Chapitre 20 : La bataille de Minas Tirith

La jeune femme sentit son cœur éclater dans sa poitrine quand le cor du Gondor résonna, révélant sur le front la présence des hommes du Rohan en soutien au Gondor.

L'assaut fut lancé, elle sortit son épée et la brandit à l'air en criant avant de héler son cheval qui s'élança avec les autres sur le front, vers les milliers d'uruk-hai, d'orques, de mercenaires et de trolls qui leur faisaient face. Sa monture traça au galop, fondant sur l'ennemi.
Étant encore trop éloignée des premiers blessés, Jaheira entreprit une percée vers le front Nord-Est qui comptait les premiers assaillants alliés. Elle atteint rapidement une première unité uruk-hai, et s'élança pour y enchaîner les coups. À sa propre surprise, grâce à son puissant cheval, elle décima une belle part du peloton à elle seule. Elle tua sans merci et ne s'accorda pas le moindre répit, décapitant, tranchant, blessant, assommant, tuant tout ennemi qui se présentait à sa portée sans retenue aucune.

Alors qu'elle élimina une énième créature hideuse sur son chemin, la cavalière atteint un peloton d'orques équipant une catapulte, elle s'élança sur eux avec colère et les élimina pour au final rompre les cordages de l'installation, qui s'effondra sur elle-même dans un grand fracas. Elle contempla l'arme choir et un sourire de satisfaction apparut sur son visage. A peine eut-elle savouré l'instant qu'un uruk-hai se jeta sur elle, l'arracha de sa selle et la fit chuter. La jeune femme se releva en une roulade, puis transperça la tête de l'uruk avec rage, non sans prendre le temps de lui adresser son regard le plus assassin avant de retirer sa lame qui lui transperçait la mâchoire. En se retournant, Jaheira découvrit un troll des montagnes. La guérisseuse vit cela comme un signe du destin et leva un sourcil face à cette coïncidence : le premier et dernier troll qu'elle avait éliminé remontait au camp d'entrainement de East Bight. Ravie de cet hommage, elle courut pour se jeter sur la bête déjà prise en chasse par plusieurs soldats qui ne savaient comment gérer un tel gigantisme. En un instant, Jaheira escalada le troll par le dos et se mit en équilibre sur sa tête, la bête se débattit de manière désordonnée. Dans l'agitation, Jaheira perdit l'équilibre et lâcha son épée qui tomba au sol. Un des soldats lui envoya une hache. Jaheira s'en saisit en plein vol, se cramponna sur le troll, et lui enfonça profondément la lame entre les deux yeux. La bête hurla, mais Jaheira n'en eut pas fini : elle tira sur le manche de sa hache, tranchant la bête du front aux cervicales et se laissa descendre en rappel le long de la colonne, à mesure que sa hache tranchait la chair du monstre. Le troll s'effondra et la jeune femme sauta à terre. Jaheira échangea alors un regard appuyé avec les soldats qui avaient assisté au spectacle, revendiquant sa présence à la fois d'elfe et de femme. Ceux-ci ne lui adressèrent qu'un regard approbateur, avant de vite s'atteler à d'autres ennemis.

Jaheira prit un instant pour rassembler ses esprits, ce duel l'avait si essoufflé qu'elle se demanda si elle avait pris le temps de respirer. Elle ramassa son épée ondulée et regarda tout autour d'elle, elle s'était déplacée rapidement et découvrit alors face à elle la cité blanche de Minas Tirith qui trônait de toute sa grandeur, ses hautes tours de pierres s'élevant jusqu'au ciel. 

