps, il n'avait là nul besoin de céder à la panique, il avait pleine confiance en eux, tout irait bien.
De nouveaux jours de combat acharnés s'en suivirent. Les elfes réussirent à progresser de plusieurs lieux, jusqu'aux premières ruines des postes de frontières de Carn Dûm. Après une nouvelle journée plus que fructueuse de combat, sentant les forces alliées diminuées, Thranduil se rendit en avant-poste. L'intervention surprise de la flotte par le Nord avait repoussé l'ennemi au cœur des terres, épuisant les armées d'Angmar avec un front maritime. Le roi fit statuer d'un état des lieux, les pertes étaient importantes mais ils progressaient efficacement. De toute façon, il était trop tard pour reculer. Alors que le roi s'apprêtait à faire un discours auprès de ses hommes, un son sinistre retenti au loin, c'était le cor d'Angmar. Le signal d'une nouvelle offensive. Les soldats se postèrent prêts à l'attaque, alors qu'au sommet de la plus haute colline où siégeait des ruines d'un avant-poste, un groupe de gradés uruks apparut, bien hors de portée des elfes. Visiblement, le signal était une annonce. Le silence s'imposa en un instant sur toute la vallée, les combats céssèrent.
Alors, l'un des uruk, le plus massif d'entre eux, un être immonde et blafard, s'avança. Était-ce enfin signe de leur réédition?
L'uruk adopta le silence un court instant, contemplant la vallée encore fumante des derniers affrontements, jonchée de corps. Puis, un mouvement dans leur groupe déclencha un vent de contestation sur le front. Les uruk exhibèrent Jaheira, leur otage, gravement blessée.
Thranduil se liquéfia : Que faisit-elle ici ? Pourquoi était-elle seule ? Etait-elle en vie ? Pourquoi ne se soignait-elle pas ? Où était Legolas ? Soudainement, Thranduil paniqua : il s'en voulut terriblement d'avoir ainsi laissé Ajantis ainsi partir. Il culpabilisa de sa faiblesse qui lui revint telle une violente gifle.
Les forces d'Angband jubilèrent de ce coup d'éclat. Elrond et Celeborn plongèrent dans la rage, même si rien ne laisser deviner leur colère. L'alliance avait bénéficié de l'effet de surprise, ils étaient mieux armés et plus efficaces, comment diable la situation pouvait-elle avoir été si vite retournée en leur défaveur ? Comment avaient-ils pu en arriver là ? Étant sur les terres ennemies, la négociation serait difficile à présent, Jaheira restait pour tous un élément plus que précieux.
- Lâchez vos armes, ou elle mourra ! Scanda l'uruk.
Les rangs ennemis s'exaltèrent tandis que les alliés se figèrent, déconfis, ils attendirent les ordres. Il était clair que les uruk savaient parfaitement qui était Jaheira, jamais ils n'auraient provoqué pareille négociation pour une simple elfe.
Sans se concerter et d'un seul geste de la main, Elrond, Celeborn et Thranduil donnèrent l'ordre à leurs hommes de déposer leurs armes. Tous firent tomber leurs lames au sol, confus. Sur le front, les soldats désarmés ressérèrent leurs rangs, encerclés par l'ennemi. Malgré leur absence d'armes, nombreux furent ceux qui se saisirent discrètement de leur seconde lame, cachée dans leur manche ou leur botte. Même sans roi, ils n'abandonneraient pas.
- Pourquoi ne se transforme-t-elle pas ? Pesta Thranduil entre ses dents.
Il ne la quittait pas des yeux et serra si fort le manche de sa courte lame qu'il en perdit la sensation dans ses doigts. Il balaya du regard le front à la recherche de Legolas. Son absence l'inquiéta grandement. Il n'aurait jamais laissé Jaheira seule en prise à l'ennemi... Soudain, en observant Jaheira une nouvelle fois, Thranduil reconnut la cape de Legolas, accrochée de la broche en feuille dorée de la communauté de l'anneau. En son cœur, le roi se décomposa de chagrin et en perdit son souffle, devinant sans y croire le trépas de son fils unique. Il mit pied à terre et se tint à sa monture pour ne pas s'effondrer, faisant figure digne. Il ne devait rien laisser paraitre.
