Chapitre 30 : Fangorn
Jaheira arriva à Redwood et traça jusqu'à l'office de Khalid.
Arrivée devant la porte, elle se disputa avec le garde Minsk qui surveillait la porte, car il lui refusa l'accès à l'intendant. Leurs vifs échanges arrivèrent jusqu'aux oreilles de Khalid qui intervint et découvrit que la jeune femme était revenue, à sa grande mais heureuse surprise.
- Que diable vous est-il arrivé ? Nous avons attendu votre retour des jours durant ! Nous avons cru qu'il vous était arrivé malheurs.
Elle l'avait appris en Lórien, mais son passage à Fangorn avait apparemment duré plus de dix jours.
- Khalid, j'ai là d'importants sujets qui requièrent votre attention.
Khalid reçut Jaheira dans son office et ferma la porte pour plus de confidentialité.
- Les avez-vous rencontrés ?
- Oui. J'ai pu échanger avec les ents de Fangorn, dit-elle calmement.
- C'est incroyable ! Que... Que vous ont-ils dit ? Demanda-t-il, pressé.
- Il semblerait... que je sois une ent. Gaïlind aurait été ma mère.
L'intendant se figea sur place et la dévisagea :
- Comment ?
- Je serai née peu avant la Grande Attaque, ce même jour où le commandant Haldir m'a évacué vers la Lórien. J'ai depuis été recueillie et protégée par le roi Celeborn et la reine Galadriel, du moins, jusqu'à il y a encore quelques mois. Je l'ignorais jusqu'à ma rencontre avec un ent nommé Silverbarbe.
Khalid se leva, circonspect :
- Votre père ?
- Pallando le bleu, mentit Jaheira, préférant passer sous silence sa possible paternité avec Annatar, qu'elle reniait encore plus que celle qu'elle pouvait avoir avec Pallando.
- Comment vous ont-ils reconnu ?
- J'ai versé mon sang pour conférer la dague d'Haldir aux ents.
Khalid resta silencieux un instant, pensif. Il fit les cent pas, s'arrêtant à plusieurs reprises pour dévisager la jeune femme. Après une intense réflexion, Khalid se figea et l'homme se courba :
- Je crois que des salutations s'imposent. Dame Jaheira, je suis terriblement confus, mais plus qu'enchanté de vous rencontrer.
- Allons, relevez-vous. Je n'ai aucun pouvoir en cette cité.
- Vous avez tout pouvoir en ces terres ma dame, tous ici vous attendent ! Les elfes, les hommes, et moi-même. Nous devons annoncer votre retour ainsi que celui des ents !
- Khalid, les ents requièrent ma présence auprès d'eux. Ma place est là-bas. Mon retour ne signifie pas que les ents vont revenir.
- Votre place est avec nous, vous êtes une elfe !
- Je ne suis techniquement qu'à moitié elfe.
- Pouvez-vous vous transformer en ent ? Comme votre mère ?
- Je l'ignore.
- Jaheira, je vous en conjure, vous êtes désormais très précieuse pour les ents, mais restez à Redwood. Vous pouvez faire à nouveau rayonner Fangorn de par votre présence, nous vous assurerons une complète protection, vous pourrez nous faire regagner la présence des ents, vous pourrez redorer l'image de ces terres et de ses habitants, qu'ils soient humains ou même ents ! Vous pourrez sauver la race des elfes !
- Khalid, votre sollicitude est touchante, mais les ents sont en danger et nous savons tous deux que si Fangorn doit retrouver son entièreté, et cela doit d'abord passer par les ents, comme cela a été le cas autrefois.
Khalid lui tourna le dos, ce n'était nullement la réponse attendue, mais Jaheira se montra plus explicite :
- Je reviendrai, je vous le promets.
L'intendant mit du temps à répondre.
- Alors partez, et revenez nous vite. Soyez prudente.
***
L'intendant mandata des gardes lourdement mais discrètement armés pour escorter la jeune femme hors de Redwood et l'amener jusqu'à la forêt de Fangorn. A l'orée des bois, Jaheira quitta son cheval, salua les gardes qui l'accompagnaient et partit à pieds, s'enfonçant entre les arbres de la danse forêt qui lui faisait front, sans crainte aucune cette fois, mais toujours le cœur serré d'appréhension vers la nouvelle vie qu'elle choisissait d'embrasser en cet instant.