La guérisseuse entendit des cris et découvrit des alliés en difficulté. Plongeant dans l'adrénaline, Jaheira retrouva une nouvelle énergie et s'attela aux trois autres trolls qui balayaient les soldats un peu plus loin. La jeune femme se lança une nouvelle fois à leur assaut avec succès : elle grimpa sur la tête des deux premiers trolls et leur tira une triple flèche en plein crâne comme Legolas lui avait appris, elle s'acharna jusqu'à ce que ceux-ci, déjà blessés, ne s'effondrent, morts. Elle se réserva le dernier monstre à qui on avait réussi à attacher une corde autour du cou, elle se saisit du cordage, grimpa jusqu'à la tête du troll et enroula solidement ses bras afin de pouvoir diriger la bête comme un vulgaire animal. Le troll, furieux, se débattit vivement et fut obligé de suivre la direction indiquée par Jaheira pour ne pas étouffer, le monstre détruisit plusieurs installations et écrasa plusieurs uruk-hai dans sa lutte désordonnée. Pour en finir, Jaheira lui assigna un dernier coup d'épée fatale dans les cervicales. De toute évidence, elle était bien meilleure cavalière qu'archère : elle s'accorda même le luxe d'un salto arrière pour quitter sa monture avant qu'il ne s'effondre, devant le regard une nouvelle fois médusé des témoins qui découvrait la dextérité de l'inconnue. Jaheira était à présent en première ligne du front, elle s'était déplacée vers l'Ouest et avait à présent beaucoup des soldats à qui porter secours, elle rangea son épée et s'occupa de sept d'entre eux, qui firent vite évacués vers la cité.

Elle se mit au service des blessés des heures durant. A la première accalmie, la jeune femme prit un instant pour respirer et découvrit là la saleté de son armure, maculée de sang noir. Le beau métal était rayé par endroit. 

Une nuit s'était déjà écoulée. Le soleil commençait à se relever et elle n'avait pas vu le temps passé. Heureuse d'avoir tenu un premier jour, elle se remotiva et se lança sans attendre au secours de nouvelles victimes, éliminant les ennemis qui s'en prenaient très lâchement aux hommes à terre. Après quelques orques, elle s'attarda sur des soldats inanimés qu'elle examina au sol, mais à son grand regret, elle ne trouva pas de survivant. Elle ravala son chagrin de toutes ces vies humaines gâchées et se remit rapidement en besogne, forcée par de nouveaux uruk-hai qui s'approchaient. 

Alors qu'elle se battait à nouveau, Jaheira reçut un coup en plein ventre, elle riposta envers l'uruk sans ménagement, le tuant d'un coup d'épée dans l'intérieur du quadriceps. Elle souffla avec rage, ravalant sa douleur. A peine fut-elle retournée qu'une flèche vint lui frôler le visage, lui égratignant la joue dans une giclée de sang. En un réflexe, elle se saisit d'un bouclier et courut jusqu'à l'archer, encaissant les flèches, et l'élimina d'un seul coup fatal en plein cœur. 

Jaheira jeta son lourd bouclier et respira bruyamment. La fatigue commençait à envahir la jeune femme. Elle avait réussi à s'accorder du répit au combat pour aller soigner plusieurs blessés, mais était constamment dérangée dans ses actes par de nouveaux assauts ennemis.

Une nouvelle journée était déjà bien avancée quand elle posa une dernière attelle de fortune avec un bout de lance brisée. Elle avait perdu toute notion du temps. Epuisée, la semi-elfe tomba assise au sol, et voulut se reposer juste un instant. Elle décrocha sa gourde pour boire un peu, son eau avait un goût métallique, mais elle ne s'en soucia pas. A peine avait-elle avalé une gorgée que des adversaires se présentèrent à sa portée, une dizaine d'individus. Jaheira roula derrière un rocher et se saisit de son arc, elle le tendit en joue et décocha ses flèches sans manquer une seule cible. Enfin, le paysage autour d'elle redevint calme et Jaheira s'effondra à nouveau en appui derrière son rocher et se découvrit seule. L'appel des blessés l'avait fait se déplacer plus vite que prévu, elle était désormais en marge des combats, près de la cité d'Osgiliath. Combien de lieues avait-elle parcouru ? Imposible à compter.

Soudain, un bruit effroyable s'abattit : un cri strident, puissant et si pénétrant que tout humain, en tomba à genoux, assommé et écrasé par cet intolérable bruit qui tranchait le ciel. Jaheira se pétrifia, protégeant avec ses mains ses oreilles de l'effroyable retentissement.

