Chapitre 2 : La Pupille
Haldir, anéanti, exténué et le cœur meurtri, arriva en territoire de Lórien après plusieurs jours. Il usa de multiple stratagème pour que sa trace ne soit pas retrouvée et ne stoppa sa course que pour de très courtes pauses.
Confus, Haldir retira le baluchon qu'il portait sur son dos et le posa délicatement à terre pour le découvrir. Le soldat écarta discrètement les linges et redécouvrit le bébé qui dormait là, âgé de quelques semaines à peine. Haldir se sentit une nouvelle fois abattu devant cette découverte. Qui était cet enfant ? Pourquoi Pallando le lui avait confié ? Il n'en avait aucune idée, mais ce nouveau-né demeurait tout comme lui un miraculé. L'enfant dormait, et le sommeil de celui-ci apaisait quelque peu l'homme brisé qu'il était. Haldir se reprit, il était presque en sécurité, il devait continuer son chemin pour enfin trouver le repos. L'elfe inspecta les environs d'un regard, cela faisait plusieurs siècles qu'il n'avait pas quitté Fangorn et il se sentait aujourd'hui perdu en ces terres qui étaient pourtant son chez lui. Où qu'il aille et quoi qu'il fasse, la peine qu'il ressentait lui écrasait le cœur et troublait ses sens.
Le soleil se couchait lorsqu'il arriva aux portes du royaume de la Lórien, où régnaient la dame Galadriel et son époux le seigneur Celeborn. Lorsque le capitaine se présenta aux frontières des terres, l'elfe apparu tellement épuisé par sa fuite que personne ne sut reconnaître le pourtant très réputé ancien capitaine de la garde de la Lórien, et l'entrée des lieux lui fut refusée. C'est après de longues négociations que dame Galadriel, qui cherchait désespérément à se consoler des récents événements, se déplaça en personne afin d'identifier son ancien garde aux portes du royaume. Elle-même eut du mal à reconnaître son ancien serviteur en ce personnage ravagé qui se présentait à elle et s'émeut lorsqu'il se rappela à leurs bons souvenirs communs. Elle accorda l'accès à son vieil ami et l'accueillit avec toute la douceur possible en sa maison. Celeborn les rejoint, très ému d'apprendre que le terrible événement comptait désormais un survivant.
Galadriel se remémora l'époque prospère et paisible où Haldir s'était porté volontaire pour quitter sa terre natale de Lórien et rejoindre les rangs de Fangorn afin de protéger les inestimables et très rares profils de soigneurs que comptaient la contrée. Haldir était devenu, grâce à son allégeance exemplaire et son sens du devoir infaillible, un membre important de la cité et avait vite été promu capitaine de la garde par la gardienne des lieux, la grande Gaïlind de Fangorn. Depuis ces temps lointains, il était le principal garant de la protection de Fangorn et le bienfaiteur des excellentes relations diplomatiques qui liaient les deux terres elfiques.
Le départ d'Haldir était si lointain qu'il semblait appartenir à une toute autre vie. Aujourd'hui, c'est Haldir qui avait besoin d'elle et elle serait là à ses côtés.
Le capitaine fut reçu en huis-clos pour préserver la confidentialité des conversations qui allaient suivre. Galadriel et Celeborn ménagèrent Haldir. Celui-ci, même bouleversé, s'attacha à l'étiquette et se courba devant sa dame, qui répondit avec un sourire délicat. Le capitaine fut invité à s'asseoir, mais il préféra rester debout par respect pour ses souverains. Il usa de sa dernière énergie pour tenir l'entretien.
- Vous avoir sain et sauf Haldir, est un soulagement immense pour nous tous, commença Celeborn.
- Qu'est-il arrivé ? Racontez-nous, demanda Galadriel.
Malgré son état de choc, Haldir s'efforça de se concentrer. Une fois seuls avec eux, minutieusement, il se saisit de son paquetage et prit délicatement le nourrisson dans ses bras, le révélant à Galadriel et Celeborn, plus que surpris.
- Qui est-ce ? Demanda dame Galadriel en prenant le bébé dans ses bras avec douceur.
Haldir n'en savait rien.
- Pallando me l'a confié... avant de mourir, balbutia-t-il.
Galadriel fut touchée par le tourment du capitaine et confia l'enfant à une servante. Haldir suivit du regard la jeune femme s'éloigner avec l'enfant. Tous deux avaient traversé une vraie épreuve et il s'était attaché à ce petit être qui l'avait, à sa façon, gardé accroché à la vie.
- Que s'est-il passé Haldir ? Racontez-nous.
- Nous avons été attaqués. Des orques, par centaines... Ils arboraient le signe du Mordor...Nous n'avons pas pu contrer l'embuscade... Les hommes, nos hommes étaient à l'Est pour venir en aide au Mirkwood.
L'homme refoula ses émotions. Rares étaient les elfes qui exprimaient publiquement leur chagrin ainsi, cela trahissait toute la violence du traumatisme qu'il avait subi.
- Comment vous êtes-vous échappé ? Y'a-t-il d'autres survivants ?
Haldir resta silencieux et regarda les deux elfes avec désolation. Puis il se ravisa à raconter toute l'histoire et répondit avec un air abattu et honteux :
- Nous avons été massacrés.... Guérisseurs, villageois, soldats, tous...
Haldir contient son émotion mais s'attacha à rester digne :
- Madame, j'ai failli en ma mission de protéger Fangorn et je vous demande votre humble pardon, je m'en remets à votre jugement, dit-il en s'agenouillant, désemparé.