L'uruk constata avec satisfaction la mise à l'exécution de sa menace : l'armée ennemie était désarmée. Il se tourna vers Jaheira avec délectation. Elle était blême et avait de la peine à ouvrir les yeux noyés de son propre sang qui lui abondait d'une blessure à la tête :
- Regarde, lui dit-il en lui serrant le menton entre ses doigts, regarde ton peuple mourir !
Il la réveilla avec brutalité et ses yeux la brulèrent, elle les ouvrit au mieux, mais ne fut que plus brûlée. Alors qu'il la lâcha, Jaheira vacilla et se rattrapa de justesse, ses jambes la portaient à peine, elle découvrit en cet instant la flèche qui lui traversait la jambe.
- Remets-nous les ents, ou meurs ! Somma l'uruk en ouvrant les bras, victorieux.
Jaheira essaya de rassembler ses esprits. Elle avait la tête qui tournait et demeurait incapable de se concentrer. Sous son sein gauche, le silmaril continuait de lui lacérer les chairs et elle sentait son esprit partir. Par chance, les uruk n'avaient nullement remarqué son trouble et avait attribué sa douleur à une banale blessure. Elle ne pouvait révéler la possession du silmaril, tout ce qu'elle devait faire à présent, c'était gagner du temps. Thranduil saurait trouver une stratégie.
Malgré la flèche qui lui traversait la jambe, la jeune femme réussit péniblement à se redresser et arriva finalement à ouvrir les yeux. Elle se découvrit seule, isolée de tous, désarmée, côté ennemi, encerclée d'uruk, prêts à l'exécuter. Il était vital pour elle d'user de prudence : le silmaril lui puisait tant d'énergie qu'elle était désormais incapable de soigner la plus petite des plaies de son corps meurtri, et se transformer en ent lui était impossible, bien que cela l'aurait sorti de cette délicate situation avec facilité, elle demeurait immobilisée par la pierre qui aspirait en elle toute sa puissance d'auto-guérison.
Cela faisait des années qu'elle n'avait pas autant souffert et la douleur lui monta au crâne avec une pression insupportable. Jaheira réussit non sans peine à se tenir debout sous le regard soutenu des trois seigneurs elfes qui se rassurèrent de la constater en vie, même en si piteux état. Une fois debout, et dans un équilibre précoce, Jaheira voulut s'essuyer les yeux injectés de sang mais découvrit ses mains enchainées au-dessus de sa tête avec de lourds maillons rouillés. Elle cracha le sang argent qui lui inondait la bouche et s'adressa à l'uruk avec autorité :
- Je suis Jaheira, reine de Fangorn et gardienne des ents. Quoi qu'il advienne, tu vas mourir aujourd'hui. Par ma vie ou par ma mort, jamais les ents ne te suivront, assura-t-elle avec calme.
L'uruk l'écouta sans réaction. Il s'approcha d'elle et soutint son regard. Puis, après un instant d'hésitation, lui assigna un violent coup de tête qui la fit tomber face à lui. Cette fois, elle ne réussit pas à se relever, le choc l'avait forcé à se gainer, ce qui avait fait pression sur la gemme. Sonnée, elle fut doublement abbattue à cause du silmaril qui réagit tout aussi vivement. L'esprit divaguant, consumée de douleur, Jaheira resta au sol, luttant contre ses démons.
L'uruk recula, on lui confia un arc qu'il tendit à bout portant sur la tête de Jaheira. Elle ne s'aperçut même pas de la manœuvre.
Témoin impuissant de la menace menée sur Jaheira, Thranduil ne put contenir sa rage. Dans un accès de colère, galvanisé par la perte de son fils et désormais l'agression de sa belle-fille, il sauta sur sa monture et traça au galop vers eux. La négociation serait compliquée, mais il devait s'y résigner, pour elle. Arrivé au premier rang de son peloton, et ne voyant toujours aucune alternative viable se profiler, Thranduil se saisit du cor sylvestre.
L'uruk était prêt à tirer, et Jaheira, alertée par le silence qui venait de s'abattre sur le front, leva les yeux et se découvrit près de son visage un arc tendu et accepta sa sentence telle l'ombre d'elle-même, bien au-delà de son corps, elle était déjà prisonnière et mourante, et n'afficha aucune lutte quant à ce sort, espérant en dernier recours que le silmaril réagirait puissament à l'agression de sa porteuse. Peut-être même qu'il la choquerait et qu'elle pourrait profiter de cette énergie pour se transformer en ent et s'enfuir, ou mieux, il pourrait imploser et balayer là tout ennemi d'Angmar, elle mourrait, mais tous serait sauvés. Rien d'autre n'avait plus d'importance.
