Chapitre 3 : Jaheira de Lórien

Des années plus tard...

La jeune Jaheira grattait le papier depuis plus de vingt heures. Elle avait mal à la main, mais il était essentiel que tout le processus qu'elle venait de finaliser soit minutieusement décrit et le plus détaillé possible afin que tous puissent reproduire sa préparation. Peu importe la fatigue accumulée lors de sa journée, cette potion avait nécessité plus de six mois de travail pour enfin aboutir à une formulation stable. Ce nouveau soin, à base de miel, d'argousier et d'orme, permettait d'assainir et de soulager en quelques instants toute brûlure avec une récupération optimale des tissus. Bien utilisée, cette potion serait une pépite pour tout minier ou forgeron en exercice.

Elle termina la dernière ligne et posa sa plume avec satisfaction et soulagement, puis s'étira de tout son long : elle était restée assise à son établi bien trop longtemps et décida de se servir un thé bien mérité.

La jeune femme ferma minutieusement son parchemin, le nomma, le cacheta du sceau de la Lórien et le glissa dans la bibliothèque avant de minutieusement ranger la petite fiole sur l'étagère.

Soulagée du travail accompli, la jeune femme marcha quelques pas pour se dégourdir les jambes endolories par trop de position assise. Elle s'avança sur la terrasse qui donnait sur le jardin pour profiter des rayons du soleil du matin. Une fois de plus elle n'avait pas vu le temps passé et avait travaillé toute la nuit.

Une journée délicieuse s'annonçait en Lórien : c'était le début du printemps et les serres avaient une odeur merveilleuse. Se mêlaient, dans les airs chargés d'humidité, les parfums de centaines de plantes, fruits, légumes et herbes aromatiques que les botanistes de la région avaient planté là.

La jeune Jaheira avait bien grandi et était devenue l'archiviste officielle de la Lórien. Tous les jours, elle traduisait, rédigeait, classait, traitant mais aussi conservait travaux et héritages intellectuels de tout un peuple. Pourvue de facilités, la jeune femme s'était rapidement faite remarquer pour l'excellence de ses traductions des runes antiques. Une compétence très noble, car habituellement maîtrisée de seulement une poignée de sages ou de vieux mestres.

Les runes étaient connues pour avoir été parlées par les premiers elfes aujourd'hui disparus, il était donc fastidieux de les apprendre par soi-même et relevait même, selon la légende, d'une certaine hérédité. Aujourd'hui encore, si nul ne savait qui étaient les parents de la jeune femme, Galadriel et Celeborn avaient clairement déduit que Jaheira, bien qu'on ait décelé en elle un sang-mêlé de semi-elfe depuis plusieurs années maintenant, descendait d'une très savante et noble lignée d'elfes.

Les travaux de traduction de Jaheira avaient connu un fort regain d'intérêt lorsque celle-ci avait commencé à engranger des savoirs de biologie et d'anatomie. Perfectionniste, elle s'était mise à ces matières afin de traduire aux mieux les parchemins de pharmacie qu'on lui confiait et ainsi proposer aux botanistes de la région d'ancestraux protocoles de soins remis au goût du jour et retranscrits avec des valeurs mathématiques universelles.

Les savoirs liés à la médecine étant très rares et très demandés. Jaheira s'appliqua à traduire des ouvrages en médecine complexes afin de rendre cette science accessible au plus grand nombre. Mais nul aujourd'hui n'avait le temps de se consacrer autant aux livres que l'archiviste, qui devint rapidement la personne la plus qualifiée en médecine. Dotée d'une excellente mémoire, indispensable pour son poste, elle pouvait retrouver en quelques minutes un chaitre précis parmi des milliers d'ouvrages. Pour elle, ce domaine releva vite de la passion et la semi-elfe ne comptait plus ses heures, préférant travailler jusqu'au petit matin plutôt que d'interrompre son absorbante et passionnante lecture.