Après plusieurs minutes de marche difficile au cours desquelles elle chercha des yeux la présence des ents, Jaheira se résigna à les reconnaître dans le paysage et décida d'appeler les ents avec le seul moyen en sa possession. Elle sortit sa dague et s'entailla le bout des doigts, le sang perla sur sa peau et elle déposa la goutte au sol, qui fut instantanément absorbée par la terre humide.
La jeune femme patienta en silence, espérant avoir attiré l'attention des ents.
Rien ne se passa.
Jaheira continua son périple et commença vite à perdre patience, sentant la folie des lieux à nouveau l'envahir. Tout cela était-il vraiment arrivé ? Elle avait malgré tout encore du mal à réaliser. Soudain, Jaheira se détendit en sentant une présence derrière elle, mais lorsqu'elle se retourna, ce ne fût pas un ent qu'elle découvrit mais un immense lynx à la fourrure immaculée. La bête était immense, trois fois la taille d'un lynx ordinaire et la prenait visiblement en chasse, avançant de son pas le plus feutré avec le corps tapit au sol. Ce n'était nullement la réaction attendue pour la jeune femme qui se liquéfia, et se saisit de son épée le plus calmement possible, sans détacher ses yeux de la bête qui continuait d'approcher. Arrivant à sa portée, Jaheira sortit sa lame et la pointa vers le lynx. Le félin eut un mouvement de recul et grogna doucement. Après un instant d'hésitation, la bête avança d'encore quelques pas, très lentement, mais n'attaqua pas. Proche, le lynx renifla sa lame et s'en montra au contraire curieux. A ce moment, le soleil perça entre les feuilles, révélant le scintillement de la blanche fourrure du lynx, comme si son poil avait été infusé de cristaux. De sa vie, elle n'avait jamais vu si beau phénomène.
Jaheira ne bougea pas et le laissa s'approcher, suffisamment pour qu'il lui respire sa main pour enfin, et à sa grande surprise, s'assoir tranquillement face à elle, immobile, ses yeux perçants couleur ambre fixés sur la jeune femme. Pour couronner le tout, le lynx se mit à ronronner.
La jeune femme eut un temps d'hésitation, mais cet animal semblait attendre quelque chose. Au plus profond d'elle, son instinct lui disait qu'il n'était pas agressif mais resta sur ses gardes et serra inconsciemment son arme entre ses doigts. Enfin, après un moment à se toiser, elle se risqua à s'approcher du félin qui ne bougeait pas et affichait un calme rassurant. Jaheira tendit les doigts en direction de l'animal et approcha tout doucement pour arriver à tout juste quelques centimètres de sa tête. Le lynx ne l'évita pas, au contraire, il se frotta alors à sa main et Jaheira lui caressa la tête tel un gros chat. Alors, l'animal se mut doucement pour se coucher juste devant elle, offrant son dos à la jeune femme, dont les yeux restèrent écarquillés. Cette bête était-elle donc vraiment amicale ?
Jaheira caressa le dos de l'animal avec hésitation, sa fourrure était d'une épaisseur incroyable. Puis, le félin fit un mouvement de tête pour l'inviter à grimper sur son dos. N'en était plus à sa première surprise, Jaheira rangea doucement sa lame et passa une jambe, puis l'autre à nu sur le dos de l'animal avec une stupeur mêlée à une grande excitation. Visiblement, la forêt n'avait là encore rien révélé de toutes ses surprises.
Le lynx se redressa doucement, s'assura du bon équilibre de sa cavalière, et après une seconde, s'élança à toute allure. L'animal était puissant et Jaheira s'accrocha délicatement à sa peau pour ne pas tomber. La jeune femme partit alors explorer Fangorn avec la meilleure monture qui soit. Le lynx l'emmena au pas de course et s'offra alors à elle une magnifique succession de paysages divers et sublimes : du dédale d'arbres et de racines enchevêtrés, aux carrières de tranchantes pierres accidentées, en passant par des clairières de la lumière immaculée où sillonnaient de fins ruisseaux par dizaines. Au milieu du parcours, le lynx fit un mouvement brusque afin que Jaheira se tienne plus fermement, puis le félin s'engouffra sans prévenir dans un tunnel sous-terrain, et qui se révéla être entièrement tapissé de métal argenté qui luisait malgré la noirceur du lieu. La jeune femme s'ébahit de ce si fabuleux endroit, lumineux tel un ciel étoilé, mais le lynx ne s'arrêta pas et sortit de la galerie pour continuer son chemin à travers la forêt. La balade dura des heures, mais Jaheira ne vit pas le temps passer, s'émerveillant à chaque instant des lieux et appréciant l'immensité de la forêt dont elle n'avait jusque-là pas idée.