- Haldir, relevez-vous, dit Galadriel en lui posant la main sur l'épaule, vous n'avez en aucun cas failli à votre devoir, nul n'aurait pu anticiper un tel évènement. Vous retrouvez ici, même en ces circonstances, est un grand honneur. Soyez le bienvenu chez vous mon ami.
Les yeux de Haldir trahirent son état de choc. Celeborn lui proposa de s'établir en Lórien où de confortables appartements lui seraient attribués, ainsi qu'un poste de capitaine de la garde royale du Royaume lorsqu'il serait prêt à reprendre l'uniforme. Fébrile, Haldir se courba de nouveau en guise de remerciements et préféra s'éclipser vers ses nouveaux appartements en silence et sans se retourner. Les deux elfes, bien que pressés d'entendre tous les détails de leur capitaine, laissèrent le rescapé se reposer avant de poursuivre son interrogatoire, qu'ils reportèrent au lendemain.
***
Après une nuit où il ne put trouver le sommeil, Haldir erra dans sa cité natale sans vraiment trouver le réconfort. Il était chez lui, mais ces lieux lui semblaient étrangers. Sa divagation l'emmena jusqu'à la nurserie, où il se mit en tête de retrouver le bébé qu'il lui avait été confié. Il s'approcha de l'unique berceau de la pièce et retrouva le petit être, le bébé fixa le capitaine de ses grands yeux bruns. L'homme apparut touché par ce tout-petit si inoffensif et le regarder lui apporta un certain apaisement, si le petit s'en était sorti, pourquoi pas lui ? Pourtant bien différents, tous deux avaient traversé la même épreuve. Qui était-il ? Était-il lié à Pallando le bleu ? Les oreilles de cet enfant trahissaient certes son appartenance à la race elfique, mais il ne ressemblait nullement au magicien : ses yeux étaient d'un brun profond quand son ami avait les yeux bleus. Les yeux bleu était un gêne dominant chez tous les elfes, leur filiation était donc impossible. Les parents de cet enfant devaient donc être des elfes et tous les deux avoir des yeux bruns.
Haldir réfléchit. Connaissant la proximité de Pallando et de Gaïlind, Haldir s'interrogea sur la filiation du bébé avec la grande gardienne. Mais Gaïlind était une ent qui ne pouvait enfanter, l'enfant n'était donc pas lié à elle non plus. Sans ses documents de naissance, il serait compliqué de retrouver ses parents, les nouveau-nés étaient nombreux à Fangorn, car de nombreuses familles venaient y donner naissance pour profiter des talents des guérisseurs. La question promettait d'être complexe.
Sous le charme, Haldir caressa la joue du bébé, dont la peau d'un blanc immaculé était d'une douceur infinie.
- Elle s'appelle Jaheira, dit une voix derrière lui.
Galadriel venait d'entrer dans la nurserie avec Celeborn.
- Nous avons retrouvé une médaille d'argent autour de son cou. Elle est née cet été, dit-elle en regardant la petite fille avec affection.
Haldir la regarda et lui découvrit des traits féminins.
- Nous devons retrouver ses parents..., dit Haldir.
Il resta silencieux un instant. Le capitaine avait un doute. Il restait en profond état de choc et n'était désormais plus sûr de ses dires. Galadriel devina son tourment et souleva délicatement la couverture de la petite afin de lui découvrir sa minuscule main, qui comportait un tout petit bandage. Depuis la découverte des guérisseurs, nés avec un don de naissance, tout nouveau-né se voyait désormais testé afin de peut-être déceler en eux le potentiel précieux pouvoir d'auto-guérison inné propre aux premiers elfes de Fangorn. Une microcoupure avait donc été réalisée sur la main de tous les bébés, si le bébé se guérissait seul, il était issu des premiers elfes et était promut à un avenir radieux à l'ombre des arbres de Fangorn. L'enfant avait encore un pansement, il n'avait donc pas de pouvoir d'auto-guérison et demeurait un elfe commun.
- Le roi Thrandhuil du Mirkwood est à Fangorn. Nous l'avons prévenu. Il nous dira si sa naissance a été renseignée dans les registres.
- S'ils n'étaient pas des guérisseurs, ses parents sont peut-être encore en vie, conclut Haldir avec espoir.
- Cette enfant est une battante..., dit Galadriel. Haldir, si vous êtes d'accord, elle restera en Lórien jusqu'à ce que nous retrouvions ses parents. Qui qu'ils soient.
Haldir acquiesça d'un signe de tête. Tous espérèrent que ses parents, peut-être des survivants de Fangorn, la retrouveraient promptement.
On attendit une année entière, durant lequel vinrent se relayer Haldir, Celeborn et Galadriel à son chevet, mais personne ne se présenta pour réclamer l'enfant. Bien que sensible à son destin et réellement attaché à elle, Haldir se sentit incapable de prendre cette enfant à sa charge, alors, Celeborn et Galadriel décidèrent d'accueillir la petite Jaheira en Lórien et la placèrent sous la protection exclusive de leur maison où elle bénéficierait d'éducation et d'affection.
On décida de séparer la petite du capitaine, pour leur propre protection à tous les deux, afin que leur passé commun ne soit pas associé. A sa propre demande, Haldir intégra la garde extérieure de la Lórien, loin de la cité. Jaheira quant à elle, intégra la cour en tant qu'orpheline de guerre, on la présenta comme une fille de militaire tombé au combat et fut proclamée pupille de dame Galadriel et de Celeborn. A cette occasion, elle fut officiellement rebaptisée comme toute orpheline qu'il se doit, par le nom du royaume qui l'accueillait et prit le nom de Jaheira de Lórien.
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