Apprenant dans les livres les méthodes de stabilisation et de transformation des plantes fraîches en matières plus durable, et retrouvant ainsi la formulation de précieux médicaments transportables et conservables, Jaheira, fière de ses premiers résultats, les partagea avec ses protecteurs Celeborn et Galadriel.

Bien qu'impressionnés par le travail de leur pupille, Celeborn et Galadriel réagirent de façon assez catégorique, car la médecine se rapprochait dangereusement de l'univers des guérisseurs déchus de Fangorn et du lot de damnations associées à ces profils, traqués et pourchassés depuis et en tout lieu par les forces du mal de Sauron. Depuis la Grande Attaque de Fangorn, la simple mention ou suspicion d'un talent de guérison était l'apanage de la mort pour quiconque s'en voyait accusé. D'abord effrayés, Galadriel et Celeborn raisonnèrent leur pupille qui promit de ne pas ébruiter ses savoirs et dès ce jour, les deux altesses renforcèrent la sécurité de leur maison, simple précaution, afin que jamais Jaheira ne soit exposée aux potentiels badauds, visiteurs et à leurs lots de rumeurs.

Des années durant, bien que déjà promise à un bel avenir de traductrice, Jaheira continua à dédier ses nuits à la lecture, car dans l'obscurité de son bureau, située en annexe des archives, Jaheira rêvait de peut-être un jour réussir à percer le secret de la première lumière : la plus puissante et pure source d'énergie vitale elfique, celle qui animait chaque elfe et leur conférait la vie éternelle ainsi qu'une puissante résistance aux maladies. Elle n'en cherchait pas tant la source, mais plutôt les moyens de la préserver, car aujourd'hui, nul ne pouvait ignorer le déclin certain de la race des elfes. Du Mirkwood à Aman, tous constataient le vieillissement de leurs corps ainsi que des difficultés à se remettre de blessures qu'autrefois tout elfe aurait géré. Pour la première fois, et ce depuis des siècles, les elfes mourraient de maladies en plus de pouvoir périr de chagrin. Tout cela restait anecdotique, mais trahissait d'un certain danger qui menaçait la race des elfes, dont les êtres perdaient aujourd'hui un peu plus chaque jour de leur puissance, autrefois glorifiée dans les innombrables contes, légendes et prophéties.

***

Alors que les elfes, les hommes, les nains et les hobbits vivaient dans une paix relative en Terre du Milieu, tout bascula en l'espace de quelques siècles, bouleversant l'équilibre de leurs existences. Au Nord, la menace du Mordor s'appesantit, et la guerre vint finalement s'inviter chez les elfes.

A la hâte, les fronts elfiques s'organisèrent afin de pouvoir contenir les attaques ennemies, d'abord épisodiques, puis de plus en plus régulières et de plus en plus violentes. La guerre bouleversa tout, y compris les projets de Jaheira qui fut sollicitée pour mettre à profit ses savoirs auprès des cultivateurs de la région, elle aida à rationaliser la production des récoltes qui nourrissaient les soldats du front. Avec cette nouvelle mission, la passion de la jeune femme pour la médecine passa en second plan des années durant.

Sur les champs de bataille, le besoin de soutien était tel que chaque royaume et chaque territoire en appela à leurs alliés afin qu'ils puissent leur venir en aide, en hommes, en armes et en nourriture. La jeune Jaheira, bien que tétanisée de peur par la guerre, apprenait par le bouche-à-oreille ses calamités, les informateurs du front revenant chaque jour avec plus de morts encore que la veille, plongeant la Lórien dans un effroi sans pareil. La jeune archiviste mesura alors toute l'ampleur du besoin médical au front. Avec ses connaissances, celle-ci pourrait être bien plus utile en dévouant ses savoirs aux soins des soldats plutôt qu'à la culture de légumes et autres denrées.