Leur improbable exploration se prolongea jusqu'à la fin de la journée. C'est à ce moment-là que le lynx ralentit et se mit à marcher vers ce qui semblait être à nouveau un immense dégagement dans la forêt, illuminé d'un coucher de soleil éclatant au milieu d'un ciel sans nuage. Jaheira se pensa à la frontière du territoire, mais il n'en fut rien : elle découvrit là une bruyante et imposante chute d'eau que le lynx escalada à l'aise de ses puissantes griffes. Arrivés en haut, le félin fit signe à la jeune femme de descendre en se couchant à terre. Jaheira retrouva le contact du sol et découvrit, nichée entre les arbres et au bord d'une grande étendue d'eau, une immense cité de pierre blanche couronnée d'une dizaines de hautes tours. Les hauts bâtiments composaient avec de nombreuses passerelles, terrasses et autres couloirs, tout y luisait d'un blanc immaculé qui tranchait avec la couleur sombre de la luxuriante végétation alentours. La jeune femme, époustouflée de ce nouveau spectacle, s'avança avec le souffle court.
- Est-ce là ? Demanda-t-elle à son nouvel ami. Est-ce la cité d'argent ?
Voilà qu'elle parlait aux animaux... Mais ce lynx n'avait rien d'un animal ordinaire et la gratifia d'une réponse en fermant et rouvrant lentement les yeux.
Ils marchèrent jusqu'aux lourdes portes de bois vieilli qui matérialisaient l'entrée des lieux. Alors qu'elle s'approcha pour toucher les poignées de ce qu'elle croyait être encore un mirage, une des portes s'ouvrit au simple contact avec ses doigts. Jaheira jeta un œil puis entra dans l'enceinte déserte de la cité, où elle foula le pavé d'une grande cour où la nature avait repris ses droits depuis longtemps. Les plantes avaient poussé, bousculant les pierres entre lesquelles elles s'étaient glissées et d'épaisses racines épousaient les murs d'enceintes, formant de solides amas de roche végétalisée. Une fine mousse recouvrait les marches ombragées des escaliers, et le lierre grimpait haut sur les façades pour atteindre la lumière du soleil. Jaheira s'approcha du mur d'enceinte pour caresser la pierre au toucher glacé. Bien que le lieu ait été lumineux et verdoyant, tout ici dégageait une certaine froideur dans le soleil couchant.
Aux vues des larges ouvertures des bâtiments, bien assez grandes pour qu'un ent puisse y circuler sans encombre, elle comprit qu'elle était bien en train de fouler les pierres de l'antique cité de Fangorn, le temple des premiers elfes. Jaheira resta un long moment à visiter les lieux emprunts d'un profond silence. Elle explora chaque recoin, observant chaque point de vue qu'offrait la petite ville. Enfin, elle se retrouva face à un large escalier, qu'elle grimpa d'un pas lent, se retournant sans arrêt pour observer les environs, avec, à chaque pas des étoiles plein les yeux. Jaheira arriva devant l'entrée d'un grand bâtiment aux deux immenses portes sculptées d'un entrelacement de fleurs et de feuilles en métal mat. Elle poussa les portes et s'émerveilla en entrant dans une longue salle, que la lumière naturelle éclairait en abondance. Bien que la pièce soit encore meublée de quelques coffres et assises, tout ici inspirait vide et silence, seuls les oiseaux qui y avaient élu domicile y faisaient entendre leur chant en écho.
D'un pas lent, Jaheira s'approcha des fenêtres sculptées avec de fins cadres d'argent. Le verre y était intact et recouvert d'une fine poussière de pollen. Elle traversa une long couloir jusqu'à de nouvelles portes entrouvertes, qui laissaient deviner une nouvelle pièce elle encore baignée d'une grande lumière. Lorsque la guérisseuse poussa la porte pour découvrir cette nouvelle pièce, la beauté de l'endroit lui provoqua un frisson qui lui parcourut le corps. Après un pas, elle s'agenouilla pour toucher ce qu'elle croyait être un nouveau rêve éveillé : le sol de cette salle était bel et bien recouvert de véritable argent, légèrement poli par les années, mais toujours brillant. Elle caressa du bout des doigts les pavés d'une douceur froide.