Le cor du Mirkwood vrombit. L'uruk eut un rictus et baissa son arc. Il se tourna en direction du roi des elfes, à l'origine de l'incursion. Mais à peine s'eut-il retourner qu'une flèche fulgurante vint se planter sur ses doigts, lui sectionnant plusieurs phalanges dans une brève effusion de sang. Sous les yeux interloqués des uruks, la corde de l'arc se rompit et le bois tomba à terre, faute de doigts pour le tenir. Après le silence marquant la furtivité de l'attaque et le choc des spectateurs, l'uruk hurla. En réponse à cette soudaine provocation, les uruk furieux prirent leurs armes, prêts à en découvre, mais ne surent où s'élancer. L'un d'eux ramassa Jaheira par le cou, la menaçant d'une lame au travers de la gorge en grognant. La reine hurla de douleur alors que l'uruk la souleva, et se hissa au mieux sur ses chaînes pour ne pas étouffer. Tous cherchèrent fébrilement du regard le tireur de cette mystérieuse flèche venue de nulle part.
Un nouveau cor retentit au loin. Sous le regard déconfit de Thranduil qui n'avait nullement anticipé un tel évènement, on découvrit au loin une horde d'ents monstrueux, couverts de suie noire, debouts en lisière de forêt. Ils avaient fait sonner le cor de Fangorn.
Jaheira découvrit la scène avec effroi et son cœur s'effondra : les ents femmes prenaient part à la guerre, condamnant leurs derniers espoirs de survie et rélévant leurs existences aux yeux du monde. Les ents s'étaient senties si hautement insultés que soit ainsi menacée leur gardienne qu'elles avaient décidé de se battre.
Les ents femmes se mirent en mouvement avec cérémonie, enragée de détermination, leurs pas faisaient secouer le sol. Les armées ennemies observèrent la horde se mettre en marche. L'espace d'un instant, l'ennemi prit les ents pour des alliés venus les aider, mais tous se ravisèrent lorsqu'ils virent les premiers ents écraser d'un seul pas les orques à leurs portées. La mutinerie démarra coté ennemis : les orques d'Angmar, faibles pions des premiers rangs, désertèrent par poignées devant ces arbres noirs. Tous furent immédiatement exécutés par les autoritaires colosses uruk-hai qui eux, restés de marbre face à ce débarquement, tinrent les rangs. Bien que leurs chances diminuaient avec la progression des ents, tous campèrent sur leurs positions, comptant sur la retenue de la reine en otage, elle était un atout de taille qui pouvait tout faire basculer.
De loin, Thranduil constata avec effarement le débarquement des ents. Même pour ses yeux d'elfes, il était difficile d'en estimer le nombre d'individus. Ils étaient là, êtres puissament magiques, magnifiquement éloquents, sauvages et terribles, tout en eux dégageaient la même colère et il admira leur témérité sans limite.
Dans un vacarme retentissant, les ents s'approchèrent des abords des ruines, et s'établirent à bonne distance en une impressionnante rangée millimétrée. Le silence s'abattit, imposant un cessez-le-feu gênant entre les deux camps. Le doute planait encore sur l'allégeance des ents, étaient-ils des serviteurs de l'alliance ? Où étaient-ils alliés maladroits d'Angmar ?
Après un court instant, l'un des ents fit un pas en avant, et prit la parole :
- Relâchez-la, somma-t-il d'une voix féroce.
C'était une voix d'homme. Au loin, Elrond et Celeborn s'ébahirent. Thranduil, lui, trahit un furtif sourire en obtenant la confirmation de l'allégeance des ents. Dans leur malheur, la légende disait vrai : des ents avaient survécu à Angmar.
Les uruk s'abstinrent de répondre. Après un moment de silence, et devant l'absence de réaction, l'immense cèdre avança encore, d'un pas puissant, féroce et autoritaire, puis doucement, leva vers le ciel les branches qui lui servaient de bras. A la surprise de tous, l'ent se transforma pour révéler la silhouette d'un fort bien bâti jeune elfe à la peau immaculée et aux boucles brunes. Les elfes du front se décomposèrent, qui était cet homme-ent, tous pensaient que seule la gardienne Jaheira avait ce pouvoir, étaient-ils donc plusieurs ?
- Non ! Hurla Jaheira avec rage.
Son cri résonna sur la plaine, glaçant le sang des alliés.
