La suite des événements s'enchaîna très rapidement. En quelques heures, des messagers par dizaines quittèrent le Mirkwood pour informer toute maison, toute famille ou tout royaume de la guerre imminente qui se préparait. L'appel ne se limita pas aux historiques alliés du Mirkwood et de Fangorn : cette fois-ci, tous furent sollicités pour rejoindre les rangs de ce qui fut baptisée "L'alliance elfique". L'assaut d'Angband, dernier haut-lieu des forces maléfiques de la Terre du Milieu était un sujet brûlant : tout elfe, homme, nain, hobbit, tout être de ces terres, et même par-delà les mers avait souffert de la guerre et de l'emprise de Sauron sur la Terre du Milieu, tous étaient donc conviés à faire gonfler les rangs avec leurs hommes et leurs armes. Tout ami du bien avait perdu au moins quelqu'un, un proche, un roi, des terres et tous ici n'avaient plus qu'un seul espoir : que ce chapitre soit clos, à jamais et qu'enfin la paix revienne. Cet appel à l'alliance ne connut aucun précédent et témoigna à lui seul de l'urgence de la situation et de l'ampleur de la guerre qui s'organisait.

La découverte d'Elen ne fut nullement mentionnée et resta entre Jaheira, Legolas et Thranduil. Le prix de la quête des ents était sévère, mais la guerre servirait de parfaite diversion. Tous ici, directement ou indirectement, reposait sur la puissance de la race des elfes, la plus grande force armée de la Terre du milieu, qui elle-même dépendait du retour de la longévité entique générée par les terres de Fangorn.

En quelques jours seulement, et d'un seul écho, de nombreuses maisons s'allièrent aux rangs des elfes pour se joindre à la guerre. Pour la première fois depuis des siècles, un sentiment d'unité incomparable saisit chaque habitant de la Terre du Milieu, prêt à croiser le fer pour le triomphe du bien.

Des hommes, des femmes, civils, villageois, artisans, cultivateurs, éleveurs, marchands, tous intégrèrent par dizaines les formations militaires pour contribuer à l'effort commun et prendre part au combat à venir. La Lórien fut le premier royaume à répondre à l'appel, vite suivi par Fondcombe, s'en suivirent les terres de Rnor, d'Eriador, et même du Gondor : le descendant de leur ami Aragorn ayant à cœur de soutenir ses alliés de longue date. Le Rohan, Minas Tirith, ainsi que Edoras, promirent aussi des soldats par milliers pour soutenir l'offensive elfique, qui prit alors une tournure géopolitique sans précédent.

La surprise fut totale lorsque le royaume nain d'Erebor et même d'Ered Luin promirent eux aussi de se joindre à eux, se rappelant au bon souvenir du commendant Legolas qui leur avait fait fort bonne impression lors de sa visite avec son acolyte et ami Gimli.

Rapidement, l'armée de l'alliance commença à grossir et les rangs s'organisèrent pour lancer l'offensive avant la fin de l'année. Jaheira promit des armes en mithril en quantité ainsi que des ents pour défendre les rangs. Le Mirkwood fournit des hommes par milliers, presque soixante-dix mille et s'engagea, en hommage au capitaine Thillen, à former les nouvelles recrues de l'Académie de la Garde Royale aux bases du secourisme d'urgence afin qu'ils se dispersent dans les rangs militaires et viennent porter secours aux victimes du front. 

La guerre éclaterait dans six mois, et déjà le temps venait à manquer.

Avant de partir pour Fangorn puis pour le camp de l'Académie de la Garde Royale de East Bight, Jaheira et Legolas demeurèrent un mois au Mirkwood afin d'établir les premiers plans de bataille. Jaheira profita de sa présence pour discrètement dispenser de puissants soins à Thranduil afin que ses plaies au visage et au cou ne l'handicapent nullement sur le front. L'elfe s'arma de patience, serrant les dents tandis que Jaheira exécutait son lourd protocole médical de manipulation des chairs brûlées.

Compte tenu de l'urgence de la situation, l'elfe demanda à ce que Jaheira travaille chaque jour ses soins au plus profond de la peau, là où la chair calcinée demeurait plus sensible que jamais, mais la guérisseuse se résigna au bout de quelques jours, incapable de supporter la souffrance qu'elle faisait subir à son beau-père. Même soutenu par son fils, l'elfe encaissait la douleur jusqu'à s'enfoncer les ongles jusqu'au sang dans les paumes de ses mains. Malgré l'insistance du roi, Jaheira renonça à la précipitation. Bien qu'il soit pris en charge depuis des années, la plaie était encore loin d'être guérie. Ils en auraient encore pour des années, voire des siècles avant que la peau s'en remette complètement et que le roi ne soit libéré de ses souffrances, mais Thranduil insista :

- Je souffre moins depuis que nous avons commencé, c'est un signe d'amélioration !

Jaheira répondit avec un scepticisme gêné :

- Cela peut s'expliquer par le fait qu'Elen et moi-même soyons à vos côtés seigneur Thranduil. C'est le simple fait de notre présence, le sang argent qui coule dans nos veines vous soulage. Si Elen et moi venons à nous éloigner, la douleur reviendra comme avant... C'est une solution confortable mais nullement durable.