- Est-ce bien réel ? Demanda-t-elle au lynx, comme s'il pouvait parler.
L'animal resta stoïque. Jaheira regarda une dernière fois tout autour d'elle, gravant chaque détail du bâtiment dans sa mémoire.
- Emmène-moi voir les ents, dit-elle au lynx.
Sans se faire prier, l'animal s'approcha et se baissa pour que Jaheira grimpe sur son dos. Ils partirent d'un pas lent, puis s'élancèrent lorsqu'ils eurent passé les portes de la ville. Jaheira arriva avec le lynx au beau milieu des bois à une heure très tardive de la nuit. Elle remit les pieds sur le sol d'un coin de dense végétation et patienta un instant. Ayant surement senti sa présence, certains arbres se mirent à bouger étrangement.
- Pura, dit une rauque voix derrière elle.
Silverbarbe venait de s'éveiller, elle ne l'avait pas reconnu sous sa forme végétale. Il lui était apparu comme par enchantement, sorti de nulle part.
Jaheira sourit, ravie d'enfin connaître le nom de l'animal.
- Maître Silverbarbe, salua-t-elle en se courbant respectueusement devant l'ent.
- Dame Jaheira, votre présence ici est un grand honneur, dit l'ent.
- J'ai été amenée par le meilleur des guides, dit-elle en regardant Pura qui s'était assis là et attendait patiemment.
- Pura est le gardien kelvar de la forêt depuis plus de trois milles ans.
Jaheira salua le lynx avec une référence.
- Il m'a emmené à la cité d'argent.
- Du moins, ce qu'il en reste. Autrefois cette cité abritait la coalition des ents et des elfes aux temps où Fangorn n'était encore qu'une forêt oubliée. Lors de la Grande Attaque, notre exode nous a fait nous cacher dans l'immensité de la forêt. Nous n'avons cessé de protéger cet endroit, sanctuaire de nos ancêtres. Mais nous avons maintenu son emplacement secret, espérant qu'un jour l'espoir reviendrait.
- Que dois-je faire maître Silverbarbe ? Qu'attendez-vous de moi ?
- Ramener la lumière à Fangorn.
- Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Les ents sont en déclin.
- Que faire avec Redwood ?
- La longévité des ents n'est aucunement liée au sort des elfes. Elle a même été drastiquement réduite avec notre cohabitation.
- Les elfes ne vous veulent aucun mal, insista Jaheira.
- Ils sont cupides et manipulateurs.
- Mais ce sont bien des elfes qui ont permis à Gaïlind d'avoir une descendance.
- Les elfes nous ont aussi coupé de notre propre descendance ! Condamna Silverbarbe.
- Que voulez-vous dire ?
- Les ents femmes.
- Les ents femmes ?
Jaheira ignorait la présence d'ent genré.
- Lors de la Grande Attaque, toutes sont parties..., déclara Silverbarbe.
- Où sont-elles allées ?
- Nul ne le sait.
Jaheira comprit la réelle ampleur de l'impact de la Grande Attaque sur le peuple entique. Ce n'était là nullement une guerre d'ego, mais bien un combat pour la survie.
- Combien d'ents restent-ils à Fangorn Silverbarbe ? Racontez-moi.
***
Jaheira disparut pendant plus de trente ans. Plus personne n'entendit parler d'elle, et plus personne ne la vit.
Mais un beau jour, une missive arriva à la cité de Redwood. Adressée à l'intendant, la missive était cachetée d'un sceau inscrit dans une pâte couleur ambre, elle lui fut portée et remise en mains propres en plein milieu d'une séance du conseil de la ville.
Voyant le rare cachet qui ornait la lettre, il accepta la missive, la décacheta et la parcourut sans attendre.
Devant le silence de l'intendant, les conseillers s'inquiétèrent :
- Qui est-ce ? Demanda l'un d'eux.
- Les ents de Fangorn, souffla Khalid.
- Comment ?
- Mes amis. Nous attendons cette lettre depuis plus de cinq cents ans. Cette lettre nous informe du retour de la grande gardienne de Fangorn.