Au loin, Thranduil se décomposa en reconnaissant Ajantis. C'était lui qui avait ainsi laissé filer son unique petit-fils, l'héritier du trône des elfes. Le roi agrippa son arme pour entraver cette folie. Il pouvait perdre sa femme, il pouvait perdre son fils, il pouvait perdre son royaume, ses terres, sa couronne, sa vie, mais il refusait de le perdre lui, son unique petit-fils, sa seule descendance, son avenir. Cela faisait bien trop à supporter pour un seul homme.
- Je suis Ajantis Haldir de Fangorn, fils de la reine Jaheira Redwood de Fangorn et du commandant Legolas Vertefeuille du Mirkwood. Je suis prince de Fangorn, héritier du trône des elfes et meneur d'ents, annonça l'elfe avec aplomb.
Les alliés du front poussèrent un soupir d'étonnement lorsqu'ils reconnurent ce revenant qu'ils croyaient tous mort. De par son pouvoir, son identité ne faisait plus aucun doute chez les alliés. Elrond et Celeborn se regardèrent, déconfits de cette découverte : Ajantis était en vie.
- Elle n'est d'aucune utilité pour vous, dit-il d'une voix posée sans même accorder un regard à sa mère. Alors je vais vous le répéter une dernière fois : relâchez-la, ou mourrez.
En silence, le chef de la meute, l'uruk blanc, sauta du haut de la colline pour attérir sur ses puissantes jambes plusieurs dizaines de mètres plus bas. Il était immense, d'un calme terrifiant, ses deux pupilles blanches semblaient ne jamais bouger dans ses yeux. Il s'approcha d'Ajantis à pied et se posta juste en face de lui, ce dernier ne cilla pas, fier et tendu. Bien au contraire, il le défia avec un regard de haine, bien droit, les mains croisées dans le dos.
L'uruk posté devant le jeune prince semblait faire dix fois son poids. Un silence de plomb s'imposa et le vent se leva.
- Viens la chercher, railla l'uruk à quelques centimètres de son visage.
- Ainsi soit-il, souffla l'elfe avec approbation.
En un éclair, Ajantis sortit une épée de nulle part et porta un coup rapide à l'uruk qui tomba à genoux après un court cri.
Sans plus de démonstration, l'elfe passa outre l'uruk immobile, dont le visage soudainement détaché glissa de sa tête pour tomber mollement à terre avec un bruit gluant. L'elfe s'immobilisa à nouveau après seulement quelques pas, attendant un nouvel interlocuteur qui lui apporterait une réponse plus satisfaisante.
Dans la manœuvre, les rangs de soldats de l'alliance s'étaient remotivés, saluant l'offensive de leur prince en criant, bouillants d'impatience à l'idée d'eux aussi en découdre. Ils ne pouvaient bouger, toujours menacés par l'ennemi et dépourvus de leurs armes pour se défendre.
Au pied des ruines, après un instant immobile et devant l'absence de réaction ennemie, Ajantis ne tint plus et décida de provoquer le combat. Le jeune elfe regarda les ents, puis, levant l'épée ondulée de sa mère, s'élança en hurlant à l'assaut de la colline. Les ents se mirent également en marche pour le suivre dans son attaque.
Du haut des ruines, un nouvel uruk se jeta sur lui. Ajantis sauta haut pour l'éviter et une fois à sa portée, pivota sur lui-même pour lui enfonçer sa lame profondément en pleine gorge.
Le chute de ce nouvel uruk agonisant déclencha un nouveau cataclysme sur les terres d'Angband : constatant le retournement de la situation, les elfes du front reprirent le combat sans même attendre les ordres de leurs commandants. Certains, même trop pressés de régler leurs comptes s'élancèrent sur les orques à mains nues ou les assommèrent en quelques coups de tête bien placés avant d'enfin récupérer leurs lames. Les ents, elles, s'armèrent de lourds gravas qu'elles balancèrent à tout va. La dynamique avait changé et la guerre reprit de nouveau.
