Chapitre 45 : Union elfique
Le mariage chez les elfes, même royal, était un événement discret, car le jour le plus important d'une royauté se devait de rester le jour du couronnement. Le mariage de Jaheira et Legolas fut célébré quelques mois plus tard à la cité de Fangorn, en présence de plusieurs ents, de Khalid et Thranduil ainsi que de leurs plus proches amis, dont Gimli, Celeborn, Galadriel, Gandalf et Eldarion, roi du Gondor. La reine arbora une robe blanche aux milles reflets grâce aux fils de mithril qui parcouraient le tissu. Legolas quant à lui, arbora son uniforme militaire princier ainsi que la cape bleu offerte par son père.
En cette occasion, Jaheira prit pour époux Legolas, et procéda à son couronnement, le proclamant roi de Fangorn par alliance. Pendant son discours, l'elfe jura vaillance, protection et fidélité à la reine et à son peuple. Le couple offrit alors sa première sortie publique à Redwood, qui réserva un fervent accueil à cet homme de poigne qui venait rejoindre leur camp, marquant la naissance de la plus puissante alliance elfique en Terre du Milieu. On écrivit des chants pour louer les deux époux, leur courage et leur histoire.
***
Pendant la soirée qui clôturait la journée de célébration de son mariage, alors que Jaheira discutait avec des notables de Lórien, Thranduil rejoint la mariée et ses invités, qui disposèrent en voyant le roi approcher. Le roi du Mirkwood et la reine de Fangorn se retrouvèrent alors seuls. Entre leur nouvelle diplomatie et les préparatifs du mariage, ces deux-là avaient pu passer un certain temps ensemble, mais n'avait au fond pas réellement eu l'occasion de parler.
- Vous êtes une femme de caractère, dame Jaheira.
- Il ne fut pas facile de vous amadouer pour autant, seigneur Thranduil.
L'elfe sourit.
- Je ne vous remercierai jamais assez, dit-elle avec sincérité en regardant Legolas.
Le roi du Mirkwood disposa de la nouvelle reine en une révérence. Jaheira l'interpella gentiment, alors qu'il s'éloignait.
- Est-ce tout cela ce dont vous vouliez parler ?
- Aucun sujet ne mérite de perturber une femme le jour de son mariage.
- Peut-être un passé encore fort douloureux ? Tenta-t-elle.
Thranduil resta immobile, il tourna la tête en sa direction et l'interrogea du regard, faisant mine de ne pas comprendre sa remarque.
- Thranduil, je sais que vous souffrez. Laissez-moi vous examiner. Je peux vous aider.
Le roi voulut répondre, mais Jaheira le prit de court :
- Si je ne m'abuse, compte tenu de votre relation particulière avec Gaïlind, l'accès au mithril ne relevait pour vous pas que d'une entente commerciale ?
Thranduil resta étonné, nul ne savait pour son traitement. Il balbutia avec repenti :
- Le mithril a de puissantes propriétés. Mais il n'a jamais motivé mes actes à lui seul, déclara Thranduil.
- Sachez, seigneur Thranduil, que jamais je n'aurais osé interférer avec la médication que vous fournit Fangorn, et cela même si nous étions entrés en guerre. Vous avez tant fait pour le royaume, et vous le démontrez encore aujourd'hui. Aucun de vos actes ne mérite que vous portiez un si douloureux fardeau, tant physique qu'historique. Si vous acceptez, j'aimerais à présent que nous nous accordions à considérer votre dette envers Fangorn comme réglée. Au travers de notre alliance, Fangorn vous aidera à reconquérir vos terres et votre gloire.
Les yeux du souverain se mirent à briller. Ce pardon tant espéré et attendu devint subitement un frein à la longue culpabilité qui le rongeait en secret.
- Votre grâce vous honore par-delà les contes reine de Fangorn. Mon royaume et ma couronne vous sont et vous resteront entièrement dévoués, dit-il en posant sa main sur sa poitrine.
Jaheira et Thranduil se regardèrent longuement.
- Retournez vers vos invités dame Jaheira, je ne me suis que trop accaparé la mariée.
Jaheira partit rejoindre ses convives et passa une formidable soirée ponctuée de danses et de grands discours, elle déambula dans la foule avec légèreté et salua des gens venus de tout horizon, ne pouvant cacher sa joie quand elle retrouvait au milieu de la foule le formidable elfe qu'elle venait d'épouser. Pour la première fois, ces deux-là profitèrent de la légèreté de leur jeunesse hors du temps, enchaînant les danses et les longs échanges de regards où tous deux réalisaient l'ampleur de leur bonheur et du chemin parcouru.