- Des Nazgûls ! Hurla un soldat non loin de là. 

Les spectres fondèrent sur la cité fortifiée d'Osgiliath, attrapant des soldats dans leurs puissantes serres. Très exposée à la vue des spectres, Jaheira s'extirpa de son rocher et partit s'abriter. Mais à peine eut-elle courut quelques mètres qu'elle vit l'ombre d'un géant la recouvrir : l'un d'eux la prenait en chasse. Elle traça pour se mettre à l'abri, mais étant trop loin de la cité elle ne trouva pas de refuge, sentant le spectre s'approcher, Jaheira évita ses serres en plongeant à terre à plusieurs reprises. Suivant une ligne sinueuse et aléatoire, elle courut ainsi à en perdre haleine, espérant atteindre une dépouilles d'oliphants, une ruine ou n'importe quel trou pour pouvoir s'y cacher. Jaheira courut, courut, mais ne réussit pas à semer le Nazgûl qui la suivit, elle était une cible facile et isolée, pour lui, ce n'était qu'un jeu, pour elle, c'était sa survie. Elle aperçut enfin au loin un refuge militaire. Les soldats cachés là l'encouragèrent. Elle courut, et courut encore, alors qu'elle arrivait à portée du refuge, lors d'un instant qui lui parut durer une éternité, Jaheira sentit la force de la puissante serre se refermer sur elle, écrasant son armure sur son corps, et lui enfonçant plusieurs de ses morceaux dans la chair, Jaheira hurla, perdant au passage épée, arc et flèches et décolla du sol dans un cri de douleur, emportée par l'étouffante étreinte du spectre sur sa proie.

La jeune femme ne comprit réellement ce qu'il lui arrivait que lorsqu'elle sentit le vide grandir sous ses pieds. Son armure de plates s'était littéralement écrasée sur elle en lui laissant seulement un mince filet d'air pour respirer. Jaheira se saisit de cette unique chance pour se libérer et capitalisa sur l'infime espace restant dans son armure pour échapper au spectre. Elle se contorsionna avec force dans sa propre armure écrasée par les serres du Nazgûl, mais sous la pression, le métal déjà ancré dans sa chair bougea et elle hurla de douleur. Faute d'arriver à se dégager, Jaheira, encore retenue par sa sangle d'attache, eut l'idée de défaire son armure, avec la gravité, elle pourrait glisser hors d'elle. En un effort qui lui parut surhumain et après une douleur atroce qu'elle s'affligea elle-même, elle réussit à se saisir de la dague de Haldir cousue dans sa botte et la porta jusqu'à son flanc où elle trancha la lanière d'attache qui maintenait son armure. Elle coupa le cuir d'un coup sec, non sans se blesser les côtes dans la hâte, et l'attache lâcha. Son armure, jusqu'alors retenue par son corps, s'enfonça un peu plus dans sa chair contorsionnée et la retint d'abord dans sa chute, mais elle réussit dans un dernier effort à brièvement écarter le métal et à glisser, à la barbe du Nazgûl qui ne s'aperçut pas de l'évasion de sa proie. Jaheira ne s'était pas rendue compte de la prise d'altitude du Nazgûl en vol, et elle plongea alors dans une chute libre, avec pour seule protection restante une mince combinaison en lin. Elle plongea sur une centaine de mètres telle l'ombre d'elle-même pour venir brutalement s'écraser dans un grand fracas d'os sur le sol du front de Pellenor. Les témoins de sa chute crièrent d'horreur avant d'eux aussi fuir.

Par terre, Jaheira était encore vivante mais ne ressentait plus rien d'autre que son souffle qui s'échappait de son corps sans revenir, le visage enfoncée dans la terre humide, elle voyait sa vie la quitter. Autour d'elle, le silence s'abattit.

