Chapitre 61 : Angband
Ce matin, Legolas termina de s'habiller dans une ambiance électrique. Chacun de ses gestes s'exécuta avec détermination et précision, comme si le stress ne semblait jamais l'atteindre. Chaque bouton, chaque revers, chaque lien, chaque placement de flèche dans son carquois, chaque tresse dans ses cheveux, tout fut réalisé avec minutie : l'homme était attaché à son rituel et se rassurait à passer en revue son équipement pour tout soit parfait une fois face à l'ennemi.
Ses armes solidement attachées et le pli du veston impeccable, le commandant partit rejoindre Jaheira qui terminait de se préparer. Elle aussi avait revêtu son uniforme de guerre, un tissu sombre de belle facture, sans aucun signe distinctif pour l'identifier : elle avait volontairement laissé de côté sa cape en peau de loup et retiré sa tiare en argent pour se rendre au front. Ses cheveux avaient été solidement attachés pour la libérer dans ses mouvements, et elle s'était armée de sa plus fidèle lame ondulée, ainsi que de sa non moins précieuse dague en mithril.
Les deux souverains quittèrent la ville d'un air grave, marchant sur les fleurs que les villageois avaient délicatement déposées sur leur chemin. Ils montèrent sur leurs chevaux et passèrent devant les rangs des soldats alignés là. Enfin, le cor d'Argent sonna et la délégation quitta Fangorn pour prendre la direction des terres d'Angband, en direction de la guerre.
Il y en avait pour des semaines de voyage, ils seraient vite rejoints par d'autres. Les soldats du Rohan d'abord, puis ceux de la Lothlórien, de Fondcombe et du Mirkwood viendraient gonfler les rangs. Tous iraient ensemble jusqu'aux frontières des terres dévastées du Nord, siège du royaume déchu d'Angmar, où l'assaut serait donné, en vue du début de la plus grande guerre jamais menée, à la seule force du courage de tous ces hommes, ensemble et unis. Ils savaient que cette guerre serait la plus difficile, tout comme la secrète quête qui les attendait par-delà les montagnes. Tous savaient que les pertes seraient nombreuses... Ils s'y étaient préparés et s'étaient armées en conséquence pour limiter les dégâts. La première génération de soldats formés aux soins d'urgence étaient sortis de l'Académie, ils étaient fort bien préparés mais peu expérimentés aux soins sur le front. Thranduil lui, ne se faisait que peu d'illusion, malgré cette bonne volonté, ces hommes n'étaient pas Jaheira, ils ne feraient que limiter la souffrance plus que sauver des vies. Aujourd'hui, tous partaient en guerre, et le sort en était jeté pour le peuple libre de la Terre du Milieu.
Le voyage se déroula selon les plans et tous se retrouvèrent en temps et en heure. Ils se regroupèrent sans se faire repérer aux portes des souterrains creusés sous les montagnes qui protégeient le royaume d'Angband. Les nains avaient travaillé d'arrache-pied pour offrir aux alliés un chemin fiable et sécurisé dans les tréfonds de la montagne, à la barbe des habitants d'Angband qui ne s'étaient nullement aperçus des nouvelles failles dans les barrières naturelles qui les protégeaient. Après une dernière revue des plans d'attaque et une première exploration des tunnels nains, tous s'accordèrent un dernier repos bien mérité. Dès le lendemain, ils entreraient dans l'Histoire, l'assaut serait donné et des centaines de milliers d'hommes s'élanceraient en même temps à l'assaut des dernières terres des Forces du Mal.
Cette dernière nuit fut joviale, les nains et les hommes eurent à cœur de célébrer ce moment historique et de partager leurs légendes de compagnons d'infortune. Les elfes Thranduil, Elrond et Celeborn profitèrent d'une dernière soirée en compagnie de Legolas et Jaheira. En cette nuit, tous rirent de bon cœur et prirent du plaisir en partageant de savoureuses anecdotes de guerres. Les elfes, insensibles au sommeil, veillèrent toute la nuit, et leur soirée prit fin quand les cors des différentes maisons sonnèrent pour réveiller les hommes du campement, qui se levèrent et prirent rapidement leurs postes.
Les alliés se séparèrent avec une mélancolie certaine. Les cinq se saluèrent sans trop en faire. Jaheira, la plus émotive de tous, ne put s'empêcher de prendre son ancien tuteur Celeborn dans ses bras qui lui rendit son étreinte en lui glissant à l'oreille :
- Que la force t'accompagne.