Un nouvel uruk fut traversé par la lame d'Ajantis, le regard de la bête tressaillit avant de tomber à genoux. Ajantis venait d'éliminer un nouvel ennemi avec une facilité déconcertante. De loin, l'appelant et traçant droit vers lui, Thranduil faisait tout pour le rejoindre par tous les moyens, prêt à tout pour porter secours à son petit-fils qui avait visiblement perdu tout entendement. Plusieurs uruk se jetèrent à l'assaut du prince qui ne se débina pas, bien au contraire, animé par une colère nouvelle, l'elfe se mit en position de combat, prêt à se battre, la lame de sa mère en joue près du visage. Une nouvelle fois, le jeune elfe se battit avec témérité et réussit à lui seul à éliminer plusieurs hauts gradés uruk rouillés à l'exercice du combat, ne laissant autour de lui que des corps gisants.
Avançant avec efficacité, Ajantis regarda en direction de sa mère, mais à peine eut-il fait un pas de plus en sa direction que l'un des uruk se réveilla dans un râle et se roula pour lui enfoncer un couteau sale en plein dans le pied. Le cri de douleur d'Ajantis résonna, mais le jeune elfe blessé se reprit, en un éclair, il pivota et décapita la tête de l'uruk d'un seul coup, puis arracha la lame de sa botte avant de se guérir. Il était subitement très haletant, cette première blessure l'avait ébranlé.
Jaheira, témoin impuissante de la scène, se débattit vainement de ses chaînes. Elle avait hurlé de peur de voir son fils blessé, cela avait déclenché en elle un tel nouveau choc et un tel cri d'effroi qu'il lui avait presque déchiré les côtes. Agitée, on se rappela de sa présence, et la reine désormais plus qu'insignifiante face à son légendaire fils, reçut un coup en plein estomac par un garde. Le choc heurta une nouvelle fois le silmaril dans ses chairs. Jaheira dégusta en silence, lutta une dernière fois, puis de douleur se laissa tomber, pantin désarticulée pendue par ses chaînes. Les uruk qui la gardaient la crurent morte et la laissèrent pour s'élancer à leur tour à l'assaut du jeune prince.
Au pied des ruines, l'assaut était proche : les uruk déboulèrent à pas moins d'une vingtaine face à la horde d'ents et à un unique jeune guerrier dont les yeux avaient viré au noir d'encre. Ajantis attendit que les ents se rapprochent pour se lancer avec eux au combat. Leurs coups, coordonnés avec la dextérité du jeune elfe, éliminèrent une poignée d'uruk en quelques secondes. Dans son calvaire, Ajantis tint bon, mais se fatigua vite. Profitant d'une nouvelle sommaire exécution, il s'arrêta pour reprendre son souffle un instant, le jeune homme, assaillit de toute part, commença à perdre son sang-froid. Un cor résonna de nouveau, celui d'Angmar, l'ennemi appelait du renfort. Ajantis pesta, comprenant tardivement et malgré lui que sa lutte ne faisait que commencer. Déboussolé, ne sachant plus où donner de la tête en cet enfer, il commença à paniquer alors qu'une nouvelle vague d'ennemis approchait. Alors qu'il envisagea de battre en retraite, Ajantis entendit son nom parmi la horde et se retourna : Thranduil était là, le cherchant dans cette dangereuse marée.
- Ada ! Lui répondit Ajantis.
Le roi se précipita alors vers lui, tuant du haut de son renne tout ceux qui entravaient sa route. Thranduil tua un dernier uruk sur son chemin, sauta à terre pour serrer Ajantis contre lui. La présence de son aïeul soulagea grandement le jeune elfe en plein trouble. Sans plus de démonstration, les deux se remirent à la tâche, positionnés dos à dos. Les uruk étaient certes encore peu nombreux, mais demeuraient des bêtes coriaces à la cuirasse épaisse. Ils se remirent au combat, éliminant efficacement et de consœur plusieurs d'eutre eux en quelques minutes, mais bien vite les renforts d'Angmar arrivèrent et d'autres hideuses créatures les rejoinrent pour s'attaquer à leur minuscule enclave elfique. Alors qu'ils reprenaient leur souffle entre deux ennemis, le cor d'Angmar vrombit à nouveau et les deux elfes se pétrifièrent : les uruk en appelaient à nouveau au renfort. Ils les aperçurent au loin, ce n'était plus là des uruk qui se rejoignaient au front, mais bien de gigantesques trolls des montagnes.
Thranduil se retourna vers Ajantis:
- Ne... !