Le froid s'empara du sol alors qu'un cavalier noir du Mordor s'approcha. Jaheira s'évanouit. Mais le spectre, détectant en elle un potentiel certain, tendit ses doigts squelettiques vers elle. Sur la terre dévastée, le corps de Jaheira ouvrit brusquement les yeux et sa conscience reprit possession d'elle, la guérisseuse se réveilla d'effroi et la douleur revint à elle, elle hurla et se retourna machinalement sur le dos malgré la souffrance qui la terrassait. Incapable de plus bouger, son corps n'était à présent que douleurs insoutenables, un goût métallique lui noyait la bouche, étouffant sa respiration. Malgré ses paupières grandes ouvertes, elle ne voyait plus rien : le violent traumatisme crânien qu'elle avait subi lui avait sans doute fait perdre la vue. Elle se rappela du spectre, de sa chute et ignora si elle faisait encore partie du monde des vivants ou de celui des morts. Aveugle et souffrante d'une incommensurable douleur, allongée dans la terre froide et humide imbibée de sang, Jaheira, luttant contre la douleur et à peine consciente de son corps, bascula sur le ventre en criant pour venir ramper misérablement, à tâtons, pleurant à chaudes larmes en ce qu'elle croyait être l'enfer sur terre, en cet instant elle souhaita juste mourir. Le cavalier en décida autrement, d'un geste de la main, il remit à sa place chaque os brisé en son corps et Jaheira subit un nouveau traumatisme sans en comprendre la cause. Après de longues minutes d'agonie, alors qu'elle recouvrait petit à petit de sa mobilité à mesure que ses fractures disparaissaient, Jaheira réussit péniblement à se hisser à genoux. La douleur disparut peu à peu, Jaheira se crut partir. A l'aveugle, elle tâta son corps de ses mains, alors que les sensations revenaient en ses doigts. Elle découvrit qu'un large morceau de son armure était encore enfoncé en son flanc et ne comprit pas comment elle pouvait être encore en vie. Jaheira subit un appel d'air qui lui emplit les poumons avec une force telle qu'elle en retomba par terre. Recouvrant doucement la vue, et reconnaissant la terre de Pellenor entre ses doigts, elle comprit qu'elle n'était pas morte. Comment pouvait-elle se remettre d'une telle chute ? Une odeur lui parvint, réveillant son odorat. L'odeur du feu et celle du sang emplirent ses narines. Au travers de sa trouble vue qui revenait peu à peu, la jeune femme reconnut la cité de Minas Tirith qui trônait là, immaculée dans le ciel sombre. Elle ne comprit pas comment elle pouvait encore se trouver là et crut à un délire précédant la mort. 

Elle se sentit tomber à nouveau mais se fit violence pour rester lucide et décida de ne plus bouger. 

Enfin, ses blessures terminèrent de se guérir presque instantanément et la douleur la quitta. Encore à bout de souffle, elle se hissa sur ses jambes, perdit l'équilibre mais se rattrapa, ressentant encore de vives douleurs à l'abdomen. Sans qu'elle ne fasse rien, le morceau d'armure se détacha d'elle et tomba par terre, laissant sa peau intacte. Elle cracha une grosse gorgée de sang, et tomba une nouvelle fois sur ses mains. Le spectre poursuivit son lent processus de guérison et termina de remettre la jeune femme sur pied, qui finalement, recouvra l'entièreté de sa vue en même temps que son souffle.

Jaheira revint à elle et regarda tout autour d'elle. C'est avec terreur qu'elle découvrit alors le cavalier noir qui s'était silencieusement délecté du désastreux spectacle de sa chute, attendant patiemment de pouvoir la tuer ou pire, de la corrompre pour faire d'elle un serviteur de Sauron, tel que Elrond l'avait toujours prévenu. 

Son cœur s'arrêta. Dans un dernier espoir, elle tenta misérablement de s'éloigner du spectre, mais encore malmenée de sa chute, tituba au moindre pas qui l'éloignait du cavalier. Après à peine quelques pas de lutte, se sachant prise au piège, désarmée et misérable dans sa vaine fuite, la jeune femme s'efforça de se remettre debout. Ne ressentant désormais plus aucune douleur et sentant la fatigue l'abandonner, Jaheira comprit que le spectre s'apprêtait à corrompre son âme. Debout, figée pour ne pas précipiter le spectre, Jaheira se mit à chercher du regard une arme dont elle pourrait se servir pour se battre une toute dernière fois, mais ne vit rien. Réalisant le triste sort qui l'attendait, elle se retourna lentement, dévastée et terrifiée, et regarda avec aversion le spectre dont le visage n'était formé que d'une ombre dissimulée sous un capuchon noir. Elle attendit son sort avec la tête haute et le regard digne. 