Après quelques jours d'hésitation, Jaheira tenta une approche auprès de ses protecteurs. Galadriel et Celeborn refusèrent catégoriquement sa proposition pour des raisons évidentes de sécurité : accéder à une telle demande relevait du suicide. Jaheira reçut pour ordre de rester à son poste de gestionnaire agricole. Cet isolement forcé dévasta la jeune femme. Bien qu'elle se raisonnait au travers des remarques entièrement justifiées de ses bienfaiteurs, celle-ci accepta difficilement leurs ordres et se braqua intérieurement. Galadriel et Celeborn, eux qui lui avaient pourtant tout donné, ne méritaient nullement d'encaisser une quelconque résistance, aussi louable ses motivations soient-elles... Mais la colère, ou plutôt la culpabilité s'empara de la jeune femme. Rageant de se sentir aussi loin et si peu utile, la talentueuse mais si protégée pupille de Lórien s'enferma dans sa rancœur.

Jaheira se rebella en toute discrétion et se réfugia dans le détournement de plantes alimentaires à des fins de production médicinale, lançant officiellement sa propre production de remèdes, qu'elle camoufla aisément grâce à son poste en lien avec l'agriculture. Jaheira commença à glisser peu à peu quelques ondents dans les cargaisons de vivres à destination du front, écrivant de sa main les instructions de quelques antiseptiques et autres anesthésiants de sa composition, sans trace aucune de leur provenance. Une tâche complexe et fatigante, mais qui représentait déjà un soutien pour cette guerre, une goutte d'eau en comparaison avec ce qu'elle pourrait faire si elle pouvait faire bénéficier de ses savoirs auprès des militaires du front.

Coïncidence ou pas, c'est à ce moment que Galadriel et Celeborn plébiscitèrent l'adoption de l'uniforme pour tous les travailleurs, afin que l'identité et la sécurité de tous soient préservées. Dorénavant, tout elfe de la cour de la Lórien arborerait le même uniforme, trompant les curieux sur les métiers des elfes qu'ils croiseraient. L'uniforme facilita grandement l'activité de Jaheira, qui profita de ce semblant d'anonymat pour reprendre ses études, continuant le développement de nombreux remèdes une fois la nuit tombée, dans l'ombre des archives qu'elle pouvait désormais sillonner à toute heure du jour ou de la nuit sans être inquiétée.

Le temps passa et la guerre se poursuivit, privant la Lórien d'une partie de ses hommes. La pupille Jaheira grandit ainsi, dissimulée de tous et œuvrant au plus efficace avec ce que lui permettait la contenance de ses minuscules bouteilles d'ondent qu'elle glissait dans les paquetages. 

Toujours mobilisée aux cultures du royaume, la culpabilité de Jaheira ne la quitta pas, elle était là, en sécurité loin de tous tandis que des hommes mourraient par poignées au front. Elle ne supportait plus de demeurer ainsi.

Emprise de culpabilité, la jeune femme s'affaiblit, mangeant peu et travaillant beaucoup. Voyant l'état de la jeune femme se dégrader, Galadriel et Celeborn s'inquiétèrent. Eclatant presque en sanglots devant eux, Jaheira révéla ses secrètes manigances de fioles avant de supplier ses protecteurs de la laisser prendre part à la guerre. La rumeur faisait déjà état de mystérieuses fioles d'ondent très plébiscitées au front, Galadriel et Celeborn firent tout de suite le rapprochement. 
Les pertes de la Lórien étaient importantes et l'anonymat de Jaheira ayant été préservé tout ce temps, les deux elfes arrivèrent à court d'arguments, les altesses consentirent finalement à la mobilisation de Jaheira en tant qu'anonyme apothicaire de la Lórien où elle promit de se limiter à la coordination de la production avec les botanistes et au seul envoi des remèdes aux fronts. Galadriel et Celeborn acceptèrent l'essai, bien que nourris d'une réserve extrême et renforcèrent leur dispositif de sécurité.