- Comment est-ce possible ?
- Hérésie !
- Impossible !
- La grande gardienne est décédée il y a bien longtemps !
L'intendant calma l'audience d'un revers de main :
- Elle sera ici à Redwood, dans trois jours. Nous devons organiser une séance exceptionnelle pour sa venue.
- Qui est-elle ?
- C'est insensé ! Un mensonge, éhonté !
- Nous nous sommes déjà rencontrés, avoua Khalid. Et nous accéderons à sa demande, trancha-il.
L'intendant essuya alors de vives critiques pour avoir gardé pareil secret. Il encaissa les remontrances sans s'en préoccuper, persuadé en son for intérieur que son allégeance à Jaheira avait été le bon choix.
***
Des années. Des années qu'elle n'était pas rentrée en ville. Des mois, des mois qu'elle explorait inlassablement chaque recoin de Fangorn pour découvrir les nouvelles pépites naturelles qu'offraient ces terres. Grâce aux ents, et aidée par la puissante force des lieux, elle avait appris à se transformer en arbre, mais sous forme entique elle perdait toute notion du temps, perdant tout repère d'horloge biologique au profit d'un fuseau plus spontané, rythmé par son hydratation en eau douce et la lumière du soleil. Sous forme entique, Jaheira vibrait au rythme de la terre, ressentant chaque frémissement du vent dans les feuilles, chaque pas d'animaux sauvages qui vivaient là et chaque mouvement de plumes d'oiseaux, même à des lieues de là où elle se trouvait. C'était là une fusion de sensations magnifiques, décuplées par la beauté des lieux qui la saisissait à chaque pas. Sous forme entique, tout ici n'était que paix et repos.
Jaheira avait appris à apprécier même les recoins les plus inhospitaliers, car même ces terrains accidentés offraient leur lot de charme : l'eau y était plus clair que nulle part ailleurs et la pierre froide faisait pousser une mousse d'une rare qualité, que Jaheira, rattrapée par sa passion, savait idéale pour de nombreuses décoctions médicinales difficiles à préparer.
Elle s'était abandonnée avec joie en ce nouvel univers, se sentant enfin chez elle, en paix. Mais forte de son nouvel attachement pour ces terres, un trouble l'envahissait un peu plus chaque jour, ternissant ses émois et hantant ses pas : la peur. La peur de perdre tout ce qu'elle avait retrouvé ici, la beauté et le puissant sentiment galvanisant de pure liberté. Se perdre ainsi dans les bois, seule, était un luxe exceptionnel. Un luxe qu'elle ne se permettait que par égoïsme mais nécessaire découverte de son nouvel environnement. En peu de temps, la nouvelle gardienne avait saisi l'importance de son rôle dans la préservation de ces terres qui se remettaient à peine des dommages ennemis. Cela ne se remarquait pas au premier regard, mais un œil observateur pouvait entrevoir sous cette beauté toutes les écorces abîmées, les branches cassées et les ancestrales armes ennemies que l'on trouvait dans le sol. À tout cela s'ajoutait à une ambiance pesante de colères et de suspicions issues du traumatisme d'une lâche attaque ancrée dans les esprits qui vivaient là. Sous forme elfique ou entique, Jaheira restait en danger où qu'elle aille. Elle se devinait fort attendue de l'ennemi qui n'était motivé que par sa mort et la chute de Fangorn. Heureusement, son enveloppe entique, anonyme et invisible pour qui ne sait les voir, lui garantissait paix et sécurité. À tout moment, à Fangorn, la jeune femme pouvait se figer en arbre et disparaitre aux profits des autres arbres inconscients des alentours. La forme entique avait également pour avantage d'être pourvue d'une solide écorce qu'elle avait vite appris à régénérer comme tout ent, la protégeant dorénavant de toute blessure. C'était finalement ce que Gandalf avait appelé "les esprits régénérants".
Des mois, des mois qu'elle n'avait pas reprit forme humaine, mais voilà que son cheminement arrivait en son terme : celui de l'orée des bois, où au loin se dessinait la silhouette de la cité de Redwood sur le ciel de l'aube. Jaheira mit plusieurs jours à retrouver complètement sa silhouette elfique et à reprendre ses marques. La mission qui l'attendait ne promettait pas d'être de tout repos.
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