Alors qu'ils dansaient à nouveau d'un pas lent, la main de Legolas caressant du bout des doigts la paume de Jaheira, la nouvelle reine eut une absence et baissa les yeux :
- Quel sujet peut bien tracasser mon épouse en ce jour si unique ? Demanda-t-il en lui soulevant le menton. S'il a une quelconque vie, parle et il ne sera plus, dit-il en souriant.
Jaheira esquissa un sourire.
- Legolas... J'aimerais te faire part de quelque chose.
- Tout ce que tu voudras.
Les deux époux cessèrent de danser et s'isolèrent.
- Je... je suis désolée, dit-elle pour s'excuser de son anxiété.
- Je ne serai apaisé que lorsque je te verrai heureuse Jaheira, dit-il avec douceur.
Touchée, Jaheira caressa le visage de Legolas assis face à elle, admirant une nouvelle fois sa sublime beauté qu'elle ne se lasserait jamais de contempler.
- Nous retrouverons les ents femmes, dit-il, devinant son trouble.
Elle lui sourit avec mélancolie.
- Je ne sais par où commencer...
- Penses-tu qu'elles soient en terres ennemies ? Demanda l'elfe avec un regard soutenu.
- Je l'ignore.
Legolas but une gorgée de vin.
- J'ai besoin de quelqu'un de confiance pour partir à leur recherche, quelqu'un qui a l'esprit de voyage et d'aventure, déclara Jaheira en le regardant avec insistance.
Legolas se figea. Tous deux étaient bien au fait des rêves de grands voyages que Legolas avait choisi d'avorter pour se consacrer à leur mariage, ce projet était sorti de ses rêves par la force des choses, sachant que sa reine ne pourrait tolérer un éloignement si long et si loin des terres.
- Jaheira...
- Je suis murée ici, je dois rester auprès des miens, mais toi, toi Legolas, tu es libre à présent... Si tu acceptes, tu pourrais mener cette quête en mon nom et au nom de Fangorn. Tu pourras ainsi explorer la Terre du Milieu jusque dans ses endroits les plus reculés, sans jamais y mener la guerre. Je sais que cela est ton rêve, j'y ai bien réfléchi et même si cela me coûte énormément que de te laisser partir, jamais je ne pourrai m'opposer à ce bonheur.
Il réalisa tout l'ampleur de sa proposition et combien de telles paroles étaient douloureuses pour elle.
- Jaheira, je suis honoré d'une telle proposition. Mais nous parlons d'une quête de plusieurs années, si ce n'est des décennies. Tu es bien trop en danger aujourd'hui... Jamais je ne peux me résoudre à te laisser, souffla-t-il.
- Je ne serai jamais qu'en danger si les ents femmes ne sont pas retrouvées. Avec elles, l'avenir de Fangorn ne sera plus seulement qu'entre mes mains. Legolas, tu es le seul à avoir toute ma confiance. Fais cela pour Fangorn, pour nous, pour moi, s'il te plait. Cela serait la seule excuse valable pour que je te laisse ainsi t'éloigner si longtemps de moi.
L'elfe resta silencieux, il se leva, fit quelques pas pour tromper son embêtement. Enfin, il revint vers elle et lui embrassa la main. Il avait besoin de réfléchir. Elle leva des yeux humides vers son nouvel époux et rétorqua :
- Legolas, si tu acceptes, je n'oserai te demander qu'une chose en échange : reviens-moi, sain et sauf.
Elle se blottit dans ses bras alors que les larmes montaient en elle rien qu'à l'idée d'être à nouveau séparée de lui, même pour quelques heures. Legolas comprit alors l'ampleur d'une telle décision pour la jeune reine. Si cela était possible, il tomberait amoureux d'elle plus encore pour le fantastique sacrifice qu'elle se faisait subir au nom de son bonheur à lui. Elle sacrifiait ses premières années de couple pour son peuple. Pour elle, cette quête était clé et délicate, mais permettait aussi à l'elfe de réaliser son rêve le plus fou, jusque-là hors de portée avec sa précédente position d'unique héritier du Mirkwood.
- L'heure est à notre union Jaheira, pas à notre séparation, nous en reparlerons, dit-il en lui tendant une main pour l'inviter à nouveau à danser avec un regard tendre.
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