Son destin ne se fit pas attendre : elle entendit le bruit sec d'un objet projeté à grande vitesse, et recula d'un pas incontrôlé alors qu'une douleur la saisit en plein cœur. Elle s'effondra à genoux, le souffle coupé. Elle baissa la tête et constata que sa propre dague en mithril lui avait été enfoncée en plein cœur. Il lui restait quelques secondes pour toiser son ennemi avant de mourir. Après une seconde, la guerrière accusa un premier vertige et sa vision se troubla. A bout, impuissante, Jaheira tomba sur ses mains tandis que des larmes incontrôlables coulaient le long de ses joues. Le souffle de la vie était en train de la quitter. 

Le spectre s'avança silencieusement vers elle, un vent inexistant faisait flotter le tissu autour de sa sombre silhouette. Jaheira fut soudainement piquée de haine que la créature ose s'approcher et contempler sa mort telle une morbide œuvre que l'on admire. Même dépossédée de son corps mourant, elle ne put se résoudre à partir ainsi. Dans un dernier accès de vengeance, elle laissa le spectre s'approcher et devant l'absence d'alternative pour se défendre, elle prit la décision de son ultime suicide plutôt que de son enrôlement par Sauron. « Pour Haldir » souffla-t-elle d'une voix claire. Sans attendre, la jeune femme se hissa sur ses pieds, s'arracha sa propre lame hors du cœur et dans un cri de douleur, planta l'arme vers le visage du spectre désormais à portée. Mais la lame n'atteint pas le visage que la silhouette du spectre implosa dans une puissante et vibrante détonation, le spectre mourut pour s'évanouir dans une vape de tissu, ne laissant qu'une silhouette noire choir au sol face à la lame de Jaheira, révélant la raison réelle de la disparition du spectre : une triple flèche d'argent lui avait traversé la tête. 

Jaheira balaya les environs du regard, et découvrit Legolas qui se tenait là, en joue, prêt à décocher une nouvelle salve.

Jaheira lâcha son arme et s'effondra, sa main portée à sa poitrine, d'où le sang affluait entre ses doigts. 

- Non ! S'étouffa Legolas.

L'elfe se précipita vers elle et eut tout juste le temps de la retenir dans sa chute. Il lui souleva délicatement la tête, constata sa blessure et réagit au quart de tour : il lui plaça un linge sur la poitrine et lui garda serré en la plaquant à l'aide de sa propre ceinture. 

- Tenez bon Jaheira, tenez bon, dit-il en la soulevant.

Legolas partit avec la semi-elfe inconsciente dans les bras et courut à toute jambe sur la très longue distance qui les séparait de Minas Tirith. Dans la cité et sur le camp de Pellenor, les soldats fantômes enrôlés et menés par Aragorn achevaient leur office et la voie était désormais libre pour l'elfe qui traçait tout droit vers la ville. Il devait trouver Gandalf, seul lui saurait la soigner. Usant d'un cardio édifiant, Legolas arriva rapidement jusqu'à la ville et les soldats qui assistèrent au spectacle saluèrent cet acte de bravoure qui trahissait la grande fraternité des elfes et des hommes en ces temps sombres. Tous hurlèrent pour ordonner le libre passage de l'elfe jusqu'aux hauteurs de la cité. Legolas grimpa précipitamment les multiples escaliers. Malgré qu'ils lui semblent interminables, c'était le chemin le plus court pour atteindre Gandalf. Mais Jaheira se réveilla avec effroi avant qu'ils n'y arrivent. 

- Eryn ! L'implora-t-elle en lui saisissant le col de son veston.

- Tenez bon, nous sommes presque arrivés ! L'encouragea-t-il.