Témoins de leur démonstration, sentant le temps venu, Thranduil se tourna vers son fils :
- Ta mère aurait aimé être là... Notre présence ici lui rend un bel hommage.
Le roi du Mirkwood était quelqu'un de pudique, et cette démonstration demeura plus qu'inattendue. Legolas touché, posa sa main sur l'épaule de son père, qui lui rendit son geste avec un regard entendu.
Les deux trinquèrent, terminèrent leurs verres et chacun partit de son côté rejoindre son escadron. Tous partirent avec le cœur lourd, ayant peu d'espoir de se retrouver à nouveau ainsi réunis.
Legolas et Jaheira partirent rejoindre leurs postes respectifs d'un air grave, alors que l'angoisse commençait à leur saisir le cœur.
Les armées de l'alliance elfique traversèrent les tunnels nains et comme défini, Thranduil se plaça avec son fils et sa femme sur l'extrême front Est. Depuis leur point de vue, ils observèrent les terres dévastées et pour l'instant désertes d'Angband, tentant de calmer le stress qui s'était subitement emparé d'eux : les lieux étaient immenses, et tous se demandèrent quelle quantité d'ennemi cette terre totalement plate et stérile pouvait contenir... Combien d'orques, de renégats, de gobelins, d'uruk ou de trolls pouvaient dissimuler ces sols ?
Jaheira observa le décor avec gravité : ils étaient des milliers postés là à flanc de montagnes, sur les frontières du territoire, ils étaient fort nombreux et pourtant, c'est un silence glacial qui pesait ici. Tous patientèrent encore plusieurs minutes, stoïques dans l'air froid à l'odeur désagréable : celle du soufre et de la fumée, qui chargeait l'air malgré l'absence de feu.
Legolas ne quitta pas des yeux les terres vides. Il était tendu, rigide et avait le regard sombre. Tout était d'un plat gênant, très différent de l'agitation ambiante anticipant une colossale réponse ennemie pour un carnage sans précédent. À présent, il était trop tard pour reculer.
Thranduil sortit du rang en premier. Calmement, le roi leva son épée vers le ciel. A flanc de montagne, les commandants des escadrons voisins en firent autant. Quand ils eurent tous levé leurs armes en signe de leur alliance, les cors alliés vrombirent d'une longue note grave qui fit vibrer le sol et les âmes. À Angband, rien ne se passa, on ne déplora aucune réaction, et l'attente qui suivit fut intenable, les cors rugirent encore, résonnant jusqu'à l'horizon. On ne distingua rien, pas de bruit, pas de vie, aucune agitation. L'air lui-même sembla s'être tu.
Après un énième vrombissement de cor, une secousse se fit sentir. Les terres, pourtant désertes, se mirent à s'agiter. En un instant, toute la terre s'inonda de dizaines, de centaines, puis rapidement de milliers de créatures qui s'extrayèrent du sol, comme crachées par la terre aride. On distingua des orques, des gobelins, des uruk-hai et des trolls par centaines qui sortirent de terres, probablement depuis d'invisibles crevasses et souterraines cavernes. La révélation de cette furieuse armée fit trembler la terre tel un coup de pied dans une fourmilière, l'armée ennemie s'agita à mesure qu'elle découvrait la surprise présence de l'ennemi à ses portes, en rangs, prêts à mener bataille. Les elfes venaient de provoquer là la plus grande des batailles sans anticipation ni sursis. Au plus vite, les armées d'Angband s'armèrent et en face, des centaines de rangs de milices armés furieuses commencèrent à se former et pour finalement se mettre en ordre de marche, prêts à en découdre des elfes, hommes et nains qui étaient venus là les provoquer.
Alors que tous contemplaient avec appréhension le déversement ennemi de ces terres, un garde du Mirkwood arriva au galop et s'approcha de Legolas, le sortant de sa stoïque concentration.
- Commandant Legolas, lui souffla-t-il après un salut militaire, on nous signale une agitation au Nord.
- Qu'elle est-elle ? Demanda l'elfe avec agacement.
- Un navire, commandant, non déclaré.
- Un navire ? S'étonna Legolas, subitement inquiet de cette imprévue incursion.
Sans attendre, l'elfe prit congé de sa femme et de son père qui restèrent là à observer le terrible spectacle. Legolas fut rejoint par trois gardes et se rendit après seulement quelques foulées de cheval sur la plage où un navire inconnu avait accosté plus loin dans la baie.
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