Jaheira se mit à l'œuvre le soir-même. On mobilisa une équipe de botanistes et en quelques mois à peine, la Lórien devint la première source de remèdes médicaux sans que nul ne le sache. Des mois durant, Jaheira et ses botanistes fournirent anonymement le front Nord, s'évertuant à soutenir au mieux les soldats qui les gardaient tous en sécurité.

Bien vite, la demande explosa et la seule production de la Lórien ne suffit plus. Alors que l'ennemi avançait, gagnant du terrain, les premiers régiments, débordés, décidèrent de détourner leurs soldats blessés vers l'arrière-front, et nombre d'entre eux atterrirent en Lórien, alors plus proche royaume elfique allié. Cela ne relevait nullement d'une préférence associée à la source de remèdes mais bien d'un plan d'urgence que Galadriel et Celeborn ne purent décliner.

Ne pouvant freiner ce soudain afflux de victimes, l'anonymat de la jeune femme étant resté intact des années durant et Jaheira étant de loin la plus érudie en médecine, Celeborn et Galadriel concédèrent à laisser Jaheira examiner les blessés qui arrivaient à l'apothèque. Dès leur arrivée, elle les anesthésiait, une technique qu'elle maîtrisait, dissipant ainsi les souvenirs qu'ils pourraient avoir des lieux et d'elle. Bien que son visage et sa silhouette soient dissimulés en tout temps, toute précaution était bonne à prendre. Comme tout autre établissement et faute e guérisseurs parmi les elfes, l'apothèque de la Lórien comptabilisa de nombreuses pertes. Des mois durant, Jaheira s'efforça de chercher, comprendre et tester différents remèdes sur les blessés qui lui arrivaient, souvent en état grave. Elle appliqua ses remèdes au mieux et s'appliqua à documenter avec précision toute expérience, bonnes ou mauvaises afin de développer ses savoirs et soigner au mieux les futurs blessés. Forte de son travail acharné, le taux de mortalité à l'apothèque diminua et Jaheira célébra ses premiers patients quittant la Lórien sains et saufs.
Chaque jour, sans que quiconque puisse contenir le flux, de nouveaux blessés arrivaient et certains dans des états graves. Jaheira s'habitua vite à ces urgences dont le rythme la changeait grandement de ses silencieux ouvrages de médecine. Rapidement, les capacités d'accueil de la Lórien saturèrent et Jaheira, incapable de refuser la dispense de son aide, se mit à gérer un flux continu de patients aux blessures de plus en plus graves. De jour comme de nuit, les blessés se mirent à arriver de partout : du proche front Nord surtout, mais aussi du Mirkwood, puissamment exposé.
Bien que rejointe par de nombreux volontaires pour l'assister sur l'aspect logistique de l'apothèque, elle n'en restait pas moins la plus sollicitée, car la seule expérimentée. Des mois durant, Jaheira géra ainsi seule le soin apporté aux soldats, exerçant telle une invisible, priant pour ne jamais être découverte et pour perdre un minimum d'hommes. Malgré toute l'agitation, la dureté de l'exercice et les horreurs de la guerre dont elle était témoin, Jaheira ne se plaignait pas : pour la première fois, Jaheira, l'orpheline, la pupille, l'archiviste se sentait à sa place, au service des militaires qui l'avaient toujours protégée. Sa mission ne restait pour elle qu'encore une minuscule goutte d'eau dans l'océan de gratitude qu'elle ressentait à l'égard des soldats qu'elle croisait.