Ses yeux l'imploraient de s'arrêter, alors l'elfe s'exécuta avec dépit et chagrin, il posa Jaheira à terre avec délicatesse. Elle pleurait à chaudes larmes, son souffle l'abandonnait, elle regarda Legolas avec le souffle court et lui caressa le visage.

- Jaheira..., implora Legolas, sentant la jeune femme sombrer. 

La guérisseuse eut un dernier soupir et, après un dernier râle, s'éteint dans les bras de l'elfe.

- Jaheira ! Cria-t-il. Jaheira !

L'elfe secoua la jeune femme pour la réveiller mais comprit bien vite que la vie venait de la quitter. Legolas s'effondra à son tour avec les yeux inondés de larmes. Tout en serrant la jeune femme dans ses bras, il fut envahi d'un tel chagrin que ses cheveux et sa peau perdirent instantanément de leur pigmentation. La plus vaillante des guerrières et la dernière guérisseuse  venait de s'éteindre dans ses bras. Legolas resta ainsi à contempler son corps sans vie pendant de longues minutes, n'osant bouger.

Legolas resta là dans son renfoncement, sonné et seul, il n'eut ni la force d'appeler au secours ni de se lever. Il regarda la guérisseuse en ses bras, celle qui avait sauvé tant d'hommes et que lui n'avait pas su sauver. Celle qu'il n'avait su protéger, était désormais morte. 

Après un long instant où il ne put la lâcher, une onde de choc secoua le sol, arrachant Legolas en son chagrin. Le corps de Jaheira se raidit. Sans comprendre, l'elfe remarqua que la béante plaie de la guérisseuse n'était plus et avait laissé place à une peau intacte, immaculée. L'elfe ne comprit pas. Il eut un mouvement de recul lorsque le corps de jeune femme se mit à luire. Dans les bras de l'elfe, elle s'alourdit et sa peau se transforma avant de reprendre son allure initiale. La lumière disparut, Legolas resta sans voix, incapable de bouger. Que venait-il de se passer ? 

Soudain, Jaheira ouvrit les yeux et se réveilla dans un grand râle, sous le regard médusé de Legolas qui crut à un maléfice. Elle toussa de toutes ses forces, déboussolée, se retrouvant par terre sur le sol en pierres froides d'un renfoncement sombre.

- Legolas ? S'étonna-t-elle. Que s'est-il passé ? Où sommes-nous ? 

Elle avait l'air complètement déboussolée et paniquée de surcroît. 

Legolas ne répondit pas et ne détacha pas les yeux de la jeune femme de peur que le mirage de son retour ne s'estompe. La vie venait bien de reprendre ses droits en elle. Il lui toucha le visage en silence, grandement décontenancé. Elle ne comprit pas son geste.

Pippin accourut dans la ruelle de la cité, et aperçut les deux elfes dans le recoin, il se jeta sur eux sans hésiter.

- Ils sont là ! Cria-t-il.

Le hobbit se jeta dans les bras de la jeune femme. Seul Legolas avait assisté au spectacle, si tant est qu'il est bien eu lieu. L'elfe accusait le coup, sentant sa tête défaillir. 

- Pippin ! S'exclama Jaheira en lui rendant son étreinte.

Legolas se releva sans dire un mot, il se reprit presque instantanément et aida Jaheira à se relever sans jamais détacher son regard d'elle. C'est à présent des cris de joie et des éclats de rires qui résonnaient dans toute la cité. Le combat était fini et l'heure était aux acclamations. Jaheira serra Pippin, laissant éclater sa joie. Elle regarda l'elfe, comme à son habitude muré dans le silence, sans vraiment comprendre comment ils étaient arrivés jusqu'ici. Celui-ci se montra encore plus froid qu'à son habitude.

- Est-ce que tout va bien ? Demanda la jeune femme à Legolas, alors que Pippin partit en courant retrouver Merry.

L'elfe resta silencieux, essayant de dissimuler son état de choc. Dans le ciel, le cor du Gondor résonna, et Jaheira sortit de leur impasse pour constater de la fin de la guerre, Legolas sur ses talons.