- Que me faudrait-il ? Demanda Thranduil, déçu et inquiet.

- La quantité de mithril n'est rien, mais c'est la concentration de mithril qui influe sur vos douleurs. Il vous en faudrait en puissance inégalée.... Il n'existe pas de sortilège aussi puissant. Mais nous y arriverons, nous avançons chaque jour un peu plus, tout ce qu'il vous faut aujourd'hui, c'est de la patience.

L'espoir de Thranduil l'abandonna et Jaheira s'en voulut de ne pouvoir le soulager plus rapidement. Sa blessure était complexe car causée par une brûlure infligée par le feu d'un dragon. Les chairs avaient brûlé, fondant sur lui, mais ne s'étaient nullement détachées. Gaïlind l'avait un peu soigné de son temps, lui appliquant des solutions de mithril et d'argent sur ses plaies pour diminier sa douleur, mais depuis peu, Thranduil souffrait. Pour le soigner, il faudrait encore attendre des années.

- Ainsi soit-il..., dit-il avec dépit. Fort heureusement, des ents seront présents à Angband, s'ils sont là, je serai soulagé, et je pourrai donc me battre avec dignité.

Alors l'elfe s'enfonça à nouveau dans son fauteuil, prêt à recevoir la fin du douloureux protocole quotidien de la guérisseuse.

***

Pendant leur séjour en Mirkwood, Jaheira et Legolas participèrent tous deux à de nombreux conseils et autres séances politiques d'organisation de la guerre.

C'est en sortant de leur dernière séance avant leur retour à Fangorn que Legolas s'isola discrètement dans une salle d'étude avec sa femme, tous deux avaient une importante lettre à écrire leur proche ami commun : le capitaine Khalid Flyverin.

Ils se concertèrent sur les fermes instructions à communiquer à l'ancien intendant de Fangorn, ainsi qu'aux grands seigneurs de Valinor qui devaient eux aussi être informés de la situation. La missive fut remise à un discret service de messagers. La lettre transiterait vers différents ports afin d'arriver en Valinor pour rejoindre les mains de Khalid.

***

En quelques mois, la Terre du Milieu entra en totale ébullition. Les rangs grossirent chaque jour de nouveaux guerriers volontaires, confiés par d'illustres maisons venues soutenir l'alliance des elfes. Des villageois par centaines vinrent se présenter spontanément pour s'enrôler de toutes parts et les rangs de l'Académie Royale décuplèrent en comparaison des promotions précédentes. L'institution s'ouvrit pour ne pas former que les plus hauts gradés à l'art de la guerre, mais bien enseigner le combat ainsi que les procédures d'urgence telles que la mise en place de soutien matériel, la prise en charge des blessures urgentes et la construction d'armes de longue portée.

***

Des mois passèrent. A des milliers de lieux de là, Gandalf, qui siégeait désormais au grand conseil de Valinor, rejoint la séance exceptionnelle du haut conseil des seigneurs des Terres immortelles dont faisait partie la province d'Aman.

Alors que l'un des conseillers venait de terminer la lecture à voix haute de la lettre cachetée du sceau de Fangorn, les informant de la plus grande guerre jamais menée par les elfes de la Terre du Milieu, le silence s'abattit.

- Pure folie... Combien de jours de navigation faut-il pour rejoindre la Terre du Milieu ? Osa l'un des siégeants.

- Trois cents jours par le Sud, et par temps favorable, peut-être deux cents par l'Est, il faut aussi compter le chemin à terre, renseigna Gandalf.

- Que diable attendent-ils de nous ? Nous n'y serons jamais à temps !

- Les ents sont les descendants de Telperion et de Laurelin. Que la prêtresse de Fangorn fasse appel à votre sagesse est plus que justifié, souligna Gandalf.

- Personne ne se risquera à mener un tel voyage, cela est bien trop risqué.

- Vous devez en informer la flotte. Si certains navires se trouvent dans les parages, vous devez leur laisser la possibilité de rejoindre la terre du Milieu. Les rois elfes ont encore des alliés sur nos mers, trancha Gandalf.

- Gandalf, le capitaine Khalid a été repéré pour la dernière fois au Sud de la Grande Mer, même s'il partait demain, il n'y serait pas à temps, répondit un siégeant.

- Oserez-vous le lui dire, lui qui n'a que dédié sa vie à Fangorn, que vous aurez omis de lui faire part d'une telle nouvelle ? Même du bout du monde, il se jetterai dans la braise incandescente si cela pouvait servir sa reine. Si des navires veulent le rejoindre, nous pouvons lui demander d'escorter cette flotte jusqu'en Terre du Milieu. S'ils n'arrivent pas à temps, ils pourront au moins assurer la protection des cités arrière dans les temps impartis.

Le silence revint.

- Gandalf, faites passer le message à Khalid ainsi qu'à toute la flotte d'Aman de la Grande Mer. Si un quelconque navire de la flotte veut rejoindre les rangs de l'Alliance ou les soutenir de quelque façon en leur possession. Ils ont notre bénédiction.

Le vieux magicien se leva et disposa pour activer le réseau de messagers des mers de Valinor afin que le capitaine Khalid soit informé au plus vite de l'accord des seigneurs d'Aman, où qu'il soit, lui et son navire l'Haldir.