Malgré une sérénité qu'elle affichait pour les siens, la jeune femme demeurait anxieuse. Elle avait été projetée en quelques semaines à peine au cœur même de la guerre dont elle constatait un peu plus chaque jour les horreurs avec la recrudescence de blessés et de morts que l'on acheminait désormais sans hésitation vers elle. Jaheira était devenu le témoin indirect de chaque assaut, de chaque attaque qui avait été menée. Elle s'était retrouvée à accueillir, impuissante et débordée, les blessés qui affluaient par dizaines, la forçant parfois à enchaîner plusieurs semaines de travail sans jamais se reposer ni même s'assoir. Le châtiment de ces soldats la renvoyait à son propre confort : elle avait de plus en plus de mal à assumer son statut privilégié de pupille isolée quand d'autres mourraient pour la protéger, elle, ainsi que tous les elfes de la Terre du Milieu. Aujourd'hui, sa mélancolie de guerre avait fait place à une colère nouvelle : en plus des soldats, la jeune femme accueillait désormais de plus en plus de civils. Blessés, attaqués par surprise, sans défense, Jaheira n'avait vu au cours de cette période que trop vu de gens traumatisés, se réveillant là sans souvenir, sans famille et dépossédés de leurs biens. Pour contenir cette haine, Jaheira s'était réfugiée dans l'exercice de la médecine avec acharnement, taisant autant que possible la nouvelle culpabilité qui la rongeait : celle de son propre retrait du front.

Des années plus tard, quand les elfes reprirent l'ascendant de la guerre, le nombre de blessés commença à diminuer et on envoya désormais en Lórien des soldats de moins en moins affectés, ou au rétablissement difficile. Petit à petit, l'afflux se limita à quelques patients par semaine. Avec cette accalmie vint l'heure du bilan. Les deux territoires du Mirkwood et de Fondcombe, victorieux bien que très diminués, se mirent à s'intéresser aux chiffres et aux mystérieuses capacités de soin que la Lórien avait révélé en cette guerre, une compétence efficace qui les avait grandement soutenus au front sur le volet médical.

De leur côté, Celeborn et Galadriel demeuraient de plus en plus inquiets car le profil de Jaheira, bien que toujours anonyme, suscitait de plus en plus d'interrogations et de convoitises de la part de leurs alliés, car on associa l'apothèque de la Lórien à des potentiels profils de guérisseurs cachés, sans qu'aucun ne se doute qu'il ne s'agissait là en fait d'une seule et unique personne. Ses chiffres étaient élogieux : Jaheira avait sans le savoir créé l'exploit et soigné un très grand nombre de gens avec des pertes très acceptables, des chiffres dignes d'une apothèque de guerre classique, mais à elle seule. Aujourd'hui, son profil était questionné avec curiosité, car si une assemblée de guérisseurs se trouvait en Lórien, alors ils pourraient être de redoutables atouts en ces temps de guerre, car permettant aux armées de limiter leurs pertes au front et, à l'avenir, de diminuer les efforts de recrutements dans une population en déclin.

Autrefois, les guérisseurs étaient nombreux, réunis dans le territoire de Fangorn, mais eux étaient des mages aux pouvoirs de guérison puissants et innés. Jaheira quant à elle, était d'un profil nouveau, au fort potentiel : une autodidacte dépourvue de magie. Tout comme autrefois, on jalousait les mages guérisseurs de Fangorn, on jalousait aujourd'hui les talents de la jeune archiviste que l'on prêtait à un groupe élargi de personnes jalousement protégé par le royaume de la Lórien. Celeborn et Galadriel durent longtemps lutter contre ces rumeurs et continuèrent de protéger la jeune femme et son anonymat.

Jaheira était unique de par sa dévotion et son expérience, et ses prédispositions d'apprentissage ainsi que son intelligence étaient aujourd'hui indéniables. Malgré la fin des affrontements avec les forces du Mal, la diminution des combats ne fit nullement taire les sollicitations des royaumes alliés qui avaient invité les "soigneurs de la Lórien" à prêter leurs compétences aux grands de ce monde. Propositions poliment refusées par ladite intéressée, Jaheira préférant se dévouer à soigner le plus grand nombre plutôt que de s'attacher à une poignée de têtes couronnées.

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