Les deux eurent juste le temps de rejoindre Aragorn qui s'entretenait avec les soldats fantômes, alignés en rangs avant de s'envoler au vent, libérés par leur nouveau commandant. 

En la voyant, Gimli accueillit Jaheira à bras ouverts :

- Quelle vile bataille ! Combien en avez-vous eu ?

Jaheira ne sut que répondre, elle était fort incapable de tous se les remémorer.

- Et vous maître elfe, quel sprint ! Dit-il en tapant l'épaule de l'elfe.

Jaheira l'interrogea du regard.

- Je finis à soixante-trois, maître nain, dit-il fièrement.

Gimli se renfrogna de cette défaite personnelle.

Aragorn salua à son tour Jaheira. Il crut la jeune femme mobilisée à l'infirmerie car elle était dépourvue d'armure, mais s'interrogea en constatant la tenue saccagée de la jeune femme et le sang qui tâchait ses vêtements. 

- Eowin ! Hurla-t-elle en apercevant Eomer qui soulevait délicatement le corps de sa cousine. 

Aragorn se précipita à son tour au chevet de la jeune femme.

Pippin retrouva Merry non loin de là, le hobbit avait le bras cassé et était visiblement en état de choc. Jaheira prit en charge le semi-homme avec douceur, qui eut juste le temps de raconter l'exploit d'Eowin avant de s'évanouir. Selon ses dires, elle avait éliminé un Nazgûl à elle seule. Le roi Theoden fut retrouvé sans vie près du cadavre du Nazgûl et de son cavalier, dont on ne retrouva qu'une sombre cape noire.

Jaheira chercha vite d'autres blessés à soigner, elle marchait encore dans un décor morbide quand Legolas s'approcha d'elle :

- Peut-être aimeriez-vous récupérer ceci, dit-il en lui tendant sa dague en mithril. 

La guérisseuse s'émeut de son geste : cette dague était précieuse pour elle au-delà de tout ce qu'elle possédait. Elle le remercia puis glissa la lame à sa place, dans sa botte. Elle croisa le regard de Legolas qui la dévisageait de nouveau.

- Legolas, qu'y-a-t'il ? Demanda-t-elle.

- Vous vous êtes bien battue...., expédia l'elfe avant de tourner les talons et de s'éloigner. 

                                                                                         ***

Une heure plus tard, Aragorn convoqua une assemblée exceptionnelle afin de partager ses plans d'attaque aux portes noirs du Mordor. Par allégeance au digne héritier du trône du Gondor, une belle quantité d'hommes encore vaillants le suivirent, dont Legolas, Gimli, Gandalf, Merry et Pippin. Jaheira suivit le mouvement, persuadée qu'elle pourrait être utile si les deux hobbits étaient retrouvés. Elle serait la seule à pouvoir les prendre en charge. Pour cette fois, à peine remise de ses émotions sur le front et surtout dévastée de fatigue, Jaheira préféra s'investir dans la recherche des hobbits plutôt que d'intervenir au front.

Lorsqu'elle récupéra ses affaires, le souvenir du Nazgûl la heurta de plein fouet et la douleur de sa chair se rappela physiquement à elle. Encaissant ce flou souvenir, elle croisa Legolas qui l'interrogea silencieusement du regard, toujours aussi inquiet de voir la jeune femme ainsi exposée. 

Se sentant redevable de sa constante vigilance la concernant, elle le rassura sur ses plans :

- Je serai avec Gandalf, nous irons chercher Frodon et Sam avec les aigles, dit-elle.

L'elfe ne réagit pas outre mesure mais eut un regard rassuré, il lui adressa un regard entendu et s'éloigna à nouveau sans dire un mot. L'elfe se saisit de ses armes à son tour et partit pour rejoindre les rangs.

- Commandant, l'interpella-t-elle.

Legolas se retourna.

- Si cela devait être notre dernière conversation, j'aimerais vous partager ma volonté quant à rejoindre les rangs du Mirkwood.

- Cela ne sera pas notre dernière conversation, assura Legolas avant de disposer d'elle.