Mais le roi fut projeté au sol avant de terminer sa phrase par un warg de plusieurs centaines de kilos qui venait de s'élancer sur lui, le plaquant violemment au sol et laissant Ajantis seul, déconfit de cette surprise attaque. Ajantis se retourna pour anticiper l'arrivée d'autres créatures et évita de justesse un autre cavalier warg qui se jetait sur lui. Il roula dans la terre et, voyant que Thranduil blessait efficacement son assaillant, se jeta sur une créature qui grognait de toutes ses dents acérées. Ajantis l'élimina avec difficulté, non sans finalement bondir sur son cavalier afin de le décapiter. Mais à peine eut-il exécuté le gobelin qu'une autre warg se jeta sur lui et le fit chuter avant de le trainer sur plusieurs mètres par son bras d'adresse. Ajantis se mit à saigner, ce qui rappela à toutes les créatures la puissance de son humble personne. Un ent écrasa la bête d'un sauvage coup de pied tout en rejoignant ses confrères, l'animal couina et ne se releva pas, libérant Ajantis de son emprise. Mais dès qu'il s'eut relevé, l'elfe se retrouva encerclé par une dizaine d'uruks, de wargs et de gobelins. La bête l'avait éloigné des ents déjà fort occupés au combat et Thranduil était introuvable : le jeune elfe était désormais seul face à tous. Il balaya le regard tout autour de lui, estimant les forces en présence et en oublia même de soigner sa blessure au bras, ne sentant même plus son propre sang ruisselé sur sa lame. Fort habitué à la promiscuité du navire où il s'était entrainé, il ne se découragea pas et au contraire, pour se redonner du courage, serra le manche de sa lame avec plus de force encore et fusilla du regard ses adversaires, détectant leurs failles, décryptant leurs postures et anticipant leurs mouvements comme son père lui avait appris. L'elfe sut que cette épreuve serait douloureuse, mais il n'avait à présent plus peur de souffrir : il avait traversé vents et marées pour être là, hors de question de fuir, il était exactement là où il devait être.
Ajantis leva sa lame au niveau de son visage, prêt à se défendre. Un premier warg s'avança lentement, prit de l'élan puis se jeta vers Ajantis. Mais avant qu'elle ne l'atteigne, la bête fut projetée sur le flanc, révélant la brillante dague de mithril qui lui traversait les côtes. Un elfe blond se hissa sur le warg et l'exécuta d'un net mouvement de lame.
- En ent, tout de suite ! Ordonna Khalid.
Sauvé par l'inattendue intervention de son parrain, le jeune prince ne se fut pas prier et prit sa forme entique sans attendre, il n'abandonna pas son mentor pour autant et resta à se battre à ses côtés, contenant efficacement les assauts des ennemis. En un instant, tout éclata, alors qu'Ajantis distribuait ses premiers coups sous forme entique : des soldats de la garde royale sortirent de toute part et Thranduil vint rejoindre la troupe qui s'était formée là. Tous décimèrent le petit attroupement ennemi qui avait lâchement osé menacer le prince. Ajantis, de toute sa entique hauteur, s'attela à un troll qui s'approchait et le tua en lui assenant un fatal coup sur le crâne avec un rocher. La bête s'effondra dans la boue.
Accusant un instant d'accalmie, de sa hauteur, Ajantis aperçut sa mère inanimée au loin. Dans leur combat, ils s'étaient approchés des ruines. Lui, était trop éloigné pour la rejoindre car encore une dizaine de trolls lui barrait la route. Il ne pouvait s'y atteler seul.
Ne pouvait se résoudre à la laisser plus longtemps inconsciente et désarmée, Ajantis décida de faire diversion. Sans prévenir, il se mit à courir et au passage attrapa de son entique main son parrain Khalid et le lança de toutes ses forces au plus près de sa mère. L'elfe atterrit en roulant puis se rattrapa en souplesse juste à côté d'elle, il salua Ajantis de cette prévenante manœuvre et comprit tout de suite pourquoi il l'avait envoyé là. Sur le front, Thranduil prit le relais de la protection d'Ajantis tandis que Khalid, catapulté au milieu des ruines, s'attela immédiatement à la protection de sa reine, décimant les quelques orques qui s'approchaient. Tout en se battant, Khalid tenta de réveiller Jaheira en lui criant son nom, mais rien n'y fut. Elle ne bougea pas, pendue à ses chaînes. Malgré son courage et ses féroces assauts, Khalid ne tint pas fort longtemps, en première ligne face au déversement ennemi de la colline, l'elfe fut vite débordé par les vagues d'orques qui déferlaient. Khalid fut repoussé et s'éloigna impuissant de son but, laissant Jaheira à nouveau seule et sans défense.
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