Faute de réponse, Jaheira le salua d'un signe de tête poli et il partit sans se retourner. En son cœur, Jaheira savait qu'elle avait pris la bonne décision : elle se rangerait aux côtés du Mirkwood. Enfin claire sur son futur, Jaheira se concentra sur la bataille à venir : l'assistance aux victimes comptait peu et décida donc de se mettre à risque pour les deux hobbits, car son cœur ne pouvait se résigner à abandonner deux innocents seuls au Mordor, morts ou vifs : elle participerait activement à leur recherche en Mordor.

Alors qu'elle rejoignait le parvis de la cité, elle retrouva à son grand soulagement son épée ondulée, récupérée par un soldat sur le champ de bataille. L'homme qui lui rendit son épée s'inclina respectueusement, s'assura de son état après son "impressionnante chute" et s'attarda également sur la santé « de l'elfe ». Jaheira s'interrogera d'une telle question, et dût rejoindre Gandalf avant de pouvoir terminer la conversation. 

Elle trouva le magicien sur la façade Est de la cité, côtoyant les aigles de Manwë. La guérisseuse fut saisie par ce nouveau spectacle, elle qui n'avait jamais approché d'aigle de si près se sentit très honorée de pouvoir les chevaucher aujourd'hui. Elle leur caressa timidement le cou avant de grimper sur le dos de l'un d'eux. L'aigle décolla et elle mesura l'impressionnante puissance de leurs ailes lorsqu'ils s'envolèrent. Elle se plaqua solidement contre le corps de l'oiseau, cette soudaine hauteur lui rappela instantanément son envolée au-dessus de Pellenor et se rappela pêle-mêle du Nazgûl, de ses serres, de son armure et enfin, de sa chute depuis les airs. Était-ce vraiment arrivé ? Elle eut un vertige immense et se cramponna de toutes ses forces. Les aigles montèrent dans le ciel et la froideur de l'air eut raison des tourments de la jeune femme. L'infanterie au sol partit elle aussi vers le Mordor, où les attendait l'assaut final du Gondor, territoire des hommes, contre le Mordor, bastion de Sauron.

Jaheira se cacha sur le dos du volatile lorsque celui-ci passa outre les frontières du Mordor à la recherche des deux hobbits, tandis que l'armée d'Aragorn donnait l'assaut sur les portes noires pour faire diversion. Jaheira ne se sentit pas à l'aise mais fit fi du vertige, car son objectif était clair et leur fenêtre de tir plus que restreinte : retrouver Frodon et Sam dans ce désert maudit, détruire l'anneau maléfique de Sauron et rentrer le plus vite et le plus loin possible, sans jamais se retourner. 

Mais alors qu'elle était en vol, un violent séisme secoua le Mordor, perturbant même l'équilibre des aigles. La montagne de feu implosa en des milliers de fragments de pierres incandescentes. Son aigle vola avec agilité entre les projectiles flamboyants et Jaheira ferma les yeux pour se laisser porter droit vers la montagne, que Frodon et Sam devaient avoir perturbé d'une quelconque façon.

L'aigle se mit à basse altitude de sorte à pouvoir identifier les semi-hommes sur ces terres damnées. Jaheira tenta de distinguer quelque chose à travers l'épaisse couche de poussière noire qui se dégageait du sol, mais tout ce qui restait n'était que braises et pierres. Depuis le ciel, elle constata la désertion d'orques, de trolls et d'uruk-hai par centaines, fuyant le déluge de feu et de lave, abandonnant leurs postes et condamna leur absence de dignité. 

Gandalf et elle poursuivirent leurs recherches des heures durant, ils étaient désormais le dernier espoir des deux hobbits. Enfin, malgré la fumée et la poussière qui brûlait l'air, Gandalf apparut sur l'un des aigles et cria à Jaheira « Ils sont là ! ». Les aigles foncèrent alors récupérer les deux hobbits, réfugiés à flanc de montagne. Elle eut à peine le temps d'apercevoir les deux hommes que les aigles reprirent leur envol en direction de Fendeval, les portant des plus délicatement dans leurs serres loin de cet enfer.

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